[PDF] Présentation de la pièce - WordPresscom



Previous PDF Next PDF







Montserrat, Emmanuel ROBLES

Montserrat, Emmanuel ROBLES 1 En soulignant les alternatives possibles qui s’offraient à lui dans le choix du cadre historique de sa pièce, E Roblès donne à celle-ci, par avance, une dimension universelle



Lectures cursives Montserrat d’Emmanuel Roblès (1948)

Montserrat d’Emmanuel Roblès (1948) Les numéros de page renvoient à l’édition Folio Théâtre 1 Dans quel contexte (époque, pays, situation politique) se déroule la pièce ? Faites une courte recherche sur Simon Bolivar 2 Dans l’introduction, l’auteur déclare qu’il aurait pu « situer le sujet de cette pièce dans





Présentation de la pièce - WordPresscom

Roblès, « Montserrat », 1948 Présentation de la pièce LA COUVERTURE Le ton est donné par l’illustration de couverture choisie par les éditions du « Livre de Poche », le tableau des fusillades du « 3 Mai 1808« , peint par Goya Napoléon Ier avait alors envahi l’Espagne, et installé sur le trône son frère Joseph Bonaparte



Montserrat (1948) : les personnages

frères sont chez les révolutionnaires Elle empêche Montserrat de révéler le lieu où se cache Bolivar J'AI RETENU 1 Montserrat est le héros de la pièce 2 Il est présent dans 23 scènes sur 25 3 Il a une conduite héroïque : il résiste à Izquierdo, même si cela lui est diffcile 4



Clasificación gaussiana de rasgos talasémicos y otras anemias

Clasificación gaussiana de rasgos talasémicos y otras anemias C Vidal1, J Civera2, J Vicente1, J M García-Gómez1, A Del Arco3, A Juan2, M Robles1



Terminale Bac Pro - CanalBlog

illustre la première de couverture de Montserrat Francisco de Goya, Peintre et graveur espagnol (Fuendetodos, Saragosse, 1746-Bordeaux 1828) Fils d'un maître doreur, Francisco de Goya fait son apprentissage de peintre, dans les années 1760, à Saragosse puis à Madrid En 1770, il arrive à Rome, où il subit l'influence



BACCALAURÉAT TECHNOLOGIQUE EPREUVE E1 LANGUE FRANÇAISE

Izquierdo lance un ultimatum à Montserrat : « Réfléchis, Montserrat Six innocents Pèse-le bien, ton honneur » Resté seul, Montserrat s’interroge pour savoir s’il doit parler ou non Rédigez son monologue délibératif en deux pages environ Vous veillerez à choisir des registres adaptés à la situation III- EXPRESSION



Diccionari de bioètica - Canal Salut

Montserrat Puig, Bernabé Robles, Pere Puigdomènech, Àngel Puyol i Joan Viñas per les seves aportacions A la Junta Directiva de la Societat Catalana de Bioètica, per la lectura del contingut del diccionari en la fase final d’elaboració A Montserrat Sagalés, Jordi Pere i Rosa Anna Corbinos, per les tasques d’impuls del dic-

[PDF] montserrat robles texte intégral

[PDF] montserrat livre pdf

[PDF] montserrat robles resume scene par scene

[PDF] montserrat robles film

[PDF] poeme ile paradisiaque

[PDF] montserrat emmanuel robles fiche de lecture

[PDF] poeme sur le theme de l'ile

[PDF] montserrat acte 2 scene 1

[PDF] ile des esclaves pdf

[PDF] l'iliade et l'odyssée wikipédia

[PDF] l'iliade texte intégral

[PDF] télécharger l'iliade et l'odyssée pdf

[PDF] iliade texte traduction

[PDF] texte de l'iliade et l'odyssée

[PDF] l'iliade résumé

Roblès, " Montserrat », 1948

Présentation de la pièce

LA COUVERTURE

Le ton est donné par l'illustration de couverture choisie par les éditions du " Livre de Poche », le

tableau des fusillades du " 3 Mai 1808" , peint par Goya. Napoléon Ier avait alors envahi l'Espagne, et installé sur le trône son frère Joseph Bonaparte. Mais le peuple de Madrid se

soulève, et cette émeute déclenche une terrible répression. Or la parenté avec l'intrigue de

Montserrat est soulignée dans la pièce, quand le héros déclare, à la scène 3 de l'acte I : " En

Espagne, les Français sont nos oppresseurs cent fois haïs. Et ici, sur cette terre neuve, ce sont

les soldats espagnols qui maintiennent tout un peuple dans un noir esclavage. » L'analyse du tableau fait ressortir de nombrux points communs avec

l'intrigue de la pièce, ponctuée des fusillades des otages qu'Izquierdo utiise pour faire avouer

au héros, Montserrat, la cachette de Simon Bolivar, héros de la résistance vénézuélienne : " Six

personnes vont être enfermées ici, dans cette salle, avec toi. Des gens pris au hasard, dans la

rue. [...] Dans une heure, si tu n'as pas dénoncé l'endroit précis où se cache Bolivar, ils seront

fusillés. » (I, 7)

Bourreaux et victimes sont face à face, et le centre du tableau est barré, à l'horizontale, par la

ligne rigide des fusils. On note le contraste de lumière : l'ensemble du tableau est sombre, telle

une nuit mortelle seulement éclairée, de façon dramatique, par la lanterne posée en premier plan.

