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FILOZOFICKÁ FAKULTA

L"Image de la femme dans

l"oeuvre de Baudelaire

Diplomová práce

Autor práce : Vedoucí diplomové práce :

Vendula Sochorcová prof. PhDr. Petr Kyloušek, CSc.

Brno 2006

2

Tímto prohlašuji, Že jsem

diplomovou práci vypracovala sama a Že jsem čerpala pouze z uvedenÞch pramenů.

V Brně dne..........

3

Na tomto místě bych ráda

poděkovala prof. Petru Kylouškovi za vedení a cenné rady, jeŽ mi při psaní diplomové práce poskytl. V. S. 4

Table des matières

I. La vie unanime - l"enfant et sa mère.............................................................................8

II. Mundus muliebris - le monde féminin de Baudelaire................................................13

II.I. Mère.....................................................................................................................14

II.II. La Vénus noire Jeanne Duval.............................................................................19

II.III. Marie - La femme aux yeux verts.....................................................................27

II.IV Madame Sabatier - La Vénus blanche...............................................................34

III. " L"Héautontimorouménos » - Misogynie, Ironie, Mélancolie et Sadisme..............44

IV. Image de la femme dans le monde baudelairien.......................................................56

IV.I. La femme olfactive.............................................................................................56

IV.II. Ange, Muse et Madone.....................................................................................62

IV.III. La Femme vampire - étrange féminin satanique.............................................69

IV. IV. La monstruosité de la femme.........................................................................78

IV.V. La dénaturalisation : immobilité et stérilité, l"art de l"artifice..........................85

IV.VI. Prostituée.........................................................................................................91

IV.VII. Lesbienne.......................................................................................................97

IV.VIII. Passante, Vieille femme et Veuve..............................................................101

IV.IX. Mort...............................................................................................................108

Conclusion

Ouvrages consultés.......................................................................................................117

5

Avant-propos

Par-delà des vagues de toits, j"aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j"ai refait l"histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en pleurant.

Charles Baudelaire, Fenêtres 1

L"art romantique a entourée la femme d"une adoration fervente et l"a

débarrassée de toute réalité. Il a crée plusieurs types de femmes. D"une part ce sont de

simples femmes-enfants, spontanées, fraîches et insouciantes qu"il faut protéger, de

l"autre des femmes maternelles, consolatrices, douces, tendres et confidentes; véritables mères, parfois soeurs à la limite de l"incestueux. Le vocabulaire amoureux de l"époque se charge de mysticisme: la femme devient un reflet du divin : Ange, Muse et Madone,

un intermédiaire entre la Nature et le poète. Mais les " mythes » dont la société entoure

la femme ne répondent pas du tout à la réalité. La femme est écartée de la voie publique,

professionnelle et politique, pour être enfermée dans le domaine familial ou mondain et est soumise à la loi de l"homme. Dans de telles conditions, l"idéalisation dont elle est l"objet apparaît comme une sorte de compensation. " On peut y voir, sans doute, la conséquence naturelle de la condition faite à la femme dans la France du demi siècle

précédent : la divinisation de l"épouse, sa 'désincarnation", le 'respect" (ou l"abandon)

où on la tient, tendent à créer deux mondes féminins distincts, presque sans aucune mesure commune de l"un à l"autre : celui des 'honnêtes femmes" et celui...des autres. »2 Dans cette beauté désidéalisée, dénudée par le regard destructeur de la masse, le corps de la femme est privé de son corps maternel et ne devient désirable que comme

inanimé, pétrifié ou monstrueux. Désormais la femme a perdu son aura, son ici et

maintenant religieux et cultuel, ainsi que son corps annonçant une beauté céleste. Cette

