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LES AVIS
DU CONSEIL
ÉCONOMIQUE,
SOCIAL ET
ENVIRONNEMENTAL
Sécuriser
les parcours d'insertion des jeunes (avis de suite)Antoine Dulin
Mars 2015
2015-08
NOR? : CESL1100008X
Mardi 7 avril 2015
JOURNAL OFFICIEL
DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Mandature 2010-2015 - Séance du 25 mars 2015
Question dont le Conseil économique, social et environnemental a été saisi par décision de son
bureau en date du 12 novembre 2014 en application de l'article?3 de l'ordonnance n o ?58-1360 du 29?décembre?1958 modi?ée portant loi organique relative au Conseil économique, social etenvironnemental. Le bureau a con?é à la section des a?aires sociales et de la santé, la préparation
d'un avis de suite intitulé?: Sécuriser les parcours d'insertion des jeunes. La section des aaires sociales
et de la santé présidée par M. François Fondard, a désigné M. Antoine Dulin comme rapporteur.
Le Bureau, au cours de sa réunion du 27 janvier 2015 a également donné son accord à descontributions des sections du travail et de l'emploi sur le thème de l'emploi des jeunes, d'une part, et
de l'aménagement durable des territoires sur le thème du logement autonome des jeunes, d'autre part. Ces contributions sont en annexe du présent projet d'avis.SÉCURISER LES PARCOURS D"INSERTION DES JEUNES
(Avis de suite) Avis du Conseil économique, social et environnemental présenté parM. Antoine Dulin, rapporteur,
au nom de la section des a?aires sociales et de la santéSÉCURISER LES PARCOURS D'INSERTION
DES JEUNES
Avis de suite de l'avis
Droits formels/droits réels :
améliorer le recours aux droits sociaux des jeunes (juin 2012)Sommaire
Avis ___________________________________________7
Introduction
7La situation des jeunes en France au regard
du bilan des préconisations du précedent avis 8La crise a dégradé l'insertion sociale
et professionnelle des jeunes déjà préoccupante 8Des situations hétérogènes
et des jeunes de plus en plus précarisés 8Dans le contexte de crise, une poursuite
de la dégradation des conditions de vie des jeunes 10La mise en uvre des recommandations
du CESE est inégale 15 Rappel des recommandations du précédent avis et des grandes orientations retenues 15 Des avancées en matière de concertation et de dialogue 16Un parcours d'insertion sociale et
professionnelle des jeunes toujours en pointillé 18 En améliorant le taux de couverture sanitaire 18 En sécurisant le parcours en matière de logement 19Un millefeuille de dispositifs
qui n'est pas remis en cause, bien au contraire 20 Un accès à certains droits et dispositifs facilités mais avec un impact limité 21Sécuriser les parcours d'insertion sociale
et professionnelle des jeunes dans la vie active 25Garantir à chaque jeune un accompagnement
dans son parcours vers la vie active 26Pérenniser la Garantie jeunes an d'en faire un droit 26
Systématiser le contrat jeune majeur
pour les jeunes con?és à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) 28Pour un accès des jeunes à de nouveaux droits 30 Le nancement des mesures d'insertion des jeunes 32 Étendre le champ de la protection sociale individuelle des jeunes et garantir l'e?ectivité de l'accès à ces droits 32
En matière de santé 32
En matière de logement 36
Pour une politique de jeunesse concertée
et lutter contre le non-recours 38Réduire le non-recours aux droits 38
La coordination des politiques jeunesse 41
Conclusion
43Déclaration des groupes _______________________ 44 Scrutin ______________________________________ 62
Annexes ___________________________________64
Annexe n° 1:
contribution présentée au nom de la section de l'aménagement durable des territoires par Claire Guichet, rapporteure __________________________64Annexe n° 2:
contribution présentée au nom de la section du travail et de l'emploi _____________________68 Annexe n° 3: la Garantie jeunes _____________________________________74Annexe n° 4:
déplacement de la section des aaires sociales et de la santé à la mission locale de Bobigny _______________75Annexe n° 5:
les dispositifs de revenu minimum pour les jeunes en Europe ______________________________76Annexe n° 6:
l'expérience de la LOR'Jeunes: mobiliser les acteurs publics et associatifs du territoire pour la jeunesse ________________78Annexe n° 7:
composition de la section des a?aires sociales et de la santé ________________________79 Annexe n° 8: liste des personnalités auditionnées ______________________81 Annexe n° 9: glossaire _____________________________________________84 Annexe n° 10: liste des sigles _______________________________________87 Annexe n° 11: liste bibliographique _________________________________89 Annexe n° 12: taux de chômage selon le diplôme et l'âge _______________91Annexe n° 13:
