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Nº 1
Trimensuel
Juin-Août 2016
La revue des étudiants du Master d'Études Médiévales Interdisciplinaires de Strasbourg 3
Après de longs mois d'attente,
voici la revue destinée à ap- porter un élan de nouveauté
à notre vision du Moyen-Âge.
Ici, tous les propos sont ceux
de leurs auteurs respectifs. Ici, on pense, on analyse, on débat, on écrit. Puis on écrit encore, car le travail de chercheur en herbe n'est pas de tout repos.
Je parle de nouveauté , car
comme vous le verrez dans l'entrevue avec Guillaume Fir- tion, étudiant en 2ème année du MEMI, la recherche dans le domaine du Moyen-Âge se permet de toucher à tout. C'est un point repris par Adrian Salinas Duchemin dans la partie intitulée "ré- ?exions», dans laquelle un étudiant est invité à ré?é- chir et à exprimer sa pensée sur le domaine de la re- cherche, le Moyen-Âge ou tout ce qui l'intéresse qui ait un rapport avec le MEMI. La revue ne serait pas com- plète sans des articles recherchés, qui ont fait preuve d'une réelle envie pédagogique. Dans ces articles, trois sujets bien distincts expliqués de façon abordable, pour que votre voisin assis dans le tram puisse éga- lement comprendre les procès faits aux animaux au XIIIème siècle (Manon Picquart), qu'il comprenne l'une des nombreuses facettes de l'art médiéval (Laurie Zachayus), ou pour qu'il visite l'exposition médiévale au musée de Bologne (Francesco Gelati). Créer une revue pour le MEMI qui donne la voix aux étudiants, nous en avons rêvé, nous l'avons fait.
Tea de Rougemont
ÉDITO
SOMMAIRE
JUIN-AOÛT. NUMÉRO 1.
Entrevues,
Isabel Irribaren et Guillaume Firtion
Page 4
Voyage aux Univers du Moyen Âge
Page 6
Bologne,
entre la vie et la mort, entre Moyen
Âge et Époque Moderne
Page 9
Les procès faits aux animaux
Page 12
Ambrogio Lorenzetti
ou la naissance du panorama urbain
Page 16
Mon rapport de stage
Page 21
Intermèdes est un revue faite par des étudiants universitaires à des ?ns académiques et sans but lucratif.
La revue Intermèdes ainsi que le master d'Études médiévales Interdisciplinaires ne se fait pas respon-
sable du contenu des articles parus dans ce numéro.
Contact: intermedesmemi@gmail.com
Rédacteurs en chefs: Tea de Rougemont, Adrian Salinas-Duchemin.
Mise en page: Adrian Salinas-Duchemin.
Rédacteurs: Francesco Gelati, Manon Piquart, Laurie Zachayus.
Remerciements: Nous remercions tous les enseignants du master qui ont soutenu cette idée, Isabel Irri-
baren qui a proposé de mener cette aventure à bon port, tous nos amis étudiants du master qui ont bien
voulu écrire pour nous et qui ont fait de cette idée une réalité, ainsi que notre correcteur. Nous remercions
également Masashi Suzuki et ses conseils pour améliorer la revue ainsi que son insistance pour ne pas
lâcher le projet, et également Amélie Dumeniaud pour ses bonnes recommandations sur quelques aspects
de mise en page et de couleurs. À tous ceux qui ont participé de près ou de loin.
En Couverture: Boy reading de Norman Rockwell.
Couverture pour le Saturday Evening.
© 1923 SEPS: Licensed by Curtis Publishing, Indpls,
IN. All rights reserved.
4
1. D'où est né votre intérêt pour le moyen-âge?
Quand je faisais ma Licence en philosophie, je suivais un séminaire d'Histoire de la philosophie médiévale qui m'a passionnée. Depuis, j'ai voulu poursuivre des études en histoire intellectuelle du Moyen Âge. M'in- téressait surtout l'idée qui animait les scolastiques, de reconstruire le savoir jadis perdu à la Chute. Histoire du savoir et histoire du salut étaient étroitement liées.
2. Quels sont les principaux sujets de recherche
auxquels vous vous intéressez? Mon domaine de recherche est l'Historie intellectuelle du Moyen Âge, surtout les controverses théologiques/ doctrinales du XIIIe au XVe siècle, les pratiques du sa- voir, l'interaction entre la papauté et les théologiens en matière de doctrine, et la spiritualité du XVe siècle, notamment la ?gure de Jean Gerson.
3. Comment voyez-vous le domaine de la recherche
médiévale? Le MEMI est-il un moyen dynamiser cette recherche? Comme c'est généralement le cas dans les Sciences hu- maines et sociales, la tendance dans les études médié- vales est d'aller vers une interdisciplinarité croissante. En e?et, l'hyper-spécialisation ne favorise guère une vision globale de la société médiévale. Le regard croisé des disciplines diverses est donc une très bonne idée, ce qui est au centre de la démarche du MEMI!