1 OC I, 399.

2 Grimal, Pierre, sous le direction de, Histoire mondiale de la femme, Sociétés moderne et contemporaines,

Nouvelle libraire de France, Besançon, 1966, p. 151-153. 6 perte de l"aura féminin concerne une sublimation de l"amour qui liait le Beau et le Vrai, faisant de la figure de la femme l"image de la Béatrice dans la Divine Comédie, la médiatrice d"un autre amour plus céleste, celui du paradis. C"est dans l"oeuvre de Baudelaire que surgit le nouveau statut des femmes des grandes villes, soumises à une certaine uniformisation des sexes due au travail et à l"urbanisation. Dans Le Peintre de la vie moderne il remarque la différence des sexes brutalement modifiés par l"industrialisation, le travail des femmes et l"émergence des féminismes et fait l"apologie d"une beauté moderne urbaine : maquillage, artifice, mode, etc. Dans ses observations, on peut déchiffrer l"angoisse du poète, son impuissance masculine face à la massification du corps féminin et sa tendance à immobiliser et pétrifier ce féminin fuyant, afin de le transformer en objet d"art sacré, en une image. Peu d"artistes ont, autant que Baudelaire, souligné la diversité de la femme et l"ont peint avec autant de précision. Belles passantes, mendiantes touchantes, négresses fascinantes et courtisanes avilies ont imprégné sa vie et sa poésie et rythment même l"une et l"autre. Dans le monde baudelairien la femme apparaît à la fois comme un être

divin et une créature du diable, elle est une réalité et un fantôme. Cette ambivalence est

à l"origine de toute la psychologie baudelairienne où la femme est à la fois " Enfer et Paradis ». Sa " Béatrice » est en somme une caricature de celle de Dante: elle symbolise la décadence du siècle et au lieu de l"amener au Paradis, elle l"amène en Enfer. C"est une sœur qui devient sa compagne pour cette descente périlleuse. Si nous jugeons nécessaire de consacrer cette étude à la Femme dans l"oeuvre de Baudelaire, c"est surtout parce qu"elle y occupe la première place. A l"écart des biographes qui ont donné une importance, certes démesurée aux femmes réelles de la vie de Baudelaire, cette étude se donne pour but d"étudier l"image de la femme dans l"oeuvre du poète. Dans cette oeuvre même, ce sont essentiellement Les Fleurs du Mal et les Petits Poèmes en prose sur lesquels nous nous focaliserons. Il est certain que la femme tient une place importante dans tous les écrits de Baudelaire et tout particulièrement dans Fusées et Mon coeur mis à nu, mais c"est avec le thème de l"image de la femme et celui des femmes, qu"est peut-être le plus large fossé qui sépare l"auteur des Journaux intimes de celui des oeuvres poétiques. Dans les 7 textes de dandy, et à la différence des poèmes, nous le verrons, Baudelaire traite celles- ci comme abominables, vulgaires, bestiales et cruelles, tandis que son " coeur » est " mis à nu » bien plus véridiquement dans son oeuvre poétique. Or, dans sa poésie, ce

" coeur » se révèle, par son déchirement profond et sincère, devant les vieilles

décrépites, les prostituées et les lesbiennes, celles qui, comme lui, étaient mises au ban

de la société, souffrant ainsi des sarcasmes et de la cruauté des hommes. L"ouvrage présenté se donne pour but de découvrir les types de la femme dans le monde baudelairien, et de les analyser afin de montrer comment chez Baudelaire la femme devient rêve et le rêve devient Femme. Les deux premières parties de cette étude interrogeront l"enfance du poète et esquisseront son mundus muliebris - monde des

femmes, dans lequel il se réfugie. Les parties suivantes réfléchiront sur certains

principes poétiques et esthétiques baudelairiens et montreront les aspects sous lesquels la femme apparaît dans son imaginaire. Pour finir, nous chercherons également à définir le rôle de la Femme dans les choix des images poétiques de Baudelaire. Une telle étude peut éclaircir un aspect de la psychologie baudelairienne et donner une nouvelle approche à l"oeuvre du poète. 8

I. La vie unanime - l"enfant et sa mère

Notre étude n"a pas pour objet de retracer la biographie complète de Baudelaire. Toutefois, si nous voulons comprendre son œuvre et notamment comment la notion du Mal s"est emparée de son âme et a fini par dominer son esthétique et comprendre aussi d"où provient sa quête éternelle de la femme, nous sommes obligés de remonter jusqu"à la naissance de sa personnalité, cela nous entraînant fort loin dans le passé. Dès la naissance, le poète se reconnaît enfant déshérité, destiné au malheur : " [...] Je crois que ma vie a été damné dès le commencement et qu"elle l"est pour toujours. »

