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SAS Gérard de Villiers, l’homme qui en savait trop, consacré

dans les aventures du prince autrichien Malko Linge, le héros de la série En juin est sorti à Paris un des derniers SAS, Le Chemin de Damas "A la différence de la plupart des



LCSH Section S

UFLinge, Malko (Fictitious character) Malko (Fictitious character) Monsieur Linge (Fictitious character) Prince Malko Linge (Fictitious character) SAS (Fictitious character) Son Altesse Sérénissime (Fictitious character) S A T s, Key Stage 1 (Great Britain) USEKey Stage 1 National Tests S A T s, Key Stage 2 (Great Britain)



COPERTINE “SEGRETISSIMO”

- “SAS” alias Sua Altezza Serenissima Malko Linge, personaggio di Gérard de Villiers Bibliografia: • Wikipedia : “Segretissimo” e “Carlo Jacono” • Jacono, tutte le copertine per Segretissimo – Fondazione Rosellini, Tecnostampa, 2008 • archividiuruk wordpress com › illustratori › carlo-jacono PER INFO E CONTATTI:



LE VOYAGE DANS LA SÉRIE SAS DE G DE VILLIERS

car le héros, Son Altesse sérénissime le Prince Malko Linge, autrichien, possédant un château à Liezen et une résidence à New York, se trouverait en pays étranger bien plus en France qu’en Autriche ou aux Etats-Unis, mais pas le lecteur Or, G de Villiers a soigneusement évité de situer une action quelconque en France



« Les hommes apprennent Chateaubriand

personnage de SAS Malko Linge, serait-il donc en voie de publication en « Pléiade » ? Se prépare-t-on à une entrée posthume de Son Altesse sérénissime sous la Coupole ? Si l’on mesurait le talent au nombre d’exemplaires vendus, SAS écraserait James Joyce au compteur Telle n’est pas notre échelle de mesure et que M de Norpois



1Bölüm

Prens Malko Linge, Kont von Ponickau’ nun uzattığı turuncu renkli kiremiti oluğun kenarındaki boşluğa yerleştirdi İşçiler bir hafta boyunca soluk almaksızın çalışmışlar, ama Prens Malko Linge’in konukları kiremit aktarıcılığı oynayarak eğlenebilsinler diye iki metrekarelik bir alanı boş bırakmışlardı



Le Dictionnaire des personnages

SAS/Malko Linge (de Villiers) par Jérôme Leroy Sawyer Tom (Twain) par Sophie Couronne Silver Long John (Stevenson) Björn Larsson Smiley (Le Carré) par Marc



Sas 2 Contre Cia S A S By Gérard De Villiers

achat sas pas cher ou d occasion rakuten may 3rd, 2020 - la série de livres sas fait le bonheur des fans de romans d espionnage en effet cette série de livres nous permet de suivre les aventures de malko linge agent de la cia ecrit par gérard de villiers et publié entre 1965 et 2013 sas pte 200 tomes souvent qualifié de roman de gare sas est



Ciclone allONU (Segretissimo SAS)

Ciclone all'ONU (Segretissimo SAS) Un'esplosione assordante rompe il silenzio dell'Undicesima Strada L'onda d'urto abbatte passanti e schianta vetri, mentre rottami e calcinacci piombano sui tetti e sulle vie insieme a una nuvola di biglietti da cento dollari Finché di un edificio a tre piani resta un cumulo di macerie Sotto le rovine i

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Sommaire

fifl

Un agent qui venait du chaud

fl

Cher Édouard

fl

Soixante-dix ans à l"air libre

fl

Le romancier qui en savait trop

Gérard de Villiers, mon compagnon d"aventures

- Lire SAS et chercher

à " comprendre sans juger »