enchevêtrement des dispositifs _________________________ 92 Annexe n° 14: dispositifs et droits ouverts aux jeunes entre 18 et 25 ans ___93 Annexe n° 15 : des chires alarmants _________________________________ 94 SÉCURISER LES PARCOURS D'INSERTION DES JEUNES 7SÉCURISER LES PARCOURS D'INSERTION
DES JEUNES
1 AvisIntroduction
Ce projet d'avis permet de dresser un premier bilan des recommandations de l'avis votéen assemblée plénière le 19 juin 2012 et d'y associer celui des travaux de la section du travail
(avis sur l"emploi des jeunes (2012) et de la section de l'aménagement durable des territoires (avis sur le logement autonome des jeunes (2013). La jeunesse, entendue comme la période entre la ?n de la scolarité obligatoire à 16 anset l'entrée dans la vie active tend à s'allonger et à devenir moins linéaire. Désormais, pour la
majorité des jeunes, l'entrée dans la stabilité de l'âge adulte, caractérisée par un logement
indépendant, l'achèvement des études et l'accès à un emploi durable se situe, entre 23 et
29 ans. Le CESE a principalement retenu la tranche d'âge de 18 à 25 ans, sans s'interdire de
recourir à des données relatives à une tranche d'âge plus large, de 16 ans à 29 ans, lorsque
les statistiques retiennent ces bornes d'âge. Cette population, encore peu étudiée, réinterroge notre système de protection sociale.La jeunesse est un nouvel âge de la vie, comme le CESE l'a déjà montré dans l'étude sur
la stratégie d"investissement social, (Bruno Palier, février 2014). En eet, notre système de
protection sociale a été fondé sur trois âges: l'enfance accompagnée via des aides directes
aux familles, la prise en charge par la PMI et celle de la couverture assurance maladie, le travail avec la sécurisation des parcours professionnels, en partie via l'assurance chômage,et en?n la retraite. Il ne s'est adapté qu'à la marge à la démocratisation de l'enseignement
supérieur dans les années 1980 et aux dicultés de plus en plus importantes d'insertion sociale (accès au logement, accès aux soins, accès aux ressources...) et professionnelle. A la notion de sécurité sociale proprement dite qui couvre les risques maladie, famille,vieillesse..., notre assemblée a préféré la notion plus large de "droits sociaux », incluant
l'accès au logement décent, aux soins et à la santé, à une formation quali?ante, à un emploi
stable, et aux aides permettant une conciliation de la vie familiale et professionnelle. Pour le CESE, l'amélioration de l'accès des jeunes aux droits sociaux doit constituer l'un des axes d'une politique publique beaucoup plus ambitieuse d'insertion des jeunes dans la société, qui ne doit pas être perçue comme une charge, mais bien comme un investissementdans le présent et l'avenir de notre société. De la même façon qu'en 2007 notre assemblée
rendait un avis sur la sécurisation des parcours professionnels pour les personnes en emploi ou en recherche d'emploi, nous proposons aujourd'hui une sécurisation des parcours d'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Chaque jeune est en e?et amené à vivre un parcours qui va le conduire progressivement à l'acquisition de l'autonomie, parcours qui sera di?érent en fonction de la situation du jeune (en formation, en emploi, ni l'un ni l'autre, béné?ciant ou non d'un soutien familial). Au cours de ce parcours les ruptures qui peuvent se produire sont peu ou mal accompagnées par les politiques publiques qu'il s'agisse de la1 L'ensemble du projet d'avis a été adopté au scrutin public par 117 voix pour et 42 abstentions
(voir l'ensemble du scrutin en annexe).8 AVIS DE SUITE DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
?n de la scolarité obligatoire, de l'entrée en formation initiale, de la décohabitation, ou de la
succession de statuts précaires.La situation des jeunes en France au regard
du bilan des préconisations du précedent avisL'avis droits formels/droits réels : améliorer le recours aux droits sociaux des jeunes, présenté
par M. Antoine Dulin, au nom de la section des a?aires sociales et de la santé en juin 2012, dressait le constat d'une jeunesse hétérogène, de plus en plus précarisée.La crise a dégradé l'insertion sociale
et professionnelle des jeunes déjà préoccupanteDes situations hétérogènes