3 Baudelaire est né le 9 avril 1821 et a été baptisé le 7 juin á Saint-Sulpice,

l"église du quartier. Le père, en signant le registre des baptêmes, se donne la qualité de

" peintre ». Il a en effet, un petit talent artistique comme le prouvent les gouaches qui

ont été conservées. Le personnage de son père était pour lui si important que Baudelaire

cherchera ses traces pendant toute sa vie. En 1857, il s"émeut de découvrir un de ses tableaux, en vente chez un brocanteur: " Mon père était un détestable artiste, mais toutes ces vieilleries-là ont une valeur morale. »

4 Apparemment la mère du poète ne

réservait pas à la mémoire de son premier époux la même dévotion que son fils. A la

naissance de celui-ci, elle avait vingt-huit ans tandis que son époux soixante-

deux. Baudelaire fait très rarement allusion à ce père mort très tôt, pourtant il l"inclut

une fois dans sa prière parmi ses " intercesseurs ». Faute de documents, il est impossible de rien induire sur leurs rapports ni de l"influence sur l"enfant, mais il se peut que

François Baudelaire, ait été le modèle du jeune poète. C"était bien lui qui avait appris à

son fils le goût des beaux objets, des tableaux. C"est dès 1852, dans l"étonnant essai L"Ecole païenne que Baudelaire évoque l"enfant dont les sens sont journellement

" caressés, irrités, effrayés, allumés et satisfaits par des objets d"art »5 François

Baudelaire avait lui-même une bonne bibliothèque. Le petit Charles grandit dans un milieu culturel, entouré des tableaux et des gouaches de son père. Il est probable que cette imprégnation a beaucoup compté dans l´orientation que prendra sa vie. De ses

3 CORR I, 303.

4 CORR I, 439.

5 OC II, 48.

9 toutes premières années le poète n"évoque pas que des images : " ENFANCE : vieux mobilier, Louis XVI, Antiques, Consulat, Pastels, Société 18 e. »6 Quand François Baudelaire meurt, le petit Charles a six ans. Mais la mère est là,

encore jeune, aimante, idéale et Charles l´a toute à lui. Elle s"établit avec son fils pour

deux mois dans la " petite maison » de Neuilly. Baudelaire se remémore ce temps avec

nostalgie: " Ah ça a été pour moi le bon temps des tendresses maternelles. Je te

demande pardon d"appeler ' bon temps" celui qui a sans doute été mauvais pour toi. »7. Ces deux phrases, de la lettre du 6 mai 1861, indiquent aussi clairement que possible - car la lettre constitue un aveu global - que l"enfant se réjouit de la mort du père, et laissent penser que, coupable de cette joie, il peut se faire coupable de cette mort. Mais le bon temps des tendresses maternelles a duré peu. Mme veuve Caroline Baudelaire a rencontré, au printemps de 1828, un certain commandant Jacques Aupick, chef de bataillon, bientôt colonel, de trente ans moins âgé que le mari qu"elle avait perdu. Le 17 octobre de la même année, elle l"épouse. Quand Caroline se remaria avec l"inconnu, Baudelaire se sent trahi comme un amant, de façon d"autant plus bouleversante qu"inattendue. Quelques semaines après, la nouvelle mariée avait dû

séjourner loin de chez elle, dans une " maison de santé » où le 2 décembre, elle

a accouché d´un enfant mort-né de sexe féminin. Baudelaire n´aura pas donc de petite

sœur, pas d´Electre pour Oreste. Dès le remariage de la mère, le petit Charles est obligé

de réviser l"image qu"il se faisait d"elle et son idée de l"amour, ou plus précisément de

la relation qu"il imaginait. On peut le comparer à un Hamlet et prendre cette tragédie de Shakespeare comme une des références majeures des Fleurs du Mal. La mère de

Hamlet, Gertrude, elle aussi s"était remariée très vite après son veuvage : " Une bête

aurait souffert plus longtemps » a dit Hamlet en méprisant cet acte de trahison amoureuse. De la même manière, Caroline deviendra aux yeux de son fils, une bête, une femme très banalement naturelle. Dans le poème " Bénédiction », la pièce initiale du Spleen et Idéal que Baudelaire a conçu comme une parodie de l"Ave Maria la mère du poète s"exprime en personne en s"adressant à Dieu :