L"inoxydable Malko Linge

Gérard des gares

Ce soir, à Samarcande

Petite main

La préhistoire de SAS

et les débuts de Gérard de Villiers 2

JUILLET-AOUT 2014

JUILLET-AOÛT 2014

fifl 101
110

Entretien

flfl‚€ƒflfl€ 122
128
fifl"fl 132

Mon pays

fifl flfl€ 139

Raison garder

fifl fl 147

Livres-

fl fl fifl fl 153

Livres-

fl fl fifl fl fl 156

Expositions-

fl fl fifl... fl 161

Musique-

fl fl fifl fl fl 164

Disques-

fl 169
5 fl

Un agent qui venait

du chaud de Norpois, notre dèle abonné, s"étonne de ce que l"on serve la grande table de la

Revue des Deux Mondes

à une star du livre

de plage. Gérard de Villiers, inventeur du personnage de SAS Malko Linge, serait-il donc en voie de publication en "

Pléiade

? Se prépare-t- on à une entrée posthume de Son Altesse sérénissime sous la Coupole ? Si l"on mesurait le talent au nombre d"exemplaires vendus, SAS écraserait James Joyce au compteur. Telle n"est pas notre échelle de mesure et que M. de Norpois se ras sure (d"ailleurs, nous voyons un exemplaire dudit dépasser de sa poche) : à Dieu ce qui est à Dieu, à César ce qui est à César. Gérard de Villiers ne gure pas sur notre liste des grands auteurs, de ceux qui, tels Georges Bataille ou Louis Ferdinand Céline, ont occupé quelques-unes de nos der nières livraisons. L"intéressé lui-même s"en gausserait. Ce qui est rendu à César ici relève du succès populaire et il n"y a aucune raison de s"en défendre, bien au contraire. Aucune raison de s"en défendre, et une raison supplé mentaire d"aller y voir de près. Enquête donc, sur un phé nomène dont tout indique qu"il restera dans les annales comme un familier du divertissement en décapotable. SAS, dans l"imaginaire national, tient une place qu"occupe James Bond chez nos voisins d"Outre-Manche. Dans sa célèbre introduction à , Roland Barthes se montre un bon lecteur de Ian Fleming. Il eût pu aussi bien convoquer Son Altesse sérénissime à l"examen des fameux modes de la narration. C"était peut-être beaucoup demander à l"auteur de de faire le déplacement. Ce qui nous occupe ici, c"est d"étudier de près, ce sont les ressorts de ce petit théâtre codé qu"est le roman d"espion nage. On remarquera ici que SAS a réussi dans l"ordre du livre ce que OSS 117 a réservé au seul cinéma. M. de Norpois ne fait pas mystère, dans ses condences, que la lecture d"un " bon vieux polar » sert parfois mieux de dossier d"étude qu"une note du Quai jetée au panier après usage. La non-prétention littéraire a aussi ses avantages : Gérard de Villiers a conçu son personnage à partir d"obser vations, de choses vues. On le voit bien ici à lire les témoi gnage d"un Hubert Védrine, dont le talent diplomatique n"est plus à démontrer, d"un Renaud Girard, grand reporter au et qui croisa plus d"une fois Gérard de Villiers sur le terrain. Gageons que M. de

Norpois y trouvera lui-

même matière à complicité et remercions au passage l"aide précieuse apportée par Marie-Thérèse Schotmans à la réali sation de ce dossier conçu par Olivier Cariguel. M. de Norpois se réjouira également de lire dans ce même numéro un large entretien avec Roger Grenier, mémoire vivante de la maison Gallimard, qui t ses débuts journa listiques auprès d"Albert Camus. La naissance de les journées de la Libération, Roger Grenier revient sur ce moment crucial dans l"histoire de notre pays. Il sera suivi d"une seconde séquence dans le numéro de rentrée. Bonnes lectures, bon été à tous,

