[PDF] La flexibilité du temps de travail: entre autonomie et contraintes. Une





Previous PDF Next PDF



Flexibilité du temps de travail et relation demploi - HAL-SHS

6 mai 2013 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents whether they are pub-.



Accords dentreprise sur le temps de travail : des compromis

augmentation de la flexibilité du temps de travail) et exonérations de cotisations sociales pour les entreprises. C'est pourquoi la première partie 



La re´organisation des temps travaille´s et les 35 heures : un

d'une plus grande flexibilité du temps de travail dé- pend fortement des contraintes temporelles propres au secteur et a` l'entreprise.



Les différentes formes de flexibilité

Deux types de travailleurs flexibles se dégagent : les flexibles externes qui ont un emploi précaire un temps de travail atypique



La flexibilité du temps de travail: entre autonomie et contraintes. Une

7 févr. 2007 Cette thèse s'interroge sur l'autonomie des salariés engendrée par la flexibilité du temps de travail en étudiant à partir d'un cas concret ...



Flexibilite des horaires de travail et inegalites sociales

Les enquêtes sur l'emploi du temps menées en 1985/1986 puis en 1998/1999 par l'Insee permet- tent de collecter des récits de vie quotidienne grâce aux carnets.



Accords dentreprise sur le temps de travail : des compromis

augmentation de la flexibilité du temps de travail) et exonérations de cotisations sociales pour les entreprises. C'est pourquoi la première partie 



Lutilisation des modes de flexibilité par les établissements français

Plus récemment l'annualisation du temps de travail et le recours au dispositif de modulation sont également utilisés à cet effet (1). Ces derniers modes d' 



Flexibilité du temps de travail chez les cadres français. Paradoxes et

Particularité française née dans le giron des 35 heures



Quelle politique du temps de travail ?

Dans ce contexte la politique du temps de travail est un des leviers que l'on et la compétitivité des entreprises grâce à une plus grande flexibilité ...



Flexibilité du travail - databnffr

Aménagement du temps de travail Horaires variables de travail Réduction du temps de travail Télétravail Travail à temps partiel Termes reliés (6) Conditions de travail Flexisécurité Normes du travail Organisation du travail Sécurité de l'emploi Travail précaire Flexibilité du travail Thème : Flexibilité du travail



Flexibilité du temps de travail Cairninfo

Elle définit la notion de flexibilité en la situant dans l’histoire du temps de travail ainsi que par rapport aux différentes formes d’organisation et à certaines transformations culturelles de notre société Elle présente la littérature internationale et détaille la situation du temps de travail en Suisse

Comment calculer la flexibilité du temps de travail ?

Une des dimensions de la flexibilité du temps de travail peut être caractérisée par la période de référence sur laquelle se calcule la valeur moyenne de la norme : les possibilités de modulation de celle-ci à un niveau donné – par exemple la semaine – étant d’autant plus grandes que la période de référence est longue – par exemple l’année –.

Quels sont les critères de flexibilité du temps de travail ?

15 Le critère le plus évident de flexibilité du temps de travail est la variabilité de celui-ci face aux fluctuations de l’activité. Nous verrons que cette variabilité peut être mieux mise en œuvre dans le système actuel principalement par l’allongement de la période sur laquelle la durée normale du travail doit être régulée.

Quelle est la durée de la flexibilité dans l’aménagement du temps de travail ?

F.E.B., La flexibilité dans l’aménagement du temps de travail, juillet 1985, p. 12. En vertu de l’article 16, point 3, de la loi du 5 décembre 1968 (cfr. avis n o 682 du C.N.T. du 27 février 1981, Doc. 1351/756-1) L’article 4, 2 o de l’A.R. n o 179 fixe à deux ans maximum la durée d’une expérience.

Quels sont les droits du travail à temps partiel ?

"Par le biais des procédures de modification [du règlement de travail], les travailleurs disposent d’un réel droit de veto et de contrôle sur l’instauration et la mise en application d’un régime de travail à temps partiel dans leur entreprise," in F.G.T.B., Le travail à temps partiel, Droit social, sans date, p. 10.

