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Mémoire professionnel - Radio Campus Grenoble : La radio

tard de ces radios libres qui ont su créer un mythe autour de leur les rapproche et les éloigne

RadioMorphoses

Revue d'études radiophoniques et sonores

5-6 | 2021

La radio au service de ses publics

Radio Libertaire

, un nouveau service public au début des années 1980

Félix

Patiès

Édition

électronique

URL : https://journals.openedition.org/radiomorphoses/1259

DOI : 10.4000/radiomorphoses.1259

ISSN : 2649-9630

Éditeur

GRER - Groupe de Recherches et d'études sur la radio

Référence

électronique

Félix Patiès, "

Radio Libertaire

, un nouveau service public au début des années 1980

RadioMorphoses

[En ligne], 5-6

2021, mis en ligne le 01 novembre 2021, consulté le 20 mai 2022.

URL : http://journals.openedition.org/radiomorphoses/1259 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ radiomorphoses.1259 Ce document a été généré automatiquement le 20 mai 2022.

RadioMorphoses

Radio Libertaire, un nouveau service

public au début des années 1980 ?

Félix Patiès

Introduction

1 Depuis la fin des années 1970, les anarchistes contestent le monopole d'État sur la

radiodiffusion. Aux côtés de nombreux autres acteurs sociaux, ils tentent de diffuser en modulation de fréquence des émissions à contenu anarchiste. Ils bénéficient alors des avancées techniques (miniaturisation des émetteurs FM, désintérêt de Radio France et des stations périphériques pour la FM) et du dynamisme des radioteurs italiens voisins : le monopole italien sur la radiodiffusion n'a pas été renouvelé au milieu des années

1970 et a permis l'explosion des radios privées en Italie (Lefebvre, 2008).

2 En mai 1981, l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République réduit la

répression et limite les sanctions à des brouillages. C'est une aubaine pour les radio- libristes de tous horizons qui " se ruent vers l'hertz ». Parmi eux, les anarchistes s'emparent de l'éther parisien et fondent Radio Libertaire. La radio émet sur le 89.4 de 18 à 22h00, tous les jours. Après avoir surmonté de nombreux problèmes techniques et confectionné l'idée sonore de leur radio, les anarchistes doivent faire face aux nouveaux impératifs légaux mis en place par le gouvernement Mauroy puis par la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle. Le conflit qui s'ouvre alors entre les anarchistes et les pouvoirs publics a laissé de nombreuses traces pour l'historien : articles de journaux, formulaires administratifs, comptes rendus de réunions, émissions de radio.

3 Ces sources révèlent comment les anarchistes critiquent les radios d'État de servicepublic sur le fond (accusations de censure, programmes formatés, etc.) comme sur la

forme (rejet de la médiation par des journalistes professionnels, rejet de la mainmise du gouvernement sur les stations). Ces critiques permettent aux anarchistes d'établir les bases sur lesquelles doivent reposer leurs nouveaux médias (programmation de

sujets censurés par les grands médias, journalistes bénévoles, financements militants).Radio Libertaire, un nouveau service public au début des années 1980 ?

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4 En bref, il s'agit de comprendre comment les anarchistes, par leurs pratiques et leurs

discours, se sont employés d'une part à nier aux radios d'État le caractère de service public et d'autre part à établir les bases d'une radio au service des luttes et de l'émancipation des dominés. Les anarchistes contestent la radiodiffusion d'État et les médias capitalistes Des anarchistes critiquent le " service public » de l'audiovisuel

5 Au moment de la gestation de la question des radios libres au sein de la Fédération

anarchiste, les militants développent une théorie critique des médias dans les pages de leur hebdomadaire le Monde Libertaire.

