[PDF] CONFLITS ET MOBILISATION SOCIALE - APSES - Association des



Previous PDF Next PDF







Conflits sociaux (SS) - Eloge des SES

Les conflits qu'engendrent, par exemple, les délocalisations, la transformation des services publics ou, plus largement, les conséquences de la mondialisation se font au nom de la défense de statuts et de l'intégration contre les effets jugés menaçants de ces transformations



Socio 22 La conflictualité sociale : pathologie, facteur de

Notions de terminale à acquérir : Conflits sociaux, mouvements sociaux, régulation des conflits, syndicat EC1 : Montrez par deux arguments que les conflits sociaux peuvent être facteurs de cohésion sociale Quelles sont les principales mutations des conflits sociaux ? Illustrez par trois exemples la diversité des conflits sociaux



THEME 6 : INTEGRATION, CONFLITS ET CHANGEMENT SOCIAL LA

-Illustrez par trois exemples la diversite des conflits sociaux -Quelles sont les principales mutations des conflits sociaux ? -Montrez par deux arguments que les conflits sociaux peuvent e tre conside re s comme un facteur de cohe sion sociale



PARTIE 2 : SOCIOLOGIE changement social ? Notions Term

B Les différentes interprétations sociologiques des conflits sociaux 1) Conflits et intégration : les conflits sontils le signe d’une défaillance de l’intégration - sociale ou au contraire peuvent-ils favoriser la cohésion sociale a) Les conflits sociaux peuvent être interprétés comme une pathologie de l’intégration



Les sujets de baccalauréat - WordPresscom

Illustrez la diversité des enjeux des conflits sociaux Montrez à partir de deux exemples la diversité des conflits sociaux À partir de deux exemples de votre choix, illustrez les mutations des conflits sociaux À l'aide de trois exemples de votre choix, vous mettrez en évidence les mutations des conflits sociaux EC3



PARTIE 2 : SOCIOLOGIE changement social ? Notions Term

Conflits sociaux, mouvements sociaux, régulation des conflits, syndicat Rappel de 1ère: Groupe d’intérêt, conflit On montrera que les conflits peuvent être appréhendés à partir de grilles de lecture contrastées : comme pathologie de l'intégration ou comme facteur de



Sujets de bac sur le ch 12 d’économie

en évidence les mutations des conflits sociaux (Pondichéry 2016) •Quelles sont les principales mutations des conflits sociaux ? (Antilles-Guyane, 2013) •Illustrez par trois exemples la diversité des conflits sociaux (Liban 2013) •Illustrez la diversité des enjeux des conflits sociaux (Liban 2015) •Illustrez par un exemple comment

[PDF] ? l'aide d'un exemple

[PDF] que les conflits peuvent contribuer au changement social.

[PDF] pierre et jean résumé chapitre

[PDF] quelles sont les principales mutations des conflits sociaux corrigé

[PDF] montrer que la solidarité mécanique demeure dans une société qui s’affirme le primat de l’individu

[PDF] ? partir de deux exemples de votre choix illustrez les mutations des conflits sociaux

[PDF] vous montrerez que les conflits sociaux ont tendance ? se diversifier.

[PDF] vous montrerez que les conflits sociaux peuvent favoriser la cohésion sociale

[PDF] illustrez par un exemple comment les syndicats participent ? la régulation des conflits ec1

[PDF] vous montrerez que la conflictualité joue un rôle important dans la cohésion sociale.

[PDF] grille évaluation ilot bonifié

[PDF] ilots bonifiés primaire

[PDF] comptine pour dire bonjour maternelle

[PDF] comptine bonjour je m'appelle

[PDF] offert ou offerte

CONFLITS ET MOBILISATION SOCIALE

1. L'effet des mutations du travail sur les conflits sociaux...................................................................................................................1

1.1. Des conflits du travail aux conflits sociaux.............................................................................................................................................................2

1.1.1. Les inégalités du monde du travail peuvent déboucher sur des conflits..................................................................................................................................2

1.1.2. Mais le conflit ne naît qu'avec la " conscience collective », s'il émerge une " identité professionnelle » qui crée un groupe par l'opposition

aux autres groupes.............................................................................................................................................................................................................................................2

1.1.3. Dans l'optique marxiste, les conflits du travail finissent par déborder de ce cadre pour concerner l'ensemble de la société...................................2

1.1.4.L'analyse du conflit social peut alors être menée en termes de lutte des classes....................................................................................................................2

1.2. De la " fin de la classe ouvrière » à la fin des conflits du travail ?...................................................................................................................3

1.2.1. Les mutations du travail ont réduit le poids des ouvriers, brouillé leur identité professionnelle et diminué leur capacité de mobilisation : les

théories de " la fin de la classe ouvrière »...................................................................................................................................................................................................3

1.2.2. Cependant, si l'influence politique et sociale des ouvriers est moins nette, les raisons du conflit avec les classes supérieures restent fortes......3

1.3. Le rôle des syndicats dans les conflits sociaux........................................................................................................................................................3

1.3.1. Le développement historique des syndicats....................................................................................................................................................................................3

1.3.2. Si les syndicats ont favorisé l'émergence de conflits sociaux par leur capacité d'organisation, ils ont également permis de les régler plus

facilement par l'institutionnalisation (des conflits et des organisations)............................................................................................................................................4

