Poetes com > Textes à télécharger ROMANCES SANS PAROLES par PAUL VERLAINE ARIETTES OUBLIÉES I Le vent dans la plaine Suspend son haleine
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parPAUL VERLAINE
ARIETTES OUBLIÉES
ILe vent dans la plaine
Suspend son haleine.
(Favart)C'est l'extase langoureuse,
C'est la fatigue amoureuse,
C'est tous les frissons des bois
Parmi l'étreinte des brises,
C'est, vers les ramures grises,
Le choeur des petites voix.
O le frêle et frais murmure !
Cela gazouille et susurre,
Cela ressemble au cri doux
Que l'herbe agitée expire...
Tu dirais, sous l'eau qui vire,
Le roulis sourd des cailloux.
2 Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante
C'est la nôtre, n'est-ce pas ?
La mienne, dis, et la tienne,
Dont s'exhale l'humble antienne
Par ce tiède soir, tout bas ?
IIJe devine, à travers un murmure,
Le contour subtil des voix anciennes
Et dans les lueurs musiciennes,
Amour pâle, une aurore future !
Et mon âme et mon coeur en délires
Ne sont plus qu'une espèce d'oeil double
Où tremblote à travers un jour trouble
L'ariette, hélas ! de toutes lyres !
O mourir de cette mort seulette
Que s'en vont, - cher amour qui t'épeures,
Balançant jeunes et vieilles heures !
O mourir de cette escarpolette !
IIIIl pleut doucement sur la ville
(Arthur Rimbaud)Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?
3 O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s'ennuie
O le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.
C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine !
IVDe la douceur, de la douceur, de la douceur.
(Inconnu)Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses:
De cette façon nous serons bien heureuses
Et si notre vie a des instants moroses
Du moins nous serons, n'est-ce pas ? deux pleureuses. O que nous mêlions, âmes soeurs que nous sommes,A nos voeux confus la douceur puérile
De cheminer loin des femmes et des hommes,
Dans le frais oubli de ce qui nous exile !
Soyons deux enfants, soyons deux jeunes filles
Éprises de rien et de tout étonnées
Qui s'en vont pâlir sous les chastes charmillesSans même savoir qu'elles sont pardonnées.
4 VSon joyeux, importun, d'un clavecin sonore.
(Pétrus Borel)Le piano que baise une main frêle
Luit dans le soir rose et gris vaguement,
Tandis qu'avec un très léger bruit d'aile
Un air bien vieux, bien faible et bien charmant
Rôde discret, épeuré quasiment,
Par le boudoir longtemps parfumé d'Elle.
Qu'est-ce que c'est que ce berceau soudain
Qui lentement dorlote mon pauvre être ?
Que voudrais-tu de moi, doux Chant badin ?
Qu'as-tu voulu, fin refrain incertain
Qui vas tantôt mourir vers la fenêtre
Ouverte un peu sur le petit jardin ?
VIC'est le chien de Jean de Nivelle
Qui mord sous l'oeil même du Guet !
Le chat de la mère Michel,
François-les-bas-bleus s'en égaie.
La Lune à l'écrivain public
Dispense sa lumière obscure
Où Médor avec Angélique
Verdissent sur le pauvre mur.
5 Et voici venir La Ramée
Sacrant, en bon soldat du Roy
Sous son habit blanc mal famé
Son coeur ne se tient pas de joie:
Car la Boulangère... - Elle ? - Oui dam !
Bernant Lustucru son vieil homme
A tantôt couronné sa flamme...
Enfants, Dominus vobiscum !
Place ! En sa longue robe bleue
Toute en satin qui fait frou-frou,
C'est une impure palsambleu !
Dans sa chaise qu'il faut qu'on loue,
Fût-on philosophe ou grigou,
Car tant d'or s'y relève en bosse
Que ce luxe insolent bafoue
Tout le papier de Monsieur Los !
Arrière robin crotté ! place,
Petit courtaud, petit abbé,
Petit poète jamais las
De la rime non attrapée !...
Voici que la nuit vraie arrive...
Cependant jamais fatigué
D'être inattentif et naïf
François-les-bas-bleus s'en égaie.
6 VIIO triste, triste était mon âme
A cause, à cause d'une femme
Je ne me suis pas consolé
Bien que mon coeur s'en soit allé,
Bien que mon coeur, bien que mon âme
Eussent fui loin de cette femme.
Je ne me suis pas consolé,
Bien que mon coeur s'en soit allé.
Et mon coeur, mon coeur trop sensible
Dit à mon âme: Est-il possible,
Est-il possible, - le fût-il -
Ce fier exil, ce triste exil ?