6 Tout d'abord, il faut souligner que les anarchistes ne parlent jamais de " service

public » de l'audiovisuel. Pour désigner les radios et les télévisions " publiques », ils

parlent de médias d'État. Les anarchistes s'opposeraient-ils au " service public » ? Ou ce sujet ne les intéresse-t-il pas ? Non. Pour eux, ce terme est forgé par les États eux-

mêmes pour légitimer leur prétendu rôle bienfaiteur. Or, ce public qu'il faut servir n'est

ontologiquement pas le même du point de vue de l'État français et du point de vue des militants anarchistes. Du point de vue de l'État, le public, ce sont les Français, qu'il faut rassembler dans un projet national : La mission d'" information nationale » dévolue à la RTF apparaît aux contemporains comme nécessaire et légitime, le gouvernement devant tenir l'opinion au courant de la conduite de l'État. Sur ce point, il y a consensus. La mainmise sur les journaux parlés suscite de vives polémiques, mais, par temps de guerre froide puis de guerre

d'Algérie, il paraît normal que la radio répercute la conception de l'intérêt national

qui prévaut alors : défense de la République contre les adversaires communistes, affirmation et illustration de la souveraineté et de la puissance française. (Eck,

2001 : 47)

7 Selon l'historienne Hélène Eck, il apparaît donc comme " normal » que les médias et

notamment la radiodiffusion soient le miroir et la voix au service du pouvoir bourgeois dans le but de rendre la domination capitaliste et coloniale moins perceptible (Eck,

1997). Cette " normalité » de l'appropriation des médias par la classe dirigeante ne va

pas de soi pour les anarchistes. Dans un dossier intitulé " Du côté de la " grande information » », un militant dénonce la mainmise du pouvoir politique sur les moyens de communication pour imposer les idées bourgeoises au public. Il dénonce notamment le rôle des radios périphériques (RTL, Europe 1, RMC) dont les émetteurs sont certes situés à l'extérieur du territoire français, mais dont la gestion est assurée par des filiales de l'État. Ces radios qui apparaissent comme plus indépendantes vis-à-vis du pouvoir politique lui sont en réalité toujours soumises. Ces radios ne peuvent donc en aucun cas être présentées comme des " Radios libres avant l'heure » (Cavelier, Morel- Maroger, 2008). De plus, les anarchistes ne croient pas non plus aux changements partisans au sommet de l'État. Le 6 janvier 1975, lors du démantèlement de l'ORTF, Valéry Giscard d'Estaing semble pourtant faire un pas en direction des manifestants de mai-juin 1968 qui avait honni l'Office. Il déclare ainsi que " la radio et la télévision ne sont pas la voix de la France » et que " leurs journalistes sont des journalistes comme les autres » (Bachmann, 2001 : 54). En réalité, l'historienne Sophie Bachmann montre

que ce démantèlement permet d'affaiblir les syndicats, de réduire les effectifs, deRadio Libertaire, un nouveau service public au début des années 1980 ?

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purger les journalistes gênants et de placer de nouveaux dirigeants acquis à la cause du nouveau président de la République (Bachmann, 1997).

8 Si, selon les anarchistes, la nation est une invention des bourgeois pour détourner le

regard de la lutte des classes, qui serait le public des médias anarchistes ? De leur point de vue, leur public ne peut être que les dominés : les exploités du capitalisme, les victimes du patriarcat, les victimes des racismes, les victimes du mal logement, les victimes des religions, les enfermés, les insoumis, etc. Bref, les opprimés de toutes natures. Les médias anarchistes doivent être le miroir et la voix des luttes et de ceux qui cherchent à s'affranchir de toutes les dominations. Par exemple, en mai 1978, dans les colonnes du Monde libertaire, un militant critique les médias d'État qui réservent une place importante aux religions sur leur antenne. (Gaillard, 1978 : 9). Cette critique

théorisée, entre autres, par Bakounine, établit que la religion contribue à détruire chez

le peuple tout esprit de révolte : " L'Église étant autoritaire ne pouvait manquer d'enseigner "la résignation, la patience et la soumission"