1.3.3. Mais, d'une part, les mutations du travail affaiblissent dans une certaine mesure les syndicats.......................................................................................5

1.3.4. Et, d'autre part, la montée de l'individualisme, par certains aspects, remet en cause l'action collective.........................................................................5

1.3.5. Cet affaiblissement des syndicats n'est cependant pas sans risque et il n'est peut-être que transitoire..........................................................................6

2. La diversification des objets et des formes de l'action collective.....................................................................................................6

2.1. Les Nouveaux Mouvements Sociaux (NMS)..........................................................................................................................................................6

2.1.1. Les " Nouveaux » Mouvements Sociaux : nouveau contexte, nouveaux acteurs, nouveaux thèmes, nouvelles formes d'action............................6

2.1.2. Un exemple de NMS : le féminisme..................................................................................................................................................................................................6

2.2. Est-ce la fin des conflits du travail ?..........................................................................................................................................................................7

2.2.1. Les NMS sont plus adaptés à nos sociétés individualistes et mondialisées, où la place du travail se réduit..................................................................7

2.2.2. Mais les NMS ne sont pas si " nouveaux » que ça, et ils se mêlent en fait aux conflits traditionnels..............................................................................7

2.2.3. L'altermondialisme : nouveau mouvement social ou conflit du travail ?.................................................................................................................................8

2.3. Nouveaux Mouvements Sociaux et changement social.......................................................................................................................................8

2.3.1. Les NMS font apparaître de nouveaux conflits en remettant en cause la légitimité d"inégalités qui étaient jusque-là socialement acceptées....8

2.3.2. Les NMS font émerger de nouvelles valeurs et de nouvelles normes, voire des modèles culturels alternatifs.............................................................8

2.3.3. Les NMS essaient de déboucher sur une transformation de la société en influençant les politiques publiques..........................................................8

Nous venons de voir à quel point les sociétés démocratiques sont traversées par la tension entre les inégalités et l

"idéal égalitaire

(chapitre 3). Inutile de dire que ces tensions se traduisent bien souvent dans la réalité par des conflits. Les conflits vont donc être notre

objet d

"étude dans ce chapitre.Pourquoi nous intéresser au conflit, alors que c'est a priori une mauvaise chose, qu'on nous pousse à éviter ? Justement, parce que

cette mauvaise chose n'est simplement mauvaise que parce qu'elle remet en cause l'ordre établi, autrement dit parce qu'elle engendre

du changement social, ce qui dérange ceux qui voudraient les choses restent comme elles sont. La première chose à faire, pour parvenir

à étudier sérieusement cette notion de " conflit social » est donc de se débarrasser de nos " prénotions », c'est-à-dire de nos

connaissances de sens commun sur le conflit : il faut tenter de les observer d'un regard neutre. Cela nous permettra d'observer que les

frontières mêmes de ce que l'on nomme " conflit » sont mouvantes, car cette délimitation est elle-même un enjeu de luttes sociales :

" l'absence de définition fait partie de sa définition. [...] Si les frontières, les limites du mouvement social sont mal définies, c'est parce

qu'elles sont un enjeu de luttes » (Gérard Mauger, 2002).

Essayons d'illustrer cette idée par un exemple. Lorsque les syndicats ouvriers descendent dans la rue pour revendiquer une hausse

du " pouvoir d'achat », nous avons affaire à un conflit social, nul doute à ce sujet. Mais lorsque ces mêmes syndicats sont présents dans

des institutions comme la Sécurité sociale, qu'ils gèrent en partenariat avec les autres " partenaires sociaux » comme le Medef,

sommes-nous toujours dans une situation de conflit ? Non, car les discussions sont calmes et feutrées, elles restent dans le cadre très

défini dans lequel elles doivent prendre place. Oui, car il y a bien lutte pour faire triompher sa propre volonté contre celle des autres.

Lorsque des lycéens se rassemblent devant leur établissement scolaire pour réclamer quelque chose, est-on face à un conflit

social ? Non, une simple crise d'adolescence, il faut que jeunesse se passe. Vous le voyez dans cet exemple, le fait de nier l'existence

même du conflit est une façon de le gagner ; alors que si les lycées parviennent à faire admettre qu'il s'agit bien là d'un conflit (en obtenant un article dans le journal local par exemple), ils ont déjà gagné la première bataille. La définition du conflit est elle-même un

conflit. En jargon sociologique, on dit que le conflit est un " opérateur systémique », c'est-à-dire qu'il nous en apprend autant sur le

conflit lui-même que la société dans son ensemble.

Tout ceci est bien ennuyeux pour un sociologue : comment étudier le conflit si je ne sais pas de quoi il s'agit ? Le sociologue,

homme très intelligent s'il en est, a bien sûr trouvé une solution : on adopte une définition large, qui englobe tous les conflits

imaginables, de la dispute entre la mère et sa fille au conflit entre la classe ouvrière et la bourgeoisie. Nous pouvons ainsi retenir la

définition de Max Weber : le conflit est " une relation sociale pour autant que l "activité est orientée d"après l"intention de faire

triompher sa volonté contre la résistance du ou des partenaires ». Pour simplifier, un conflit est une relation sociale qui met en

opposition des acteurs aux intérêts incompatibles.

