AOÛT 2012 11 INT 603 - Site officiel du Canton de Vaud - VDCH
AOÛT 2012 11_INT_603 RÉPONSE DU CONSEIL D'ETAT à l'interpellation Jacques-André Haury sur la responsabilité civile des infirmières et infirmiers engagés au triage des urgences au CHUV Rappel de l'interpellation On a donc appris que, le 5 janvier dernier, une patiente de 87 ans est décédée aux urgences du CHUV,
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AOÛT2012 11_INT_603
RÉPONSEDU CONSEILD'ETA T
àl'interpellation Jacques-AndréHaurysur laresponsabilité civiledesinfirmièr esetinfirmiers
engagésau triagedesurgences auCHUVRappelde l'interpellation
Ona doncapprisque, le5janvier dernier,une patientede87 ansestdécédée auxurgences duCHUV,après5 heuresd'attente etsansavoirétévuepar unmédecin.Ces éléments,rapportéspar 24Heures
(7février 2012),n'ayantété démentisnipar ladirection duCHUV, niparle Chefdudépartement
(RSR,Forum, 8février2012), onpeutles considéréscommeavérés. Nousr efusonsd'entrerdansl'éterneldébat delasurcharge,de l'insuffisancedesmoyens des procéduresoudesstructuresmises enplace.Il yaeu uneerreurhumaine:une patienteadmiseaux urgencesduCHUVne doitpasy décédersansqu'on aittentéde lasauverou, toutaumoins, décidé formellementque sondécèsétait inéluctable. Sepose alorslaquestion delar esponsabilitéciviledes intervenants.Dansl'esprit dechacun- etles proposdesproches nelaissentaucun doutelà-dessus-c'estunmédecin quidoitexaminer lepatient etqui, dèslorsen assumelar esponsabilité.Orles urgencesdu CHUVontchoisi deconfierle triagedespatients, c'est-à-direla tâchelaplusdifficilequisoit enmédecine,à unmembre dupersonnel
infirmier.Cetusages'inscrit dansunlong combatdupersonnel infirmierenvue d'obtenirlacompétencede déterminersiun patientabesoin d'êtreexaminé parunmédecin, etlecas échéant
lequel.Maisqu'en est-ildela responsabilitécivile del'infirmière oudel'infirmier àquicettetâchedetriage
estconfiée. Lorsqu'ilya erreurde triage,lar esponsabilitécivilede l'infirmièreouinfirmierconcerné
est-elleengagée, ouconsidère-t-on, juridiquement,quecette responsabilitécivilenepeutêtr e
attribuéecompte tenudufait queluiou elle,eneffectuant cetravailde triage,selivr eàune activité
quidépasse sescompétences.Ilnous paraîtquecette questionder esponsabilitéciviledoit êtreréglée defaçonclair e:on nepeut
paslaisser àdesinfirmièr esoudes infirmierslacompétence dedécidersiunpatientdoit ounedoit
pasvoir unmédecin,puis faireporter laresponsabilité decechoix àunmembreducorps médical. Danscet esprit,jeme permetsdeposer auConseild'Etat lesquestionsqui suivent: Dansl'événement du5janvier évoquéparcette interpellation,est-cebien uninfirmierouuneinfirmièr equiadécidéquela patientedécédéen'avait pasbesoind'êtr eexaminéepar
unmédecin ? Sitel estlecas, quiassumela responsabilitécivile decetteprise encharge inadéquate?LeConseil d'Etatdélègue-t-ilréellement lacompétencedu triagedespatients àl'entréedes
urgencesduCHUVà unmembre dupersonnelinfirmier ?Etsi oui,ena-t-il mesuréles 1 conséquencesen matièrede responsabilitécivile?Réponsedu Conseild'Etat
L'objetdel'interpellationporte principalementsurla pertinencedeconfier letrides urgencesau personnelinfirmier etsurles implicationsdecette organisationsur lapriseen chargedes patientsetsur lesresponsabilités dupersonnelinfirmier .Leprincipe d'untriinfirmier telqu'appliquéauxurgences duCHUV estlemême queceluiemployé parlaplupart descentresd'ur genceenSuisse. LeConseil d'Etatrappelle enoutreque, lacentraledes appelsd'urgence ducantonde Vaud("le 144")n'estpas géréepar desmédecins,mais parlecorps infirmier. Pouref fectuerletridespatientsarrivant auxurgences, leConseild'Etat précisequele CHUVutilise"l'échellesuisse detri"(EST) quicontientquatre degrésd'urgence. Ils'agitd'une sériedecritères
spécifiqueset objectifssurla basedesquelsla qualitédel'ur genceestévaluée etclasséedans des
niveauxde triprédéfinis.Cette échellen'est,à laconnaissancedu CHUV,pas utiliséeauniveau
