[PDF] Jean Knauf. La Comédie-Française 1942 _PPA_





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La Reine Morte dHenry de Montherlant et La reine crucifiée de

41 Henry de MONTHERLANT La Reine Morte : drame en trois actes



La Reine morte

LA REINE MORTE. Extrait de la publication. Page 6. Extrait de la publication. Page 7. HENRY DE MONTHERLANT. LA REINE. MORTE. DRAME EN TROIS ACTES. TEXTE CORRIGÉ 



La Reine morte Lanalyse des motifs du meurtre dInès de Castro

Résumé. La Reine morte fut écrite par Montherlant en 1942. Elle met en scène une reprise d'un drame historique intitulé «Régner après sa mort» de l'auteur 



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Éditions de La reine morte (43 ressources dans data.bnf.fr). Livres (21). La reine morte. (2006). Henry de Montherlant. (1895-1972)



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Résumé. La Reine morte fut écrite par Montherlant en 1942. Elle met en scène une reprise d'un drame historique intitulé «Régner après sa mort».



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1 déc. 2011 Romain Lancrey-Javal Le Langage dramatique de La Reine morte



ENTRETIENS AVEC HENRY DE MONTHERLANT

J'avais commenté la Reine morte en Australie en Nouvelle-Zé- lande et au Canada (où il se plaignait d'être méconnu) avant de.



LE JEU DANS LŒUVRE DE HENRY DE MONTHERLANT

16 Henry de Montherlant La Reine morte (1942)



Bulletin trimestriel Quintes-feuilles

d'années il entretint des relations amicales avec l'auteur de La. Reine morte (ce qui fut loin d'être le cas de Gaston Goor1) : Montherlant a d'ailleurs 



Jean Knauf. La Comédie-Française 1942 _PPA_

Reine morte d'Henry de Montherlant et la nouvelle présentation de Phèdre de Jean Racine dans la mise en scène de Jean-Louis Barrault. La Reine morte est la 

1

JJeeaann KKnnaauuff

LLaa CCoommééddiiee--FFrraannççaaiissee

11994422

Affiche de La Reine morte de Montherlant, mise en scène de Pierre Dux, 8-9 décembre 1942 - © Comédie-Française 2 3 avant-propos

Deux évènements majeurs marquent l"année 1942 à la Comédie-Française : la création de La

Reine morte d"Henry de Montherlant et la nouvelle présentation de Phèdre de Jean Racine dans la mise en scène de Jean-Louis Barrault. La Reine morte est la très libre adaptation d"une comedia de l"andalou Luis Velez de Guevara, Reinar después de morir (Régner après sa mort)

1 par Henry de Montherlant à qui Jean-Louis

Vaudoyer avait proposé de composer une pièce pour la Comédie-Française.

2 L"oeuvre de

l"auteur espagnol met en scène les amours de Don Pedro, prince héritier du trône du Portugal

et d"Inès de Castro alors que la raison d"Etat commande qu"il épouse l"Infante de Navarre. Les injonctions du roi Don Alonso, la colère de Doña Blanca, l"infante de Navarre offensée,

ne parviennent pas à séparer ce couple. Finalement, le roi, sous la pression de ses conseillers,

décide la mort d"Inès. Pour l"essentiel, Montherlant, séduit par les situations dramatiques et le

pathétique de certaines scènes, reprend l"intrigue de son modèle mais il modifie le propos.

Alors que la pièce espagnole reste l"histoire d"une passion amoureuse confrontée à la raison

d"état, La Reine morte se présente avant tout comme une pièce politique opposant les

exigences du royaume à l"inaptitude du prince à gouverner. Le Roi du Portugal, devenu

Ferrante, est protagoniste du drame ; le conflit dramatique met en scène un père et un fils faible, incapable de gouverner. Du même coup, le thème de l"amour profond qui unit Pedro à

Inès se trouve dévalorisé, voire caricaturé. La pièce connaît un immense succès puisque qu"en

une année, elle atteint les 100 représentations. Le public est sensible au néo-classicisme de la

langue, à la grandeur et au pathétique des situations ... Il reste que la pièce est violemment

attaquée et qualifiée de collaborationniste

3 dans les colonnes des Lettres françaises qui

paraissent clandestinement

4. Selon Patrick Marsh, auteur d"un numéro de La revue d"histoire

du théâtre intitulée Le théâtre à Paris sous l"occupation allemande

5, nuance un propos qui

fait de La Reine morte une pièce fasciste. S"il est certain que la philosophie personnelle

d"Henry de Montherlant est nourrie de lectures d"écrivains exaltant des valeurs de violence

1 On lira le texte de cette pièce dans Théâtre espagnol du XVII° siècle, 1, traduction André Nougué, p. 993-1042,

Bibliothèque de la Pléiade, nrf.

