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214794 Commentaire de la décision n° 2020-863 QPC du 13 novembre

Commentaire

Décision n° 2020-863 QPC du 13 novembre 2020

Société Manpower France

(Délai de dix jours accordé au défendeur en matière de diffamation) Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 septembre 2020 par la Cour de cassation (arrêt n° 615 du même jour) dune question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la société Manpower France, portant sur le second alinéa de larticle 54 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et sur le premier alinéa de larticle 55 de la même loi. Dans sa décision n° 2020-863 du 13 novembre 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots " contre un candidat à une fonction électorale » figurant au second alinéa de larticle 54 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans sa rédaction résultant de lordonnance n° 45-2090 du 13 septembre 1945 modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, modifiée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-786 QPC du 24 mai

2019, ainsi que les mots " dans le délai de dix jours après la signification de la

citation » figurant au premier alinéa de larticle 55 de la même loi, dans sa

rédaction résultant de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à légalité et à

la citoyenneté.

I. Les dispositions contestées

A. Historique et objet des dispositions contestées

1. La diffamation et la procédure doffre de preuve de la vérité des faits

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit les infractions de presse et le régime procédural qui leur est applicable en cherchant à établir un équilibre entre la protection de la liberté dexpression et les conditions de poursuite des infractions qui peuvent résulter de son exercice. * Dune part, elle réprime certaines infractions commises par voie de presse ou par tout autre moyen de communication au public. Parmi ces infractions figure la diffamation, définie par son article 29 comme " [t]oute allégation ou imputation 2 dun fait qui porte atteinte à lhonneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». La personne poursuivie peut néanmoins sexonérer de sa responsabilité en démontrant la véracité des faits diffamatoires. Si les allégations ou imputations sont vraies, elles perdent alors tout caractère illicite, en dépit même de latteinte à lhonneur et à la considération de la personne quelles visent : non seulement le délit de diffamation nest pas constitué, mais aucune faute civile ne peut non plus être reprochée à lauteur des propos1. Les conditions dans lesquelles celui-ci peut

faire jouer cette " exception de vérité » (exceptio veritatis) sont définies par

larticle 35 de la loi de 1881, qui exclut cette possibilité lorsque limputation concerne la vie privée de la personne2. * Dautre part, la loi du 29 juillet 1881 fixe les conditions procédurales dans lesquelles sont réprimées les infractions de presse. Elle soumet leur poursuite à des délais stricts (notamment une prescription de trois mois) et à certaines formalités ayant pour objet de garantir à la fois le respect des droits de la défense au soutien de la liberté dexpression mais également un jugement rapide de laffaire. En matière de diffamation, le premier alinéa de son article 55 (objet de la décision commentée) dispose en particulier que, lorsque le prévenu " voudra être dix jours après la signification de la citation, faire signifier au ministère public ou au plaignant au domicile par lui élu, suivant quil est assigné à la requête de lun ou de lautre » plusieurs éléments, prévus aux alinéas suivants : " 1° Les faits articulés et qualifiés dans la citation, desquels il entend prouver la vérité ; " 2° La copie des pièces ; " 3° Les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve. " Cette signification contiendra élection de domicile près le tribunal correctionnel, le tout à peine dêtre déchu du droit de faire la preuve ». Cet article définit ainsi une procédure doffre de preuve, par le défendeur, de la vérité des faits. " Cest donc lessentiel du dossier qui doit être signifié dans un très court délai, alors même que laudience se tiendra parfois plusieurs mois plus tard »3. Lenjeu est dautant plus important que le juge na pas le pouvoir de

1 Sur ce dernier point : Cass. soc. 6 janvier 1972, n° 69-14.407.

2 Dautres limitations apportées à lexception de vérité ont été censurées par le Conseil constitutionnel (voir infra).

3 Evan Raschel, La procédure pénale en droit de la presse, éd. Gazette du palais, 2019, p. 234, n° 543.

3 compléter ou de parfaire létablissement de la preuve de la vérité, que la loi laisse à la seule initiative des personnes poursuivies4. ouvre ensuite une faculté, pour le plaignant ou pour le ministère public, de faire une contre-offre de preuve, dans les conditions prévues par larticle 56 : " Dans les cinq jours suivants, en tout cas au moins trois jours francs avant laudience, le plaignant ou le ministère public, suivant les cas, sera tenu de faire signifier au prévenu, au domicile par lui élu, les copies des pièces et les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve du contraire sous peine dêtre déchu de son droit ». Le législateur a ainsi instauré, en matière de diffamation, " une véritable procédure accusatoire », dans laquelle le débat sur la vérité est " la chose des parties. Le juge ne peut statuer que sur les preuves (documents et témoins) qui

ont été apportées par les parties, à lexclusion de toute autre. Dès lors, lintérêt

est essentiel pour le défendeur de tenter de rapporter la preuve de la vérité des imputations »5.