1. » Si la critique des religions

est importante chez les anarchistes, il faut noter que les militants remettent à la fin des années 1970 la lutte des classes au coeur de leurs revendications. La Fédération anarchiste continue de mener des luttes spécifiques (prisons, sexualité), mais le coeur du militantisme se situe sur le terrain socio-économique. Ce fondement est réintégré aux principes de bases de la Fédération, un court texte qui établit les axiomes de la lutte libertaire. Comme le rappel le doyen de la Fédération, Maurice Joyeux, le combat des anarchistes n'est pas seulement contre tel ou tel instrument de la classe dominante, mais contre la classe dominante elle-même : Toutes les fois qu'il y aura un problème d'autorité qui se posera, quand des gens refuseront l'autorité, on les mettra en prison. On est dans une société où tous les réformateurs voient les choses par le petit bout de la lorgnette : les uns veulent supprimer l'armée, les autres veulent supprimer la justice, les autres veulent supprimer les prisons... mais tout cela, c'est de la connerie, vous ne supprimerez pas cela, ce qu'il faut c'est supprimer la société de classe. Parce que la société de classe, si vous ne la supprimez pas, elle a besoin de la justice, elle a besoin de l'armée, elle a besoin des prisons, elle a besoin des différences de classes. Par conséquent, tous ceux qui avec beaucoup de bonne volonté veulent supprimer un morceau de cet outillage de classe se casseront forcément les reins, on fait la révolution ou alors on vit naturellement les inconvénients du système de classe qui vous exploite 2.

9 C'est dans la perspective de l'abolition de la société de classes que les militants

conçoivent leurs médias. Le développement de Radio Libertaire est conçu dans cette perspective idéologique. Des anarchistes critiquent les médias qui se compromettent avec les capitalistes

10 Si des anarchistes s'en prennent violemment aux médias d'État, ils ne sont pas plus

tendres avec les médias d'opposition politique auxquels ils participent parfois.

11 Dans un article du Monde Libertaire de 1982, Patrick du groupe d'Angers s'attaque à

Libération. Ce quotidien national a souvent exprimé des idées anticapitalistes et relayé des luttes sociales dans ses pages. Cependant, la mise en place de la publicité en février

1982 est vécue comme une véritable trahison par ce militant. Selon lui, le journal aRadio Libertaire, un nouveau service public au début des années 1980 ?

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vendu son âme aux puissances de l'argent3 qui pourront désormais influencer sa ligne éditoriale. En 1984, Jean-Marc Raynaud récidive : Il y a eu une époque où Libération se targuait d'être le porte-voix de ceux dont on tait toujours la voix : les minorités de tous ordres et tous ceux qui luttent, nombreux et obscurs, pour un peu plus de dignité et de liberté. [...]. Libé, en effet, par son " look », par ses prises de position au niveau politique, par l'introduction de la pub, par son acceptation de la hiérarchie des salaires, etc., est devenu ce qu'il est aujourd'hui : un canard tout juste un peu moins pire que les autres ! 4

12 Si les médias de lutte d'envergure nationale se rangent à la cause du capital, sur qui les

anarchistes peuvent-ils compter ? Sur eux-mêmes ! explique un militant du groupe d'Amiens dans le Monde Libertaire5 : afin d'exposer librement les luttes sociales, il propose de développer une presse de contre-information et d'expression libertaire. " Une presse non-professionnelle prise en charge par les lecteurs eux-mêmes. [...] Une presse qui essaie de parler de la vie quotidienne des gens, de leurs luttes, de leurs espoirs

6. » Sur le terreau de la critique des médias, les anarchistes affichent en creux la

conception de leurs propres médias. Mais face à l'ardeur du militant d'Amiens, Serge Livrozet brosse une vision plus pessimiste des médias anarchistes : J'use de liberté, certes, mais force m'est de constater que je demeure aussi impuissant que si je n'en avais pas l'usage. [...]. Ce que nous devons exiger et obtenir, c'est que ce droit ait le même impact que celui de ceux qui nous l'octroient. [...]. Combien de fois ne me suis-je pas fait censurer, sermonner à la télévision ou à la radio pour m'être révélé trop libre [...] ? Aujourd'hui, je ne passe quasiment plus sur une antenne. J'ai gagné en pureté, en liberté. Mais pour qui, pour quoi, sinon pour moi, pour " mes » lecteurs [...] ? [...] L'État français n'a plus besoin comme à l'Est de réglementer notre liberté. Il lui suffit d'en atténuer l'impact. [...] J'opte pour la liberté au détriment de l'impact, sachant bien de ce fait que je conserve mes opinions libertaires intactes, avec toute la subversion idéologique qui leur est propre. Et, si un jour, comme je le crois, l'occasion nous est fournie de leur donner l'impact qu'elles méritent, alors nous pourrons nous battre avec la force que procure la certitude de ne jamais nous fourvoyer parmi les requins de droite, les dauphins de gauche et les vendus du centre 7.