La rédaction

6JUILLET-AOÛT 2014

7

Courrier de Paris

JUILLET-AOÛT 2014

Cher Édouard,

aux dernières nouvelles qui me sont parvenues, vous seriez de retour à Hongkong. Quelle importance, au fond ? Dans votre dernière missive, vous m"écriviez que vous vous sentiez comme un fantôme de la mondialisation. L"expression me plaît assez : une ombre dans les halls d"aéroport, un incognito du board. Vous ajoutiez, ce qui me plaît encore plus, que le fait d"être une ombre vous rendait plus sensible à certains détails. Un vieux ticket de cinéma à Los

Angeles, un carnet de

notes égaré que vous retrouvez au fond d"une valise, une simple carte de restaurant autrichien, puisque vous étiez à Vienne récemment. Ces menues poussières protent bien du régime mondial, de la machine à indifférencier. Vous m"avez dit que cela vous avait amené à relire Proust. À vrai dire, vous ne l"aviez pas bien lu. Vos derniers souvenirs de Proust remontaient à la khâgne : autant dire à zéro. Et vous voilà maintenant, à Hongkong, passant vos nuits avec Françoise et toute la bande. Alors ? Vous me dites que la richesse sensorielle de la mémoire, chez Proust, n"est jamais qu"une sorte de réexe de survie devant 8 l"ombre qui monte. Le vrai, chez Proust, ce n"est pas un chemin de printemps " du côté » de Tansonville, mais le noir absolu du néant qui avale tout. "

Je vous aime, je sais que je vais vous oublier

» : peut-on

faire mentir cette fatalité ? Oui, à condition d"écrire

À la recherche du

temps perdu . À condition, en somme, d"avoir les moyens. "

Très bien,

je vais mourir, mais laissez-moi ajouter ceci et j"écris la Recherche Excusez du peu. On se lève, on s"incline, on va se coucher. De bonne heure, comme de bien entendu. Puis-je vous avouer, cher Édouard, que je ne vous envie pas J"en ai soupé de cette prodigieuse séance d"exorcisme du néant. J"ai décidé de prendre les choses comme elles viennent et non comme je demeure inconsolable qu"elles ne viennent pas comme j"aimerais qu"elles viennent. Au jour le jour le petit sentier de Tansonville, l"appari tion du coquelicot et de la reine-des-prés : rien à faire qu"à suivre le mouvement sans s"énerver. J"ai lu des choses merveilleuses, récemment, sur ces différents points qui nous rapprochent, cher Édouard. J"en lis même tellement que je n"arrive plus à suivre. Pas grave, il faut se faire à l"idée que nous sommes pareils aux petits cailloux au fond du torrent : tempête à la surface, calme au fond. Je pense à

Mon Antonia

de cette chère Willa Cather : avec quelle simplicité elle nous emmène au n fond de la prairie jusqu"en cet endroit où il n"y a plus que ciel à voir, à peine encore l"herbe de la plaine, et cette extraordinaire sensation que tout bouge, que tout le comme une escadrille de bisons en goguette. Les nuages, cher Édouard, les merveilleux nuages. Comment sont ceux qui délent sous vos yeux à l"heure où j"écris ces lignes ? Les miens ressemblent aux chariots de Willa Cather : gros, bardés de valises, j"allai dire familiaux. Comme c"est curieux, n"est-ce pas ? Je passe mes journées en ce moment à lire la correspondance de Samuel Beckett. Un volume des premières années (1929-1940) vient de paraître chez Gallimard . J"ai pris un peu d"avance avec l"édition anglaise qui va de 1941 à 1956 : c"est la grande séquence dans la vie de Beckett. L"apparition de Godot et l"écriture de l'Innommable j"ai lu cela il y a trente ans et je n"en suis pas encore revenu. À cause de quoi, nalement ? Aujourd"hui, je vois mieux qu"hier combien ces courrier de paris 9 pages n"offrent aucune prise au commentaire. Pas un millimètre où pourrait se glisser le fameux " bla bla