Le délai prévu au premier alinéa de larticle 55 était initialement fixé à cinq jours6,

avant dêtre porté à dix jours par lordonnance n° 45-2090 du 13 septembre 1945 modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cest dailleurs pour permettre laccomplissement de la procédure doffre et de contre-offre de preuve que le délai minimal entre la citation et la comparution devant le juge, prévu au

premier alinéa de larticle 54 de la même loi, a été porté à vingt jours par la même

ordonnance (au lieu de quinze jours auparavant et de dix jours en droit commun). Le délai de dix jours de larticle 55 court à compter de la première citation délivrée au prévenu7. Il sagit dun délai strict, et non franc8, qui nest susceptible daucune augmentation, ni du fait des distances9 ni en raison de son expiration un jour férié10. La Cour de cassation juge avec constance que ce délai est dordre public11. La rigueur de ce délai est généralement expliquée par lidée que le prévenu est censé sêtre préconstitué la preuve de la vérité des faits diffamatoires cest dailleurs cet argument qui a motivé le refus de renvoi par la Cour de cassation dune QPC critiquant lexcessive brièveté de ce délai12.

4 Cass. crim. 21 novembre 1989, n° 89-81.524.

5 Jean-Yves Dupeux et Thierry Massis, " La conduite du procès de presse », Legicom, n° 28, 2002/3, p. 18-19.

6 Il figurait alors à larticle 52 de la loi du 29 juillet 1881, dans sa rédaction initiale.

7 Cass. crim. 6 novembre 1962, Bull. n° 303.

8 Cass. crim. 11 mai 1960, Bull. n° 253.

9 Cass. crim. 24 juin 1986, n° 86-90.518.

10 Cass. crim. 12 septembre 1912, D. 1914, p. 148.

11 Voir par exemple Cass. crim. 11 mai 1960, précité.

12 Cass. crim. 17 janvier 2012, n° 11-90.113 : " la fixation du délai pour faire offre de preuve de la vérité des faits

diffamatoires à dix jours, par une loi précise et accessible, ne prive pas le prévenu de la possibilité dexercer

4 Depuis 1945, cet article 55 na été modifié quune fois, par la loi n° 2017-86 du

27 janvier 2017 relative à légalité et à la citoyenneté, afin de prévoir lapplication

de la procédure doffre de preuve en cas de requalification par le juge de provocations ou injures discriminatoires en diffamations discriminatoires (dernier alinéa de cet article)13. Lapplication des articles 55 et 56 de la loi de 1881 est cependant écartée dans une hypothèse, prévue au second alinéa de larticle 54 (également objet de la décision commentée). Il sagit du cas dans lequel une diffamation intervient " pendant la période électorale contre un candidat à une fonction électorale ». Les délais prévus par ces articles, notamment celui de dix jours fixé au premier alinéa de larticle 55, sont alors écartés, afin de permettre un jugement plus rapide de laffaire. Les moyens de preuve sont ainsi débattus à laudience sans notification préalable, selon les règles de procédure pénale de droit commun. Dans un arrêt du 5 novembre 1959, la Cour de cassation a précisé que le second alinéa de larticle 54 " concerne toutes les élections à des fonctions électorales », et non pas seulement les élections politiques : cet alinéa était donc, en lespèce, applicable à lélection des juges dun tribunal de commerce14. Dans le même sens, une réponse ministérielle publiée en 2014 indique que, " par la généralité de ses termes, larticle 54 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 concerne tous les candidats à des fonctions électives, quil sagisse délections politiques ou professionnelles, telles que des élections municipales, législatives ou bien encore prudhomales »15.

2. Lextension au contentieux civil de la procédure doffre de preuve

Au terme dévolutions jurisprudentielles intervenues depuis les années 1990, les articles 54 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 sappliquent non seulement en matière pénale, mais également au contentieux civil.

effectivement les droits de sa défense, dès lors quil est censé disposer, au moment même de lexpression de ses

propos, des éléments propres à en établir lexactitude ».