13 Serge Livrozet fait ici le constat du cloisonnement des idées libertaires dans les médias

traditionnels à petit tirage de la presse anarchiste. De quelle occasion parle-t-il lorsqu'il évoque la possibilité de diffuser massivement les idées anarchistes sans les dénaturer ? Le grand soir d'une nouvelle révolution ? Ou la possibilité de développer un nouveau média plus puissant ? Et pourquoi pas une radio libre... Car, les radios libres semblent pouvoir jouer un rôle, mais lequel ? Les anarchistes créent des radios au service des luttes Des anarchistes deviennent des radio-libristes à partir du milieu des années 1970

14 En 1977, Serge Livrozet est un pionnier dans l'usage des radios libres. Son activité

médiatique de militant est révélatrice de l'intérêt des anarchistes, habitués aux médias

papiers, pour le nouveau support radiophonique. Après avoir tenté de créer une société

d'imprimerie indépendante, il contribue au journal La cause du peuple de Jean-Paul

Sartre et Serge July. Lorsque ces derniers réclament la peine de mort contre leRadio Libertaire, un nouveau service public au début des années 1980 ?

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collaborateur Touvier, il cesse sa collaboration. Il se lance alors dans la création de Libération, qu'il quitte quelques mois plus tard à l'arrivée de Serge July (Lenoir, 2014). Au même moment, il rencontre Michel Foucault, et fonde avec lui le Comité d'Action des Prisonniers (CAP) en novembre 1972. L'une des activités principales du comité est de relayer les informations des prisonniers vers tous les médias possibles. En 1977, les membres du CAP cherchent à relayer eux-mêmes leurs revendications à travers l'usage de la radiodiffusion. Le mardi 13 Septembre 1977, avec l'aide de Radio 93 de Jean Ducarroir, Serge Livrozet installe en face de la prison de la Santé une camionnette transformée en station de radiodiffusion. Les militants du CAP ont convoqué des journalistes pour qu'ils puissent témoigner de leur action. L'émission, intitulée " Un vendredi pas comme les autres », est la retransmission d'une réunion qui s'est tenue quatre jours plus tôt au siège du CAP. Il s'agit d'une conversation entre les militants du CAP et deux familles de détenus venues chercher de l'aide. Cette intervention radiophonique, bien que marquée par un contretemps technique, permet aux militants de transmettre aux détenus des informations qui sont habituellement censurées par la voie écrite. Le mensuel Le CAP, journal des prisonniers, avait toujours été interdit par le directeur de la Santé, Hubert Bonaldi, au mépris de l'article D-424 du Code de la

procédure pénale. À la suite de l'opération, la police perquisitionne le domicile de Jean-

Pierre Delaspre, militant du CAP, et elle interroge sans succès Jean Lapeyrie, Agnès Ouin, Serge et Annie Livrozet. Les détenus de la Santé sont quant à eux privés de leurs postes de radio pour quelques jours.

15 Là où le papier a échoué à traverser les murs des prisons, les ondes radiophoniques y

parviennent. Ce succès éveille l'intérêt des militants pour la radio, qui trouvent en elle

un moyen d'élargir leur auditoire. Les anarchistes contrevenants au monopole, victimes de la répression d'État

16 Ces incursions des anarchistes dans un espace médiatique réservé jusqu'ici au pouvoir

d'État et ses filiales ne sont pas sans danger. Serge Livrozet et ses compagnons

subissent des perquisitions. Cette répression éveille l'intérêt des anarchistes :

" n'oublions pas non plus les multiples radios libres. Le fait qu'elles soient sans cesse poursuivies par le pouvoir atteste qu'elles sont dangereuses ! [...] C'est un travail de longue haleine, mais primordial, parce qu'il apprend aux gens à reprendre la parole qu'on leur a confisquée

8. »

17 Les militants anarchistes s'impliquent régulièrement dans les radios libres. Au départ,

ils interviennent comme invités, puis rapidement certains créent leurs propres

émissions voire même leurs propres radios. À chaque fois, ils sont réprimés. À Saint-