6 OC I, 784.

7 CORR II, 153.

10 Puisque tu m"as choisie entre toutes les femmes / Pour être le dégoût de mon triste mari, /Et que je ne puis pas rejeter dans les flammes, / Comme un billet d"amour, ce monstre rabougri, /Je ferai rejaillir ta haine qui m"accable/ Sur l"instrument maudit de tes méchancetés, /Et je tordrai si bien cet arbre misérable, /Qu"il ne pourra pousser ses boutons empestés! 8 Ce " monstre rabougri », c"est l"enfant mutilé, privé du pouvoir d"assouvir la passion sans limite que Baudelaire avoue à sa mère qui se prostitue devant ses yeux à

Aupick. La " Bénédiction » est en fait une malédiction de la génitrice, jouant plutôt le

rôle de marâtre, dont la haine se tourne vers son propre enfant, ce qui est en soit

monstrueux. Ce dernier, rejeté par sa mère, est bien un " enfant déshérité » qui

" s"enivre de soleil ». La figure du soleil représente dans le monde baudelairien son père défunt. Sa présence se confirme d"autant plus lorsque l"on sait avec quelle attention Baudelaire arrangeait ses poèmes. Dans l"édition des Fleurs du Mal de 1857, le poème

"Bénédiction» est suivi de " Soleil » formant ainsi un diptyque contrasté : à la mère

blasphématoire était opposé le père nourricier. Quelques mois après la publication des Fleurs du Mal, le 11 janvier 1858, Baudelaire demande à sa mère de reconnaître le sens caché des deux poèmes: Vous n"avez donc pas remarqué qu"il y avait dans les Fleurs du Mal deux pièces vous concernant, ou du moins allusionnelles à des détails intimes de notre ancienne vie, de cette époque de veuvage qui m"a laissé de singuliers et de tristes souvenirs, - l"une : Je n"ai pas oublié, voisine de la ville...(Neuilly) et l"autre qui suit : La servante au grand

cœur dont vous étiez jalouse ...J"ai laissé ces pièces sans titre et sans indications

claires parce que j"ai horreur de prostituer les choses intimes de la famille.9 En effet, à l"automne de cette année 1828, Charles passait de plus en plus de temps avec la servante Mariette, qui travaillait pour Madame Baudelaire quand celle-ci allait devenir Madame Aupick. Par delà ce difficile couple de la mère et du fils, une autre femme se fit donc un devoir de "couver» cet orphelin qui cherchait l"amour. "Je n"ai pas oublié, voisine de la ville» que Baudelaire mentionne dans la lettre, nous donne l"image de l"enfant et de sa mère, réunis autour de la table. Au dessus d"eux, le soleil, un grand œil curieux, semble contempler leur "dîners longs et silencieux». Ce poème, ne trouve de sens que si l"on lit celui qui suit, on découvre alors la faute dont se sont rendus coupable la mère et le fils. Cette faute, c"est l"oubli de Mariette, "la servante

8 OC I, 7.

9 CORR I, 445.

11 au grand coeur», et du père défunt. En effet, dans Mon coeur mis à nu, XXV. Baudelaire prie Dieu : " Je vous recommande les âmes de mon père et de Mariette.»10 Les deux poèmes confrontent ainsi deux principes amoureux, éros et compassion,

et reflètent la tension psychique qui déchire Baudelaire Donc, au delà d"avoir été déchu

de son droit à l"amour maternel, il reproche à sa mère de l"avoir poussé à être complice