13 Il sagit des discriminations, mentionnées aux deuxième et troisième alinéas de larticle 32 de la loi de 1881,

visant une personne ou un groupe de personnes " à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-

appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » ou " à raison de leur sexe, de leur

orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap ».

14 Cass. crim. 5 novembre 1959, Bull. n° 472. Par ailleurs, la Cour de cassation a précisé que la période électorale

commence lorsquest ouvert le délai pendant lequel sont reçues les déclarations de candidature (Cass. crim. 16

février 1999, n° 97-86.406). Si la saisine de la juridiction intervient après les élections, ce régime dérogatoire nest

plus applicable (le délai de dix jours simpose donc), même si les propos ont été tenus pendant la période électorale

(Cass. crim. 17 mars 1981, n° 79-93.291).

15 Réponse du ministère de la justice à M. Jean-Louis Masson, JO Sénat du 26 juin 2014, p. 1566.

5 Comme le rappellent deux auteurs, " [p]endant plus dun siècle, les règles de procédure édictées par la loi sur la presse ne pouvaient sappliquer que devant le juge pénal. Devant le juge civil, seules les règles relatives à la courte prescription étaient applicables. / Mais les règles de forme imposées par les articles 53 à 56 étaient étrangères aux instances introduites devant la juridiction civile. / Ce dualisme de la procédure offrait un immense avantage au demandeur. Pour contourner les règles contraignantes de procédure édictées par la loi du

29 juillet 1881, il lui suffisait de saisir la juridiction civile. Mais cette faculté de

choix laissée à la victime créait un déséquilibre et une rupture de légalité des

armes entre le procès pénal et le procès civil. Si le procès pénal était semé dembûches, le procès civil était dune grande simplicité alors que la même loi régissait les deux actions. Rien ne justifiait cette différence de traitement et le juge

des référés a été le révélateur de cette disparité. Dans un arrêt célèbre du

5 février 1992, la deuxième chambre civile a soumis le référé en matière de

diffamation aux règles de larticle 55 de la loi de 188116. Larrêt du 22 juin 1994 confirme cette règle en déclarant applicable larticle 55 au juge du fond. Larrêt précise que larticle 55 de la loi du 29 juillet 1881 sapplique devant la juridiction civile dès lors quaucune disposition législative nen écarte lapplication. Enfin, larrêt du 19 février 1997 achève cette évolution en affirmant que larticle 53, cest-à-dire les règles de forme, sapplique au procès civil »17. Cette évolution a été confirmée par un arrêt de la Cour de cassation du

14 novembre 2002, qui a rappelé que le juge des référés ne pouvait prononcer une

mesure conservatoire avant lexpiration du délai de dix jours prévu par larticle 55. La Cour a ainsi cassé larrêt dune cour dappel confirmant la décision

dun juge des référés qui, alors quun éditeur avait été assigné dheure à heure18,

avait renvoyé laffaire à une audience ultérieure pour examiner des éléments de preuve susceptibles dêtre produits par le défendeur et qui, sur le fondement de larticle 808 du code de procédure civile19, avait ordonné, jusquà ce que sa décision soit rendue, le retrait provisoire dun bandeau apposé sur un ouvrage, dont le requérant estimait quil comportait des affirmations diffamatoires20. Cette jurisprudence a fait lobjet dappréciations diverses. Certains sen sont félicités, au motif qu" il était peu satisfaisant quau seul prix, symbolique pour la victime, du renoncement à voir prononcer une sanction pénale

16 Selon cet arrêt du 5 février 1992 (n° 90-16.022), le juge des référés ne peut, sans respecter le délai de dix jours

prévu à larticle 55, condamner un directeur de la publication et un journaliste, auteur dun article diffamatoire, à

verser une provision à la victime et à insérer un communiqué à paraître dans le prochain numéro du journal.

17 Jean-Yves Dupeux et Thierry Massis, op. cit., p. 6-7.

18 Procédure prévue au second alinéa de larticle 785 du code de procédure civile, selon lequel si " le cas requiert

célérité, le juge des référés peut permettre dassigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés ».

19 " Dans tous les cas durgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les

mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie lexistence dun différend ».