Denis (93), le 28 mai 1978, les militants du groupe Henri Poulaille sont invités à s'exprimer à l'antenne de Radio Libre 93 (Lefebvre, 2008). Radio Libre 93 est une radio de contestation sociale imaginée par Jean Ducarroir et Patrick Farbiaz. Ces deux protagonistes majeurs du mouvement des radios libres tentent depuis le 7 mars un nouveau coup d'éclat contre le monopole en installant au vu et au su de tous un studio de radio dans la librairie alternative les Degling's. Les anarchistes doivent présenter le poète libertaire Gaston Couté. Mais à 20h30, une douzaine d'inspecteurs de la DST

saisissent l'ensemble du matériel pour une valeur de 15 000 francs. Les neuf personnesRadio Libertaire, un nouveau service public au début des années 1980 ?

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présentes sont envoyées au poste de police pour un interrogatoire de quelques heuresqui ne débouche sur aucune poursuite.

18 C'est le début d'une période de raidissement des pouvoirs publics qui, confortés par les

législatives de 1978, agissent contre les radio-libristes qui enfreignent le monopole. Après les saisies de matériel, l'arsenal juridique répressif s'étoffe. La loi Lecat, promulguée le 28 Juillet 1978, prévoit pour tout contrevenant au monopole une période d'emprisonnement d'un à douze mois assortie d'une amende de 10 000 à 100 000 francs. Les expériences se multiplient dans les différents groupes de la Fédération anarchiste. Les militants anarchistes travaillent en étroite collaboration avec Radio Transistours (Tours) avec qui ils fondent l'Association tourangelle pour une information libre et autogérée

9. Quant à Radio Klaxon, les militants anarchistes angevins y participent

régulièrement et diffusent un débat lors des journées libertaires d'Angers. Dans les colonnes du Monde Libertaire, le groupe Maurice Fayolle de Tours rapporte que Radio Klaxon d'Angers et Transistours (Tours) ont subi la répression des pouvoirs publics (saisies, perquisitions, procès) 10.

19 En septembre 1978, Gérard Blain et Bruno Nappi du groupe de Toulon ainsi que

quelques sympathisants créent Radio Trottoir. Elle émet en modulation de fréquence sur

100,5 MHz, le vendredi après 21h00 et le dimanche après 10h00. L'émetteur de 30 à

40 W, un 144 MHz modifié, leur a été fourni en pièces détachées par des militants

espagnols de la CNT

11. Leur objectif n'est pas seulement de faire tomber le monopole,

mais bien d'utiliser la radio " pour court-circuiter les grands médias, pour mettre en communication la population, pour qu'elle prenne en charge elle-même l'information, sa propre éducation ». Ils veulent " concrétiser la pensée anarchiste

12 ». Ils ont choisi le

nom de la radio par provocation et le justifient ainsi : " parce que nous sommes tous [...] des prostitués ». De manière plus positive, la symbolique du trottoir est pour eux ce qu'il reste de la rue. C'est ce que la route des marchands n'a pas pu prendre. Le trottoir est en quelque sorte le vestige de la rue, idéalisé comme lieu de rencontre et de convivialité. " La vocation du collectif qui l'anime n'est pas de la diriger, mais de rendre aux habitants des quartiers, des villages, et aux travailleurs de la ville et des champs, à ceux qui sont toujours considérés comme la dernière roue de la charrette, sauf pour voter ou pour payer des " impôts » ou une " carte », oui pour rendre à tous ceux-là la parole

13. »

20 Dès le départ, les animateurs de Radio Trottoir sont dans le collimateur des autorités. Ils

se targuent même d'être l'" ennemie publique n° 1 » pour le pouvoir

14. Après de

nombreuses courses-poursuites dans les hauteurs du Mont-Faron, cinq animateurs de

Radio Trottoir ont été arrêtés le 8 octobre 1978. Malgré l'absence de preuves, les cinq

personnes sont inculpées. En attente du jugement, les militants continuent leurs émissions. La police n'a en effet pas réussi au moment de l'interpellation à saisir l'émetteur. Au début du mois de novembre, Gérard Blain contacte Antoine Lefébure, rédacteur de la revue Interférences et coordinateur du mouvement des radios libres à travers l'Association pour la Libération des Ondes (ALO). Il demande à Lefébure des renseignements pour l'achat d'un second émetteur de 40 watts au cas où le premier serait saisi. Dans l'attente du jugement, les militants cherchent à mobiliser autour de leur cause. Les 19 et 26 octobre 1978, Blain publie dans le Monde Libertaire afin de mobiliser les militants et les sympathisants partout en France. Il s'empare alors de la question posée par le mouvement des radios libres depuis quelques mois : " Est-il criminel de défendre la liberté d'expression ?