». J"aimerais vous lire la réponse

que Beckett fait à un théâtreux allemand n"attendant qu"un signe pour se glisser à son tour avec des munitions métaphysiques de première bourre. De quoi tenir un siège de mille ans. Il en faudrait plus pour impressionner Vladimir et Estragon. Beckett répond à notre brave ami d"Outre-Rhin qu"il n"y a rien à chercher derrière son théâtre, qu"il ne sait pas dans quel esprit il a écrit cette pièce, qu"il ne sait pas qui est Godot, qu"il n"est même pas sûr que Godot existe, qu"il en a déjà trop dit. J"ai toujours eu envie de comparer Beckett aux statues de Giaco metti : refermant cette correspondance émaciée, furieuse de ne rien céder au bavardage, je suis plus que jamais convaincu du bien-fondé de cette comparaison. En outre, cher Édouard, je vous signale que Beckett a écrit un petit livre sur Proust dont j"ai tout oublié. Ce qui me reste, en revanche, c"est cette façon dénitive, chez lui, de fermer la porte à tout ce qui ne se contente pas de venir " comme ça

». Vous n"imaginez pas le bien

qu"on retire de telles séances d"amaigrissement. Et puis quand même, il y a l"Irlande : le grand Sam a beau trouver que Paris est la plus belle ville du monde, il n"en reste pas moins vrai que l"Irlande, avec ses nuages, ses chemins raboteux, inapprivoisables, est là, sensible comme l"était la prairie de Willa Cather. Rien de plus, rien de moins. Je vous laisse, cher Édouard, j"ai hâte de retourner gambader dans le wild . Je vous souhaite le même. À vous, votre ami de Paris, MC GRAND

ENTRETIEN

Soixante-dix ans à l"air libre

fifl€‚ 13

SOIXANTE-DIX ANS

À L"AIR LIBRE

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fl

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JUILLET-AOÛT

2014
grand entretien

14JUILLET-AOÛT 2014JUILLET-AOÛT 2014

Je pense que c"est une série de hasards

qui m"a propulsé là où j"ai commencé à être journaliste. S"il n"y avait pas eu la guerre, j"aurais sans doute ni comme employé à la préfec ture de Pau ou de Tarbes. Envie, non. Après la Libération, j"ai collaboré aux journaux " issus de la Résistance

», comme on disait. Leurs rédac

tions étaient situées dans le grand immeuble de la presse au 100, rue Réaumur, où il y avait trois quotidiens et je ne sais combien d"hebdos. Au cours de mes études, je n"avais jamais récolté de bons résultats en français. Je n"avais pas de vocation de journaliste ou d"écrivain. Pour tant, chaque fois qu"il fallait écrire, à partir de l"été 1944, on faisait appel à moi. J"ai participé à

Volontés de CDLR

, le journal fondé en décembre

1944 par les membres du mouvement Ceux de la Résis

tance (CDLR) auquel j"appartenais et qui avait été fondé après l"hiver

1942 sur les ruines de l"antenne en zone Nord du mouvement Libéra

tion nationale d"Henri Frenay. J"ai donné aussi des articles à

Libertés

un petit canard qu"un typographe italien réalisait tout seul. Je lui don nais un coup de main. Son vrai nom était Charles Torielli, d"origine ita- lienne. Il s"était emparé de l"appartement de fonction du directeur de la Pariser Zeitung. Sous différents pseudonymes je chroniquais pour lui l"actualité des livres, du théâtre et du cinéma, j"avais une page.