20 Cass. civ. 2e 14 novembre 2002, n° 00-16.808.

6 contre les auteurs de linfraction, celle-ci puisse faire reconnaître le principe de latteinte et obtenir lindemnisation de son préjudice avec une beaucoup plus grande facilité en agissant devant le juge civil plutôt que devant le juge naturel

Commentaire

Décision n° 2020-863 QPC du 13 novembre 2020

Société Manpower France

(Délai de dix jours accordé au défendeur en matière de diffamation) Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 septembre 2020 par la Cour de cassation (arrêt n° 615 du même jour) dune question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la société Manpower France, portant sur le second alinéa de larticle 54 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et sur le premier alinéa de larticle 55 de la même loi. Dans sa décision n° 2020-863 du 13 novembre 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots " contre un candidat à une fonction électorale » figurant au second alinéa de larticle 54 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans sa rédaction résultant de lordonnance n° 45-2090 du 13 septembre 1945 modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, modifiée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-786 QPC du 24 mai

2019, ainsi que les mots " dans le délai de dix jours après la signification de la

citation » figurant au premier alinéa de larticle 55 de la même loi, dans sa

rédaction résultant de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à légalité et à

la citoyenneté.

I. Les dispositions contestées

A. Historique et objet des dispositions contestées

1. La diffamation et la procédure doffre de preuve de la vérité des faits

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit les infractions de presse et le régime procédural qui leur est applicable en cherchant à établir un équilibre entre la protection de la liberté dexpression et les conditions de poursuite des infractions qui peuvent résulter de son exercice. * Dune part, elle réprime certaines infractions commises par voie de presse ou par tout autre moyen de communication au public. Parmi ces infractions figure la diffamation, définie par son article 29 comme " [t]oute allégation ou imputation 2 dun fait qui porte atteinte à lhonneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». La personne poursuivie peut néanmoins sexonérer de sa responsabilité en démontrant la véracité des faits diffamatoires. Si les allégations ou imputations sont vraies, elles perdent alors tout caractère illicite, en dépit même de latteinte à lhonneur et à la considération de la personne quelles visent : non seulement le délit de diffamation nest pas constitué, mais aucune faute civile ne peut non plus être reprochée à lauteur des propos1. Les conditions dans lesquelles celui-ci peut

faire jouer cette " exception de vérité » (exceptio veritatis) sont définies par

larticle 35 de la loi de 1881, qui exclut cette possibilité lorsque limputation concerne la vie privée de la personne2. * Dautre part, la loi du 29 juillet 1881 fixe les conditions procédurales dans lesquelles sont réprimées les infractions de presse. Elle soumet leur poursuite à des délais stricts (notamment une prescription de trois mois) et à certaines formalités ayant pour objet de garantir à la fois le respect des droits de la défense au soutien de la liberté dexpression mais également un jugement rapide de laffaire. En matière de diffamation, le premier alinéa de son article 55 (objet de la décision commentée) dispose en particulier que, lorsque le prévenu " voudra être dix jours après la signification de la citation, faire signifier au ministère public ou au plaignant au domicile par lui élu, suivant quil est assigné à la requête de lun ou de lautre » plusieurs éléments, prévus aux alinéas suivants : " 1° Les faits articulés et qualifiés dans la citation, desquels il entend prouver la vérité ; " 2° La copie des pièces ; " 3° Les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve. " Cette signification contiendra élection de domicile près le tribunal correctionnel, le tout à peine dêtre déchu du droit de faire la preuve ». Cet article définit ainsi une procédure doffre de preuve, par le défendeur, de la vérité des faits. " Cest donc lessentiel du dossier qui doit être signifié dans un très court délai, alors même que laudience se tiendra parfois plusieurs mois plus tard »3. Lenjeu est dautant plus important que le juge na pas le pouvoir de

1 Sur ce dernier point : Cass. soc. 6 janvier 1972, n° 69-14.407.

2 Dautres limitations apportées à lexception de vérité ont été censurées par le Conseil constitutionnel (voir infra).

3 Evan Raschel, La procédure pénale en droit de la presse, éd. Gazette du palais, 2019, p. 234, n° 543.

3 compléter ou de parfaire létablissement de la preuve de la vérité, que la loi laisse à la seule initiative des personnes poursuivies4. ouvre ensuite une faculté, pour le plaignant ou pour le ministère public, de faire une contre-offre de preuve, dans les conditions prévues par larticle 56 : " Dans les cinq jours suivants, en tout cas au moins trois jours francs avant laudience, le plaignant ou le ministère public, suivant les cas, sera tenu de faire signifier au prévenu, au domicile par lui élu, les copies des pièces et les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve du contraire sous peine dêtre déchu de son droit ». Le législateur a ainsi instauré, en matière de diffamation, " une véritable procédure accusatoire », dans laquelle le débat sur la vérité est " la chose des parties. Le juge ne peut statuer que sur les preuves (documents et témoins) qui

ont été apportées par les parties, à lexclusion de toute autre. Dès lors, lintérêt

est essentiel pour le défendeur de tenter de rapporter la preuve de la vérité des imputations »5.