Elle révèle la tache rouge du sang qui a déjà coulé de la victime au sol, et met en valeur la

chemise blanche de l'homme qui va être fusillé, dont l'innocence est ainsi suggérée. Figure

centrale du tableau, il lève les bras vers le ciel, geste d'ultime reddition, ou geste d'un crucifié

implorant un Dieu qui reste sourd à sa prière ? Sa résistance semble, par avance, vaine, car la

terreur se lit sur son visage ! Un prêtre tonsuré, penché sur la victime, en bas sur la gauche, joint

aussi les mains pour prier... La religion a joué un grand rôle dans cette révolte espagnole. Dans

la pièce, au contraire, l'Eglise se range aux côtés du pouvoir espagnol, dans un mépris total pour

le peuple colonisé : " Pourquoi t'apitoyer sur ces misérables, puisque, à travers eux, c'est le Mal

qu'on atteint et qu'on tue. L'horreur horrible de leurs cadavres n'est que la puanteur du Maudit »,

déclare le Père Coronil au héros qui en appelle à la compassion de l'Eglise. Au centre de la

reproduction un autre paysan cache son visage entre ses mains pour ne pas voir cette scène de violence et de mort. Comme Montserrat, effrayé et accablé par ce massacre, il pourrait

déclarer : " Je suis avec vous [...], contre leur oppression, leurs violences, contre cette manière

terrfiante qu'ils ont de nier les hommes. » (II, 1) Terreur et pitié, tels sont les deux sentiments

que ce tableau suscite, comme la pièce qui se rattache ainsi directement à la définition du tragique formulée par le philosophe grec de l'antiquité, Aristote.

L'AUTEUR

Comment expliquer ce choix de Roblès ? Pour en savoir plus sur cet auteur, on peut se reporter au site qui lui est consacré, très complet : http://emmanuelrobles.online.fr/ On peut supposer que son origine espagnole, jointe à sa naissance en Algérie,

terre alors colonisée, explique en partie son intérêt, d'autant plus que la seconde guerre mondiale

révèle son engagement politique. Il travaille notamment pour Alger Républicain, tandis que se

prépare la révolution algérienne. N'oublions pas, enfin, que l'Europe vient d'être secouée par un

conflit mondial, qui a révélé les pires turpitudes de l'âme humaine : camps d'extermination,

fusillades d'otages, tortures et barbaries de toute nature... Autant de réalités transposées dans la

pièce : " ces charniers, ces ruines » (I, 3).

LA QUATRIEME DE COUVERTURE

L'éditeur doit, dans la quatrième de couverture, donner le désir de découvrir l'oeuvre. Ainsi il en

propose ici un très bref résumé, deux paragraphes pour poser le cadre spatio-temporel. Il le

complète par un jugement critique qui vise à la mettre en valeur, d'autant plus qu'il est

formulé par Camus, contemporain de Roblès, lui aussi né en Algérie et actif dans la Résistance

contre l'occupant lors la seconde guerre mondiale, reconnu pour son théâtre engagé. Ce

jugement souligne le lien entre la pièce et son époque : " elle s'accorde à la terrible cruauté du

temps sans cesser de se référer à une pitié vieille comme le coeur humain. » On retrouve ici les

deux ressorts du tragique précédemment mentionnés.

LES DIDASCALIES INITIALES

Traditionnellement, la pièce est précédée par la liste des personnages, dont

on remarque l'extrême précision, par exemple les âges et les relations hiérarchiques, qui vont

déterminer les rapports entre eux. Trois camps se distinguent : l'armée espagnole, avec ses

officiers en " uniforme de campagne bleu noir. Culotte grise, bottes », l'Eglise, représentée par

le Père Coronil, moine capucin, et le peuple vénézuélien.

Le conflit est prêt à se nouer, sous l'égide du commandant Monteverde, dont l'ombre plane sur

un décor sinistre : Celle salle " aux murs épais », avec ses " deux fenêtres étroites à gros

barreaux », représente une prison dans laquelle va se dérouler un oppressant huis-

clos. Aucune issue n'apparaît puisque l'une des deux portes ouvre sur " l'intérieur du palais »,

c'est-à-dire le lieu du commandement officiel, tandis que l'autre donne sur " la place d'armes » :

ce sera le lieu des exécutions. Se soumettre... ou mourir... tel semble bien être le seul choix

possible !