15JUILLET-AOÛT 2014JUILLET-AOÛT 2014

fi  Non, j"en utilisais beaucoup. On donnait ainsi l"impression qu"il y avait de nombreux rédacteurs dans ce petit jour nal. On avait bénécié de renforts, beaucoup de personnalités inté ressantes y participaient, comme François Erval. George Orwell, qui était le correspondant d"un journal anglais à Paris, avait repéré , il le lisait avec attention. fi€ flflfl Oui, quatre pages petit format en moyenne. Au

100, rue Réaumur, Albert Camus était le rédacteur en chef de

. J"avais écrit des articles qui lui avaient plu. Un jour, le journal démocrate-chrétien avait attaqué les existentialistes, Sartre et

Camus, "

philosophes du néant et du désespoir

», taxés de disciples de

Heidegger, donc de nazis. Bref, ils étaient hautement suspects ! J"avais pris leur défense, même s"ils n"avaient pas besoin de moi, ils étaient assez grands pour se défendre. Camus, que j"avais croisé dans l"escalier, m"a néanmoins remercié et m"a demandé de venir à fi† fi fl fiflfl fl fl

ƒŠ‹OEŽ‘fl

J"ai grandi à Pau. Dans l"immeuble où j"habitais, une vieille dame, M me

Marty, vivait au-dessus de notre appartement,

avec sa lle Juliette. Celle-ci a épousé Marcel Achard. Juliette m"avait fait sauter sur ses genoux, on se passait des bouquins. Toute mon enfance j"ai entendu

Quand Roger sera grand, il sera le secrétaire

de Marcel. » En juin 1939 j"ai reçu une lettre de Marcel Achard Mon cher Roger, le temps de réaliser nos vieux projets est arrivé, grand entretien

16JUILLET-AOÛT 2014JUILLET-AOÛT 2014

venez me rejoindre en septembre, j"aimerais que vous occupiez le temps qui vous reste à apprendre la sténodactylo et à passer votre per mis de conduire. » Ce que j"ai fait pendant l"été 1939. En septembre, la guerre était déclarée à l"Allemagne et j"ai été mobilisé assez vite, début 1940. J"ai été appelé à Mont-de-Marsan dans un dépôt colonial. De là on m"a envoyé à Bordeaux dans un peloton d"élèves aspirants, puis durant la débâcle ma compagnie de marche a battu en retraite, bizarrement non pas du nord au sud mais d"ouest en est, de Bordeaux à Marseille. Après un mois dans la campagne entre Aix et Marseille, j"ai été expédié en Algérie, où subsistai t une armée de cent mille hommes que les Allemands avaient autorisée. Comme les enga gés manquaient, on a gardé les classes les plus jeunes. J"ai passé un an à Constantine, c"était l"horreur, des ofciers complètement abrutis nous punissaient d"avoir perdu la guerre. Toujours deuxième classe. J"ai le vague souvenir qu"on m"avait déclaré pre- mière classe. Manque de chance, cette évolution est passée à la trappe lors des préparatifs de notre traversée. J"ai dû oublier. En revanche, je n"ai pas oublié qu"on nous inigeait des marches forcées abominables dans le Sud algérien. Pas de temps libre, la caserne et rien d"autre. On a fait des manœuvres sur la frontière tunisienne en août

1941. En dix

jours de marche, cinq hommes et trente mulets sont morts. soixante-dix ans à l"air libre