Mais, tout comme les acteurs usent de la définition du conflit comme une des armes de ce conflit, les sociologues aussi jouent

avec la définition du conflit en fonction de ce qui les arrange. Ainsi, pour Karl Marx, le conflit a lieu entre deux grands groupes

d'individus appelés " classes sociales » dont l'un domine l'autre, et il vise au renversement de la domination. Pour certains sociologues

de la fin du XXè siècle par contre, le conflit s'est mué en conflit " post-moderne » : il a lieu entre des petits groupes plus ou moins

éphémères, qui cherchent à modifier les valeurs de la société ; le travail et la domination ne seraient plus au centre des luttes sociales.

Ainsi, la définition que donnent ces sociologues du conflit trahit leur point de vue général sur la société : en jargon sociologique, on dit

que le conflit est un " opérateur épistémique » (l'épistémologie est la partie de la philosophie qui s'intéresse aux conditions dans

lesquelles la science est produite), dans la mesure où " en simplifiant à peine, on pourrait avancer l

"idée selon laquelle, à travers le concept de conflit, c

"est aussi bien la question de la nature du système social qui se trouve posée que celle de la sociologie elle-même »

(Pierre Birnbaum, 1991).

Cette notion de conflit est ainsi passionnante : son étude nous permet à la fois de décrire la société dans laquelle ils prennent

place (opérateur systémique) et la sociologie qui l'étudie (opérateur épistémique) ! Bon, je sens que vous n'avez rien compris à ce

charabia jargonnant, alors je passe à des choses plus simples. Nous nous demanderons dans ce chapitre comment ont évolué les

conflits sociaux au cours du siècle passé. Dans une première partie, nous nous intéresserons aux conflits du travail, et nous nous

demanderons dans quelle mesure les mutations du travail ont entraîné la fin des " conflits de classe ». Puis, dans une seconde partie,

nous nous intéresserons aux nouvelles formes de conflits nées dans les années 1970, et nous nous demanderons dans quelle mesure ces

" nouveaux mouvements sociaux » (NMS) sont bien " nouveaux ».

1. L'effet des mutations du travail sur les conflits sociaux

Depuis que les sociétés sont entrées dans la " modernité », c'est-à-dire depuis que " l'individu » existe face au groupe, soit depuis

le XVIIIè siècle environ, l

"essentiel des conflits sociaux s'est déroulé sur le terrain du travail et de l"emploi. On peut essayer de

comprendre pourquoi : le travail occupe, directement ou indirectement, l "essentiel de la vie des individus, en temps d"abord (et bien plus au XIXè siècle qu

"aujourd"hui) et aussi parce qu"il est à l"origine de certaines des inégalités dont nous avons parlé précédemment

(revenus en particulier). C

"est aussi dans le travail que se noue une bonne partie des relations sociales qui entourent (et intègrent, cf.

chapitre suivant) l

"individu. Pour toutes ces raisons, auxquelles il faut ajouter la valeur hautement symbolique du travail, les conflits

sociaux sont bien souvent nés dans le monde du travail depuis la naissance du capitalisme.

Nous allons d

"abord nous demander comment, concrètement, les conflits sociaux se développent à partir de la question du travail

(1.1.). À travers l

"étude de la classe ouvrière, nous verrons comment les conflits engendrent des classes sociales, c"est-à-dire comment

le conflit agit sur la structure de la société. Nous nous demanderons ensuite quel a été l'effet des transformations du monde du travail

(et notamment de la disparition de la classe ouvrière) sur les conflits (1.2.). Enfin, nous aborderons l'exemple des syndicats et nous

verrons le rôle complexe qu

"ils jouent dans la gestion des conflits sociaux (1.3.).1.1. Des conflits du travail aux conflits sociaux

C

"est la première question qu"il faut se poser : pourquoi le travail est-il une source de conflit social ? En premier lieu, bien

évidemment, parce qu'il est source d'inégalités (1.1.1.) ; mais également parce qu'il est source d'une " identité professionnelle » (1.1.2.) ;

et enfin parce qu'il entraîne une " capacité de mobilisation » (1.1.3.).

1.1.1. Les inégalités du monde du travail peuvent déboucher sur des conflits

Les sociétés modernes, et a fortiori les entreprises, sont traversées par des inégalités nombreuses qui, même si elles tendent à se

réduire sur le long terme, restent encore très importantes. Il y a là un premier motif de conflit dans le monde du travail.

Page 2 / 9

Les inégalités suscitent le conflit quand elles ne sont pas acceptées, et donc lorsqu'elles sont considérées comme injustes. Elles

sont alors souvent l"enjeu des conflits sociaux : on se bat pour accroître la part des salaires dans la valeur ajoutée au détriment des

profits, ou pour améliorer sa rémunération par rapport aux autres métiers de l "entreprise.Mais les inégalités ne suffisent pas à engendrer un conflit social, parce qu "elles peuvent susciter une compétition entre les individus plutôt qu

"entre les groupes. C"est une analyse somme toute assez classique et assez simple. Pour améliorer sa situation, un

individu a plusieurs solutions, que le sociologue américain Albert Hirschman (1970) a appelées " exit », " voice » et " loyalty ». Il peut

tout d'abord être loyal, et attendre en retour une amélioration de ses conditions (notamment une promotion au sein de l'entreprise) : il

va alors jouer le jeu de l'entreprise, et cherchera à être meilleur que ses collègues pour monter dans la hiérarchie (concurrence entre

individus). Il peut également partir (solution exit, ou " défection »), c'est-à-dire chercher un emploi ailleurs. Lorsque ces deux

solutions ne fonctionnent pas, parce que l'entreprise ne permet pas la mobilité interne, et/ou que la situation de chômage empêche de

chercher un autre emploi, l'individu utilisera la " prise de parole » (voice) et entrera donc dans une situation de conflit.