Le délai prévu au premier alinéa de larticle 55 était initialement fixé à cinq jours6,

avant dêtre porté à dix jours par lordonnance n° 45-2090 du 13 septembre 1945 modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cest dailleurs pour permettre laccomplissement de la procédure doffre et de contre-offre de preuve que le délai minimal entre la citation et la comparution devant le juge, prévu au

premier alinéa de larticle 54 de la même loi, a été porté à vingt jours par la même

ordonnance (au lieu de quinze jours auparavant et de dix jours en droit commun). Le délai de dix jours de larticle 55 court à compter de la première citation délivrée au prévenu7. Il sagit dun délai strict, et non franc8, qui nest susceptible daucune augmentation, ni du fait des distances9 ni en raison de son expiration un jour férié10. La Cour de cassation juge avec constance que ce délai est dordre public11. La rigueur de ce délai est généralement expliquée par lidée que le prévenu est censé sêtre préconstitué la preuve de la vérité des faits diffamatoires cest dailleurs cet argument qui a motivé le refus de renvoi par la Cour de cassation dune QPC critiquant lexcessive brièveté de ce délai12.

4 Cass. crim. 21 novembre 1989, n° 89-81.524.

5 Jean-Yves Dupeux et Thierry Massis, " La conduite du procès de presse », Legicom, n° 28, 2002/3, p. 18-19.

6 Il figurait alors à larticle 52 de la loi du 29 juillet 1881, dans sa rédaction initiale.

7 Cass. crim. 6 novembre 1962, Bull. n° 303.

8 Cass. crim. 11 mai 1960, Bull. n° 253.

9 Cass. crim. 24 juin 1986, n° 86-90.518.

10 Cass. crim. 12 septembre 1912, D. 1914, p. 148.

11 Voir par exemple Cass. crim. 11 mai 1960, précité.

12 Cass. crim. 17 janvier 2012, n° 11-90.113 : " la fixation du délai pour faire offre de preuve de la vérité des faits

diffamatoires à dix jours, par une loi précise et accessible, ne prive pas le prévenu de la possibilité dexercer

4 Depuis 1945, cet article 55 na été modifié quune fois, par la loi n° 2017-86 du

27 janvier 2017 relative à légalité et à la citoyenneté, afin de prévoir lapplication

de la procédure doffre de preuve en cas de requalification par le juge de provocations ou injures discriminatoires en diffamations discriminatoires (dernier alinéa de cet article)13. Lapplication des articles 55 et 56 de la loi de 1881 est cependant écartée dans une hypothèse, prévue au second alinéa de larticle 54 (également objet de la décision commentée). Il sagit du cas dans lequel une diffamation intervient " pendant la période électorale contre un candidat à une fonction électorale ». Les délais prévus par ces articles, notamment celui de dix jours fixé au premier alinéa de larticle 55, sont alors écartés, afin de permettre un jugement plus rapide de laffaire. Les moyens de preuve sont ainsi débattus à laudience sans notification préalable, selon les règles de procédure pénale de droit commun. Dans un arrêt du 5 novembre 1959, la Cour de cassation a précisé que le second alinéa de larticle 54 " concerne toutes les élections à des fonctions électorales », et non pas seulement les élections politiques : cet alinéa était donc, en lespèce, applicable à lélection des juges dun tribunal de commerce14. Dans le même sens, une réponse ministérielle publiée en 2014 indique que, " par la généralité de ses termes, larticle 54 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 concerne tous les candidats à des fonctions électives, quil sagisse délections politiques ou professionnelles, telles que des élections municipales, législatives ou bien encore prudhomales »15.

2. Lextension au contentieux civil de la procédure doffre de preuve

Au terme dévolutions jurisprudentielles intervenues depuis les années 1990, les articles 54 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 sappliquent non seulement en matière pénale, mais également au contentieux civil.

effectivement les droits de sa défense, dès lors quil est censé disposer, au moment même de lexpression de ses

propos, des éléments propres à en établir lexactitude ».