4. Avez-vous observé une évolution dans les thé-
matiques de recherche dans le domaine du Moyen- Âge? (Étudiants ou collègues) Dans mon expérience personnelle, l'interdisciplinarité a favorisé des co-di- rections de mémoire, et on voit le plus souvent des
Isabelle Irribaren
Maître de conférences en histoire de l'Église médiévale et histoire de la philosophie mé- diévale.
Responsable du Master d'Études Médié-
vales Interdisciplinaires. sujets qui combinent une expertise en histoire de l'art avec des compétences en histoire de la doctrine ou de la théologie.
5. Avez-vous des sujets de recherche sur lesquels
vous aimeriez voir des étudiants se pencher un peu plus?
Oui! La notion du "dominium» de l'homme sur la
nature au Moyen Âge reste à explorer, en lien avec le modèle d'une Église pauvre mis en avant par les spirituels Franciscains au XIVe siècle. Un autre sujet prometteur serait l'analyse du "Traité sur les contrats» (De contractibus) que Jean Gerson rédige au XVe siècle à la demande des Chartreux, et qui présente un témoin très intéressant d'une évolution dans l'attitude de l'Église face à certaines pratiques économiques. En?n, il serait intéressant de faire une analyse pointue de la transmission des apocryphes chez les compila- teurs dominicains du XIIIe siècle, comme Vincent de
Beauvais.
Nous avons fait le choix de présenter à chaque numéro d'Intermèdes deux membres du master. Un enseignant et un étudiant nous soumettront ainsi leur avis sur la formation dispensée ou reçue. Dans ce numéro, nous accueillons Isabel Irribaren, directrice du master, et Guillaume Firtion, étudiant en M2.
ENTREVUES
5
1. D'où est né votre intérêt pour le moyen-âge?
Je ne me suis jamais vraiment posé la question. Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été attiré par cette pé- riode. Ce n'est pas la seule bien sûr, au cours de mon cursus universitaire j'ai pu en étudier d'autres, comme l'Antiquité romaine ou encore l'histoire moderne, qui m'ont également beaucoup intéressé, mais le Moyen Âge restait l'époque que j'a?ectionnais le plus. J'ai " découvert » cette époque par le biais de divers clichés, au travers de ?lms, bandes-dessinées, etc. comme beau- coup de monde, et ça m'a tellement plu que j'ai voulu en savoir plus. C'est comme ça que j'ai ?ni par me retrouver à la faculté des sciences historiques, pour y étudier le Moyen Âge, ce qui ne m'empêche pas de toujours autant apprécier les oeuvres de ?ction qui touchent à cette période, bien au contraire.
2. Quels sont les principaux sujets de recherche auxquels
vous vous intéressez? Les séminaires proposés en master m'ont amené à m'inté- resser aux communautés monastiques, en particulier les cisterciens. Dans le cadre de mon mémoire, j'ai commencé à travailler sur les divers con?its qui pouvaient éclater dans les monastères, et au fur et à mesure de mes recherches, j'en suis arrivé à me pencher plus précisément sur le sujet des moines fugitifs. Je m'intéresse donc à cette catégorie de moines, pendant les XIIe et XIIIe siècles, et en particulier
à la législation qui les caractérise.
Au-delà de ça, je crois que dans l'absolu, tout m'intéresse. J'aime beaucoup explorer de nouveaux horizons, c'est pourquoi j'ai choisi ce master, qui m'a permis d'assister à des séminaires aussi bien en histoire, qu'en archéologie ou en théologie, ce qui permet d'avoir une perspective di?é- rente du Moyen Âge.
3. Comment voyez-vous le domaine de la recherche mé-
diévale? Le MEMI est-il un moyen de dynamiser cette recherche? En tant qu'étudiant, on a une vision, à mon avis, assez distincte de celle que peuvent avoir les enseignants-cher- cheurs, qui eux sont plongés au coeur de la recherche, et y participent activement. Nous sommes seulement en formation, a?n pour certains, de devenir professionnels et continuer dans la recherche,
Guillaume Firtion
Étudiant en M2 Master d'Études Médiévales Interdisciplinaires. Il travaille sur les fugitifs dans l'ordre Cistercien du XIIe au XIIIe siècle. et le MEMI permet justement d'avoir un bon aperçu de ce milieu. En particulier en cette année universitaire 2015-
2016, puisqu'on a eu l'occasion d'entamer la préparation
d'un colloque, à laquelle nous devions tous participer a?n d'enrichir le projet. En dehors de ça, il y a bien sûr les di- verses conférences qui sont proposées aussi bien aux ensei- gnants qu'aux étudiants, et je pense que le MEMI est même amené à se dynamiser encore davantage. Des projets sont régulièrement montés, des participations avec d'autres uni- versités ont déjà eu lieu et d'autres sont à venir, et en tant qu'étudiants nous avons été sollicités a?n de donner notre opinion sur les choses à améliorer au sein du master, ce qui ne pourra être que béné?que.