Mon âme dit à mon coeur: Sais-je
Moi-même que nous veut ce piège
D'être présents bien qu'exilés,
Encore que loin en allés ?
7 VIIIDans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.
Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Comme des nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.
Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?
Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.
8 IXLe rossignol qui du haut d'une
branche se regarde dedans, croit être tombé dans la rivière. Il est au sommet d'un chêne et toutefois il a peur de se noyer. (Cyrano de Bergerac)L'ombre des arbres dans la rivière embrumée
Meurt comme de la fumée
Tandis qu'en l'air, parmi les ramures réelles,
Se plaignent les tourterelles.
Combien, ô voyageur, ce paysage blême
Te mira blême toi-même,
Et que tristes pleuraient dans les hautes feuilléesTes espérances noyées !
Mai, juin 72.
Mai, juin 72.Mai, juin 72.Mai, juin 72.
9PAYSAGES BELGES
"Conquestes du Roy» (Vieilles Estampes)WALCOURT
Briques et tuiles
O les charmants
Petits asiles
Pour les amants !
Houblons et vignes,
Feuilles et fleurs,
Tentes insignes
Des francs buveurs !
Guinguettes claires,
Bières, clameurs,
Servantes chères
A tous fumeurs !
Gares prochaines,
Gais chemins grands...
Quelles aubaines,
Bons juifs-errants !
Juillet 72.
Juillet 72.Juillet 72.Juillet 72.
10CHARLEROI
Dans l'herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.
Quoi donc se sent ?
L'avoine siffle.
Un buisson gifle
L'oeil au passant.
Plutôt des bouges
Que des maisons.
Quels horizons
De forges rouges !
On sent donc quoi ?
Des gares tonnent,
Les yeux s'étonnent,
Où Charleroi ?
Parfums sinistres !
Qu'est-ce que c'est ?
Quoi bruissait
Comme des sistres ?
Sites brutaux !
Oh ! votre haleine,
Sueur humaine
Cris des métaux !
11 Dans l'herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.
BRUXELLES
SIMPLES FRESQUES
ILa fuite est verdâtre et rose
Des collines et des rampes
Dans un demi-jour de lampes
Qui vient brouiller toute chose.
L'or, sur les humbles abîmes
Tout doucement s'ensanglante.
Des petits arbres sans cimes
Où quelque oiseau faible chante.
Triste à peine tant s'effacent
Ces apparences d'automne,
Toutes mes langueurs rêvassent,
Que berce l'air monotone.
12 IIL'allée est sans fin
Sous le ciel, divin
D'être pâle ainsi:
Sais-tu qu'on serait
Bien sous le secret
De ces arbres-ci ?
Des messieurs bien mis,
Sans nul doute amis
Des Royers-Collards,
Vont vers le château:
J'estimerais beau
D'être ces vieillards.
Le château, tout blanc
Avec, à son flanc,
Le soleil couché,
Les champs à l'entour:
Oh ! que notre amour
N'est-il là niché !
Estaminet du Jeune Renard, août 72.
Estaminet du Jeune Renard, août 72.Estaminet du Jeune Renard, août 72.Estaminet du Jeune Renard, août 72.
13BRUXELLES
CHEVAUX DE BOIS
Par saint Gille,
Viens-nous-en,
Mon agile
Alezan !
(V. Hugo)Tournez, tournez, bons chevaux de bois,
Tournez cent tours, tournez mille tours,
Tournez souvent et tournez toujours
Tournez, tournez au son des hautbois.
Le gros soldat, la plus grosse bonne
Sont sur vos dos comme dans leur chambre,
Car en ce jour au bois de la Cambre
Les maîtres sont tous deux en personne.
Tournez, tournez, chevaux de leur coeur,
Tandis qu'autour de tous vos tournois
Clignote l'oeil du filou sournois
Tournez au son du piston vainqueur.
C'est ravissant comme ça vous soûle
D'aller ainsi dans ce cirque bête:
Bien dans le ventre et mal dans la tête,
Du mal en masse et du bien en foule.
Tournez, tournez sans qu'il soit besoin
D'user jamais de nuls éperons
Pour commander à vos galops ronds,
Tournez, tournez, sans espoir de foin
14 Et dépêchez, chevaux de leur âme:
Déjà voici que la nuit qui tombe
Va réunir pigeon et colombe
Loin de la foire et loin de madame.
Tournez, tournez ! le ciel en velours
D'astres en or se vêt lentement.
Voici partir l'amante et l'amant.
Tournez au son joyeux des tambours !
Champ de foire de Saint
Champ de foire de SaintChamp de foire de SaintChamp de foire de Saint----Gilles, août 72.Gilles, août 72.Gilles, août 72.Gilles, août 72.