15 » Pour mobiliser, il incite les militants etRadio Libertaire, un nouveau service public au début des années 1980 ?

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les sympathisants à construire leur propre radio libre afin de redonner un nouveau souffle au mouvement contre le monopole, en perte de vitesse à cause des clivages internes et de la répression des pouvoirs publics 16. " La meilleure solidarité que vous pouvez avoir pour nous c'est de relancer la dynamique des "radios libres" de développer la propagande en leur faveur (meetings, galas, affiches) et d'en mettre en marche partout.... Allez, partout prenons la parole ! Émettons !

17 »

21 L'étau des pouvoirs publics ne se desserre pourtant pas et six animateurs sont arrêtés18.

Le groupe anarchiste enclenche alors une mobilisation et organise une fête de soutien

aux inculpés le 9 décembre 1978 devant l'Hôtel de Ville de Carqueiranne. La Fédération

édite également une affiche de soutien à Radio Trottoir en vente à la librairie du Monde

Libertaire

19. La radio semble s'essouffler et émet très sporadiquement. Blain renvoie

son livret militaire pour dénoncer le fait que les minorités politiques n'ont pas accès aux médias. Il est convoqué de nouveau devant le tribunal le 21 septembre 1979. Le 26 octobre 1979, il est condamné à un mois de prison. Les animateurs de radio trottoir sont de nouveau arrêtés et inculpés. Une manifestation de soutien à lieu à Toulon le 5 janvier 1980 et une lettre ouverte est publiée dans le Monde Libertaire20. Le jugement est rendu le 21 janvier 1980. Pour violation du monopole de la radiodiffusion, les sanctions sont lourdes : Blain écope de quatre mois de prison avec sursis, Vincent Tortora de trois mois avec sursis et Yves Bellec, qui ne s'est pas présenté à l'audience, de trois mois de prison ferme. Hélène Vermorel et Christine Bloch reçoivent une amende de 1 000 francs chacune. Le sixième prévenu est relaxé. Les militants de la Fédération anarchiste subissent ici les plus lourdes peines données lors des procès pour violation du monopole durant toute la période avant 1981 (Lefebvre, 2008).

22 En région parisienne, Jean-Marie et Laurent du groupe de Ris-Orangis lancent Radio

Alarme en octobre 198021. Ils émettent de 10h00 à 12h00 les dimanches matin avec un émetteur de 45 W d'une valeur de 1 400 francs. Ils se cachent des pouvoirs publics, mais tentent d'être les plus ouverts possible à la population : ils tiennent une permanence sur le marché de Ris. Ils émettent également en direction des prisonniers de Fresnes. Mais ces émissions sont désormais sous haute surveillance et elles sont brouillées22. Le

25 janvier, c'est la saisie après une quinzaine d'émissions dominicales. Jean-Marie est

arrêté puis relâché en attente du procès, qui doit avoir lieu le 22 mai 1981, mais est

finalement reporté à la suite des élections présidentielles.

23 Les militants anarchistes soutiennent également diverses initiatives radiophoniques.

Un militant de Lille publie un article de soutien à Radio Libre 59 saisie le 27 mai 197823. De même lors de la saisie de Radio Riposte le 28 Juin 1979, les anarchistes s'indignent de la répression policière contre la liberté d'expression de l'opposant politique François

Mitterrand :

" Seul une contre-information écrite ou parlée s'appuyant sur la volonté populaire sera capable de détruire un monopole économique et législatif en faveur des médias au service du pouvoir

24. »

24 Les anarchistes multiplient les expériences dans les radios libres : invités, animateurs,

simple soutien et même créateurs de radios libres. Ils subissent partout la répression de l'État. Ces radios doivent permettre aux dominés de reprendre la parole et de médiatiser leurs luttes. Ils accusent le service public national de radiodiffusion, aux

mains du pouvoir bourgeois, d'avoir confisqué ce droit. Les militants anarchistesRadio Libertaire, un nouveau service public au début des années 1980 ?