4. Avez-vous observé une évolution dans les thématiques
de recherche dans le domaine du Moyen-Âge? Comme je l'ai dit un peu plus tôt, j'ai la vision d'un étu- diant, qui a pu assister à diverses conférences, colloques, etc. mais qui reste tout à fait débutant dans ce domaine. Evidemment, j'ai pu constater des changements, à titre d'exemple, on peut citer des projets de mise en ligne de do- cuments médiévaux, qui impacteront forcément tous les chercheurs dans quelques années, car permettant un accès grandement facilité à des milliers de textes. De manière plus personnelle, on est confronté, de la li- cence au master, à faire de plus en plus de recherches, et on voit donc forcément par nous-même des avan- cées d'un auteur à l'autre, et d'une époque à l'autre. Nos enseignants nous forment également à voir quelles études peuvent être considérées comme obsolètes au- jourd'hui, et à comprendre pourquoi elles le sont. De manière plus générale, je crains honnêtement de n'avoir pas encore assez de recul et d'expérience pour répondre plus précisément à cette question. Il faudra me reposer la question dans dix, quinze, vingt ans !
5. Avez-vous des sujets de recherche sur lesquels vous ai-
meriez voir des étudiants se pencher un peu plus? Personnellement, pas vraiment. En fait, l'un des grands avantages du MEMI, c'est de toucher à beaucoup de disci- plines, et du coup de permettre des intéractions, qui seraient plus compliquées si l'on sortait de ce cadre. Les étudiants ont tous des projets très di?érents, qu'ils peuvent choisir de manière libre, ce qui est l'une des forces de notre cursus. Lorsque nous décrivons nos sujets de recherche entre nous, on voit qu'ils sont tous variés, on a même des mémoires sur le jeu vidéo, ce qui constitue un domaine assez neuf, et qui mènera assurément à des recherches intéressantes dans le futur. Ce n'est bien sûr qu'un exemple, mais de mon point de vue d'étudiant, les choses sont en bonne voie, et elles le resteront tant que les étudiants béné?cieront d'une certaine liberté dans leurs choix, et qu'ils pourront les par- tager entre eux et avec leurs enseignants, pour faire avancer la recherche sur le Moyen Âge sous divers aspects.
Propos recueillis par
Tea de Rougemont
6
Voyage aux Univers du
Moyen-Âge
Réflexion
Parlez du Moyen Âge aux personnes en dehors de notre cursus académique d'Histoire, et demandez-leur ce qu'ils entendent par cela. Selon leur culture générale ils vous ré- pondront di?éremment. Les jeunes générations (et pas seu- lement) auront directement à l'esprit la très populaire série Games of ?rones bien qu'elle soit uniquement inspirée li- brement du Moyen Âge... Des passionnés d'Histoire s'em- barqueront dans le récit des grandes batailles de la guerre de Cent Ans et des Croisades ! D'autres seront plus littéraires et aimeront parler des troubadours, de l'amour courtois et des quêtes du Roi Arthur. Et sûrement quelques-uns vous répondront qu'ils n'aiment pas l'Histoire et ne voudront rien savoir sur le sujet... Le Moyen Âge dans la culture po- pulaire comprend un ensemble d'éléments qui dépassent la discipline historique en soi, occupant une place importante dans notre société d'une manière inconsciente. a culture populaire repose sur un héritage qui se nourrit de siècles d'idées, imaginaires, modes et in?uences entre divers peuples qui ont habité dans un même territoire. C'est tout dont notre culture se compose actuellement (en ce qui concerne notre culture occidentale, avec des di?érences d'un pays à l'autre) et il est très compliqué de dissocier toutes les in?uences qui la composent. Par contre il serait essentiel de démarquer, dans tout cet amalgame, l'Histoire basée sur des sources et des preuves archéologiques qui témoignent de notre passé, de l'héritage culturel en soi et de tous ces mythes et légendes. Néanmoins il est compliqué de pouvoir isoler l'Histoire des légendes par absence de sources. Ce sont ces lacunes qui ont laissé l'humanité divaguer et ima- giner des histoires fantastiques qui nous
éloignent des faits réels.
Depuis notre enfance nous avons tous
pratiquement été bercés par les histoires de conte de fées, de chevaliers portant des armures en vue de sauver des princessesquotesdbs_dbs48.pdfusesText_48
Par Jean-Jacques P - Larcier