SA STRUCTURE

La pièce compte 3 actes, dont le second, avec 4 scènes, se signale par sa brièveté par rapport

aux deux autres, le premier avec 10 scènes, le dernier avec 11.

Le premier acte, après une exposition coupée (scènes 1 à 4) qui permet d'introduire les deux

protagonistes, Izquierdo (sc. 2) et Montserrat (sc. 3), voit l'action se nouer : Montserrat, d'abord accusé de trahison (sc. 6), se trouve confronté au plus cruel des dilemmes, la vie des otages

contre celle de Bolivar : " Coupable d'avoir aidé la fuite d'un chef rebelle. Tu tiens le marché :

donnant, donnant ; la vie de six innocents contre la vie d'un traître et d'un bandit » (sc. 7). Les

premiers otages sont alors introduits dans les trois scènes suivantes.

Si l'acte deux est court, sa première scène est essentielle, d'où sa longueur : elle représente la

confrontation directe de Montserrat aux otages qui le supplient d'abord, puis, à la fin, tentent

de le tuer. L'action s'accélère ensuite, et l'acte se termine sur l'exécution du premier otage, le

potier. L'acte trois marque l'exécution des otages, selon un ordre qui en respecte l'importance

pour faire céder Montserrat : le marchand (sc. 1), le comédien (sc. 2), le jeune Ricardo (sc. 4),

Elena (sc. 5), enfin la mère (sc. 7). La tension va croissante au fil de ces scènes, et plusieurs fois

Montserrat est prêt à céder à l'odieux chantage. Entre ces scènes s'intercalent des scènes de

conflit direct (sc. 3, 5 et huit) entre Montserrat et Izquierdo. Le dénouement, dans les trois

dernières scènes conduit à l'exécution de Montserrat, mort en " parla[nt] de la joie des autres »

(III, 11), car il pressent déjà le triomphe de la liberté du peuple vénézuélien et de son chef,

Bolivar.

L'EXPOSITION

Les premières scènes de la pièce présentent l'actualisation spatio-temporelle, ce qui permet

de situer l'intrigue à venir.

La pièce s »ouvre " in medias res », avec le rappel de la réunion d' »hier soir », où

Izquierdo a " expos[é] ses plans à table, en présence de tous les convives du général. » (p. 11)

Le décor, avec la porte " ouvrant sur l'intérieur du palais », illustre le pouvoir militaire qui pèse

sur le peuple vénézuélien, puisque tout est organisé autour du général espagnol Monteverde,

plusieurs fois mentionné : " Il va certainement passer par ici pour aller présenter son rapport à

Son Excellence », " Je vais chez le général ». La scène représente donc un lieu

intermédiaire, proche du pouvoir absolu de la monarchie espagnole sur le Vénézuéla.

Toutes les fois qu'est mentionné le Vénézuela dans ces premières scènes, c'est pour évoquer

des massacres, tous plus horribles les uns que les autres, à Siquisèque, à Totulas, où ne restent

que des " charniers », des " décombres » après le passage des Espagnols. Est enfin

mentionnée la trahison qui a permis à Simon Bolivar d'échapper à ses poursuivants, alors qu'ils

avaient trouvé " la ferme où [...] Bolivar, malade, s'était réfugié ». Toute la pièce, en effet, est

fondée sur la recherche de Bolivar, avec deux possibilités : " ou bien Bolivar marche vers Puebla, rejoint ses partisans et s'efforce de les regrouper pour nous retomber dessus. Ou bien il descend vers la côte et s'embarque pour Curaçao, où il retrouve ses chers amis anglais, se

soigne et oublie peut-être ses singes-soldats et ses projets de fou. » Or cette alternative est

précisément ce qui rend encore plus terrible le dilemme de Montserrat, puisqu'il doit choisir en

ignorant les intentions du chef révolutionnaire. L'exposition est donc déterminante pour la suite de l'intrigue, à laquelle elle donne le ton. De même, l'exposition informe le lecteur des faits passés, à la fois faits

d'armes et combats sur le sol vénézuélien, succès dont l'armée tire gloire, et itinéraire du

personnage d'Izquierdo, qui permet de mieux comprendre sa personnalité : " un ouragan ! une

tornade ! », ainsi le décrit Moralès, et l'anecdote rapportée par Antonanzas (p. 14) renforce

l'image d'un homme capable, par " passion », d'aller jusqu'à la " démence ». De plus, le récit de

la trahison met en place une tension temporelle, qui annonce celle qui règnera pendant

toute la pièce. Tout s'est, en effet, passé très vite, depuis la réunion de l'état-major, l'arrivée »à

l'aube » à la ferme pour découvrir que Bolivar avait disparu, prévenu donc " au milieu de la nuit »

; celui-ci n'a alors plus qu'une solution, rester " caché quelque part tant qu'il fera jour » pour

" fuir[...] de nouveau à la nuit ». Tout devra donc se résoudre en 24 heures, comme il est de

mise dans les tragédies classiques.

