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3e Visions poétiques du monde « L’huître », Le Parti pris
Comparons la forme du texte de F Ponge avec celle de l’huître Que repérons-vous ou devinons-vous ? Ecrit en prose (cette forme du discours écrit ou oral qui permet de retrouver une liberté d’expression), le poème se divise en trois paragraphes dont la taille se raccourcit au fur et à mesure : le premier paragraphe
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[PDF] Normas APA Sexta Edición
3 e
Visions poétiques du monde.
" L'huître », Le Parti pris des choses, Francis PongePréambule
Cette séance se propose de découvrir le regard personnel de Francis Ponge sur notre monde immédiat et
quotidien, sa vision poétique d'objets auxquels nous ne prêtons pas forcément attention, que nous ne
regardons pas précisément par habitude ou indifférence comme du pain, un cageot, des êtres vivants comme
un escargot, des plantes, des saisons et donc d'une huître.Regarder et dire le monde en poésie, à travers l'étude d'un poème, " L'huître », extrait du recueil " Le parti
pris de choses » ,écrit par Francis Ponge et paru en 1942, pose un regard neuf porté sur les choses banales
dès lors qu'on les observe attentivement , qu'on les nomme autrement et nous interroger sur la façon dont
un objet du quotidien peut-il se transfigurer grâce au travail d'un artiste sur le langage et devenir un sujet
poétique.L'huître
L'huître, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie,
brillamment blanchâtre. C'est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l'ouvrir : il faut alors la tenir
au creux d'un torchon, se servir d'un couteau ébréché et peu franc, s'y reprendre à plusieurs fois. Les doigts
curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles : c'est un travail grossier. Les coups qu'on lui porte marquent son
enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de halos.A l'intérieur l'on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler)
de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux d'en dessous, pour ne plus former qu'une mare, un
sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l'odeur et à la vue, frangé d'une dentelle noirâtre sur les
bords.Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à s'orner.
Etude du texte
A la découverte de ce poème, quelles impressions sont les vôtres ? Quels éléments (mots, images...) ont
retenu votre attention et susciter un plaisir, une curiosité de lecture et d'écoute ? Recueil des premières impressions dans un carnet de lecteurComparons la forme du texte de F Ponge avec celle de l'huître. Que repérons-vous ou devinons-vous ?
Ecrit en prose (cette forme du discours écrit ou oral qui permet de retrouver une liberté d'expression), le
poème se divise en trois paragraphes dont la taille se raccourcit au fur et à mesure : le premier paragraphe
est constitué de plusieurs phrases (cinq), le deuxième est une seule longue phrase, et le troisième est une
seule phrase courte. Tout cela offre un ensemble approximativement égal en volume à celui du premier
paragraphe, consacré à l'aspect extérieur.La progression du poème suit un ordre, en procédant de l'extérieur vers l'intérieur et du général vers le
particulier : le premier paragraphe décrit l'huître close, son apparence, la façon de l'ouvrir, puis les deuxième
et troisième paragraphes sont consacrés à l'aspect intérieur de l'huître :" À l'intérieur l'on trouve tout un
monde... »). Le regard nous guide vers des éléments de plus en plus précis.Si nous regardons une huître fermée puis ouverte à l'appui d'une photographie, nous remarquons sa coquille
bivalve et rugueuse, inégale dans sa forme comme dans son aspect, la petite taille de la perle que l'on peut
éventuellement trouver dedans.
Qu'en déduisons-nous ?
L'allure du mollusque en deux v alves et la forme du texte en trois p arties dialoguent en miroir. La
composition du poème reprend celle de l'huître : deux premières parties presque symétriques et une plus
courte consacrée à la perle en proportion de sa taille. F Ponge revendique cette attention mimétique à la
forme de l'objet décrit et du poème qu'il lui consacre, comme source d'inspiration poétique.
Observons à présent le contenu du poème. Quel en est le sujet ?Le poème se présente comme une description de l'huître tel que le titre le laisse supposer : " L'huître » qui
donne un caractère plus général et informatif par l'emploi de l'article défini.Découvrons l'article du dictionnaire Littré qui y est consacré au mot huître (lecture de l'article) et comparons-
le avec le poème. Nous pouvons observer la démarche apparemment objective de l'objet ouverte par l'usage
du verbe être " (l'huître (...) est d'une apparence (...) C'est un monde clos ... ») comme pour mieux désigner
l'objet présenté. Ainsi, au fil du texte, sont confirmés des éléments propres à une définition : la taille ("
grosseur d'un galet moyen »), les couleurs (" blanchâtre », " verdâtre », " noirâtre », " blancs »), l'aspect ("
rugueuse »), la consistance (" visqueux », " une mare ») et la matière (" nacre »). Le poète a même recours
à de s comparatifs d e supériorité ou d'inférior ité pour caractériser plus finement le mollusque (" plus
rugueuse », " moins unie »). Nous remarquons aussi la neutralité du ton par la présence de tournures
impersonnelles telles que " on peut », " on trouve », " s'y reprendre à plusieurs fois ».
