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Texte 1
L'innovation : un nouveau mythe
de la création ? " Think diffférent » : " Penser diffférent ». La campagne publicitaire lancée par Apple en 1997 a marqué les esprits. On y voit déifiler une galerie de portraits - Albert Einstein, Mohandas Gandhi, Martin Luther King, Thomas Edison, John Lennon - et pour ifinir la fameuse " pomme » d'Apple avec son slogan " Think diffférent ». Inutile de montrer Steve Jobs : tout le monde a compris qu'il fait partie de la prestigieuse lignée. Cette publicité concentre tout un imaginaire de l'innovation - presque un " mythe de création » - organisé autour de quelques idées fortes, simples et eiÌifiÌicaces. Le génie solitaire : les innovateurs sont des personnages hors du commun, des génies, distincts du reste des mortels. La pensée divergente : les génies suivent leur propre route en dehors des sentiers balisés. Ils " pensent diffférent ». La rupture : les vraies innovations, scientiifiques, techniques, sociales, culturelles sont révolutionnaires. Elles rompent avec l'ordre des choses et changent le monde. Après le smartphone, on ne reviendra plus au téléphone à ifil. Après l'ampoule, on ne revient pas la bougie. Après Einstein, on ne peut plus penser le monde comme avant. Le succès : l'innovation ifinit par payer. Les innovateurs sont ifinalement récompensés. Ils sont devenus des héros et ont connu la gloire, le succès et parfois la richesse (comme S. Jobs ou Bill Gates) pour avoir apporté le progrès à tous. Dernier élément du mythe : l'innovation, c'est le progrès. Edison a apporté la lumière dans les foyers. S. Jobs a inventé l'ordinateur pour tous. Ils ont fait faire un bond à l'humanité. Ce mythe fondateur a plusieurs attraits. Il offfre d'abord un bon modèle pour penser. Ce modèle est celui de l'entrepreneur - innovateur, comme S. Jobs ou Edison, promu par Joseph Schumpeter. L'entrepreneur innovateur, capitaine d'industrie, fer de lance des révolutions industrielles, est de la trempe des Edison, Henri Ford, B. Gates ou S. Jobs, qui sont l'équivalent dans le monde industriel des Isaac Newton et Albert Einstein dans le domaine scientiifique, ou des Mozart et Picasso dans le domaine des arts. Le modèle des génies créatifs a sa version en psychologie de la créativité avec l'idée de " pensée divergente ». Innover c'est " penser autrement », casser les codes et changer de paradigme. Ce mythe du génie créatif a un autre avantage : mobilisateur, il suscite l'enthousiasme et encourage les vocations. Il fait rêver et penser. Que demander de plus ? Sauf que comme tous les mythes, il est largement illusoire...
Le mythe du héros solitaire
Le mythe S. Jobs dessine le portrait d'un capitaine d'industrie marginal et visionnaire, créateur d'une série de produits révolutionnaires : Macintosh, iPod, iPhone, iPad. On en viendrait à oublier la présence de Steve Wozniak à ses côtés et également que S. Jobs a " puisé » la plupart des innovations qui ont fait le succès du premier Macintosh - interface graphique, menus déroulants, souris - au Xerox Parc où ces inventions avaient été mises au point par d'autres que lui, avant lui, et dans un tout autre cadre que celui de " l'innovation de garage » qui fait partie de la légende dorée. Le mythe de la création de l'ordinateur personnel repose aussi sur une autre idée clé : l'innovation est née d'un mariage entre une nouvelle technique high-tech et une culture révolutionnaire et démocratique. L'ordinateur pour tous. Les dirigeants d'IBM qui travaillaient pour les administrations et les entreprises n'avaient jamais songé que l'ordinateur pouvait être mis à la portée de tous. Mais cette belle légende de la contre-culture populaire et démocratique opposée aux élites résiste mal à l'histoire. Dans les années 1970, les projets d'ordinateur personnel sont dans l'air du temps. Au même moment, les ifirmes Commodore, Tandy, Olivetti, Hewlett-Packard (HP) mènent la course pour créer des microordinateurs destinés à un grand public. En
1973, trois ans avant la création d'Apple, le Français François Gernelle a
même conçu et mis sur le marché un premier microordinateur : le Micral. Le héros solitaire S. Jobs n'en est pas un. Autour de lui, tout un peloton de concurrents cherche à atteindre un même but. Chacun avait sa stratégie et sa voie d'évolution. La plupart des grandes innovations de l'histoire ont d'ailleurs connu des phénomènes similaires de découvertes simultanées qui remettent en cause l'idée du génie solitaire et visionnaire qui suit son chemin en dehors des sentiers battus. Edison était en concurrence avec les Américains William Sawyer et Albon Man et le Britannique Joseph Swan pour la réalisation de la première ampoule électrique à incandescence. Finalement, ils ont décidé de s'associer pour se partager le gâteau. Edison était en concurrence avec l'Allemand Émile Berliner ou le Français Charles Cros et quelques autres lors de l'invention du phonographe. Les constructeurs automobiles étaient quelques dizaines en France au début du 20e siècle. Il en était de même pour l'invention du cinéma ou des premiers avions. Toute l'histoire des sciences et des techniques met en évidence l'importance des tendances évolutives, des bouillons de culture, des myriades d'initiatives parallèles, des interactions qui font que les grandes innovations ne naissent pas ex nihilo du cerveau d'un héros isolé, mais prennent racine dans certains lieux, milieux et époques : c'est en général là que germent les génies.