RadioMorphoses, 5-6 | 20217

multiplient les tentatives concrètes et cherchent également un modèle sur lequelconstruire une radio de lutte au service des opprimés et de leur émancipation. Radio Lorraine Coeur d'Acier, le modèle d'une radio de lutte auservice des dominés

25 Lorraine Coeur d'Acier, la radio de lutte de la CGT dans le bassin sidérurgique de Longwy,

a joué un rôle décisif dans l'imaginaire des créateurs de Radio Libertaire. Joël-Jacky

Julien, cheville ouvrière et acharnée d'une radio anarchiste fédérale, rend hommage à Lorraine Coeur d'Acier sous la forme d'une critique de cinéma, puisqu'il a assisté à la projection du film Lorraine Coeur d'Acier, une radio dans la ville, de Jean Serres et Alban

Poirier en mai 1981 :

Je ne vous cache pas que pour ce dimanche, jour de la présentation du film, j'avais déjà prévu mon emploi du temps. Je me préparais a une longue, très longue grasse matinée et une longue, très longue partie de pêche : c'était le jour du 2 e tour des élections. De plus, l'invitation était pour 11 heures (le matin !). Enfin, je craignais, compte tenu du sujet, (émetteur CGT) et des attaches politiques des réalisateurs (l'un est au PC, l'autre a l'extrême-gauche), un dithyrambe fumeux et racoleur. Mais ma passion pour les radios pirates l'a emporté sur ma paresse. Oh, les premières minutes je ne fus pas déçu. J'avais vu juste et je me calais confortablement, lorgnant avec envie le superbe émetteur, la devant mes yeux. Essayant d'oublier la litanie habituelle avec ses mots fétiches " démocratique »,

" travailleurs », etc. En un mot l'écoute du tract indigeste, habituel, jamais

renouvelé du militant de gauche. Ça ronronnait doucement. Tiens, qu'est ce qui se passe ? Un cégétiste se plaint de ce que Krivine et même la honte Cohn-Bendit viennent causer dans le poste des travailleurs. Je me marre complètement bouche, ce type avec sa grande gueule. Et puis je dresse l'oreille. Le type dit, oui, mais ça c'était au début, je n'avais pas l'habitude, vous comprenez. Entendre les conneries de Krivine grâce a mon propre pognon, c'était dur, mais je sais maintenant que c'est justement ça, la liberté d'expression, et je suis d'accord pour que la radio continue comme ça. Mais c'est qu'il commence a devenir bougrement sympathique celui-là avec sa grande gueule ! Et puis, plouf ! Explosion : je me redresse du fauteuil. Quoi, le présentateur vient de poser au responsable du PC local une question que même El Kabbach (clown sinistre) n'oserait poser a Marchais (clown triste). Mais si, ce n'est pas vrai, il vient de lui demander des

explications sur la une de L'Humanité de ce jour-là. Au sujet de l'attaque

franchement crapularde du " journal de la vérité » contre Le Canard enchaîne, suite au " suicide » de Boulin. Aie, aie, l'un evasouille sur la forme, pas sur le fond, comme d'habitude. Aie, aie, aie, l'autre insiste, repose la question. Et ça y est, miracle, le présentateur devient journaliste, et la radio pirate devient radio libre. Et la pellicule de documentaire banal se transforme en un vrai grand film sur ce qu'est la communication. Et tout s'accélère : ils ont pris la parole pour exposer leurs problèmes, et, pris au jeu, la donnent, la rendent, ouvrent les fenêtres. C'est ça le film : sous prétexte d'un reportage, une fresque belle et forte sur la soif de s'informer, de se comprendre. Imaginez toute une ville et presque toute une région a l'écoute. Imaginez que chacun vienne causer de ses ennuis, de ses envies, et, au travers, apprennent a écouter les autres (l'un des habitants de Longwy le dit d'ailleurs tel quel) ; et maintenant, imaginez cela dans chaque ville. Ce serait une évolution plus profonde que de changer de système droite/gauche. Et de cette formidable expérience qu'advint-il ? [...] Les grands sorciers de Paris, qui savent toujours ce qui est bon et mauvais pour l'ouvrier - on est les chefs, c'est

démocratique, rompez -, pas fâchés de mettre fin a une expérience qu'ils contrôlentRadio Libertaire, un nouveau service public au début des années 1980 ?