et des jeunes de plus en plus précarisés Les parcours des jeunes sont très divers et hétérogènes mais la situation de certains jeunes est particulièrement préoccupante sur trois plans: Un nombre trop important de jeunes ne sont ni à l'école, ni en formation, ni en emploi Le nombre de jeunes de 15 à 29 ans ni en études, ni en formation, ni en emploi, désignés dans les pays anglo-saxons sous l'acronyme "Neet» " not in education, employment or training », reste mal connu. En dépit des dicultés d'évaluation, on estimait en 2013 le nombre de jeunes dans cette situation en France dans une fourchette de 1,9 million 2à 1,58 million
3 Trois éléments contribuent à expliquer cette situation : -un nombre très élevé de jeunes qui quittent le système éducatif sans diplôme, environ 135 000 à 140 000 jeunes en moyenne chaque année (statistiques du ministère de l'Éducation nationale). Leur nombre atteint désormais900000jeunes
4 -le niveau de formation qui cache de réelles disparitésdans la fourchette d'âge15-29 ans ;
-un faible taux d'emploi des jeunes. Il s'établit à 30% pour les 15-24 ans, soit un niveau deux fois plus faible qu'au Danemark, 1,5 fois plus faible qu'au Royaume-Uni, aux États-Unis ou en Allemagne 5L'insertion dicile dans l'emploi
-Trois ans après sa sortie du système éducatif, un jeune actif sur cinq est toujours en recherche d'emploi. Leurs conditions d'emploi se précarisent, seuls quatre jeunes en emploi sur 10 sont en contrat à durée indéterminée 62 L'emploi des jeunes peu quali?és en France, Notes du Conseil d'analyse économique, n° 4, avril 2013.
3 Fondation Alphaomega sur la base de données Eurostat.
4 Notes CAE précitée.
5 Note CAE précitée.
6 CEREQ, enquête 2013 auprès de la Génération 2010, n° 319, mars 2014.
SÉCURISER LES PARCOURS D'INSERTION DES JEUNES 9 -une entrée dans l'emploi très souvent marquée par une succession de stages etd'emplois précaires (intérimaires, contrats à durée déterminée, contrats aidés du
public et du privé...).34,1% des 15-29 ans ont un emploi précaire, soit 1,7 million de jeunes sur les 4,9 millions
d'actifs de cet âge. 4,5 % exercent un emploi temporaire (intérim) - contre 1,7 % des actifsde 30 à 49 ans - 18,5 % sont en contrat à durée déterminée soit dans le privé, soit dans
le public, contre 5,5 % des 30-49 ans. Faute de recueil de données sur les stages, seulesdes estimations sont disponibles. Le collectif " Génération précaire » évaluait le nombre
de stages à 1,5 million en 2011, contre 800 000 en 2006. La loi n° 2014-788 du 10 juillet2014 tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut
de stagiaire tente cependant de répondre à cette croissance exponentielle. Pour autant les stages sont aussi reconnus - par les jeunes, les établissements et les entreprises - comme un moyen ecace pour mettre les jeunes en situation réelle au regard de la formation suivie (et ainsi pour con?rmer ou in?rmer un choix d'orientation) mais aussi pour justi?er d'une expérience valorisante dans un curriculum vitae. -un taux de chômage élevé des jeunes de 18-24 ans. L'avis du CESE sur l'emploi des jeunes, notait que la crise a accentué la surexposition des jeunes au chômage. Pour la France, Eurostat enregistre 6990000 jeunes âgés de moins de 25 ans au chômage en janvier 2015, soit un taux de 24,9%. Ils étaient 659000 en janvier2014, soit un taux de 23,8%. Un taux de chômage contenu notamment par la mise en place
de 150000 emplois d'avenir (emplois aidés de 1 à 3 ans destinés aux jeunes de 16 à 25ans et ?nancés à 75% du montant du SMIC par l'État). Le taux de chômage des 15-25 ans est plus élevé dans les territoires ultramarins qu'en métropole : il est de 27% en Nouvelle- Calédonie, et dépasse 40% (soit plus du double de la moyenne métropolitaine) en Guyane,en Polynésie française, à La Réunion, en Guadeloupe et en Martinique, pour culminer à 55 %
à Mayotte
7 . Le taux de chômage atteint 45% des jeunes actifs de 15 à 25 ans résidents dans les zones urbaines sensibles en 2012 8 Tableau n° 1: le taux de chômage des 15-29 ans: en pourcentageSans aucun diplômeou CEP37, 8
Avec un diplôme national du brevet28,6
Avec un CAP ou niveau équivalent21,9
Avec un bac ou brevet professionnel17,3
Avec bac + 210,5
Avec un diplôme du supérieur10,2
Source: Observatoire des inégalités, données Insee 2013, publication mars 2015. -Le chômage élevé entraîne un déclassement important des jeunes diplômés. Ce sont ainsi 30% des jeunes salariés qui sont surquali?és pour leur emploi 9 -une augmentation du nombre de jeunes qui créent leur propre emploi. Ainsi, les auto-entrepreneurs sont plus jeunes que l'ensemble des actifs: 42% des créateurs7 Avis du CESE sur Le dé? de l"insertion professionnelle et sociale des jeunes ultramarins, 2015.