2 Henry de Montherlant, Comment fut écrite La Reine morte in Théâtre, p. 179-182, Bibliothèque de la Pléiade,

nrf, 1972

3 On soulignera que les poètes engagés dans le combat de la résistance au nazisme (Aragon, Eluard, Pierre

Emmanuel, Elsa Triolet, Jean Cayrol, Robert Desnos ...) ont exalté le sentiment de l"amour contre les valeurs

guerrières et "machistes" que véhiculent les idéologies fascistes. Dans La Reine morte, de nombreuses répliques

dévalorisent le lien amoureux. On lira également les textes de L"équinoxe de septembre dans Montherlant,

Essais, Bibliothèque de la Pléiade, nrf.

4 On lira en annexe les deux articles que cette publication a consacré à La Reine morte.

5 1981, III.

4

guerrière, l"héroïsme qu"il prône est ambigu. Doit-on le considérer comme raciste ? Certaines

répliques fustigeant la lâcheté ont été reçues comme s"adressant à la politique menée par le

Front populaire. Pierre-Henri Simon écrit : "Il [Montherlant] a jeté dans un sujet classique

l"accent de sa philosophie personnelle, un nihilisme absolu qui ôte toute limite à l"orgueil et

toute raison à la conduite. Dès lors le drame perd cette généralité de sentiments sans laquelle

il n"est pas de grandeur tragique."

6 Quoi qu"il en soit de la portée idéologique de cette

oeuvre, on est tout de même sidéré de lire sous la plume de Pierre Sipriot, voulant sauver Montherlant de l"opprobre : "De 1940 à 1944, Montherlant s"est comporté comme un

révolutionnaire à qui un besoin de sécurité, d"assurance, de tranquillité, a donné le goût de

ne plus passer à l"action."

7 Une chose est certaine, en choisissant de jouer Montherlant8, la

Comédie-Française se range du côté d"une esthétique néo-classique qui la pénalisera

longtemps en l"éloignant des tendances innovantes du théâtre. Après guerre, le paysage

théâtral prendra trois directions : · Le théâtre des nouvelles écritures : Adamov, Audiberti

9, Beckett, Ionesco10, Sarraute,

Pinget, Duras ... ;

· La compagnie Renaud-Barrault, héritière de Claudel et d"un théâtre poétique :

Vauthier, Schéhadé, ... ;

· Le T.N.P. de Jean Vilar, héraut d"un théâtre social et citoyen, Brecht, Büchner, Kleist,

Pichette, Vauthier, O"Casey, Hugo, Lorenzaccio de Musset ... suivi par les metteurs en scène de la décentralisation (Dasté, Planchon, Sarrazin, Garran, Rétoré, Gignoux ...)

La fracture entre conservatisme et innovation apparaîtra clairement et, hélas, elle ne sera pas

au crédit du premier théâtre de France. Les prochains numéros de cette édition permettront de

mieux situer la place du Français dans l"évolution générale du théâtre.

Le second événement majeur est la présentation de Phèdre de Racine dans la mise en scène de

Jean-Louis Barrault. Ce projet était celui de Bourdet qui l"avait confié à Louis Jouvet et Jean

Hugo pour le décor. Par ailleurs, Marie Bell souhaitait interpréter le rôle-titre. Le départ de

Jouvet pour l"Amérique du Sud en différa la réalisation. Marie Bell, qui tenait absolument à

7 Pierre Sipriot, Montherlant sans masque, tome II, Ecris avec ton sang, 1932-1972, Biographies sans masque,

Rober Laffont, p. 258

8 Avec 1030 représentations, Henry de Montherlant est un des auteurs les plus représentés au XX° siècle. Seul

Georges Feydeau, du point de vue des chiffres, dont la première pièce Feu la mère de madame fut créé à la

même époque, peut lui être comparé. Après La Reine morte suivront Pasiphaé (1953), Port-Royal (1954),

Brocéliande (1956), Le Maître de Santiago (1957), Le Cardinal d"Espagne (1960) et Malatesta (1969).