17JUILLET-AOÛT 2014JUILLET-AOÛT 2014

Plus que les mulets, en tout cas ! Après ce bagne, j"ai été renvoyé en métropole, toujours pas démobilisé. Je me suis retrouvé à Saint-Étienne, puis pendant l"hiver 1941-1942 au Mont Dore comme éclaireur-skieur et ensuite à Clermont-Ferrand. En novembre 1942,
quand les Allemands ont envahi la zone Sud, ils ont supprimé l"armée d"armistice, et je suis redevenu civil. Enn démobilisé, la première per sonne que je rencontre à Clermont-Ferrand est Colette Rotschild (rien à voir avec la famille de banquiers), une jeune mathématicienne que j"avais connue professeure de maths au lycée Montaigne à Bordeaux, où j"avais été pion maître d"internat. Nous avons sympathisé parce qu"elle avait un appareil photo Leica. C"était une rareté, à cette époque. Elle se cachait sous un autre nom parce qu"elle était juive. Elle m"a mis en relation avec tous les grands intellectuels qui s"étaient réfugiés à Cler mont-Ferrand. J"ai eu une chance incroyable. Je me souviens de Laurent Schwartz, un des mathématiciens les plus éminents, d"André Lichne rowicz, un autre mathématicien, du philosophe Jean-Toussaint Desanti, de Pierre Stibbe, l"avocat. Ils m"ont fait lire Faulkner et Kafka. C"était une petite faculté pas très fameuse avant- guerre qui a vu afuer des professeurs talentueux, ce que les Allemands ne supportaient pas. Je suis assez sévère avec le Chagrin et la Pitié parce que les réalisateurs ont loupé des événements incroyables qui se sont déroulés à Clermont-Ferrand ; ils ne les ont même pas cités dans le lm. Un jour, les Allemands ont cerné le quartier de la faculté. Ils ont raé toutes les personnes présentes et les ont amenées à la caserne du 92
e régiment d"infanterie. Et là, à notre stupeur, un copain étudiant est chargé de faire le tri Celui-ci est gaulliste, celui-là est communiste, celui-là est juif. » C"était un épisode incroyable. Je n"y étais pas car j"étais grand entretien

18JUILLET-AOÛT 2014JUILLET-AOÛT 2014

allé rendre visite à ma mère. Dès que j"ai obtenu ma licence de lettres, en 1943, j"ai fait un crochet par Tarbes, chez ma mère, et je suis monté

à Paris, où je voulais vivre.

fi —  Grâce à mes relations de Clermont-Ferrand, je suis entré en contact avec le mouvement Ceux de la Résistance (CDLR). En janvier

1944, j"avais lu

l"Étranger , que j"avais acheté sur un marché aux puces, un petit terrain vague rue Mouffetard. Le roman m"avait impres sionné, inutile de le dire. J"avais demandé à Jean-Toussaint Desanti, qui connaissait tout le monde, notamment Sartre

Qui c"est, ce Camus

Il m"avait répondu

C"est un type qui prépare un journal pour la Libé ration. » J"étais très étonné. À l"époque, Georges Altman préparait éga lement la sortie de Franc-tireur au grand jour. On m"avait recommandé pour qu"il m"embauche dans

Franc-tireur mais le jour de notre rendez-

vous, il a été arrêté. Heureusement, il s"en est sorti parce qu"en août les gardiens de la prison de Fresnes ont pris peur et ont relâché les résistants. Sa lle l"avait remplacé au rendez-vous, une gamine, c"est elle qui m"a expliqué que son père avait été embarqué. Elle m"a raconté qu"elle habi tait chez Aragon et Elsa Triolet. J"ai marqué un instant ma surprise. Elle a poursuivi

Ils sont très méchants.

fi Je devais décrocher un emploi. J"ai d"abord tra- vaillé dans un organisme qui dépendait du ministère de la Produc tion industrielle qui répartissait les besoins des entreprises en verre, bouteilles et aconnages. Tout était rationné : un fabricant de par fum ou un producteur de vin devait demander un bon pour récupérer soixante-dix ans à l"air libre

19JUILLET-AOÛT 2014JUILLET-AOÛT 2014

des bouteilles. Les sociétés qui travaillaient pour l"Allemagne béné- ciaient, elles, d"une priorité. Avec la complicité du chef de ce service, on faisait traîner ces commandes-là... Un beau jour, une femme d"une grande élégance, très maquillée, m"avait présenté une commande pour l"Allemagne. Je n"avais jamais rencontré une femme aussi belle. J"ai retardé le plus possible sa demande pour qu"elle revienne la réclamer. L"huissier me l"annonçait, je l"accueillais en lui disant

Les signatures ne sont pas

encore prêtes », etc. Elle repartait furieuse. Une dernière fois on me l"a annoncée. Tout frétillant, j"ai rejoint la réception... où deux membres de la Gestapo m"attendaient

Sabotage

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