Parallèlement, l'exposition crée un horizon d'attente, puisqu'Izquierdo annonce, dès la scène

2, sa connaissance du traître, sans pour autant dévoiler son nom, tandis que le Père Coronil

annonce, pour sa part, à Montserrat son départ " pour Cadix ». Le lecteur a alors compris qui est

le traître, toute la question restant de savoir s'il pourra échapper à la " rage » d'Izquierdo...

Le héros : Montserrat

À part son âge, vingt-huit ans, et son grade, " officier » dans l'armée espagnole qui, en 1812,

tente de réprimer la révolution vénézuélienne dirigée par Bolivar, Roblès ne nous livre aucune

information sur le physique ou les origines familiales de son héros éponyme. Ce n'est, en effet,

pas sa personne qui est importante, mais ce qu'il symbolise : celui qui trahit sa patrie au nom des valeurs en lesquelles il croit, celui qui accepte de mourir pour ces valeurs.

Pourquoi est-il devenu un " traître » et le revendique-t-il avec force : " Je suis un traître dans

ce camp, je l'avoue. Et c'est parce que je suis un homme. Parce que j'ai des sentiments d'homme ! Que je ne suis pas une machine à tuer, une machine aveugle et cruelle !... » ?

En fait, il est engagé, malgré lui, dans un " destin » historique qui lui répugne : mater la

révolte des Vénézuéliens pour leur indépendance. Ce devoir patriotique lui paraît, en effet,

reposer sur une contradiction fondamentale : le peuple espagnol, qui a lutté pour sa liberté face

aux troupes napoléoniennes qui occupaient l'Espagne, est celui-là même qui veut maintenir le

peuple vénézuélien " dans un noir esclavage " et se livre à d'immondes " massacres » !

Montserrat réclame ainsi une égalité de droit entre tous les peuples. De ce fait, il refuse le

racisme sur lequel repose le comportement des Espagnols, et qui ressort des propos

d'Izquierdo : " Et crois-tu vraiment que ce soit si important, la liberté, pour quelques millions

d'Indiens à demi-abrutis et de Nègres pouilleux ? Pour ce qu'ils en feraient de leur liberté ? »

Nous reconnaissons là l'argument qui a toujours soutenu toutes les politiques coloniales, et que

réfute précisément Montserrat, tout comme il refuse la justification religieuse qu'invoque le Père

Coronil : " Pourquoi t'apitoyer sur ces misérables, puisque, à travers eux, c'est le Mal qu'on atteint et qu'on tue. L'odeur horrible de leurs cadavres n'est que la puanteur du Maudit ». Nous

retrouvons ici l'ancien débat sur " l'âme » que posséderaient - ou non - les peuples indigènes...

et, pour le héros, un tel débat n'a pas lieu d'être, car tout être humain est une " créature » de

Dieu, qui ne peut donc qu'accorder une égale valeur à tous les hommes. Un triple sentiment d' " honneur » guide donc Montserrat :

ile sien propre : il refuse de s'abaisser au niveau de l'animal en se livrant, comme ses compatriotes

soldats, à ses instincts primaires, en tuant, en violant...

icelui de son pays, dont il juge qu'une telle attitude l'avilit : il souhaite, par son refus, montrer qu'il

existe encore, en Espagne, des hommes pour refuser d'obéir à des ordres indignes.

icelui de l'homme en général car il s'agit, pour lui, de plaider pour sa grandeur, quelles que soient

ses origines et les circonstances historiques, et de se battre pour préserver sa dignité : " Il s'agit de

rendre à ces misérables leur dignité de créatures de Dieu ! » Cet homme ordinaire devient un héros en raison du terrible dilemme auquel il va se trouver

confronté : il doit choisir entre sauver la vie de Bolivar, libérateur potentiel du peuple vénézuélien en

gardant le silence sur sa cachette, et voir alors périr six otages " innocents », ou parler pour les rendre à

leurs familles...

Sa conscience ne peut qu'être déchirée car, dans les deux cas, la vie humaine est en jeu, d'un côté celle

de six êtres en chair et en os, enfermés avec lui dans cette salle, de l'autre celle des milliers de

Vénézuéliens promis aux massacres et aux violences. Et pour l'aider dans ce choix terrible, il n'a même pas

la certitude que Bolivar va véritablement agir pour sauver son peuple, car, malade, celui-ci pourrait tout

aussi bien choisir l'exil... Il lui faut donc choisir entre des principes, ceux de liberté, d'égalité,

d'affirmation de la dignité humaine, et des otages bien réels, qui lui crient leur désespoir et leur haine !