La plus ou moins grande mobilité sociale entre les métiers joue donc sur la capacité de mobilisation. S

"il existe une grande fluidité entre les positions dans l

"entreprise, si l"on peut facilement obtenir une promotion individuelle, alors un individu peut espérer

améliorer sa situation personnelle par son seul mérite, sans agir au profit de l "ensemble de son groupe social. Mais si la mobilité sociale

est faible, si les métiers restent fermés les uns aux autres, alors les revendications personnelles passeront d

"autant plus par une revendication collective. C

"est en substance ce que l"on a vu sur la crise du système fordiste : les OS, de plus en plus qualifiés, se sont

révoltés collectivement contre une organisation du travail qui ne leur laissait entrevoir aucune possibilité de promotion, qui ne

témoignait guère de considération pour leurs mérites professionnels.

Vous voyez donc pourquoi les inégalités ne sont pas à elles seules la cause des conflits sociaux. Ce point-là est important, parce

qu

"il permet de dissiper un préjugé un peu simpliste qui associe les gros conflits aux grosses injustices. Or, ce n"est pas toujours là où il

y a les plus fortes inégalités qu

"il y a les conflits les plus durs. Par exemple, il y a plusieurs millions de mal logés en France mais on ne les

voit jamais protester.

1.1.2. Mais le conflit ne naît qu'avec la " conscience collective », s'il émerge une " identité professionnelle »

qui crée un groupe par l'opposition aux autres groupes

Ce sont les sociologues de la tradition marxiste qui ont le plus travaillé sur cette question : comment naît un groupe capable de

mener un conflit social ? En effet, il ne suffit d'avoir la même " position » au sein de la société pour former un groupe capable de mener

une lutte sociale. Karl Marx (Le 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte, 1852) montrait déjà que l'organisation matérielle de la

production avait une grande importance : si les individus sont dispersés et travaillent séparément, sans se rencontrer, il leur sera très

difficile de se coordonner pour agir. Les paysans français du XIXè étaient ainsi trop dispersés géographiquement pour agir, bien qu

"ils

aient eu matière à se révolter. Karl Marx les compare à un sac de pommes de terre : " ainsi, la grande masse de la nation française [les

paysans] est constituée par une simple addition de grandeurs de même nom, à peu près de la même façon qu'un sac rempli de pommes

de terres forme un sac de pommes de terres ». Inversement, le regroupement des ouvriers dans les ateliers puis dans les grandes

usines, où l

"on travaille ensemble, fait la pause ensemble, mange ensemble, où l"on se rencontre en allant au travail et en repartant chez

soi, a incontestablement favorisé l "organisation de la classe ouvrière. Pour Alain Touraine (La Conscience ouvrière, 1966), trois

principes sont nécessaires pour que se forme un groupe capable de conflit social : le principe d'identité, le principe d'opposition et le

principe de totalité.

La spécialisation des travailleurs dans la réalisation d'une tâche particulière (maçons, boulangers, etc.) entraîne leur

différenciation et donc l

"émergence " d"identités professionnelles » distinctes. Construire son identité professionnelle, c"est

revendiquer certaines appartenances, se reconnaître une certaine position dans le groupe et dans sa hiérarchie, se sentir différent

d

"autres individus (n"appartenant pas au groupe, en général). L"identité professionnelle, c"est aussi les valeurs partagées au sein du

collectif de travail, au sein d

"un métier. Ces valeurs peuvent changer en fonction de ce que l"on fait dans l"entreprise (on peut penser à

la solidarité des mineurs face à la pénibilité et la dangerosité de leur métier), mais aussi en fonction de ce que l

"on est (la féminisation d

"un métier peut en changer les valeurs). Ainsi, pour Touraine, le " principe d'identité » correspond au fait d'avoir conscience

d'appartenir à un groupe particulier. Les identités professionnelles deviennent facilement concurrentes dans l "entreprise et dans la société. On veut dire par là que les valeurs des groupes sociaux s

"opposent sur toutes les questions qui concernent l"entreprise, et au-delà la société. Le premier point

d

"opposition est bien sûr les inégalités de rémunérations. Chaque groupe a une idée différente de la valeur des métiers, et donc des

inégalités " justes » ou " injustes » - faut-il par exemple payer plus ceux qui fabriquent le produit ou ceux qui le commercialisent ?

Mais l

"opposition s"étend aussi à la façon de gérer l"entreprise : on l"a vu dans le cas de la fermeture des usines " LU » dans le nord de la

France, où la logique entrepreneuriale de l

"encadrement (recentrer l"activité du groupe sur les productions les plus rentables) s

"opposait à la logique des salariés (maintenir les sites aussi longtemps que possible pour sauvegarder les emplois). L"affirmation d"une identité professionnelle fait donc non seulement apparaître un groupe social, mais elle lui donne aussi un adversaire. C'est ce qu'Alain

Touraine nomme le " principe d'opposition ».