D'autres expressions évoquent le style d'une notice explicative en informant des outils appropriés et des
précautions à prendre : " il faut alors la tenir », " se servir d'un couteau » : " au creux d'un torchon »,
" couteau ébréché », " marquent son enveloppe de ronds bl ancs ». Ponge semble jouer avec ces deux
références que sont l'article de dictionnaire et le mode d'emploi en employant leur apparente objectivité de
langage, leur composition et leur représentation de l'objet présenté pour mieux le détourner au profit de sa
démarche poétique.Cette première rencontre avec l'huître que nous propose F Ponge peut nous sembler éloignée de l'univers
poétique, des images et expériences que nous en avons jusque-là. Ne restons à la surface des choses et des
mots. Comment caractériser l'huître ? quelle nouvelle dimension ?L'huître dépasse sa dimension d'objet quotidien pour en prendre une autre : " c'est un monde », et " à
l'intérieur l'on trouve tout un monde ». Ce monde s'enrichit de réalités diverses et presque tous les éléments
: le ciel (" halos », " firmament », la voûte céleste, " les cieux »), l'eau (" une mare [...] qui flue et reflue »), la
terre (" le galet »).Ce monde est également en mouvement vertical (" s'affaissent ») et horizontal (" flue et reflue ») où tout a
l'air de s'entremêler et de se transfigurer :" les cieux d'en dessus » et les " cieux d'en dessous » deviennent
une " mare » qui elle-même est en fait un " sachet (...) qui flue et reflue à l'odeur et à la vue ». La vision
personnelle du poète portée sur les objets et le monde commence donc à s'illustrer jusqu'à l'emploi d'images
surprenantes soulignées par les oxymores (" brillamment blanchâtre » (...) " dente lle noirâtre ») et
l'alternance de termes nobles et péjoratifs (" nacre », " mare », " visqueux et verdâtre ») pour désigner
l'huître. Comment aborder ce monde est -il opiniâtrement clos ?Comparable à un " galet » solide et résistant, d'apparence " rugueuse », désagréable au toucher et difficile
à saisir, ce monde semble difficilement abordable au premier abord. Pourtant le poète précise que l' " on
peut l'ouvrir » en prenant garde à une démarche intrusive et violente qui abîme l'huître puisque les " coups
(...) marquent son enveloppe de ronds blancs » à l'aide " d'un couteau ébréché et un franc ». En conséquence,
beaucoup " s'y coupent, s'y cassent les ongles » dans " un travail grossier » car ils ne parviennent pas à
rentrer dans cet univers. Pour d'autres qui y arrivent, un monde entier s'ouvre à eux : un monde riche,
abondant, où tout se mêle et se mélange : " on trouve [...] à boire et à manger », où l'on se nourrit des sens,
des couleurs, les choses se transforment et se confondent...Ponge fait ainsi appel à tous les sens du lecteur qui permet de représenter l'objet choisi avec la plus grande
précision. Sont ainsi mobilisés la vue (" couleur », " brillamment », " blanchâtre », " ronds blancs », " vue »),
le toucher (" rugueuse », " ébréché », " visqueux »), le goût (" à boire et à manger »), l'odorat (" odeur »),
l'ouïe (" parler », " formule »).Le poème se révèle moins neutre qu'il n'y paraît. Souvenez-vous du titre donné au recueil : " Le parti pris
des choses ». Connaissez-vous le sens de l'expression " parti pris ? Quelle signification peut-elle avoir ici ?L'expression " parti pris » signifie un choix à faire, une résolution à prendre pour agir ainsi qu'une opinion
préconçue. Pour compléter la compréhension du titre, nous pouvons nous appuyer sur cette citation de F
Ponge, extraite de " La rage de l'expression » paru en 1952 : " Parti pris des choses égale compte tenu des
mots ». Qu'en déduire ? Le titre annonce le regard personnel porté par l'artiste sur les choses, sa propre
sensibilité au monde à travers le langage et les univers poétiques qu'il a choisis de partager. Ainsi l'huître
n'est plus tout à fait un mollusque pour devenir un monde qui abrite et d'où naît la poésie. Redécouvrons
alors ses formes et ses parcours au sein du poème.En relisant à haute voix le poème, qu'entendez-vous apparaître ? Quelles impressions cela laisse-t-il au
lecteur ?A l'éc oute, no us entendons quelques répétition s sonores qui rythment le po ème :tout d'abord des
allitérations en [k] : " au creux d'un torchon, les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles », " Les
coups qu'on lui porte marquent son enveloppe » ; en [r] : " parfois très rare une formule perle à leur gosier
de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à s'orner » ; en [s] : " les cieux d'en-dessus s'affaissent sur les cieux d'en-