9 Fera exception Les Femmes du boeuf, pièce créé le 23 novembre 1948, jouée 8 fois. La Fourmi dans le corps

fera scandale lors de son entrée au répertoire le 27 mars 1962.

10 La Soif & la faim sera créé le 27 février 1966.

5

aborder ce rôle emblématique, s"adressa à Barrault pour réaliser cette mise en scène. Jean-

Louis Barrault aborde la pièce la plus célèbre de Racine comme un opéra, une symphonie : "Symphoniquement les cinq actes de Phèdre peuvent se diviser en quatre interventions : 1 er mouvement : acte I. 2° mouvement : acte II. 3° mouvement : actes III et IV. 4° mouvement : acte V."

11 Et Jean-Louis Barrault, chef d"orchestre-metteur en scène, va organiser les

différents instruments qui forment le spectacle : le verbe, la voix, le geste ..."

12 D"ailleurs, les

personnages sont définis à partir de leur tessiture vocale : "Thésée, baryton (...), Phèdre,

mezzo-soprano dramatique, 1 er rôle tragique, Hippolyte, ténor, jeune premier tragique,

Aricie, soprane, jeune première tragique, Oenone, contralte, mère tragique, Théramène,

basse, père noble tragique, Ismène, soprane, confidente tragique, Panope, mezzo-soprane, confidente tragique"

13. Cette approche est résolument moderne qui organise la représentation

théâtrale en un ensemble d"éléments non purement textuels. "L"étude de Phèdre devait me

marquer pour toujours : élixir alchimique des secrets de notre art. Quintessence de la poésie

théâtrale : Amour, haine, agressivité, théâtre de la cruauté. Racine m"apparut comme le plus

musicien des poètes français. Je fis une étude des mouvements symphoniques de Phèdre. J"en

décomposai la métrique comme pour une tragédie grecque. Je l"étudiai tellement que je pus

un jour, dans un couvent de dominicains, en faire lecture sans recours au texte. Les 1654 vers me sortaient de la peau. Je revins de cette plongée plus convaincu que jamais."

14 La

distribution réunit Maurice Escande et Marie Bell, Maurice Donneaud et Mary Marquet.

Renée Faure, jeune sociétaire nouvellement promue, joue Aricie mais c"est surtout la présence

de Jacques Dacqmine, encore élève du Conservatoire, interprète du rôle d"Hippolyte, qui

surprend : aucun sociétaire ni pensionnaire n"ayant été choisi pour ce rôle important. Dès lors

qu"il s"agit de hardiesse dans la création, la critique, installée dans ses habitudes, fait la moue.

Georges Ricou dans La France socialiste ne comprend pas les intentions du metteur en scène

lorsqu"il écrit que Barrault a contraint les acteurs à adopter: "une récitation artificielle,

traînante ou asthmatique. Cette curieuse interprétation fausse tout, éteint la sensibilité, tue

l"émotion."

15 Quant à Alain Laubreaux qui ne peut que détester la hardiesse de Barrault, il se

livre à une longue analyse du Cheval arabe donné en lever de rideau et clôt de façon

11 Jean-Louis Barrault, Nouvelles réflexions sur le théâtre, p. 186 Flammarion 1959.

12 On lira dans l"excellent collection Mise en scène aux Editions du Seuil, La Mise en scène de Phèdre par Jean-

Louis Barrault. Points-Seuil, 1946, 1972

13 Jean-Louis Barrault, La Mise en scène de Phèdre, p. 28, opus cit.

14 Jean-Louis Barrault, Souvenirs pour demain, p. 151, Seuil, 1972.

15 2 décembre 1942, cité par Patrick Marsch, op. cit., p. 331

6 lapidaire : "Le spectacle se terminait par une reprise de Phèdre."

16 Jean Cocteau consacre à

Marie Bell une analyse sensible et juste que l"on retrouvera en annexe 17.

