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Monastère des dominicaines de Saint-Mathieu de Tréviers, Jeudi Saint, 17 avril 2014 (

Jn 13, 1-15)

C'est ta face que je cherche Seigneur

montre moi ton visage.

Comme le psalmiste d'autrefois c'est toujours avec le même désir que nous cherchons à voir le

visage de Dieu. Or, depuis les jours du jardin d'Eden, c'est Dieu lui-même qui, avec inquiétude, souci et sollicitude, cherche à me voir.

Adam où est-tu ? (Gn 3, 8)

La révélation biblique toute entière est un écho à cette question des origines lorsque Dieu cherche inlassablement à rencontrer mon humanité.

Aujourd'hui,

c'est toujours Dieu qui en son fils Jésus cherche à me voir, à croiser mon regard et rejoindre

mon coeur. Et c'est dans cette sollicitude que Dieu dévoile son visage, son coeur et son être sauveur.

En effet,

selon toute la révélation biblique, le Seigneur ne nous offre pas d'autre chemin pour le voir que celui qu'il emprunte pour nous rejoindre, face à face, comme un ami parle à un ami. (Dt) Nul n'a plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.

Vous êtes mes amis,

si vous faîtes ce que je vous commande.

Je ne vous appelle plus serviteurs,

car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître.

Mais je vous appelle amis,

parce que tout ce que j'ai entendu de mon Père je vous l'ai fait connaître. (Jn 15, 15) Or pour me parler comme un ami parle à son ami, Dieu, en son fils Jésus, s'abaisse et se met à genoux.

Pour me parler comme un ami parle à son ami,

Dieu, non seulement se met à ma hauteur mais il emprunte aussi le chemin du serviteur. Oui, c'est un Dieu agenouillé que Jésus révèle en sa personne. Car l'Évangile de Jésus-Christ c'est Dieu lui-même, en compassion, agenouillé devant mon humanité.

Dieu agenouillé...

Cette parole suscite un soupçon de scandale.

Pourtant c'est bien ce que dit ou suggère les Évangiles.

C'est ce que dit l'Évangile selon saint Luc,

lorsqu'à Gethsémani Jésus fléchit les genoux pour prier et implorer son père. (Lc 22, 41)

Mais c'est aussi ce que suggère l'Évangile selon saint Jean, lorsque Jésus est à terre, à genoux, agenouillé devant l'homme et la femme, Pierre le disciple et la femme accusée d'adultère. (Jn 8, et Jn 13)

Dieu agenouillé.

C'est Jésus.

Le Christ qui demeure à terre devant la femme que la foule accuse d'adultère.

De même,

Dieu agenouillé.

c'est Jésus.

Le Christ qui, à la veille de sa passion, vient au-devant de Pierre le disciple et l'Apôtre pour

lui laver les pieds.

Dieu agenouillé.

C'est Jésus.

Le Christ qui scandalise non seulement les pharisiens mais aussi le disciple l'apôtre et tout un chacun. Or,

c'est dans ce geste d'humilité, de piété et d'humanité que Jésus offre à l'homme et à la femme

de naître d'en haut. Naître d'en haut lorsque Dieu se donne à reconnaître très bas.

Dieu agenouillé.

Cette image pourrait bien être celle d'un dieu réduit à l'esclavage.

Vous savez.

Ce dieu servile que j'asservi au gré de toutes mes faims, phantasmes et besoins, Ce dieu servile qui lorsqu'il est sensé manifester une absolue transcendance n'est guère plus que l'expression de mes désirs de toute puissance.

Ce dieu servile qui lorsqu'il est sensé combler ma solitude n'est guère plus que l'expression de

mon vide intérieur. Non, Dieu agenouillé n'est pas n'est pas l'image exsangue d'un objet soumis à nos totalitarismes psychiques, religieux et politiques. Car, loin d'être vidé de ce qui le fonde, Dieu agenouillé est un sujet souverainement libre. Oui, dans sa souveraine liberté et son élan créateur,

Dieu offre à l'humanité un avènement,

l'avènement de l'homme à l'image et à la ressemblance de Dieu qu'il eut été difficile de

concevoir ou même d'imaginer sans la manifestation de Jésus-Christ. Qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui ?

Le fils d'un homme pour tu en prennes souci (Ps )

Dieu agenouillé.

C'est Dieu,

qui dans son essence contredit tous nos archaïsmes religieux. Dieu,

qui dans le bouleversement de tout un ordre d'idées, d'idéaux et d'identités prêtées aux natures

humaines et divines nous offre une nouvelle naissance par sa propre naissance au monde. Dieu, qui dans la partage de notre condition rend hommage à une humanité infiniment plus grande que tous ses esclavages.