Sa souffrance est terrible, car Montserrat n'est pas un théoricien insensible, il est profondément ému par

les lamentations des otages, par la douleur de " la mère », qui manque de lui faire avouer la cachette de

Bolivar, par la jeunesse de Ricardo, en faveur duquel il tente de fléchir Izquierdo, en vain. Mais il choisit

de ne pas céder à cette douleur, pour faire triompher un sentiment plus fort, l'espoir : " Tout ce pays

est enfoncé dans l'horreur. Une nuit épaisse s'est abattue sur lui avec notre domination. Il pleut, dans cette

nuit, tant de sang et tant de larmes que, pour le seul espoir de voir se lever le jour, on pouvait, comme moi,

se durcir le coeur, étouffer son âme, piétiner sa conscience. » C'est d'ailleurs ainsi qu'il partira à la mort,

enflammé par cet espoir : " Non ! Tout commence ! », clame-t-il à Izquierdo alors qu'il imagine l'entrée

triomphale de Bolivar, libérateur de son peuple.

Toutes ces caractéristiques font de Montserrat l'archétype du martyr, du héros qui se sacrifie pour le

bonheur d'un peuple. Mais sa mort entraîne celle de six êtres innocents...

Portrait d'un otage : le comédien

Ce personnage, nommé par sa fonction, " le Comédien », et non par son nom, Juan Salcedo

Alvarez, apparaît à trois reprises dans la pièce : à l'acte I, scène 9, il entre en scène avec les

autres otages, puis à l'acte II, scène 1, il intervient face à Montserrat pour tenter de le faire céder

au chantage, enfin à l'acte III, scène 2, il est contraint par Izquierdo à une douloureuse mise en

abyme. Il doit, en effet, jouer, non plus le rôle emprunté d'Ascasio, héros qui s'apprête à mourir

noblement, mais son propre rôle de condamné à mort.

Dès son entrée en scène, il rappelle avec fierté sa fonction de " comédien », et se glorifie du

jugement louangeur d'Izquierdo : " quel beau métier que le tien ! » Mais déjà cette présentation

crée une ambiguïté. D'où naît cette gloire ? De sa propre valeur en tant que comédien ? Ou bien

de la beauté du rôle qu'il interprète ?

L'ARGUMENTATION D'UN OTAGE

Son rôle en tant qu'otage dans l'intrigue va être double. D'une part, il représente l'absurdité même du choix des otages, puisque lui-même est Espagnol, donc dans le camp des occupants. En quoi sa mort aurait-elle alors un sens ? Pourquoi Izquierdo, Espagnol, voudrait-il condamner un Espagnol ? Sa protestation d'innocence

est donc un leitmotiv tout au long de la pièce : " Je n'ai rien fait ! Et je suis Espagnol [...]. On peut

vérifier. Et je n'ai jamais conspiré. », " Je ne veux pas être condamné pour une cause qui n'est

pas la mienne ». Sa maîtrise du langage, d'autre part, lui permet d'user de son talent pour tenter de faire

fléchir Montserrat. Il sait, en effet, jouer sur la sensibilité de son public, par exemple en brossant

un portrait pathétique de celle qui est la plus susceptible d'attendrir le héros, la mère et ses

enfants (pp. 65-66). Il est ainsi celui qui pose le mieux les termes du dilemme : " Si tu choisis de

sauver Bolivar, tu assassines six innocents ». Son argumentation fait même intervenir Bolivar, en

imaginant que celui-ci " se livrerait » s'il était au courant d'un tel chantage... Sa dernière tentative

est l'appel à la religion lancé au Père Coronil : " On bafoue le Seigneur, ici, en jouant avec six

vies humaines ! [...] ce droit qu'il prend sur nous n'appartient qu'à Dieu ! » Comme il n'a alors plus

rien à perdre, son accusation est directe, et violente : " En persistant à aider les desseins de cet

homme, vous vous faites comlice, mon Père, d'un crime sans nom contre les hommes et contre Dieu ». De tous les otages, c'est donc celui qui va le plus loin dans l'argumentation et dans le blâme.

LA MISE EN ABYME

Mais l'introduction de ce personnage offre aussi à Roblès le moyen d'une

réflexion sur le théâtre, dont il met en valeur l'écart par rapport à la vie réelle.

Izquierdo, en effet, rappelle la grandeur du rôle qu'il jouait, celui d'Ascasio, un héros qui

" mourait avec beaucoup de noblesse », en " s'efforç[ant] de pardonner sincèrement » à ses

bourreaux, afin de rester digne du Christ et de son sacrifice.