Ce même Jean-Louis Barrault aborde le rôle de Hamlet18. La pièce avait été montée à la

Comédie-Française en 1932 avec Jean Yonnel dans le rôle-titre. La traduction d"alors était

celle d"Eugène Morand et Marcel Schwob. L"interdiction de jouer des auteurs juifs s"appliqua en 1942 et on recourut à la traduction de Guy de Pourtalès. Charles Granval

19, sociétaire

retraité, auteur de nombreuses mises en scène dans les années 1920-1930, revint dans la

Maison afin d"assurer la réalisation de ce spectacle. Le jeu de Jean-Louis Barrault est salué à

peu près unanimement. Ainsi, Maurice Rostand dit de l"interprète d"Hamlet qu"il est :

"angoissé, bouleversant, vivant le drame immortel comme si ce fut le sien."

20 Quant à Alain

Laubreaux, pour une fois il ne se contente pas d"imprécations, et analyse le travail du

comédien Barrault : "M. Jean-Louis Barrault (...) semble né pour incarner Hamlet. Dans quelque personnage qu"on l"ait vu, il avait toujours l"air de jouer Hamlet. Le voici dans

Hamlet, et il n"a encore que l"air de le jouer. C"est peut-être qu"il a trop pensé son rôle, qu"il

y voit trop de choses, qu"il veut faire un sort à tous les mots. En vérité, son Hamlet "pose", il

s"écoute, il s"observe, on le sent heureux de soi-même ... A tout dire, M. Jean-Louis Barrault

n"entend pas son rôle en comédien, mais en littérateur, en psychologie, c"est-à-dire en

pédant. Il ne nous dit pas : "Voici Hamlet !". Il nous dit : "Voici ce que doit être

Hamlet"."

21La pièce connut un beau succès avec 49 représentations ce qui la place en tête des

pièces les plus représentées au cours de l"année 1942.

Après la venue du Schiller Theater en 1941, la Comédie-Française subit une seconde

humiliation. Sous prétexte d"échange" culturel, la propagande allemande proposa une sorte de

confrontation entre les comédiens français et ceux du théâtre national de Münich à partir de la

tragédie de Goethe, Iphigénie en Tauride. La mise en scène de la version française fut confiée

à Jean Yonnel, grand tragédien, et la première eut lieu le vendredi 10 avril. La troupe

munichoise donna deux représentations salle Richelieu les mardi 14 et mercredi 15 avril ; la

16 Alain Laubreaux dans Le petit parisien du 19 novembre 1942, cité par Patrick Marsch, p. 331.

17 Jean Cocteau, OEuvres complètes, volume 11, Le Foyer des artistes, p. 415-419. Marguerat,

18 Le rôle d"Hamlet est emblématique de Jean-Louis Barrault. Avant d"entrer au Français, il avait déjà abordé le

personnage dans la version de Jules Laforgue. Après son départ, c"est avec Hamlet, dans la traduction d"André

Gide, que la Compagnie Madeleine Renaud-Jean-Louis Barrault donne son premier spectacle au Théâtre

Marigny, le 17 octobre 1946.

19 Charles Granval fut le premier époux de Madeleine Renaud. Ensemble, ils eurent un fils Jean-Pierre Granval.

Charles Granval contribua dans les années 1920-1930 à la modernisation d"un certain nombre de mises en scène

du répertoire à une époque où la Maison s"abîmait dans le conformisme.

20 Dans Paris-Midi du 19 mars 1942 cité par cité par Patrick Marsch, p. 329.

21 Dans Le petit parisien, 18 mars 1942, cité par Patrick Marsch, p. 331.

7 mise en scène de la version allemande était signée Kurt Langenbeck. La critique collaborationniste se déchaina : Alain Laubreaux, le sinistre propagandiste de Je suis partout,

écrivit que la mise en scène française ne supportait pas la comparaison et il en profita pour

exiger le départ de Jean-Louis Vaudoyer. On lit sous sa plume que Jean Yonnel "transforme la tragédie de Goethe en une longue pleurnicherie hébraïque"

22. Jean Cocteau qui, à cette

époque, entretient des relations ambigües avec l"occupant, écrit dans son Journal : "La plus

belle représentation de tragédie que j"aie jamais vue"

23 On nuancera ce propos car Cocteau est

impatient de voir jouer sa pièce Renaud et Armide ; or, Vaudoyer repousse la mise en

répétition donnant la priorité à Montherlant et sa Reine morte. D"ailleurs, Cocteau, après avoir

analysé avec enthousiasme la prestation des acteurs allemands, écrit : "L"ambassadeur (Otto

Abetz) m"avait invité dans sa loge. Vaudoyer se précipite sur l"ambassadeur. J"arrive. Il

m"écarte d"une bourrade, me parle de dos ... (...) Personnage absurde et abominable. Je rêve

de reprendre ma pièce et de la créer ailleurs. Du reste, j"ai compris ce soir que les acteurs du

Français sont une tombe (l"ensemble) par manque d"amour et de discipline."