Pour beaucoup de sociologues, identité et opposition suffisent à expliquer le conflit. Cependant, dans l'optique marxiste, le conflit

prend une dimension supérieure dans la mesure où il vise à la transformation complète de la société : identité et opposition ne suffisent

pas à ce qu'existe une " classe sociale ». Alain Touraine mentionne en effet ici le " principe de totalité », c'est-à-dire le fait pour le

groupe de considérer que son opposition concerne la société dans son ensemble ; le fait donc, de lutter non pour quelques menus

avantages, mais pour le contrôle de " l'historicité », c'est-à-dire de l'évolution historique de la société. C'est à ce prix qu'une " classe en

soi » (les pommes de terre) deviennent une " classe pour soi », par l'acquisition d'une " conscience de classe ».

1.1.3. Dans l'optique marxiste, les conflits du travail finissent par déborder de ce cadre pour concerner

l'ensemble de la société L

"opposition entre ouvriers et bourgeois a pris une valeur politique. Au début du XXè siècle, le clivage entre la gauche et la

droite s

"est progressivement confondu avec le clivage entre travailleurs et capitalistes. Au fur et à mesure que les ouvriers devenaient

numériquement plus importants (au détriment notamment des agriculteurs, qui avaient une toute autre vision du monde), le conflit

politique s

"est cristallisé sur la question de la propriété : la gauche représentait les salariés et voulait " nationaliser » le capital, c"est-à-dire exproprier les capitalistes pour qu

"ils ne contrôlent plus les entreprises, et donc pour résoudre le conflit social par la disparition

d

"un des adversaires. Symétriquement, la droite défendait le droit de propriété comme principe, et donc le pouvoir des actionnaires

dans l

"entreprise. Moins radicalement, l"enjeu politique entre la droite et la gauche était aussi l"adoption de lois et de règlements qui

limitaient le pouvoir des employeurs sur les salariés (Semaine de 40h, Congés payés, Droit du travail, protection contre les

licenciements, mais aussi indemnisation du chômage). L

"opposition entre ouvriers et bourgeois a pris une valeur culturelle. Chaque groupe a affirmé ses valeurs, et son mode de

vie. La " culture ouvrière » était nourrie de la fierté du métier : essentiellement masculin, le travail ouvrier supposait souvent la force

physique, des connaissances et astuces, essentiellement pratiques, qui se transmettaient au sein de l

"atelier. La " culture bourgeoise »

était ce qu

"on appellerait aujourd"hui la culture savante, celle qu"on transmet à l"école et à l"université (littérature, musique classique,

sciences, beaux-arts). Les loisirs des deux groupes n "étaient pas non plus les mêmes, d"ailleurs l"obtention d"un droit aux congés payés en 1936 avait une valeur conflictuelle symbolique : jusque-là les vacances étaient l "apanage de la bourgeoisie. L

"opposition entre ouvriers et bourgeois a engendré une véritable ségrégation sociale. Elle était visible dans la structure des

villes, où les " quartiers ouvriers »

- généralement les banlieues ou la périphérie des villes - s"opposaient aux " beaux quartiers », le

centre-ville. Mais on la retrouvait aussi à l "école, puisque les enfants des classes populaires et supérieures ne fréquentaient pas les

mêmes cursus scolaires. Il a fallu attendre 1975 et la création du collège unique pour que tous les écoliers suivent la même scolarité

obligatoire. On voit donc que le conflit social, initialement circonscrit à l "entreprise, s"est étendu à toute la société, ce qui justifie que l"on parle

de classes sociales plutôt que de groupes sociaux, puisque les groupes ne rassemblent plus seulement, par exemple, les ouvriers d

"une

entreprise, mais tous les ouvriers de la société. De même, le conflit social devient un véritable mouvement social et mérite l

"appellation de " lutte des classes » parce qu

"il prend une valeur générale.1.1.4.L'analyse du conflit social peut alors être menée en termes de lutte des classes

Pour une analyse de la pensée de Karl Marx : théorie de l'exploitation, constitution des classes sociales, rendez-vous sur

www.brises.org : Ch4, Partie 1, 1.1.4.

1.2. De la " fin de la classe ouvrière » à la fin des conflits du travail ?

Nous avons vu comment l'organisation du travail pouvait engendrer des conflits sociaux ; et comment ces conflits sociaux

pouvaient " sortir » de l'entreprise pour structurer les conflits au sein de la société : l'existence d'une classe ouvrière, définie par une

même position dans le processus de production, par la création d'une identité commune, d'une culture commune (la " culture

ouvrière ») et donc d'une " conscience de classe » (classe pour soi), a engendré une " lutte des classes ».

Cependant, nous montrerons que les mutations du travail et de la société depuis la fin des " Trente glorieuses » (selon

l'expression de Jean Fourastié) ont à la fois réduit le poids des ouvriers, limité l'identité et la culture ouvrières et réduit leur capacité de

mobilisation : certains sociologues ont ainsi parlé de " la fin de la classe ouvrières » (1.2.1.). Cependant, nous montrerons que, comme

le montrent d'autres sociologues, cela n'implique pas la fin des conflits du travail (1.2.2.).