international.A titred'exemple,en Francelesur gencesn'utilisentpas officiellementd'échelle detri, maisfonctionnent avecuneappréciation subjectived'uneinfirmière detriet d'orientation.La Grande-Bretagneutilise laNationalT riageScaledans toussesservices d'urgence,l'Australie l'AustralasianT riageScale(ATS),etle CanadalaCanadian andTriageAcuityScale(CT AS).LesEtats-Unisse sont,quantà eux,positionnésen faveurdel'utilisation d'uneéchellede trivalidéeà cinq
degrésd'ur gence,laissantlechoixauxservices d'urgenceentre l'EmergencySeverity Index(ESI)et la CTAS.Selonlesrecommandations delaCommission scientifiquedela Sociétésuissede médecine d'urgenceetdesauvetage pourletriage danslesservices d'urgenceshospitaliers enSuisse,l'EST et l'ESIsont lesdeuxéchelles aveclameilleure validationscientifique,attestée pardespublications internationales.L 'EST,initialementintroduiteauxHUG,aétéadoptée auCHUVet s'applique égalementdans leCantonde Vaud,à Neuchâtel,auT essinetà l'InselspitalàBerne. S'agissantplus particulièrementdel'application desdélaisde priseenchar geinternationalement reconnusaux urgencesadultes auCHUV,onobservepour cedernierune évolutionpositiveimportante durespect desdélaisentre 2008et2010. Leschiffres suivantsl'illustrent: Urgence1(installationdans les5minutes) :de76.1% à88.9% Urgence2(installationdans les20minutes) :de60.1% à68.9% Urgence3(installationdans les120minutes) :de78.3% à90.4% Urgence4(pasde délaiofficiel, leCHUVa fixénéanmoinsune limiteà300 minutes): de91.5% à98.9% Anoter qu'unsystèmed'alarmes visuellespermetd'identifier danslelogiciel degestiondu flux (Gyroflux)les patientsdontles délaisdeprise encharge sontdépassés. Lesdegrés d'urgencementionnés ci-dessusassurentquelepatientsera vuparun médecin,dansledélaid'ur genceattribué,etdoncselonla sévéritédupatient etnonpas dansl'ordred'arrivée aux
urgences.Quantaudélai d'interventiondumédecin, ildépenddu niveaudetri attribué,maiségalementde l'évolutiondessymptômes dupatientet delachar gedetravail exigéeparles besoinsen
soinsdes patientsplusur gentsprésentsau mêmemoment.Cela étant,leprocessusdetriimplique une évaluationrapide parl'infirmier-ière l'anamnèsedessymptômes dupatientetlaprisedes signes vitaux.Ce processusentant quetelne peutêtreparfait. Ilrestenéanmoins leseulinstrument actuellementcapable degérerla priorisationdespatients encasd'engor gementetde garantirquele patientqui doitvoirun médecinlevoie rapidement.Ence quiconcernela compétencedesinfirmiers-ières pourl'applicationde l'échellesuissede tri,le
2 Conseild'Etat rappellelesprincipes suivants.L'exercice delaprofession d'infirmier-èreestréglementéde manièreprécisetant auniveaulégal qu'auniveaudéontologique. L'autonomiedu
personnelinfirmier dansl'exercicedes soinsestprécisée àl'article124 delaloi vaudoisesurla santé
publiquequi précisequele personnelinfirmierdispense dessoinsde manièreautonome,à l'exception
decertains soinsqu'ildonne surdélégationdu médecin.L'Associationsuisse desinfirmier-ères ajoute
concernantla pratiqueprofessionnelleque "...l'infirmier(ère)n'estautorisé(e)à pratiquerqueles
actespour lesquelsil(elle) aétépréparé(e) danslecadr edesa formationprofessionnelle". Selonla pratiqueprofessionnelledans ledomainede l'urgence,le Conseild'Etatprécise quelacompétencede triageestun actedéléguéaux infirmiers-ères.Dansla hiérarchiedesactes délégués,on
distingueles interventionsquele médecinpeutlaisser exécuterhorsde saprésenceet sanssurveillance
desa part,maisconformément auxdirectivesqu'il auradonnéespréalablement. Atitred'exemple, font
partiede cetyped'actes lesinjectionsroutinières, l'administrationdemédicaments, leslavages,lespansements,etc. Letrides patientsfaitégalement partiedecette catégoried'actesdélégués aux
infirmiers-ières.Pour exécutercetacte, seul(e)slesinfirmiers-ères expérimentéesetau bénéficed'une
expériencede 18moisau moinsauservice desurgences peuventêtreformé(e)s àlapratique de l'échellesuisse detri(EST). Cetteformationimplique deuxjoursde formationthéorique,ayant pourobjectifde reconnaîtrelessituations d'urgencevitale, maîtriserlesdegrés degravitéde l'ESTetsavoir