Mais, à la scène 3 de l'acte II, devant déclamer cette tirade alors même qu'il s'agit de sa propre

mort, il ne peut qu'adopter " un ton morne" , puis, à l'inverse de son rôle, il maudit Izquierdo et

Montserrat qui tiennent sa vie entre ses mains [ cf. lecture analytique du texte dans

les "articles" ]. A la fin de la scène, il perd toute dignité et ne peut plus que gémir et supplier

: " Je ne veux pas qu'on me tue ! Mon Père ! Par pitié ! » Pourtant, lorsque le Père Coronil vient annoncer sa mort à Izquierdo, à la scène 4, nous

apprenons qu' »il est mort avec beaucoup de noblesse, très calme, et comme rasséréné »...

Ainsi cette mort comble le décalage précédemment observé, et vient montrer au lecteur

que le théâtre et la vie peuvent se rejoindre. N'est-ce pas d'ailleurs le but même du théâtre

aux yeux Roblès, un théâtre engagé qui pose les grands débats auxquels est confronté l'homme

inscrit dans l'Histoire ?

Tragique et condition humaine

LE TRAGIQUE

La pièce s'inscrit dans le registre tragique, car, comme cela est de règle dans la tragédie, elle

représente une situation de crise qui met en scène des personnages hors du commun par leur puissance et leurs passions, poussées à l'extrême. Ils iront jusqu'au bout de leur destin, le plus souvent la mort, la leur, qui peut en entraîner d'autres. La tension naît ici du dilemme imposé par Izquierdo à Monteserrat, mais aussi de la personnalité de ces deux personnages, tous deux animés de sentiments

exacerbés et de principes auxquels ils ne veulent pas renoncer. Comme à l'époque classique, le

tragique est renforcé par le respect des unités de lieu, un étouffant huis clos dans une salle

sinistre, et de temps : " Dans une heure, si tu n'as pas dénoncé l'endroit précis où se cache

Bolivar, ils seront fusillés ! »

Enfin Roblès se souvient de la définition du tragique par le philosophe grec, Aristote, expliquant qu'il s'agit de susciter la pitié et la terreur chez le public. Nous ne pouvons que prendre en pitié ces malheureux otages qui luttent, en vain, pour

défendre leur existence, et leur bonheur, parfois même la vie de leurs enfants comme la Mère :

" Est-ce qu'un coeur d'homme peut rester glacé devant le désespoir d'une mère ? d'une mère qui

va mourir en sachant qu'on va laisser ses enfants abandonnés à une agonie effroyable ? » Comment ne pas plaindre aussi le héros, qu'Izquierdo torture ainsi savamment : " Et moi, je te

plains. Je te plains de toute mon âme, car ton épreuve sera dure, très très dure ». Là où la

réplique d'Izquierdo est " ironique », le public, lui, ne peut que partager l'angoisse de Montserrat.

Mais c'est aussi la terreur que nous éprouvons devant le comportement d'Izquierdo,

véritablement sadique, ou devant ce religieux, le Père Coronil, qui ne pense qu'à exterminer le

" Damné » en faisant périr les indigènes, enfin à l'idée du sort terrible qui attend Elena ou les

deux jeunes enfants de la Mère.

Ajoutons à cela une caractéristique essentielle du registre tragique : le poids de la fatalité

qui écrase les personnages. Dans la tragédie, à ses origines, c'étaient les dieux qui écrasaient

les humains de leur toute-puissance. Chez Roblès, dans le monde qu'il met en scène, les

hommes se sont substitués aux dieux : " Faire mourir des milliers de créatures que Dieu a sorties

du néant et qu'il se réserve de rejeter au néant, c'est presque égaler Dieu. C'est, en tout cas, lui

faire concurrence. » Mais, si Izquierdo agit ainsi, c'est " pour sauvegarder ici les intérêts de Sa

Majesté », son pouvoir s'inscrit donc dans le cours de l'Histoire. Telle est donc la nouvelle forme

du " destin » que dépeint Roblès : le poids de l'Histoire qui écrase chacun, les bourreaux

comme les victimes, à tour de rôle. Dans cette perspective, nous comprenons mieux le double

sens de la réponse d'Izquierdo au Marchand qui proteste que " tout ceci ne [les] concerne pas » :

" C'est bien là votre erreur. Vous êtes liés à tout ceci. » Certes, ils y sont liés, puisqu'ils ont pour

rôle de faire avouer à Montserrat la cachette de Bolivar, mais ils y sont surtout liés, car tout

homme appartient à un camp dans l'Histoire, qu'il le veuille ou non, celui des vaincus ou celui des

vainqueurs. Ici les six otages sont donc " coupables... d'innocence », car nul ne peut réellement

se dire " innocent » !