24 D"autres

critiques - André Castelot, Charles Méré, Lucien Rebatet - louèrent la virtuosité et le génie

allemand. L"échange se mua en éhontée propagande. Marie-Agnès Joubert analyse ainsi

l"événement : "La propagande ne souhaitait plus seulement démontrer la puissance du théâtre

allemand, mais assurer sa supériorité de la façon la plus éloquente qui soit : en provoquant un

face à face entre les acteurs français et munichois autour d"une même oeuvre. Tout se passe comme si au regard de deux interprétations forcément et heureusement différentes, il faille désigner un vainqueur. On admettra sans peine la stupidité d"une telle démarche sur le plan

artistique. Plusieurs critiques pourtant se complurent à ce jeu, dont la maison de Molière sortit

parfois humiliée.

25 La pièce de Goethe fut jouée 14 fois. Par ailleurs, une matinée poétique est

consacrée aux deux Faust avec un trio de jeunes comédiens : Julien Bertheau, Jean-Louis

Barrault et Madeleine Renaud.

La création d"une pièce de Musset ne peut passer inaperçue. Le lundi 27 avril, la Comédie-

Française inscrit à son répertoire Les Marrons du feu dont l"auteur écrit dans le prologue :

"La pièce à parler franc, est digne de Molière ; Qui le pourrait nier ? Mon groom et ma portière,

22 article cité par Marie-Agnès Joubert, La Comédie-Française sous l"occupation, p. 174, Tallandier, 1998.

23 Jean Cocteau, Journal 1942-1945, p. 85. Gallimard, nrf. 1989

24 id.

25 id. p. 171

8 Qui l"ont lue en entier, en ont été contents. 26

Ecrite en 1829, si l"on en croit Paul de Musset, le frère d"Alfred, la pièce ne figure pas dans

les différentes éditions du théâtre de Musset, mais elle est toujours recueillie dans les éditions

des poésies au même titre que La Coupe et les lèvres ou encore A quoi rêvent les jeunes filles ? Mise en scène par Jean Martinelli, avec une belle distribution (Aimé Clariond, Julien Bertheau, Jeanne Sully ...) cette comédie obtient un succès d"estime et atteint seulement 8

représentations. Au même programme figure la reprise d"une comédie de Jean-François

Régnard qui n"a pas été à l"affiche depuis 1851, Le Distrait. Jacques Charon, promis à un

grand avenir dans la maison, y fait ses débuts officiels. Au chapitre des actes ambigus et sources de polémiques figure la reprise de L"autre danger de Maurice Donnay à l"occasion de la commémoration de ses quatre-vingt trois ans. Un document du site ina.fr rend compte de la reprise de cette pièce qui connut un grand succès

depuis sa création à la Comédie-Française en 1902. Seulement, cet auteur de boulevard

fréquentait de près le groupe Collaboration et la reprise de la pièce donna lieu à un fort

soutien de la presse collaborationniste. Deux autres reprises connaissent un beau succès. Le Barbier de Séville de Beaumarchais avec

28 représentations est donné avec une nouvelle distribution. Yves Furet effectue ses débuts

dans le rôle de Figaro tandis qu"André Brunot qui s"illustra si longtemps dans le rôle de Figaro - tant dans Le Barbier que dans Le Mariage de Figaro - aborde celui de Bartholo. Gringoire de Théodore de Banville appartient au vieux répertoire et conserve toujours son

public. Ainsi lorsque l"on constate que Théodore de Banville, auteur à peu près complètement

oublié aujourd"hui, on reste perplexe, une fois de plus, devant l"écart existant entre les goûts

des contemporains et ceux de la postérité. Les trois auteurs les plus souvent joués restent, comme en 1941, Molière, Alfred de Musset et

Shakespeare.