dessous », " aussitôt à s'orner » et en [ v] " visqueux et verdâtre ». Nous découvrons également des
assonances en [u] " flue et reflue à l'odeur et à la vue ». Tout autant, nous repérons des répétitions du suffixe
en " âtre ». F Ponge justifie ainsi ce procédé : " Parce que l'huître aussi, l'huître elle-même est un mot qui
comporte une voyelle, ou plutôt une diphtongue si on veut : enfin, uî-tre. Il est évident que si, dans mon texte,
se trouvent des mots comme " blanchâtre », " opiniâtre », " verdâtre », ou dieu sait quoi, c'est aussi parce
que je suis déterminé par le mot " huître », par le fait qu'il y a là acce nt circonflexe, sur voyelle (ou
diphtongue), t, r, e ». On peut ajouter que la répétition de finales de mots (figure nommée homéotéleute :
visuel avec orthographe et définition du mot) vient résonner presque comme une rime. » Le texte se fait
musical par ce travail sur les sons composant les mots.Sonore et acoustique, la poésie de Francis Ponge s'inspire également de la propriété qu'ont certains termes
et expressions d'offrir plusieurs sens et donc autant de jeux sur la langue.Quels mots, expressions et phrases retiennent ainsi votre attention ? Quels effets sémantiques y sont créés ?
Si le terme " firmament » désigne au sens propre la voûte céleste, il évoque, dans le poème, l'intérieur de la
coquille de manière métaphorique et donc figurée. En ajoutant l'expression " à proprement parler », le poète
s'amuse encore de cette syllepse avec la tournure " à boire et à manger » : elle signifie tout à la fois un
liquide trouble et épais (" une mare » pour l'eau de mer et " un sachet visqueux » pour la chair de l'huître) et
également un ouvrage contenant du bon et du mauvais et un sujet ou une question à double sens faisant
ainsi écho au travail poétique engagé Francis Ponge.La dernière phrase qui vient clore le poème (" Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où
l'on trouve aussitôt à s'orner. ») est aussi riche de significations multiples. Faisant l'éloge de l'huître en
relevant sa préciosité (" nacre »), sa beauté (" orner »), sa rareté (" rare ») soulig née par l'emploi du
superlatif (" très »), elle sou ligne l'esthétiq ue de l'huître et, par allégor ie, celle du poèm e. En effet,
l'expression " une formule perle » vient conclure le travail engagé sur le langage : le mot " formule » peut
signifier tout à la fois une expression concise et précise qui clôt un propos mais aussi une façon de parler
accentuée par la présence du mot " gosier » évoquant la partie intérieure de la gorge d'où sort la parole. Le
terme " perle » complète également ce travail sur la polysémie : il désigne, sous sa forme verbale, l'exécution
de quelque chose avec un soin extrême, une grande netteté et, sous sa forme nominale, à la concrétion
nacrée fabriquée par un mollusque soulignant ainsi communément sa grande valeur. Par ses variations
sémantiques, cette clôture du poème suggère ainsi la création poétique et la perception plurielle du monde
à travers les mots.
Conclusion
Pour conclure, nous avons découvert que le poète révèle les richesses inaperçues des choses dans un langage
précis et familier, quasi scientifique. Il transforme " les choses » en paroles, en offre de la sorte une nouvelle
définition, unique et innovante, une autre valeur en partant de leurs particularités en jouant autant avec leur
image acoustique, ou la phonétique, en s'amusant du côté graphique, une fois celui-ci mis à l'écrit, de leur
polysémie...tout ceci en ayant recours au travail sur le langage, à l'épaisseur des mots. Ainsi, l'huître,
d'apparence rugueuse, contient une perle.Il nous suggère ainsi de renouveler notre regard sur les objets, les réalités, et les êtres animés qui constituent
notre quotidien, de les voir sous un autre jour pour leur offrir un nouveau sens et une nouvelle dimension.
Pour aller plus loin, prolongements
L'huître comme objet esthétique : étude du tableau d'Edouard Manet (" Nature morte avec huîtres et
citrons » 1876)Activité d'écriture : adoptez votre propre parti pris des choses qui vous entourent. Choisissez un objet banal,
appuyez-vous sur la définition qu'en donne le dictionnaire. Puis, à la manière de Francis Ponge, écrivez un
court poème en prose donnant à la fois votre propre vision de l'objet en utilisant, à sa votre guise, les jeux
empruntés par lui, ses trouvailles verbales, ses effets sonores ,graphiques, phonétiques, étymologiques.
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