© UMLV

Dr. Marie-Thérèse Letablier-Zelter, Centre d'Etudes de l'Emploi, France - Prof. Françoise Messant-Laurent, Université de Lausanne, Suisse - Prof. Gilbert de Terssac, Université de Toulouse Le Mirail, France 2

Sommaire

Sommaire............................................................................................................................... 2

Remerciements ...................................................................................................................... 5

Résumé ................................................................................................................................... 6

Abstract.................................................................................................................................. 7

1 Introduction, problématique, hypothèses..................................................................... 11

1.1 Introduction............................................................................................................. 11

1.2 Question de départ : autonomie ou contrainte ........................................................ 13

1.3 Flexibilité : une définition....................................................................................... 15

1.4 Problématique ......................................................................................................... 20

1.5 Hypothèses.............................................................................................................. 25

1.6 Terrain..................................................................................................................... 34

1.7 Plan de présentation................................................................................................ 35

CONTEXTE ET PREMIERES ANALYSES.................................................................. 38

2 Contexte historique, organisationnel et culturel.......................................................... 39

2.1 Contextualisation historique ................................................................................... 40

2.2 Les temps de travail post-industriels : l'effritement de la norme............................ 52

2.3 Temps et organisation du travail............................................................................. 60

2.4 Conclusions............................................................................................................. 80

3 Revue de littérature........................................................................................................ 84

3.1 Objectifs..................................................................................................................84

3.2 Travaux anglo-saxons : marchés et entreprises....................................................... 86

3.3 Travaux italiens : temps sociaux............................................................................. 92

3.4 Travaux français : interventions étatiques............................................................... 98

3.5 Travaux allemands : gestion sociale de l'inévitable ............................................. 116

3.6 Travaux suisses : ponctuels................................................................................... 127

3.7 Les travaux européens : comparaisons difficiles .................................................. 132

3.8 Conclusions........................................................................................................... 133

4 Le temps de travail en Suisse....................................................................................... 137

4.1 Un cadre légal souple............................................................................................ 137

4.2 Des relations professionnelles marquées par la paix du travail............................ 141

4.3 Évolutions récentes de la flexibilité...................................................................... 143

4.4 Petite anticipation sur l'étude de cas proposée ..................................................... 160

3

ETUDE DE CAS................................................................................................................162

5 Précis méthodologique..................................................................................................163

5.1 Stratégie d'enquête................................................................................................164

5.2 Choix du terrain.....................................................................................................166

5.3 Données récoltées..................................................................................................171

5.4 Méthodes d'analyse...............................................................................................182

6 L'entreprise étudiée......................................................................................................190

6.1 Description et contexte..........................................................................................190

6.2 Démarche de flexibilisation du temps de travail...................................................219

6.3 Conclusions...........................................................................................................246

RESULTATS : Les salariés face à la gestion de leur temps de travail........................249

7 Le monde de l'entreprise..............................................................................................254

7.1 Les contraintes de l'organisation de la production et du travail ...........................255

7.2 Le positionnement dans l'entreprise .....................................................................307

7.3 Le statut d'emploi..................................................................................................317

7.4 Les styles de management.....................................................................................338

7.5 Les contraintes entrepreneuriales (ré)appropriées par les salariés........................344

7.6 Le dispositif technique de la timbreuse.................................................................346

7.7 Les différentes conceptions du travail bien fait ....................................................360

7.8 Conclusion.............................................................................................................361

8 Le monde dans l'entreprise.........................................................................................364

8.1 Le contexte économique et spatial........................................................................367

8.2 Les activités et l'organisation privées...................................................................375

8.3 Les statuts et ressources externes à l'entreprise....................................................402

8.4 Conclusion.............................................................................................................417

9 Les salariés pris entre entreprise et monde externe..................................................419

9.1 Les termes d'un nouvel échange...........................................................................421

9.2 Les stratégies de gestion des temps.......................................................................425

9.3 Les négociations pour des arrangements ponctuels et des règles stables..............429

9.4 Conclusion.............................................................................................................471

CONCLUSION GENERALE ..........................................................................................476

4 Annexes .............................................................................................................................. 487

1. Analyse exploratoire....................................................................................................... 488

2. Guide d'entretien avec les salariés................................................................................. 506

3. Lettre envoyée aux personnes interviewées................................................................... 507

4. Liste des prénoms fictifs et correspondance avec les caractéristiques principales des

interviewés...................................................................................................................... 508

5. Caractéristiques des interviewés, internes et externes à l'entreprise.............................. 509

6. L'utilisation individuelle de la balance mensuelle chez les personnes interviewées..... 516

7. La typologie horaire ....................................................................................................... 545

8. Bibliographie sur l'entreprise......................................................................................... 552

Bibliographie...................................................................................................................... 556

Liste des tableaux, figures et graphiques........................................................................ 589

Table des matières.............................................................................................................591

5

Remerciements

Au long cours d'un travail de thèse, le-a doctorant-e se sent parfois très seul-e. Ne pas être

intégré dans une équipe de recherche, se trouver seul devant son sujet, son terrain, ses

doutes fait partie des défis majeurs de cet exercice. Une des difficultés majeures consiste à

s'automotiver sur le long terme, de continuer à croire en ce qu'on fait, de ne pas perdre le fil

dans le labyrinthe des " divagations » pourtant nécessaires à la maturation des réflexions.