En cette année 1942, les tournées redeviennent plus nombreuses. A deux reprises, la troupe se

produit au Casino de Vichy. Gisèle Casadesus qui interprète le rôle de Lisette dans Le Jeu de

l"amour et du hasard de Marivaux évoque dans ses mémoires le climat qui régnait : " La troupe comprenait Escande, Debucourt, Clariond, Marie Bell, Pierre Bertin, Weber. Le

maréchal Pétain vient sur la scène féliciter les acteurs. Curieuse atmosphère. Drôle

d"ambiance dans cette "zone libre". On retrouve des Parisiens réfugiés, certains par crainte

26 Alfred de Musset, Poésies complètes, p. 19, Bibliothèque de la Pléiade, nrf.

9

de l"Occupation, d"autres pour être tout près de (l"éphémère) pouvoir. (...) On se méfie de

tout et de tous ... C"est la guerre ou pire, l"Occupation. » 27
Un grand mouvement se produit dans la troupe puisque trois sociétaires - Berthe Bovy, Marie Ventura et Jean Hervé - sont mis à la retraite

28 et six pensionnaires accèdent au sociétariat. Un

cas particulier mérite toute notre attention. Le décret de Moscou en 1812 a consacré

l"indépendance du Comité, seule instance habilitée à nommer les sociétaires ou à mettre fin à

leur activité. La pensionnaire Irène Brillant a été engagée en 1929 ; elle est l"épouse du

colonel Fonck, un aviateur, "as des as" de la guerre de 1914-1918 pendant laquelle il aurait vaincu 75 avions allemands, devenu en 1940 proche conseiller du maréchal Pétain. Depuis la nomination de Bourdet, Fonck multiplie les pressions afin que son épouse accède au sociétariat. En vain ! Jean-Louis Vaudoyer, nommé, le colonel sollicite l"appui de Vichy et de

Jérôme Carcopino - secrétaire d"Etat à l"éducation nationale et à la jeunesse. En décembre

1941, le comité par six voix et deux abstentions refuse la nomination de la pensionnaire. Le

secrétaire d"état impose alors Irène Brillant au sociétariat. Jean-Louis Vaudoyer lui impose

d"accepter tous les rôles y compris ceux qui sont hors de son emploi. De fait, Irène Brillant ne

sera jamais distribuée dans les créations importantes des années 1942-1944. Pour autant, mis

à part son refus de signer la pétition dirigée contre la candidature d"Alain Laubreaux à la

succession de Vaudoyer en 1944, on ne peut rien reprocher à Irène Brillant. Marie-Agnès

Joubert écrit : " (...) rien ne permet d"affirmer qu"Irène Brillant fut introduite dans la Société

pour propager des idées favorables à la collaboration. La Commission d"épuration ne

retiendra d"ailleurs aucune charge contre elle. Il n"en demeure pas moins que, pour la

première fois, la Société accueillait en son sein un élément indésirable. »

29 Cinq autres

pensionnaires accèdent au sociétariat : Antoine Balpétré - dont on reparlera à la fin de la

période de guerre -, Julien Bertheau qui joue toujours des rôles importants dont le prince Don

Pedro de La Reine morte, Jean Meyer qui en cinq ans a déjà interprété 119 rôles et réalisé 3

mises en scène, Mony Dalmès, Renée Faure, l"une et l"autre formant un intéressant duo de jeunes premières ...

Pour la première fois depuis 1938, la moyenne des rôles joués est en augmentation : 5,59 et le

nombre des rôles repris est le plus élevé depuis 1938 : 10, 9. La moyenne des rôles créés et

27 Gisèle Casadesus, Le jeu de l"amour et du théâtre, p. 153, Philippe Rey, 2007.

28 Nous évoquerons dans notre édition de 1943, le douloureux départ de Fernand Ledoux qui, sur sa demande,

fait valoir ses droits à la retraite au 31 décembre 1942.

29 Marie-Agnès Joubert, opus cit. p. 68

10 repris s"élève à 14,12. C"est encore Jean Meyer - comme en 1941 - qui tient le plus grand nombre de rôles : 33. Il est suivi par Jacques Charon (31) et Jean Valcourt (30). Les matinées poétiques restent nombreuses en toute logique puisque l"on rappellera que Jean- Louis Vaudoyer, fin lettré, avant d"être nommé administrateur, fut le grand ordonnateur des

matinées poétiques. Alternent poètes classiques (Virgile, La Fontaine , Musset, Stendhal,

Héredia ...), modernes (Mallarmé, Valéry, Paul Fort, Tristan Derème, Claudel ...) et

itinéraires thématiques (le masque et le couteau ou la poésie et le théâtre, le dialogue lyrique

de Ronsard à Mallarmé ...) En dépit des circonstances et des jugements que l"on peut porter sur la valeur de telle ou telle

création, 1942 reste une grande année dans l"histoire de la Comédie-Française. L"année 1942

avec l"année 1943 qui va suivre, demeure une année phare que retient l"histoire du théâtre.