LA CONDITION HUMAINE

Roblès développe, en effet, une conception de la condition humaine fort pessimiste, malgré

l'espoir qu'il prête à son héros. En cela, il se rapproche de son contemporain, Albert Camus,

dont nous retrouvons les bases philosophiques dans cette pièce, à commencer par la conscience de l'Absurde, que Camus a développée dans Le Mythe de Sisyphe. Le sentiment de l'Absurde est la prise de conscience du passage du temps, c'est-à-dire

que toute vie conduit irrémédiablement à la mort, que l'univers subsistera quand moi j'aurai

disparu. L'homme est donc seul face à l'angoisse de sa propre mort, dans un univers sans Dieu

et qui le nie. Cela se perçoit très nettement dans l'argumentation d'Izquierdo face à Montserrat :

" Mais ne comprends-tu pas que tout finit devant ce mur, qu'il n'y a plus rien après ce mur et que,

s'il y a quelque chose, c'est l'éternelle indifférence des pierres, le silence infini des espaces ! »

Cette conception lui vient de la terrible expérience qu'il a vécue, enterré vivant à Sierra-Chavaniz,

alors que pendant " quatre jours et quatre nuits » il a eu le temps de voir approcher sa mort : " j'entends ces rires qui remplissaient le ciel vide ». La condition humaine est donc une solitude existentielle, car l'homme est d'abord un être qui devra affronter la mort : " Tu seras

seul comme je l'ai été. Seul comme chacun des six otages de tout à l'heure ! Comme tous ceux

qui agonisent à cette même heure sur la terre entière ! » Qu'est-ce alors qu'une vie humaine ? Qu'est-ce qu'être un homme ? Pas grand chose, assurément... et nous comprenons mieux pourquoi la vie humaine a si peu d'importance aux

yeux d'Izquierdo. C'est aussi cette peur face à la solitude de l'agonie qui le remplit d'une forme de

honte : infliger cette même honte aux autres est alors une façon de se rassurer, de se revaloriser

à ses propres yeux. Plus que d'une simple vengeance contre des ennemis qui l'ont ainsi humilié il

s'agit, en réalité, d'effacer sa propre peur en l'observant chez les autres. Il joue donc avec eux,

pour provoquer cette peur, et prend plaisir à mesurer leur lâcheté, celle du Marchand, par

exemple, qui est prêt à vendre son épouse, qu'il déclarait pourtant aimer de tout son coeur, pour

échapper à la mort ! Il se réjouit aussi de mesurer la peur du Comédien, à l'opposé de la mort

digne et noble qu'il jouait au théâtre. Mais faut-il s'en tenir au constat de l'Absurde ? Camus répondait " non » et avançait une

deuxième étape, celle de la Révolte dans L'homme révolté, celle que représente aussi Roblès

à travers son héros, Montserrat. Un homme révolté est un homme qui dit " non », et qui, par

conséquent, proclame la valeur de la vie face à la mort. Il vit, pour donner, par ses actes, un

sens à sa vie, et c'est cette révolte qui le tire de sa solitude existentielle, comme le révèle la

dernière réplique d'Izquierdo à propos du héros sur le point de mourir : " il me parlait seulement

de la joie des autres ! » Mais la révolte individuelle ne suffit pas dans la pensée de Camus, elle doit

conduire à un engagement : je me révolte, mais ma révolte devra conduire à la liberté de tous.

Si l'homme accepte de mourir, dans le mouvement de sa révolte, il montre la valeur de ce pour quoi il meurt, qui dépasse sa propre existence. Il en fait un droit au-dessus de sa valeur

d'individu, une valeur commune à l'humanité, et c'est bien à cela que conduit la révolte de

Montserrat : " J'entends déjà les partisans de Puebla qui hurlent leur joie à l'entrée de Bolivar. Ils

l'acclament. Je vois les drapeaux et les fleurs aux fenêtres ! L'espoir se lève ! »

LE CONTEXTE DE LA PIECE

On reconnaît ainsi, à travers cette pièce, à la fois le courant existentialiste et les données

historiques de l'époque de sa création. En 1948, elle est représentée simultanément à Paris et

à Alger.