RadioMorphoses, 5-6 | 20218

mal, font le nécessaire. On coupe les vivres et on licencie les deux journalistes.J'ai froid dans le dos quand je pense à la position de la CGT (enfin les chefs et les

permanents...) sur les radios libres : strict monopole d'État, mais avec pluralité des expressions garanties. Garantie par qui ? Par une commission nationale ? Composée par qui ! Par certains cafards du bassin de Longwy par exemple ?

26 Plus qu'une critique du film, Julien rédige un véritable manifeste de ce qu'il croit être le

rôle d'une radio libre anarchiste. Toutes les problématiques sont énoncées : la liberté

d'expression, l'imbrication du média et des luttes sociales, l'échange, la convivialité, l'envie de connaissance, la décentralisation et le service local de radiodiffusion. Mais aussi les points d'achoppement des radios libres politiques : la professionnalisation, et surtout le rôle et la place de la radio au sein d'une organisation politique. Au moment même où il rédige cet article, Julien rassemble du matériel pour créer une radio fédérale anarchiste pour la fin de l'été 1981. Les anarchistes créent Radio Libertaire, un nouvel espace de radiodiffusion au service des luttes à Paris Où et quand créer un nouvel espace radiophonique permanent au service des luttes ?

27 Les anarchistes sont de plus en plus convaincus que le rapport de force avec l'État est

en train d'être gagné et qu'il faut absolument se saisir de la bande FM avant la libération officielle : Le monopole est en train d'éclater ! La demande a été faite d'une fréquence, mais il faut s'attendre a ce que le pouvoir ne nous la donne pas. Il faudra la prendre et créer une situation acquise pour avoir des chances d'avoir une longueur d'onde. Il y aura a tout casser 70 postes sur la gamme modulation de fréquence pour le bassin parisien. Il y en a déjà une quarantaine qui ont une bonne antériorité d'émission ou de procès [...]. Il faut avant que cette nouvelle loi passe au parlement prendre la fréquence ! Sinon c'est comme si nos aînés n'avaient pas pris de numéro de commission paritaire. Pour occuper la fréquence on peut comme Radio Cite Future, la radio du Monde envoyer 24h sur 24h un son ou l'on peut faire une émission une fois par semaine ou tous les jours 25.

28 La position soutenue par Julien est vivement débattue lors du congrès de la Fédération.

Certains militants, membres de la CFDT de l'ORTF, souhaitent que la Fédération ne s'engage pas sur la FM avant d'avoir fait une demande aux autorités. Selon ces

militants, l'État devrait jouer un rôle de régulateur dans la répartition des fréquences,

notamment contre les nouvelles radios capitalistes en construction. Le nouveau ministre est pour maintenir le brouillage jusqu'a ce que le texte de loi passe a la nouvelle session, c'est-à-dire au mois d'octobre. Nous, en tant que CFDT, notre position est le non-brouillage. [...] Nous sommes en tant que CFDT de l'ORTF103 pour le maintien [du monopole] qui répartit [les fréquences]. Quand le camarade disait tout a l'heure qu'il faut s'investir tout de suite pour se réserver une fréquence c'est faux. Cela s'est vu avec Radio Cite Future qui a brouillé sans complexe Radio Gulliver. Ce seront les radios a fric qui s'accapareront certainement les fréquences s'il n'y a pas quelqu'un pour les distribuer 26.

29 D'autres militants s'opposent à Julien, notamment sur la nature fédérale de la radio et

son financement. En effet, la technologie FM ne permet qu'une diffusion locale. Donc

tous les militants ne pourront pas être les auditeurs ou les animateurs de ce nouvelRadio Libertaire, un nouveau service public au début des années 1980 ?

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