lesutiliser àbonescient, ainsiquede connaîtrelesstructures partenairesdesUr gencesetd'identifier
lesressources del'infirmier-ère responsabledel'accueil etdel'orientation(àsavoir: lemédecinchef
desur gences,l'infirmierresponsabledel'orientation,les mandatairesdetri, leChefde cliniquedela Policliniqueuniversitaire médicale).Cetteformation estsuiviede 12heuresde supervisionpratiquedirecte,afin devaliderla compréhensionduprocessus detriet l'intégrationdesdif férentesnotions
relativesà l'EST,ses degrésdegravitéetl'utilisationdes motifsderecours. Areleverencore quedans
lapratique, unevérificationquotidienne dechaquetri effectuéest assuréeparla supervisionde l'infirmier-ièresresponsabledel'orientation (IRO),unefois lepatientinstallé enzonede soins. S'agissantde l'engagementdela responsabilitéciviledes collaborateurs-tricesduCHUV ,lesecondpointsoulevé parM.le DéputéJ.-A.Haury ,leConseil d'Etatrappelleque, conformémentàla Loi
vaudoisesur laresponsabilitéde l'Etat,descommunes etdeleurs agents(LRECA,art. 4),laresponsabilitécivile del'institution(l'Etat) estengagéesi sescollaborateurs,agents del'Etatde Vaud,
causentun dommageàdes tiersd'unemanière illicite.Laresponsabilité civileestainsi supportéepar
l'institution,en l'occurrencel'Etatde Vaud,et nonpaspar lescollaborateursdu CHUV individuellement.Le CHUV,respectivement l'EtatdeVaud,réponddes actesdeses collaborateurs.Le CHUVa undroitde recourscontrel'agent quiacommis l'actedommageablesoit intentionnellement soitpar négligenceouimprudence graves.Enoutre, commepourtous lesactesmédico-soignants, tant lesmédecins quelepersonnel soignantpeuventêtre appelésàrépondre deleursactes individuellement,sur leplanpénal oudisciplinaire.Pourles actesdélégués,la responsabilitédesmédecins, respectivementduservice etdel'institution,
estexaminée enrelationavec laqualitéde ladélégation.Celle-ci estévaluéeselon saforme,son
contenuqui préciseleslimites, ladésignationdes infirmier-èresdélégué(e)s, lagarantiedes
compétenceset laqualitédes infirmier-èresdélégué(e)s, leurformationadéquate etlesmodalités de
surveillancelors del'accomplissementdu travail.Laresponsabilité desinfirmier-ères pources mêmesactes concernel'accomplissementde laformationrequise pourladélégation, l'application correctedes instructionsdonnées,l'accomplissement uniquementdesactes pourlesquelsl'infirmier-èreaétéformé(e) etlerecours aumédecinou àlahiérarchie encasde doute.En
conclusion,dans l'exécutiond'unacte médico-délégué,laresponsabilité peutêtrepartagée entreles
médecinset lesinfirmiers-ières.Alors quelerespect desrèglesd'application relèvedela responsabilité
del'infirmier -èredélégué(e),lemédecinpeutêtre tenuresponsabledans lecasoù unproblèmemédical
3 survient,malgré labonneexécution delaprocédure.Ceséléments étantprécisés,le Conseild'Etatrevient surlecas d'espècementionnépar M.leDéputé
J.-A.Haury .LeConseild'Etatconfirmeque lesélémentsrapportés danslapresse sontexacts.Ilprécisenéanmoins quel'articlepublié danslejournal 24Heurescontenait uneinformationerronée sur
lessymptômes delapatiente. Ilyétait indiquéqu'elleavait desdouleursintenses, maisteln'était pas
lecas. Sielleavait présentédetelles douleurs,leniveau deprioritéaurait étéle2. LeCHUVavait
rectifiéen sontempscette informationauprèsdu journaliste,auteurde l'article.Suiteà cesévénements,qui ontparticulièrementtouchés lessoignantsdu servicedesur gences,une
analyseapprofondie del'accueilde lapatientea étéréaliséeincluant l'analysedela qualitédutri
effectué.Uneréévaluationfaite parleChef duservicedes urgencesbasée surlessymptômes que
présentaitla patienteconclutque sonétatde santécorrespondaitau mêmeniveaude prioritéautri que
celuiindiqué parl'infirmierde triconcerné(niveau 4).LeConseil d'Etatindiqueencore quelesinformationssur lessymptômesde lapatienteont étéconfirméespar safamilleaprès lesfaits.