Telle a en tout cas été mon expérience. Cette solitude m'a poussé à chercher des contacts et

confrontations non seulement livresques mais surtout personnels. Je m'y suis d'abord

appliquée au sein de ma première université d'inscription, Lausanne. Mais très rapidement

j'ai élargi le champ à d'autres universités suisses et étrangères. Certains contacts ont été

courts et passagers, comme lors de colloques ou de cours d'été. D'autres ont abouti à des relations plus durables, voire institutionnalisées, comme l'accueil au LATTS et la cotutelle qui s'en est suivie. Tout compte fait, en regardant en arrière, j'aperçois une foule de personnes qui m'ont accompagné, entouré et soutenu tout au long de ce chemin. Il y a évidemment mes deux

directeurs de thèse mais aussi d'autres professeurs qui m'ont encadré, encouragé et dédié de

leur temps. Pendant plus d'une année j'ai en outre profité du suivi d'un groupe d'entraide

constitué par des doctorantes de la Suisse entière. Les discussions organisées dans le cadre

de divers séminaires mais également les discussions sporadiques avec professeurs, chercheurs et collègues ont continuellement fait avancer mes réflexions. Toutes ces personnes ont contribué de manière décisive à maintenir les stimulations vitales pour l'accomplissement de ma thèse. Une très grande reconnaissance va surtout aux membres de l'entreprise où j'ai effectué le

terrain. J'y ai été extrêmement bien reçue et j'y ai vécu une expérience précieuse tant sur le

plan intellectuel qu'humain. Et je ne saurais remercier suffisamment les salariés qui se sont

prêtés avec générosité à mes entretiens dont le contenu fait toute la richesse de mon travail.

Sans cette entreprise et ses membres cette thèse n'aurait pas vu le jour.

Et puis il y a tous les collègues, amis et familiers qui m'ont aidé de près ou à distance en

relisant mes travaux, en les corrigeant ou en me soutenant moralement. Ils étaient tous là pour m'assister quand je le demandais et pour me secouer et m'encourager quand je me demandais parfois s'il valait la peine de continuer. Finalement je remercie les membres de mon jury de thèse qui ont accepté des conditions un peu particulières et ont fait preuve d'une grande compréhension.

Même si la thèse de doctorat reste fondamentalement un travail solitaire, il n'a été réalisable

sans l'apport de toutes ces personnes à qui va toute ma gratitude.

Un dernier mot à ma fille à naître. C'est grâce à toi qui ne m'as pas quitté une seconde

dans cette course finale que j'ai eu l'énergie et le courage de me détacher de ce travail, en admettant qu'il ne sera jamais parfait. Merci. 6

Résumé

La flexibilité du temps de travail : entre autonomie et contraintes. Une étude de cas en

Suisse

Cette thèse s'interroge sur l'autonomie des salariés engendrée par la flexibilité du temps de

travail en étudiant, à partir d'un cas concret, comment se fait le passage entre un règlement

et les pratiques quotidiennes. L'hypothèse guidant les analyses postule que la flexibilité, en instituant des règles procédurales, laisse une place plus grande aux négociations

quotidiennes et par là aux rapports de pouvoir inhérents à la relation salariale. L'objectif est

de comprendre, par une approche sociologique, comment les salariés vivent une forme de temps de travail qui leur délègue la responsabilité de sa gestion et comment ils composent avec les différentes contraintes propres au travail et à leur vie hors travail.

La première partie du mémoire contextualise la situation étudiée. Elle définit la notion de

flexibilité en la situant dans l'histoire du temps de travail ainsi que par rapport aux

différentes formes d'organisation et à certaines transformations culturelles de notre société.