Page 3 / 9

1.2.1. Les mutations du travail ont réduit le poids des ouvriers, brouillé leur identité professionnelle et

diminué leur capacité de mobilisation : les théories de " la fin de la classe ouvrière »

Les transformations du travail et les mutations de la classe ouvrière remettent-elles en cause la division de la société française en

classes sociales antagonistes ? C"est ce que pensent certains sociologues, et nous allons présenter leurs principaux arguments. En premier lieu, la part des ouvriers dans la population active a diminué. Le recensement de mars 1999 en France met en

évidence la poursuite du mouvement amorcé dès le milieu des années 1970 : les ouvriers étaient encore plus de 7 millions en 1982, ils

étaient 6.5 millions environ en 1990 et 5.9 millions seulement en 1999. Cela représente une diminution de plus de 15% des effectifs

ouvriers entre 1982 et 1999, alors que, dans le même temps, la population active occupée augmentait. Résultat : la part de la PCS

" ouvriers » dans la population active occupée a encore plus nettement diminué que ses effectifs : elle est passée de 32.8% de la

population active occupée en 1982 à 25.6% en 1999 (Insee, recensements de la population), soit une diminution de 22% environ.

Aujourd

"hui, la part des ouvriers dans la population active est inférieure à celle des employés.En second lieu, c'est la nature même du travail des ouvriers qui a changé : la première grande transformation est que les

ouvriers travaillent de plus en plus souvent dans le secteur des services, comme c'est le cas des chauffeurs routiers, par exemple. Ainsi,

en 2001, il y a plus d

"ouvriers travaillant dans le tertiaire que d"ouvriers travaillant dans le secondaire (attention, si ce résultat vous

étonne parce que vous pensiez que les ouvriers travaillaient forcément dans le secteur secondaire, cela signifie qu

"il faut que vous revoyiez comment on répartit les actifs occupés dans les trois secteurs d "activité). Ces ouvriers sont en particulier des ouvriers d

"entretien et de maintenance. " La classe ouvrière est désormais disséminée dans les rouages de la société de services et non plus

soudée au c

œur du système industriel » (E. Maurin, Sciences humaines n°136, mars 2003). Même dans le secteur secondaire, les

ouvriers font beaucoup moins souvent qu

"avant des tâches de production au sens strict car celles-ci sont de plus en plus automatisées.

On a donc un développement des tâches de tri, d "emballage et de manutention en général d"un côté, et un développement des tâches de surveillance, contrôle et réglage des machines automatisées d "un autre côté. La deuxième transformation touche la qualification des ouvriers : la qualification personnelle des ouvriers s "est plutôt élevée (il y a davantage de diplômes professionnels) mais ils exercent souvent un emploi dont la qualification est inférieure à celle qu "ils possèdent (31% des salariés embauchés pour un emploi ne nécessitant pas officiellement de qualification sont titulaires d "un CAP ou d"un BEP). Le nombre des emplois d"ouvriers non qualifiés

avait beaucoup diminué entre 1982 et 1994 mais il a réaugmenté entre 1994 et 2001. Au total, la part des emplois d

"ouvriers qualifiés dans l

"ensemble des emplois ouvriers progresse cependant.En troisième lieu, la taille des entreprises et du collectif de travail a diminué : parce que la nature du travail a changé, la taille

des entreprises dans lesquelles travaillent les ouvriers a beaucoup diminué. Cela s "explique d"une part par l"automatisation des tâches de production proprement dites (certaines usines sont aujourd "hui quasi " désertes »), d"autre part par le fait que les ouvriers

travaillent de plus en plus souvent dans des entreprises du tertiaire qui sont traditionnellement, en moyenne, de taille inférieure à celle

des entreprises industrielles. Le cadre de travail des ouvriers a donc été bouleversé : les grands rassemblements ouvriers à l

"ouverture des grilles de l

"usine ne font bien souvent plus partie de l"expérience vécue par les ouvriers. Mais le fait que la taille de l"entreprise

diminue ne signifie pas que les ouvriers seront plus proches du patron : en règle générale, ces petites entreprises appartiennent à de

grands groupes industriels et financiers et le pouvoir est en général bien loin du lieu de production.

En quatrième lieu, les transformations récentes du travail et de l "emploi agissent aussi sur l"identité professionnelle (précarisation du travail, suppression de certains emplois non qualifiés, par exemple d "ouvriers, individualisation de la carrière des salariés) : les frontières de l

"emploi sont plus floues, les métiers se transforment, les horaires sont " à la carte », l"individu semble

triompher et les collectifs de travail semblent moins englobants, moins contraignants pour les individus, mais aussi moins protecteurs.