Unavis supplémentairerétrospectifsur l'applicationdel'échelle detriuniquement aétédemandé par
laDirection généraleduCHUV àunmédecin cadreduservice desurgences desHôpitaux universitairesde Genève.Selonles informationsdontil disposaitetindépendamment ducontexte,cespécialistegenevois aurait,lui,plutôt évaluéledegré d'urgenceau niveau3.Il existeainsi,même au
niveaudes spécialistesunecertaine marged'appréciation dansl'applicationde l'échelledetri, cequi
parconséquent excluttoutefaute del'infirmierqui aeffectué letri.Celaétant pourréaliserune évaluationcomplètede lapriseen charge,une analyseglobalea été
effectuéeparl'équiperesponsable, encollaborationavec laDirectiongénérale duCHUV, suivantainsi
lesrègles institutionnellesdegestion desévénementscritiques auCHUV. Cetteanalyseglobale tient
ainsicompte nonseulementde l'applicationdel'échelle detri,mais égalementducontexte. Eneffet, à
l'exceptiondu degréd'urgence 1,l'installationdu patientenzonedesoinspeut êtresujetteà des retardsen fonctiondela capacitéduservice desurgences àfaireface àl'afflux depatients.Concrètement,les triseffectués parl'infirmierde triconcernéontainsifaitl'objet d'uneanalysea
posteriorisur labasede plusieursdossiersqui apermisde constaterquede manièregénéraleles anamnèsesproduites parl'infirmierde trisontpertinentes. Ellesrespectentles règlesdel'art enlamatière.De plus,lesdétails fournisparcet infirmierpermettentà l'infirmierchefet aumédecinde se
faireune idéejustede lasituationdes patientsetd'adapter aumieuxles délaisdeprise encharge, en considérationde lacharge detravaildu moment. Dansune perspectived'améliorationcontinue desprestations,le servicedesur gencesfinalise,encollaborationavec lesHôpitauxuniversitaires genevois,unoutil d'aideàla décisionquidevrait être
applicablefin 2012.Enoutre, leConseild'Etat relèvequedes plateformesdecoordination sontenplaceau niveauintercantonalet nationalpermettantde partagerlesexpériences etaméliorerl'outil de
triet sonapplication.Ainsi, àtitred'exemple, descolloquesV aud-Genèveentreles responsablesdetri
auxur gencessonttenuschaquemois.Une conférenceauniveau suissealieu chaqueannéeréunissant lesspécialistes delamédecine desurgences. Comptetenu decequi précède,leConseil d'Etatapporteles réponsessuivantesaux troisquestionsde l'interpellation:1)Dans l'événementdu5 janvierévoquépar cetteinterpellation,est-ce bienuninfirmier ou
uneinfirmièr equiadécidéquela patientedécédéen'avait pasbesoind'êtr eexaminéepar un
médecin?Commeindiqué précédemment,lacatégorisation despatientsselon l'échellesuissede trireprésente
uniquementle degréd'urgence pourlaprise enchargehospitalière.Celasignifie quetoutpatient est vuobligatoirement parunmédecin. Enl'occurrence,l'infirmier aeffectué letriimpliquant quele 4 médecinvoie lapatientedans undélaicorrespondant audegré4, àsavoir300 minutes.2)Si telestle cas,quiassume laresponsabilité civiledecette priseencharge inadéquate?
Pourautant qu'ellesoitengagée, laresponsabilitécivile desprisesen chargeinadéquates est assuméepar leCHUV, respectivementl'Etatde Vaud.Eneffet,suivant l'article3alinéa 9etselon l'article4 delaloi surlaresponsabilité del'Etat,des communesetde leursagents(LRECA), " l'Etatet lescorporationscommunales répondentdudommage queleursagents causentàdes tiersd'unemanière illicite".Dans lapratique,cette procédureestgérée parlaDirection généraledu
CHUV.3)Le Conseild'Etatdélègue-t-il réellementlacompétence dutriagedes patientsàl'entrée des
urgencesdu CHUVàun membredu personnelinfirmier? Etsioui, ena-t-ilmesuréles conséquencesen matièrede responsabilitécivile? Selonla loisurles hospicescantonauxet sonrèglementd'application, leCHUVa lacompétence d'organiserlessoinsqu'il dispensedansle cadredeses missions.Cefaisant, ilappliquelalégislationcantonale etlesrègles déontologiquespourla délégationdescompétences ducorps
médicalau corpsinfirmier, cequiinclut letridespatientsàl'entrée desurgences.Lefait qu'unactemédical soitdéléguéaux infirmiers-ièresouréservé exclusivementauxmédecins
n'apas deconséquenceen matièrederesponsabilité civile.Cettedernière estassuméepar le CHUV,respectivementl'Etatde Vaud,indépendamment descatégoriesprofessionnelles des collaborateurs-tricesconcerné(e)s. Ainsiadopté, enséancedu Conseild'Etat,à Lausanne,le22 août2012.