La big technology
Le mythe de la création du génie solitaire, en focalisant l'attention sur une seule tête pensante, masque un autre modèle d'innovation. Lorsque S. Jobs lance l'iPod, l'iPhone, l'iPad, lors de ses célèbres grands-messes médiatiques (les keynotes), il ne fait plus partie de ces innovateurs de garage des années 1970. Il est désormais, comme Edison avant lui, un général d'armée à la tête d'une société avec des centaines d'ingénieurs. C'est un leader qui lance des idées, mais surtout qui impulse, sélectionne, assemble et rachète des innovations. Ce processus de création " par le haut » fournit un autre modèle d'innovation. Celui de la " big technology » qui exige des budgets considérables, une concentration de moyens, de savoir-faire considérable. Même s'il tient dans la poche, le smartphone relève du même modèle d'innovation que celui exigé pour la construction d'un avion, d'un train ou d'une automobile. Le mythe du génie semble bien correspondre à la création des " big ifive » (Google, Apple, Amazon, Facebook, Microsoft). On peut aisément associer un créateur à un produit ou à une réussite commerciale exceptionnelle (B. Gates et Microsoft, Mark Zuckerberg et Facebook, Larry Page et Google...). Mais qu'en est-il si l'on prend Wikipédia comme exemple emblématique ? Pour quelle raison une encyclopédie gratuite, collaborative, anonyme et utilisée par tous est-elle rarement citée au rang des grandes innovations du début du 21e siècle. Wikipédia est une création collective, sans visage emblématique, sans capital coté en Bourse, sans business plan, elle offfre pourtant une tout autre image de l'innovation qui pourrait faire l'objet d'un autre mythe de la création.
Qu'est-ce qu'une innovation ?
Dans les cours d'économie, dès le lycée, on apprend qu'il existe trois grands types d'innovation : technologique, de produit et de procédé. Depuis peu, le manuel d'Oslo en a ajouté une quatrième, l'innovation commerciale. Tous les sociologues savent qu'il faut distinguer l'invention de l'innovation. L'invention est le moment de la conception d'un nouveau produit. On parle d'innovation quand l'invention a réussi à s'imposer et à se propager dans le corps social. Pour une innovation, combien d'inventions resteront dans les limbes ? Ces distinctions devenues canoniques ont l'inconvénient de focaliser l'innovation sur un domaine : l'économie et la technologie. Et d'en écarter bien d'autres : • Les innovations sociales : le mariage pour tous, la colocation, les Amap sont aussi des innovations sociales et institutionnelles. Comme ce fut le cas, en leur temps, pour les coopératives, les syndicats, les partis, les soviets, la société par action, le football, les maifias, les villes franches, les sectes, les empires. • Les innovations culturelles : le roman graphique ou Wikipédia, le street art ou les moocs. Comme en son temps, le sonnet, le théâtre ou le roman policier. Il faudrait parler aussi des innovations culinaires, linguistiques. De nouveaux plats et de nouveaux mots lfleurissent aussi chaque jour... La Reine rouge et la course folle à l'innovation En 1974, Leigh Van Valen a proposé une loi d'évolution des espèces fondée sur la coévolution entre deux espèces. Dans la savane africaine, les antilopes les plus rapides s'en sortent le mieux. Pour survivre, il faut courir vite. Mais il en va de même pour les prédateurs : les plus rapides peuvent capturer leur proie. Au ifil du temps, les proies et les prédateurs sont de plus en plus rapides pour un résultat toujours identique. Ce phénomène de coévolution fait songer à la Reine rouge d'Alice au pays des merveilles. Quand Alice demande pourquoi " nous courons vite et le paysage autour de nous ne change pas ? », la Reine rouge répond : " Nous courons pour rester à la même place. » En 1974, le biologiste a appelé Reine rouge ce processus de course aux armements que l'on observe fréquemment dans la nature : par exemple, les chauves-souris utilisent l'écholocalisation pour détecter les papillons de nuit. Mais ceux-ci ont appris à brouiller le son en émettant des sons parasites. Ce phénomène s'observe aussi dans le domaine de l'innovation technologique : un bon exemple est celui de la course aux armements entre missiles et antimissiles. Tout comme la production de virus et d'antivirus informatiques de plus en plus sophistiqués. Ce processus infernal existe dans les compétitions entre entreprises. La compétition acharnée entre Samsung (Galaxy) et Apple (iPhone) a pris l'allure d'une course efffrénée où il s'agit moins de rendre des services au client mais de proposer des produits nouveaux de plus en plus rapidement. Depuis l'apparition du premier iPhone en 2007, un nouvel iPhone apparaît pratiquement tous les ans (l'iPhone 6 a été commercialisé en 2014). Innover ou périr : telle est la course folle de l'innovation contemporaine, où il faut aller de plus en plus vite simplement pour tenir son rang. Pour le philosophe et historien des sciences Michel Blay, ce syndrome dequotesdbs_dbs2.pdfusesText_2