de cet oubli de commémorer les morts. D"où ce mélange de culpabilité et de haine, chacune alimentant l"autre, qui ravage cet orphelin éternel. Et ce mal être va continuer bien après la petite enfance. Interne au Collège Royal de Lyon, puis au Lycée Louis-le-Grand, il est sujet à de lourdes " mélancolies » et souffre cruellement de sa solitude. La nouvelle vie commence pour lui quand il arrive à Paris : vie libre et dangereuse, car elle l"expose à un conflit avec ses parents qui veulent le mener dans le droit chemin, celui qui conduit aux honneurs, alors qu"il ne pense qu"à l"art et à la poésie. Et comme la vie de bohème n"est pas sans danger, Baudelaire n"échappe pas aux maladies vénériennes. Dès novembre 1839, on constate une blennorragie. Charles se soigne grâce à des remèdes que lui prescrit un pharmacien, ami de son demi-frère Alphonse. L"affaire n"est pas divulguée. A ce problème personnel s"ajoutera un problème familial, mettant en cause

son choix de carrière littéraire auquel le général s"opposait fermement. Selon ce dernier,

seul un voyage disciplinaire pouvait sauver le jeune homme du " pavé glissant » de Paris. Le jeune homme embarquera, en juin 1841, à destination de Calcutta et ne retrouvera Paris qu"à la fin de février 1842. A sa majorité, Baudelaire reçoit l"héritage paternel mais en dépense une majorité très vite. La famille s"interpose, le conseil judiciaire le rend mineur devant la loi : il ne

peut plus disposer librement de l"argent, c"est-à-dire de la force du père. Il est frustré et

doublement orphelin, coupé du sein maternel et de l"héritage. Le 26 mars 1853,

" les doigts gelées » et avec ses " deux dernières bûches », il écrit à sa mère qui

séjourne à Madrid: " Pourquoi ne pas t"avoir écrit plus tôt, n"est-ce pas ?- mais tu ne connais pas la honte, toi. »

11 Il parle de la honte d"être obligé de lui écrire pour lui

10 OC I, 693.

11 CORR I, 211.

12 demander une aide financière. Il continue à faire des dettes et à harceler sa mère de demandes de secours, en multipliant les promesses. Ce manque d"argent est évidemment le symbole d"un autre manque dont la mère est tenue pour coupable. Toutes les lettres qu"il lui envoie sont pleines d"accusations contre lui-même qui se tournent contre elle, et dont l"unique motif est le cercle vicieux de l"oisiveté : " J"étais toujours vivant en toi, tu étais uniquement à moi... »

12 A sa fureur d"avoir été chassé de

ce foyer incestueux, se mêle le sentiment de la déchéance profonde : la mère reste pour lui une idole haïssable - mais une idole quand même. Exilé des bras maternels, le poète orphelin se met alors en quête de retrouver la femme unique qu"il va chercher pendant toute sa vie.

12 CORR II, 153.

13 II. Mundus muliebris - le monde féminin de Baudelaire Chacun a pu observer dans son enfance l"apparition bouleversante du soi, en tant que l"enfant on acquiert la conviction qu"on n"est pas n"importe qui :

En effet, les hommes qui ont été élevés par les femmes et parmi les femmes ne

ressemblent pas tout à fait aux autres hommes. [...] Le bercement des nourrices, les câlineries maternelles, les chatteries des soeurs, surtout des soeurs aînées, espèce de mères diminutives, transforment, pour ainsi dire, en la pétrissant, la pâte masculine. L"homme qui, dès le commencement, a été longtemps baigné dans la molle atmosphère de la femme, dans l"odeur de ses mains, de son sein, de ses genoux, de sa chevelure, de ses vêtements souples et flottants. Dulce balneum suavibus Unguentatum odoribus, y a contracté une délicatesse d"épiderme et une distinction d"accent, une

espèce d"androgynéité, sans lesquelles le génie le plus âpre et le plus viril reste,

relativement à la perfection dans l"art, un être incomplet. Enfin je veux dire que le goût précoce du monde féminin, mundi muliebris, de tout cet appareil ondoyant, scintillant et parfumé, fait les génies supérieurs. 13 Commentant ce passage des Paradis artificiels, Michel Butor est persuadé que

la féminité et supervirilité, bien loin de s"exclure, se lient et que " le mundus muliebris

est le théâtre nécessaire de l"apparition du génie. »

14 Plus les vêtements féminins seront

épais, plus décisive est la victoire du poète qui les déchire. Pour Butor, l"androgynéité

est une condition nécessaire pour être poète : " On comprend alors pourquoi la lesbienne devient le symbole même de l"apprenti poète, de celui qui n"a pas encore publié. La parution dévoilera cet homme supérieur caché sans un rôle et un rôle de femme. »