L

"identité professionnelle semble donc moins " imposée » à l"individu qui doit bien davantage trouver ses repères seul pour la

construire. Dans ces conditions, on voit bien que la mobilisation en vue d

"un conflit sera sans doute plus difficile à obtenir.Enfin, la culture ouvrière recule avec la transformation du travail ouvrier. La précarisation du travail et l

"expérience du

chômage (qui touche proportionnellement plus les ouvriers que les autres PCS) dévalorisent le travail ouvrier, tandis que le

changement de la nature du travail ouvrier (moins directement en contact avec la matière et la production) attaquent directement sa

spécificité. De même, les conditions de vie des ouvriers se sont transformées, semblant rejoindre celles d

"une vaste " classe moyenne » : d

"une part, les revenus, et donc la consommation, se sont élevés rapidement durant les années 1960 et 1970, permettant aux ouvriers

d

"accéder aux biens de consommation durables comme la télévision, la machine à laver ou l"automobile ; d"autre part, les modes de vie

des ménages ouvriers se sont également transformés par le développement du travail des femmes d

"ouvriers, l"allongement de la durée de scolarisation des enfants d

"ouvriers et le développement de l"accession à la propriété grâce au crédit. Au final, les conditions de vie

semblent s

"égaliser avec celles d"autres groupes sociaux et les éléments qui contribuent à forger et à transmettre la culture ouvrière

semblent peu à peu disparaître. Nous retrouvons bien ici toutes les idées de la théorie de la moyennisation de la société française.1.2.2. Cependant, si l'influence politique et sociale des ouvriers est moins nette, les raisons du conflit avec

les classes supérieures restent fortes

Il faut nuancer le diagnostic d

"une disparition de la classe ouvrière, parce qu"il ne s"agit pas d"une disparition des ouvriers, mais de

la perte de leur statut de classe sociale, c

"est-à-dire de la capacité à transposer leur conflit à l"échelle de la société tout entière. De plus,

les sources du conflit social, les inégalités, la faible mobilité sociale, perdurent toujours et même parfois s

"aggravent. Le poids numérique des ouvriers dans la population française reste important malgré leur relatif déclin. Le groupe social des

ouvriers disparaîtrait, faute de combattants en quelque sorte ? Ce n "est pas si évident que cela. En effet, aujourd"hui, près d"un tiers des

pères de famille sont ouvriers et 40% des enfants sont élevés dans un ménage où un des deux adultes au moins est ouvrier. Ce sont des

proportions élevées qui montrent que la transmission de la culture ouvrière reste toujours possible, au moins en partie. D

"autre part, il semble bien que la diminution des effectifs ouvriers soit stoppée depuis deux ou trois ans.

La faible mobilité sociale enferme encore la classe ouvrière sur elle-même et la coupe des classes supérieures. Louis Chauvel a

montré à quel point depuis vingt ans, la mobilité sociale nette est faible : les chances de monter dans la hiérarchie sociale, si l

"on enlève les effets des transformations de l

"emploi, sont très faibles, et cela malgré la scolarisation allongée des enfants, ceux des ouvriers en

particulier. Aujourd

"hui, on observe de plus en plus fréquemment des enfants qui ont fait des études bien plus longues que celles de

leurs parents et qui, pourtant, intègrent le marché du travail, d "une part bien plus difficilement, d"autre part à un niveau équivalent, voire moins élevé. Résultat de cette faible mobilité ascendante : l "écart social entre les groupes sociaux a recommencé à s"accroître. Et ce d

"autant plus que, on l"a vu dans le chapitre précédent, l"accès à l"enseignement supérieur est encore très inégal selon l"origine

sociale, au détriment des enfants d

"ouvriers. Enfin, les inégalités, y compris matérielles, demeurent importantes. Certes, les ouvriers ont accédé dans leur majorité à la

consommation de masse, mais la distinction se porte sur de nouveaux biens et surtout sur les services : les taux de départ en vacances

restent très inégaux (et il ne s

"agit pas des mêmes vacances quand il y a départ), l"accès à Internet reste socialement très inégalement

réparti, les cadres ont largement développé leurs consommation de services à domicile (femmes de ménage, garde d

"enfants), l"habitat reste spatialement très différencié, etc.

Conclusion : les ouvriers constituent plus certainement un groupe social qu'une classe sociale au sens marxiste du terme ; mais

cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas être à l'origine de conflits sociaux. Cela ne signifie pas non plus que la situation de tous s'est

améliorée au point qu'il n'existerait plus de conflits autour du travail : c'est une problématique que nous étudierons dans la deuxième

grande partie.

1.3. Le rôle des syndicats dans les conflits sociaux

Cette dernière sous-partie vise à exemplifier cette histoire des conflits ouvriers par un de ses aspects les plus marquants : la grève

et le syndicalisme. En effet, nous verrons que, parallèlement à la " fin de la classe ouvrière », on a assisté à un large mouvement de

désyndicalisation, que d'aucuns nomment " crise du syndicalisme ». Nous commencerons cette sous-partie par un aperçu historique

du développement des syndicats (1.3.1.) ; puis nous montrerons comment ils ont participé à l'émergence puis à l'institutionnalisation

des conflits (1.3.2.) ; nous verrons en quoi les transformations du travail ont affecté les syndicats et peuvent expliquer leur crise

(1.3.3.) ; nous verrons également que la montée de l'individualisme est l'un des facteurs explicatifs (1.3.4.) ; enfin, nous discuterons des

problèmes que cela pose (1.3.5.).