Elle est à mettre au crédit de Vaudoyer qui sut attirer un nouvel auteur, Henry de Montherlant,

comme l"avait fait avant lui Edouard Bourdet amenant François Mauriac au théâtre avec

Asmodée et en n"hésitant pas à faire confiance à Jean-Louis Barrault, véritable animateur de

théâtre et metteur en scène de grand talent comme le prouvera la suite de sa carrière.

Jean Knauf

11

1. La Troupe

12 13

Administrateur : Jean-Louis Vaudoyer

Sociétaires

André Brunot Madeleine Renaud

Denis d"Inès Marie Bell

Jean Yonnel Mary Marquet

Georges Lafon Andrée de Chauveron

Fernand Ledoux (retraité au 31 décembre) Catherine Fonteney

Pierre Bertin Germaine Rouer

Jean Weber Jeanne Sully

André Bacqué Henriette Barreau

Pierre Dux Gisèle Casadesus

Maurice Escande

Irène Brillant (sociétaire au 1

er janvier)

Maurice Donneaud

Mony Dalmès (sociétaire au 1

er janvier)

Maurice Chambreuil

Renée Faure (sociétaire au 1

er janvier)

Jean Martinelli

Aimé Clariond

Jean Debucourt

Antoine Balpétré (sociétaire au 1

er janvier)

Julien Bertheau (sociétaire au 1

er janvier)

Jean Meyer (sociétaire au 1

er janvier) 14

Pensionnaires

Pierre de Rigoult Jane Faber

Marcel le Marchand Marcelle Gabarre

Jean le Goff Lise Delamare (départ)

Jean Valcourt Denise Clair

Louis Seigner Nadine Marziano

Jean Deninx Maria Fromet

Jean-Louis Barrault Françoise Delille

Georges Marchal (jusqu"au 31 juillet) Geneviève Auger

Jean Marais (jusqu"au 31 juillet)

Denise Bosc (engagement au 1

er mai)

Jacques Charon (engagement au 1

er janvier) Clarisse Deudon (engagement au 1er septembre)

Jean Chevrier (engagement au 1

er janvier) Mireille Perrey (engagement au 1er septembre)

Yves Furet (engagement au 1

er mars)

Jean Desailly (engagement au 1

er septembre)

Coryphées

Nicole Chollet à partir 1

er janvier

Michel Vadet à partir du 1

er juin

Marie Aldona à partir du 1

er janvier

J. Deslandelles à partir du 1

er juin

Jeanne Dehelly à partir 1

er septembre 15

Sociétaires honoraires

Jules Truffier

Georges Berr (décédé le 21 juillet)

Raphaël Duflos

Eugénie Segond-Weber

Marie Leconte

Emile Dahelly

Béatrix Dussane

16 17

2. Créations

et nouvelles présentations 18 19

Lundi 9 février

Gringoire

Comédie en 1 acte, en prose, de Théodore de Banville (575°)30 MM.

Denis d"Inès Louis XI

Georges Lafon Simon Fournier

Antoine Balpétré Olivier-le-Daim

Jean-Louis Barrault Pierre Gringoire

Mmes

Germaine Rouer Nicole Andry

René Faure Loyse

Mise en scène de Denis d"Inès

Décor de Suzanne Lalique

30 Création à la Comédie-Française le 21 juin 1866.

20

Lundi 9 février

Le Barbier de Séville (919°)

31

Comédie en Trois actes de Beaumarchais

MM.

André Brunor Bartholo

Pierre Bertin Bazile

Jean Weber Almaviva

Pierre Dux Figaro

Marcel Le Marchand Le notaire

Louis Seigner La Jeunesse

Jacques Charon L"Eveillé

Georges Marchal Un alcade

Mme

Madeleine Renaud Rosine

Mise en scène de M. Pierre Dux

Décors de Mme Suzanne Lalique

Musique de M. Louis Beydts

Orchestre de M. R. Charpentier

31 Création à la Comédie-Française le 23 février 1775.

21

Lundi 16 mars 1942

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