Elle présente la littérature internationale et détaille la situation du temps de travail en Suisse,

ce qui permet de situer la monographie présentée dans la deuxième partie. Celle-ci porte sur

une entreprise suisse de vente par correspondance ayant introduit une gestion individualisée et annualisée du temps de travail. La combinaison entre une approche quantitative et qualitative permet d'analyser les déterminants internes à l'entreprise et ceux propres aux salariés susceptibles d'orienter les pratiques en matière de temps de travail, ainsi que la manière dont les salariés articulent ces deux ordres de contraintes. Les résultats indiquent que l'application des temps de travail flexibles ne passe pas tant par une négociation quotidienne des pratiques que par la fixation de règles informelles.

L'autonomie des salariés s'exprime avant tout dans leur capacité à produire, à négocier et à

légitimer ces règles. Le niveau intraindividuel s'est révélé être crucial dans la régulation

sociale du temps de travail flexible. Elle ne renvoie pas à un simple processus de

légitimation mais bien à un mouvement d'institutionnalisation qui tire sa force de l'énergie

investie par les salariés dans la recherche personnelle de compromis entre leurs différents

rôles, identités et aspirations. C'est cette régulation passant par l'individu qui assure le

succès du système étudié. Mots clés : travail, flexibilité, temps de travail, temps sociaux, organisation, entreprise, genre, famille, négociation, régulation sociale 7

Abstract

Flexitime : between autonomy and constraints. A case study in Switzerland By looking at how a new regulation is translated into everyday practices, this dissertation explores through a specific case study the degree of autonomy gained by wage-earners with the introduction of flexible working schedules. The guiding hypothesis is that by introducing procedural rules, flexitime opens the space for more daily negotiations, therefore reinforcing the effects of power relations inherent to employment relationships. The goal is to understand, through a sociological approach, how employees experience a form of working time that transfers responsibility for time management to them, and how they integrate work-related constraints with their life outside the workplace. The first part of the dissertation sets up the context of the case study. It offers a definition of flexibility by situating it in the broader history of work time, as well as in relation to various organizational forms and cultural transformations. An international literature review and a focus on the Swiss case are offered. In the second part, the focus is narrowed to a specific Swiss firm specialized in mail-order, where a system of individualized management of annual work time has been introduced. By combining a quantitative and qualitative approach, it is possible to analyze determinants of the practices internal to the firm and determinants related to employees themselves, as well as the way in which employees articulate these two orders of constraints. The results show that the implementation of flexible working time is not affecting daily negotiation practices so much as it is creating a set of informal rules. The autonomy of wage-earners is expressed first and foremost through their capacity to produce, negotiate, and legitimate these rules. The intraindividual level has proven to be central for the social regulation of flexible working time. It is not so much a question of legitimation, but rather the process of institutionalization nurtured by the energy invested by wage-earners in their personal quest for a compromise between their various roles, identities, and aspirations. It is this individualized regulation that is ensuring the success of the system under study. Keywords : work, flexibility, working time, social time, organisation, firm, gender, family, negotiation, social regulation 8 "Je pense que si on a besoin de quelque chose, c'est beau d'arriver et le demander, le dire 'demain, je suis désolé, je ne peux pas venir, j'ai quelque chose à faire'. Parce que nous avons aussi la vie... je veux dire, ce n'est pas que le travail qui compte. Ben, je pense comme

ça, c'est ça la flexibilité!"

Employée de l'entreprise étudiée

9

Préambule : motivations personnelles

Si je m'intéresse aujourd'hui à la question du temps de travail flexible et des conséquences

que ce phénomène a pour les salariés, c'est le fruit d'un enchaînement de travaux plus

généraux effectués pendant mes études sur le sujet du monde du travail et de la protection

sociale.

En tant qu'étudiante en sociologie, j'ai été particulièrement attentive aux débats sociaux

pour choisir mes thèmes à développer dans le cadre des travaux de séminaire. Comme presque tout étudiant de cette discipline, c'étaient plus les problèmes sociaux que sociologiques qui fondaient mon intérêt et ma motivation pour ces études. A l'époque de mon deuxième cycle d'études en sociologie (vers 1993/94), la Suisse avait connu un débat relativement vif autour de la question du partage du travail sur fond d'un taux de chômage jusque là inconnu dans ce pays 1 (et pourtant bien inférieur à celui des pays voisins), couplé

d'une discussion sur la révision de la loi sur le travail et des droits d'allocation de chômage.