1.3.1. Le développement historique des syndicats

•Les débuts de l

"industrialisationPendant cette période, le pouvoir appartient clairement aux patrons, les travailleurs n

"ont à peu près aucun droit, sauf celui de

travailler. La grève est en général interdite : en France, elle est considérée comme un délit jusqu

"en 1864. Cela signifie que jusqu"à cette date, c

"est la force publique (l"armée en général) qui intervient pour empêcher les grèves et que les grévistes sont condamnés par les

tribunaux. La loi Le Chapelier (1791) que les révolutionnaires avaient votée pour interdire les " corporations », pour laisser libre accès

au marché du travail, implique que les syndicats (qui sont un regroupement d'ouvriers) sont interdits. Les conflits du travail qui

éclatent sont donc, la plupart du temps extrêmement violents et sauvagement réprimés. Ce n

"est qu"à la fin du XIXè siècle, 1884 en

France, que les syndicats sont autorisés, c

"est-à-dire que les travailleurs ont le droit de se réunir en un acteur collectif pour tenter de

défendre leurs intérêts. •La première moitié du 20è siècle

À cette période, les syndicats se construisent petit à petit et acquièrent peu à peu une certaine légitimité, tant auprès des travailleurs

qu

"auprès des patrons. Le premier rôle des syndicats sera d"endiguer la violence des conflits et de diminuer les risques individuels

encourus par les grévistes en se faisant leur porte-parole. La légitimité des syndicats éclatera aux yeux de tous en 1936 (en France) : ce

Page 4 / 9

sont les syndicats qui négocient les accords Matignon avec les patrons et l"Etat, après un mouvement de grève généralisé qu"ils ont

orchestré. Parallèlement, le droit du travail se construit, essentiellement sur le plan de la protection physique des salariés pendant leurs

heures de travail. •La période fordiste (1945-1975)

Dans un pays comme la France, cette période est marquée par le triomphe des syndicats : on observe leur institutionnalisation, c

"est-à-dire qu

"ils deviennent les partenaires obligés de toutes les négociations, ils participent directement à la gestion des conflits, mais aussi à

la gestion des institutions mises en place pour protéger ou défendre les travailleurs (protection sociale et tribunal des Prud'hommes).

Les conflits eux-mêmes s

"institutionnalisent, c"est-à-dire qu"ils suivent tout un rituel (préavis de grève, premières négociations, échec

de ces négociations, grève effective, négociations à nouveau) dans lequel les syndicats jouent un rôle de premier plan. Le conflit se

marque essentiellement par des grèves auxquelles les syndicats appellent et qu "ils dirigent, y compris jusqu"à l"appel à la reprise du

travail. Au début des années 1970, certains en viennent, pour parler des syndicats, à employer des expressions du genre " forteresse

syndicale » ou " État dans l'État » et ceux-ci sont des piliers de la régulation sociale. Il faut rappeler aussi que les syndicats ont obtenu

le droit de co-gérer la protection sociale, la Sécurité Sociale étant l "objet d"une gestion tripartite Etat - patronat - syndicats représentatifs.

Vous avez l

"habitude d"associer les syndicats aux conflits sociaux, et même de les considérer, sinon comme la cause, du moins

comme des acteurs essentiels des conflits. Ils sont effectivement souvent à l "origine des grèves, des manifestations, et, par les revendications qu

"ils expriment, ils peuvent entretenir la tension sociale. Mais cette vision des choses ne recouvre qu"une partie de la

réalité, car les syndicats jouent en fait un rôle bien plus complexe, et, paradoxalement, permettent aussi de réduire la conflictualité

dans les entreprises. Cela amène à s

"interroger sur les conséquences de la désyndicalisation que l"on constate dans les sociétés

modernes : cela va-t-il accroître ou diminuer la conflictualité dans la société ?

1.3.2. Si les syndicats ont favorisé l'émergence de conflits sociaux par leur capacité d'organisation, ils ont

également permis de les régler plus facilement par l'institutionnalisation (des conflits et des organisations)

Voyons concrètement comment le développement des syndicats peut permettre le développement des conflits sociaux dans les

entreprises, et plus généralement au niveau de la société tout entière. Les syndicats rassemblent les moyens matériels et humains de l "action collective. L"action collective coûte cher, et les syndicats sont d

"abord un moyen de la financer. Ils collectent des cotisations, reçoivent parfois des dons ou des subventions publiques, qui

permettent de faire face aux dépenses nécessaires à la mobilisation des salariés (presse syndicale, tracts, locaux et moyens de

communication, transports des militants, caisse de solidarité pour compenser les pertes de salaires en cas de grève). Mais ces moyens

permettent surtout de payer des permanents, c "est-à-dire des personnes qui travaillent à temps plein pour le syndicat, assurent des

permanences pour informer ou aider les salariés, gèrent les aspects matériels de la vie syndicale, négocient avec les employeurs. Les

permanents et plus généralement les militants syndicaux assurent la coordination et donc l "efficacité de la revendication. En effet, si on veut par exemple lancer une grève pour faire pression sur l "employeur, il vaut mieux que tout le monde cessent le travail en même

temps pour que la démonstration de force soit plus convaincante : c'est le rôle des syndicalistes de coordonner les actions individuelles

de revendication. Et si on veut que la grève soit un succès, il faut aussi informer les salariés à l

"avance et essayer de les convaincre de

participer, et là encore, les syndicats fournissent un travail essentiel pour le développement de mouvements sociaux.

Les syndicats sont un cadre institutionnel qui permet de faire émerger des décisions collectives et de mener des négociations pour

sortir des conflits. Enfin, pour mener une action collective, il faut squotesdbs_dbs44.pdfusesText_44