Dieu agenouillé.

C'est Jésus Christ,

selon l'hymne de saint Paul aux Philippiens.

Lui qui de condition divine

n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu.

Car il s'est dépouillé,

prenant la condition de serviteur

Devenu semblable aux hommes,

et reconnu comme un homme à son aspect il s'est abaissé. (Ph 2, 6-8)

Dieu agenouillé.

C'est Jésus,

le Christ qui, à la veille de sa Passion, vient au-devant de Pierre l'Apôtre pour lui laver les

pieds.

Dieu agenouillé.

C'est Jésus.

Le Christ qui scandalise l'apôtre.

Un hommes qui, nourri de rêves et de folles espérances à l'égard de son Seigneur, le Christ le

fils du Dieu vivant (Mt 16, 16), ne peut d'emblée consentir à un regard d'en bas.

Pour Pierre l'Apôtre,

qui depuis le jour de son appel a suivi son Seigneur, le Christ, le Fils du Dieu vivant, le geste de Jésus au Cénacle le met littéralement hors de lui.

C'était hier,

le jour de la Pâque...

Ce jour de passage, d'exode et de liberté où Jésus ayant aimé les siens qui sont dans le monde

les aima jusqu'à l'extrême.

Ce jour là, au cours du repas, Jésus se lève de table, dépose ses vêtements, et prend un linge

dont il se ceint Puis il verse de l'eau dans un bassin et commence à laver les pieds des disciples. (Jn 13, 1-4)

Pierre nourrit une certaine fierté.

Vous savez,

Pierre comme tout un chacun est homme fier.

Mais il est plus encore fier de son Seigneur,

Dès lors, il n'envisage pas un instant que ce dernier puisse s'abaisser, tel un vulgaire serviteur,

à lui laver les pieds.

Et, Pierre s'empresse de dissuader Jésus de s'abaisser devant lui. "Toi Seigneur, me laver les pieds. Non, jamais, tu me laveras pas les pieds". Pourtant Jésus demeure agenouillé devant Pierre. Pierre qui, confondu et bouleversé, se laisse humblement laver les pieds.

C'était le jour de la Pâques...

Le jour d'une nouvelle naissance quand Dieu se donne à reconnaître en fléchissant les genoux

devant notre humanité.

Pour Pierre qui connaît son propre coeur,

le geste de Jésus tient tout simplement du scandale.

Froissé dans ses espérances,

cet homme qui avec candeur et bienveillance met Dieu au dessus de tout, s'empresse vivement de détourner Jésus de son chemin.

A Césarée de Philippes,

comme au Cénacle, Pierre n'a jamais cessé de détourner Jésus de son chemin.

Froissé,

il ressemble étrangement à tous ceux et celles qui à force d'espérance s'interdisent de naître.

Naître,

de cette naissance qui au gré d'un passage, d'un exode et d'une infinie liberté, nous rend finalement à nous-même, au monde et à Dieu. Si Jésus s'agenouille humblement devant Pierre c'est pour le faire naître d'en-haut.

En vérité, en vérité je te le dis,

à moins de naître d'eau et d'Esprit,

nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né dans la chair est chair, ce qui est né de l'Esprit est esprit.

Ne t'étonne pas si je t'ai dit:

Il vous faut naître d'en haut.

Le vent souffle où il veut

et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit. (Jn 3, 5-8)

Jésus offre à Pierre et aux disciples une nouvelle naissance en les appelant à le reconnaître.

Non pas comme Maître et Seigneur

mais comme Serviteur du salut.

Voyez-vous,

En Jésus-Christ c'est Dieu qui fléchit les genoux, s'agenouille et s'abaisse.

Non pas au gré de notre volonté

mais par pure piété.

Et je ne dis pas pitié,

car Dieu manifeste une véritable piété envers notre humanité.

En effet,

Dieu ne nourrit pas seulement une douce pitié à l'égard de notre humanité.

La douce pitié ou cette miséricorde que Jésus ne cesse de manifester à ceux et celles qu'il

rencontrent sur son chemin. Car Dieu nourri une véritable piété à notre égard.

Une piété,

un respect de l'homme, une ferveur pour notre vie, qui surpasse tout ce que notre sentiment religieux peut imaginer ou même concevoir. Dieu agenouillé devant notre humanité pour l'appeler à naître d'en haut.quotesdbs_dbs14.pdfusesText_20