Le système de protection sociale avait en effet été calculé sur la base d'un taux de chômage

presque nul et son fonctionnement et équilibre financier entraient par conséquent en crise avec le problème de l'emploi. J'ai donc successivement porté mon attention sur l'importance de la notion de plein emploi et d'emploi à plein temps pour le système de

sécurité sociale suisse (Ernst, 1994), sur la notion de partage du travail et de ses différentes

significations dans le débat social, sur la notion même de travail comme invention du capitalisme industriel et les implications des différentes propositions de réduction du temps

de travail pour la centralité du travail dans les sociétés occidentales, sur les stratégies

imaginables de la population pour faire face à une éventuelle réduction du temps de travail

couplée à une réduction correspondante du salaire (Darvas et al., 1994) pour enfin réaliser

une recherche pour le mémoire de maîtrise sur la réduction du temps de travail en Suisse avec pour interrogation principale les raisons du ralentissement, voire du blocage de cette réduction depuis les années 1960 (Ernst, 1996). Ce dernier travail m'a rendue attentive au fait que l'enjeu principal pour les salariés semblait graduellement se déplacer. Contrairement à la position encore majoritairement défendue par les syndicats suisses au milieu des années 1990, la lutte pour le raccourcissement de la durée du travail avait perdu

10 en partie de sa pertinence. La préoccupation des salariés, et plus tard aussi des syndicats et

des chercheurs, se tournait de plus en plus vers des questions d'emplacement, de la

régularité et de le degré d'autodétermination du temps de travail. La question de la durée ne

semblait désormais revêtir que l'enjeu de l'emploi, et non plus celui des conditions de travail et de vie pour les salariés. Pour le projet de thèse de doctorat, j'ai donc réorienté mon regard sur des dimensions temporelles du travail qui dépassent la simple question de la durée et qui me semblaient,

dans le contexte actuel, plus pertinentes en tant qu'enjeu tout à la fois pour les salariés (en

tant qu'acteurs économiques et individus avec une vie privée) et pour les entreprises.

De plus, j'ai décidé de m'intéresser prioritairement aux entreprises privées plutôt qu'aux

organisations de l'administration publique et ceci pour plusieurs raisons. Les entreprises privées sont d'abord plus innovantes en matière de temps de travail, même si on connaît quelques administrations en Suisse qui ont également opté pour des formes d'annualisation par exemple. C'est donc plus facilement dans les entreprises qu'on va pouvoir rencontrer des systèmes flexibles de temps de travail et surtout ils y seront plus ancrés. Ensuite et surtout, en Suisse, les administrations publiques 2 offrent à peine 4% du total des emplois (OFS, Statistiques de l'emploi, 2003). Il me paraissait plus intéressant de centrer l'analyse sur un phénomène qui pouvait toucher une majorité des actifs. Le terrain de ce travail est essentiellement suisse, mais ma double inscription

institutionnelle, suisse et française, m'a permis de porter sur le cas étudié un regard à la fois

interne et externe. Ce sont l'éloignement spatial et la confrontation prolongée avec les

réalités françaises qui m'ont rendue attentive à une série d'aspects qui m'apparaissent au

prime abord comme évidents. En outre, mon plurilinguisme m'ayant amené à considérer

une très large littérature, la problématique de recherche puise dans différentes traditions

nationales (cf. revue de littérature).

1. Introduction

11

1 Introduction, problématique, hypothèses

Introduction

S'intéresser aujourd'hui, en tant que sociologue, à la flexibilité du temps de travail n'est pas

très surprenant. Premièrement, cette notion constitue un sujet social dans la mesure où elle

n'est pas abordée uniquement par les spécialistes de domaines variés (pensons aux différents acteurs-experts du monde du travail comme les théoriciens de la gestion d'entreprise et les managers, les syndicats et les économistes du marché du travail) mais également et largement par la presse grand public. La flexibilité du temps de travail est donc

devenue un thème d'intérêt général qui intéresse autant les entrepreneurs et les salariés que

les personnes n'étant pas directement liées au monde du travail (p.ex. les personnes au

foyer, les étudiants et les retraités). Le fait que la flexibilité du temps de travail soit devenue

un thème de discussion répandu est particulièrement vrai pour la France, où l'introduction

généralisée des 35 heures a accentué l'intérêt des entreprises pour des formes flexibles de

temps de travail. Cet intérêt crée alors une demande d'information de la part des acteurs potentiellement touchés par ce phénomène qui en veulent connaître les conséquences, demande que la presse s'est donnée le rôle de satisfaire. Il faut toutefois préciser que le terme de flexibilité n'a pas exactement les mêmes connotations en Suisse qu'en France. Au début des années 1990, ce terme apparaissait encore souvent dans la presse française, mais depuis quelques années il est moins présent,

bien qu'on continue à parler de phénomènes en lien avec la flexibilité. En Suisse, par contre,

on continue largement de parler de flexibilité, et surtout de flexibilisation 1 , par exemple dans le cadre des discussions sur la révision de la loi sur le travail (entrée en vigueur en