15 Or, Baudelaire affirme tout le contraire : Sans une espèce d"androgynéité,

même le génie le plus âpre, le plus viril, reste un être incomplet. Pour atteindre la perfection artistique, l"homme de génie doit s"enrober d"une féminité qui est un complément, non un obstacle. La féminisation du poète provoque une sorte d"hystérie. Dans l"essai de 1857 sur Flaubert et sa Madame Bovary, Baudelaire se montre jaloux de l"écrivain du droit de s"approprier Emma. Chez Emma, Baudelaire découvre l"archétype du poète hystérique, et ; à travers sa figure androgyne, il découvre sa propre hystérie: " Madame Bovary,

13 Paradis artificiels, OC I, 499.

14 Butor, Michel : Histoire extraordinaire, essai sur un rêve de Baudelaire, Paris, Gallimard, 1961, p. 79-

80

15 Ibid p. 86.

14 ce n"est pas vous, Flaubert, car Madame Bovary, c"est moi ! »16 Tout au long de son essai il mentionne les qualités viriles de Madame Bovary. Il va jusqu"au qualifier Emma de " bizarre androgyne »17 dans la mesure où son créateur, Flaubert, " n"a pas pu ne

pas infuser un sang viril dans les veines de sa créature ».18 L"hystérie du poète,

provoquée par son androgynéité est comme redoublée par cette autre découverte que la femme, en lui, est elle même déjà hystérique. On voit bien alors que chez l"enfant sensible, élevé par les femmes, l"anima prend le dessus sur l"animus. Baudelaire retrouve ainsi en lui des réflexes féminins et

devient à la fois instable et intuitif. Sa bisexualité constitue l"un des axes de son

esthétique. Il se sent femme lorsqu"il écrit, parce qu"il écrit. Ainsi s"explique qu"une voix féminine vienne parfois parasiter celle du poète, s"introduire dans son discours et lui souffler la parole. Dans les Paradis artificiels19, par exemple, " pour mieux faire comprendre » au lecteur " l"enfantement poétique » favorisé par le hachisch, Baudelaire lui raconte une de ses expériences par femme interposée, en laissant parler à sa place, pendant trois pages, " une femme un peu mûre, curieuse, d"un esprit excitable, et qui, ayant cédé à l"envie de faire connaissance avec le poison, décrit ainsi, pour une autre dame, la principale de ses visions ».

20 Baudelaire devient ainsi une femme qui parle aux

femmes. Si l"androgynéité du poète lui permet de dialoguer avec elles, elle lui permet aussi de le faire avec sa mère.

16 OC I, 78-86.

17 OC II, 81.

18 Ibid.

19 OC I, 421.

20 Ibid.

15

II.I. Mère

Toute la création artistique de Baudelaire est rattachée à l"expérience enfantine. Max Milner nous dit de chercher chez Baudelaire la présence de l"enfance " dans une certaine forme de contact avec le monde, dans la vibration nerveuse et l"allure spasmodique de sa sensibilité, dans la délicatesse féminine et la gourmandise sensuelle

avec lesquelles il se laisse pénétrer par les impressions les plus voluptueuses. »21

Baudelaire va trouver dans son passé une source vive d"images et de sentiments : " Qu"est ce que l"enfant aime si passionnément dans sa mère, dans sa bonne, dans sa soeur aînée ? Est-ce simplement l"être qui le nourrit, le peigne, le lave et le berce ? C"est aussi la caresse et la volupté sensuelle. Pour l"enfant, cette caresse s"exprime à l"insu de la femme, par toutes les grâces de la femme. Il aime donc sa mère, sa soeur, sa nourrice, pour le chatouillement agréable du satin et de la fourrure, pour le parfum de la gorge et des cheveux, pour les cliquetis des bijoux, pour les jeux des rubans etc. [...] Pour tout ce mundus muliebris commençant à la chemise et s"exprimant même par l"immobilier où la femme met l"empreinte de son sexe. » 22
Cette enfance douce et libre, Baudelaire n"a cessé de la regretter. Les souvenirs du ravissement subsisteront chez lui comme un cordon jamais tranché. Le retour du poète au giron maternel, l"enveloppement dans l"odeur du mundus muliebris, " dans la molle atmosphère de la femme », ainsi que sa propre disposition androgyne, deviendront les bases de sa poétique. L"art sera son remède douloureux et efficace, mais aussi son refuge ultime où il pourra se soustraire à l"impitoyable asymétrie des sexes et restaurer une harmonie perdue. Il existe un seul lien qui pourrait commémorer cette époque heureuse - la Mère. Même à distance, Baudelaire lui adresse toutes ses idées : " Ma pensée est toujours dirigée vers toi. Je te vois dans ta chambre ou ton salon. [...] Et puis, je revois toute une