13 Il sagit des discriminations, mentionnées aux deuxième et troisième alinéas de larticle 32 de la loi de 1881,

visant une personne ou un groupe de personnes " à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-

appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » ou " à raison de leur sexe, de leur

orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap ».

14 Cass. crim. 5 novembre 1959, Bull. n° 472. Par ailleurs, la Cour de cassation a précisé que la période électorale

commence lorsquest ouvert le délai pendant lequel sont reçues les déclarations de candidature (Cass. crim. 16

février 1999, n° 97-86.406). Si la saisine de la juridiction intervient après les élections, ce régime dérogatoire nest

plus applicable (le délai de dix jours simpose donc), même si les propos ont été tenus pendant la période électorale

(Cass. crim. 17 mars 1981, n° 79-93.291).

15 Réponse du ministère de la justice à M. Jean-Louis Masson, JO Sénat du 26 juin 2014, p. 1566.

5 Comme le rappellent deux auteurs, " [p]endant plus dun siècle, les règles de procédure édictées par la loi sur la presse ne pouvaient sappliquer que devant le juge pénal. Devant le juge civil, seules les règles relatives à la courte prescription étaient applicables. / Mais les règles de forme imposées par les articles 53 à 56 étaient étrangères aux instances introduites devant la juridiction civile. / Ce dualisme de la procédure offrait un immense avantage au demandeur. Pour contourner les règles contraignantes de procédure édictées par la loi du

29 juillet 1881, il lui suffisait de saisir la juridiction civile. Mais cette faculté de

choix laissée à la victime créait un déséquilibre et une rupture de légalité des

armes entre le procès pénal et le procès civil. Si le procès pénal était semé dembûches, le procès civil était dune grande simplicité alors que la même loi régissait les deux actions. Rien ne justifiait cette différence de traitement et le juge

des référés a été le révélateur de cette disparité. Dans un arrêt célèbre du

5 février 1992, la deuxième chambre civile a soumis le référé en matière de

diffamation aux règles de larticle 55 de la loi de 188116. Larrêt du 22 juin 1994 confirme cette règle en déclarant applicable larticle 55 au juge du fond. Larrêt précise que larticle 55 de la loi du 29 juillet 1881 sapplique devant la juridiction civile dès lors quaucune disposition législative nen écarte lapplication. Enfin, larrêt du 19 février 1997 achève cette évolution en affirmant que larticle 53, cest-à-dire les règles de forme, sapplique au procès civil »17. Cette évolution a été confirmée par un arrêt de la Cour de cassation du

14 novembre 2002, qui a rappelé que le juge des référés ne pouvait prononcer une

mesure conservatoire avant lexpiration du délai de dix jours prévu par larticle 55. La Cour a ainsi cassé larrêt dune cour dappel confirmant la décision

dun juge des référés qui, alors quun éditeur avait été assigné dheure à heure18,

avait renvoyé laffaire à une audience ultérieure pour examiner des éléments de preuve susceptibles dêtre produits par le défendeur et qui, sur le fondement de larticle 808 du code de procédure civile19, avait ordonné, jusquà ce que sa décision soit rendue, le retrait provisoire dun bandeau apposé sur un ouvrage, dont le requérant estimait quil comportait des affirmations diffamatoires20. Cette jurisprudence a fait lobjet dappréciations diverses. Certains sen sont félicités, au motif qu" il était peu satisfaisant quau seul prix, symbolique pour la victime, du renoncement à voir prononcer une sanction pénale

16 Selon cet arrêt du 5 février 1992 (n° 90-16.022), le juge des référés ne peut, sans respecter le délai de dix jours

prévu à larticle 55, condamner un directeur de la publication et un journaliste, auteur dun article diffamatoire, à

verser une provision à la victime et à insérer un communiqué à paraître dans le prochain numéro du journal.

17 Jean-Yves Dupeux et Thierry Massis, op. cit., p. 6-7.

18 Procédure prévue au second alinéa de larticle 785 du code de procédure civile, selon lequel si " le cas requiert

célérité, le juge des référés peut permettre dassigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés ».

19 " Dans tous les cas durgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les

mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie lexistence dun différend ».

20 Cass. civ. 2e 14 novembre 2002, n° 00-16.808.

6 contre les auteurs de linfraction, celle-ci puisse faire reconnaître le principe de latteinte et obtenir lindemnisation de son préjudice avec une beaucoup plus grande facilité en agissant devant le juge civil plutôt que devant le juge naturel
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