2000) et l'initiative populaire pour les 36 heures (rejetée par le peuple en 2002). En réalité,

en France ce terme a été fortement débattu dans les années 1980 et repris au milieu des années 1990 principalement en lien avec la question du chômage et avec des enjeux idéologiques forts au point qu'il est devenu tabou dans les milieux politiques. Pour la

12 gauche, la flexibilité est désormais synonyme d'exploitation accrue de la main-d'oeuvre et

de volonté unilatérale de l'employeur (le travail sur appel en est un exemple extrême). En

Suisse par contre, le terme de flexibilité renvoie en premier lieu à la diversification et à

l'individualisation des horaires. Dans certains travaux de recherche, les termes " flexibilité

du temps de travail » et " horaires de travail flexibles » sont même utilisés comme simples

synonymes (p.ex. dans Wanner et Ferrari, 2001). Dans les débats politiques, on parle par

contre plutôt de flexibilisation du temps de travail, renvoyant ainsi à la révision de la loi sur

le travail qui devait répondre aux transformations du monde du travail et aux revendications patronales pour une plus grande flexibilité dans l'organisation des horaires de travail tout en maintenant ou améliorant les mesures de protection des travailleurs. Dans ces débats, on parle en premier lieu des horaires, en insistant cette fois sur l'aspect dynamique, sur la modifiabilité de ces horaires en fonction des changements de la demande et du marché. Il s'agit principalement de donner aux entreprises les moyens de dissocier plus facilement le temps de travail du temps d'exploitation, c'est-à-dire de l'horaire d'ouverture de l'entreprise.

Deuxièmement, la flexibilité du temps de travail constitue une réalité relativement nouvelle,

ou du moins un phénomène en forte progression, constituant par là un objet sociologique

intéressant dans la mesure où il peut être un indice, voire un moteur, d'un changement social

plus large dont il s'agit de comprendre toutes les implications 2

Troisièmement, le temps est en soi une catégorie sociologiquement très révélatrice car le

pouvoir s'exerce entre autre largement par ce biais. Fixer le calendrier, mesurer le temps,

réguler le temps (fixer la durée, la succession et la localisation dans le temps des activités à

importance sociale) et vérifier le temps (contrôler le respect des prescriptions) constituent les éléments fondamentaux du contrôle social, de la domination par le temps (cf. Gasparini,

1988). Étudier la manière dont est organisé le temps, surtout dans un domaine socialement

aussi central qu'est le travail rémunéré dans nos sociétés, revient donc à s'interroger plus

largement sur les relations de pouvoir et le système de contraintes auxquels sont soumis les acteurs d'une société donnée.

1. Introduction

13

1.2 Question de départ : autonomie ou contrainte

En m'inspirant principalement du débat social suisse, j'ai été amenée à m'interroger sur le

potentiel émancipateur de la flexibilité du temps de travail. Dans mes premières lectures et

dans les discussions que j'ai pu suivre à ce sujet, la question qui revenait sans cesse était de

savoir si le temps de travail flexible représentait un temps choisi ou imposé, s'il offrait aux

salariés plus d'autonomie dans leur travail et dans la gestion de leur vie privée ou si, au contraire, il imposait des nouvelles contraintes. Il est rapidement devenu clair que la réponsequotesdbs_dbs35.pdfusesText_40
[PDF] la flexibilité du marché du travail permet-elle de réduire le chômage

[PDF] flexibilité d'une personne

[PDF] thermodynamique chimique exercices corrigés pdf

[PDF] exercice rdm flexion poutre

[PDF] entropie isobare

[PDF] enthalpie libre

[PDF] torseur de cohésion exercice corrigé pdf

[PDF] enthalpie libre standard

[PDF] entropie

[PDF] enthalpie de dissolution formule

[PDF] exercice corrigé flexion charge repartie

[PDF] enthalpie libre unité

[PDF] comment faire un folioscope

[PDF] fiche fabrication zootrope

[PDF] bandes zootrope