La France est sortie, depuis trois ans, de la seconde guerre mondiale, qui a tué plus de civils que de militaires, et qui a vu la barbarie humaine poussée à son comble avec l'horreur des camps de concentration. Comment ne pas penser, en lisant cette pièce, aux massacres

perpétrés par les nazis, tel celui d'Oradour, un village entier exterminé, aux tortures de la

Gestapo, mais aussi aux otages " innocents » choisis au hasard pour que les résistants se

rendent après un attentat perpétré contre l'armée nazie ? Combien de dilemmes ont alors dû être

vécus par ceux qui osaient, comme Montserrat, dire " non » ? La mémoire de ces horreurs est encore proche, et Montserrat vient la raviver. Mais 1948 est aussi l'année où l'ONU proclame la Déclaration universelle des Droits de

l'Homme, alors même que l'Algérie, encore terre coloniale, voit naître les premières luttes

pour son indépendance. Ces mêmes Français, qui ont voulu libérer leur patrie de l'occupant

nazi, ne redonneront-ils pas au peuple algérien la liberté que celui-ci demande ? On retrouve,

dans cette problématique, l'argument de Montserrat face au Père Coronil. À nouveau comme son

compatriote, Camus, né comme lui en Algérie, Roblès plaide pour la liberté accordée à tous, pour

que l'État, à peine sorti de ce terrible conflit mondial, ne s'engage pas dans les horreurs d'une

nouvelle guerre... Son message ne sera pas entendu, et la guerre d'Algérie, comme celle d'Indochine, verra à nouveau les hommes capables des pires barbaries ! Lecture intégrale d'une oeuvre théâtrale : Montserrat, d'Emmanuel ROBLES sommaire

Analyse de la pièce

- Acte I - Acte II - Acte III

Séquence

- Organisation - Evaluation

Analyse de la pièce

ACTE I, p. 11 à 51.

Scène 1 (11-15) Zuazola, Moralès, Antonanzas. Trois officiers espagnols évoquent la trahison qui a permis à Bolivar, le chef des

nationalistes vénézuéliens, de s'échapper. Leurs récits permettent de découvrir les

éléments de la situation historique : la guerre de libération menée par Bolivar, la cruauté de la répression menée par les Espagnols contre les nationalistes vénézuéliens. Scène 2 (15-20) Zuazola, Moralès, Antonanzas, Izquierdo Izquierdo précise les circonstances dans lesquelles Bolivar leur a échappé. Il connaît le traître et se déclare capable de le faire parler pour découvrir la cachette du chef rebelle.

Scène 3 (20-24) Le Père Coronil, Montserrat

Montserrat exprime son dégoût devant la violence de la répression espagnole. Le Père défend l'idée que la lutte contre les rebelles est une lutte contre le Mal et justifie ainsi les exactions des Espagnols. Montserrat accepte la proposition que lui fait le Père, de rentrer en Espagne. Scène 4 (24-25) Le Père Coronil, Montserrat, Zuazola Zuazola apprend au Père Coronil l'échec de l'expédition conduite par Izquierdo. Il raconte le massacre des habitants de la ferme où se cachait Bolivar. Scène 5 (25-30) Le Père Coronil, Montserrat, Zuazola,

Izquierdo, Moralès, Antonanzas

Izquierdo expose la situation de la guerre et envisage les possibilités qui s'offrent à Bolivar. Celui-ci peut rejoindre ses partisans et continuer la guerre pour libérer le pays de l'occupation espagnole. Afin de fonder une république. Izquierdo insinue que Bolivar pourrait aussi renoncer à la lutte et se réfugier chez les Anglais. Montserrat prend sa défense. Izquierdo dénonce la trahison d'un officier espagnol et met en cause Montserrat. Celui-ci avoue. Scène 6 (31) Montserrat, Zuazola, Izquierdo, Moralès,

Antonanzas

Izquierdo donne l'ordre de faire arrêter six personnes au hasard. Scène 7 (32-35) Montserrat, Zuazola, Izquierdo,

Antonanzas

Izquierdo expose à Montserrat les termes du marché : qu'il révèle la cachette de Bolivar, sinon les six otages seront exécutés. Scène 8 (36-42) Montserrat, Zuazola, Izquierdo,

Antonanzas, Le Potier, Le Marchand, des soldats.

Izquierdo interroge les deux premiers otages. Il s'agit d'un riche marchand, comblé par la vie, et d'un potier très talentueux. Scène 9 (43-47) Montserrat, Zuazola, Izquierdo, Antonanzas, Le Potier, Le Marchand, des soldats, La Mère, Le Comédien, Eléna, Ricardo, Moralès. Les soldats amènent quatre autres otages. Deux sont présentés : une mère dont les jeunes enfants sont restés seuls à la maison, un comédien espagnol, qui a joué dans une tragédie devant Izquierdo. Scène 10 (47-54) Montserrat, Zuazola, Izquierdo, Antonanzas, Le Potier, Le Marchand, des soldats, La Mère, Le Comédien, Eléna, Ricardo, Moralès, Le Père

Coronil.

Izquierdo expose devant le Père et le otages ce qu'il a imaginé pour faire parler Montserrat. Il donne une heure aux otagesquotesdbs_dbs44.pdfusesText_44