8 Observatoire national des zones urbaines sensibles, rapport 2013.
9 Alternatives Économiques Poche n° 059, janvier 2013.
10 AVIS DE SUITE DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
d'auto-entreprises ont entre 20 et 34 ans (33% pour l'ensemble de la population active). La classe d'âge la plus fréquente est celle des 25 à 29 ans (17 %). Toutefois, la situation des auto entrepreneurs n'est pas homogène. Une population étudiante également confrontée à des dicultés Les étudiants représentent 38% des 18-25 ans (6,3 millions), le nombre total d'étudiantsen France à la dernière rentrée étant de 2,3 millions. Plus d'un étudiant sur deux se déclare
en diculté ?nancière en 2013, et 25% jugent ces dicultés "importantes» ou "trèsimportantes». Dans le même ordre de grandeur, plus de la moitié des étudiants jugent leur
situation économique comme problématique : seuls 43% d'entre eux déclarent qu'ils ont assez d'argent pour couvrir leurs besoins mensuels. En moyenne, les revenus issus de l'emploi (29%) et les aides de la famille (30%) sont majoritaires au sein des budgets étudiants. Lesaides publiques viennent ensuite, et constituent un quart des ressources déclarées. Les prêts
étudiants, avec une part de seulement 1%, restent ultra-minoritaires dans les budgets des étudiants français comparativement à d'autres pays.Dans le contexte de crise, une poursuite
de la dégradation des conditions de vie des jeunes Près d'un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Selon l'Insee, en 2012, le taux de pauvreté monétaire des jeunes femmes de 18 à 29 ans est de 20,5 %, et de 18,7 % pour les hommes. (à 60% du revenu médian) et connait une augmentation régulière (il était respectivement de 17,9 pour les femmes et 15,4 pour les hommes en 2008). En 2012, le niveau de vie médian de la population a atteint 19740 euros annuels, soit une baisse de 1 % en euros constants par rapport à 2011. Le seuil de pauvreté monétaire s'établit à 987 euros mensuels. Graphique 1: Le taux de pauvreté de 1996 à 2012Source: Insee
SÉCURISER LES PARCOURS D'INSERTION DES JEUNES 11 En conséquence en 2012, 7 % des jeunes déclarent subir des privations matérielles sévères dans leur vie quotidienne (Eurostat) et près de 7% voient leurs besoins de soins de santé non satisfaits (ce taux atteint 10,5% pour les plus pauvres). La moitié des étudiants cumulent des études et un travail d'appoint pour subvenir à leurs besoins pendant la période des cours (20 % sont au moins à mi-temps, 28 % à temps plein) 10 . Or, selon les statistiques fournies par l'Observatoire de la vie étudiante (OVE), tout étudiant qui travaille plus de 16 heures par semaine, voit diminuer son taux de réussite aux examens (en moyenne de 38% contre 55,8% pour ceux qui travaillent moins de 16 heures).13% des étudiants déclarent avoir renoncé à des soins pour des raisons ?nancières. Ils sont
près de 20% à avoir renoncé à des soins entre 23 et 25 ans 11 Les jeunes sont également fortement impactés par la crise du logement. En 2012, les18-29 ans représentaient un quart des 141000 personnes sans domicile en France. Leur
situation d'exclusion continue de s'aggraver comme le note le rapport de la FondationAbbé Pierre de février 2015. Par ailleurs, les dicultés d'insertion que rencontrent les jeunes
constituent des freins à leur décohabitation. 55% des jeunes hommes et 36% des jeunes femmes sortis du système éducatif en 2007 continuaient d'habiter chez leurs parents en