21 Milner, Max : Baudelaire, enfer ou ciel, qu"importe ! , La recherche de l"absolu, Plon, Paris, 1967, p.

20.

22 CORR II, 30.

16

enfance passée auprès de toi [...]. » 23 Le poète a sûrement aimée sa mère comme une

femme plus encore que comme une mère. C"est la première femme dans sa vie. Déjà, petit garçon, il prend un plaisir particulier à sa toilette comme l"amant à celle de sa maîtresse : " Le goût précoce des femmes. Je confondais l"odeur de la fourrure avec l"odeur de la femme. Enfant, j"aimais ma mère pour son élégance. »

24 Il l"aime,

autrement dit, pour son apparence : c"est le culte de l"image. Le boudoir maternel deviendra le sanctuaire d"une mystique adoration dont elle sera la divinité. Privé de la qualité de l"amour qu"il cherche Baudelaire se tourne vers le passé qui donne au présent sa signification, son poids. Par le jeu de l"imagination et du rêve, il essaie de retrouver les moments heureux et insouciants de sa petite enfance. Si on lit

" Balcon », on voit qu"il est consacré à la mère, substrat du tout féminin dont

l"inspiratrice devient la gardienne, la protectrice du passé, celle par qui le retour à

l"enfance est rendu possible : Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses, /O toi, tous mes plaisirs ! O toi, tous mes devoirs ! Tu te rappelleras la beauté des caresses, /La douceur du foyer et le charme des soirs, /[...]. / Que ton sein m"était doux! que ton coeur m"était bon!/ [...]/ En me penchant vers toi, reine des adorées, /Je croyais respirer le parfum de ton sang/ [...]. / Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles, /Et je buvais ton souffle, ô douceur! ô poison! /Et tes pieds s"endormaient dans mes mains fraternelles. /La nuit s"épaississait ainsi qu"une cloison. /Je sais l"art d"évoquer les minutes heureuses, /Et revis mon passé blotti dans tes genoux/ Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses /Ailleurs qu"en ton cher corps et qu"en ton coeur si doux? / Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis/ [...]. 25
Cette brutale confrontation du passé et du présent est imposée par le parfum reconnu, par une réminiscence qui donne à Baudelaire accès au monde de l"enfance. Par l"intermédiaire de la mémoire, tout ce qui est absent se fait présent. En évoquant " les minutes heureuses, [...] ces serments, ces parfums, ces baisers infinis », Baudelaire peint ici une rêverie d"avant la connaissance du Mal. Le rythme mélodieux donne à chaque strophe une structure très particulière, quasi circulaire où viennent se bercer les souvenirs. C"est la magie du souvenir de la Femme, qui les fait naître. La connotation érotique de ces vers est évidente. Blotti auprès des genoux, enseveli dans les jupons, respirant l"odeur du sexe, Baudelaire cherche à rentrer dans la mère idéale.

23 CORR II, 553-554.

24 OC I, 661.

25 OC I, 36-37.

17 Si elle éveille les souvenirs et fait naître les désirs, cette femme est aussi à l"origine de bien des souffrances. La blessure qu"elle a ouverte dans le coeur du poète va saigner pendant toute sa vie et provoquera chez lui des tendances sadiques. " Je t"aime de tout mon coeur, tu ne l"as jamais su. Il y a entre toi et moi cettequotesdbs_dbs22.pdfusesText_28