[PDF] La fée la sainte et ladoubement





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Adoubement e Cavalaria no Ocidente feudal: o Eracle (c. 1159

Adoubement and Chivalry in the Feudal West: Gautier d'Arras's Eracle (c. 1159-1184). Guilherme Queiroz de SOUZA1. Resumo: O propósito deste artigo é analisar o 



La chevalerie Récit de ladoubement du comte dAnjou XII e s.

D'après la Chronique des Comtes d'Anjou Jean de Marmoutier



LE RITUEL SYMBOLIQUE DE LADOUBEMENT Sans les structures

Jusqu'à une époque récente il était en général acquis que l'adoubement était un rite de passage



LE RITUEL SYMBOLIQUE DE LADOUBEMENT Sans les structures

LE RITUEL SYMBOLIQUE DE L'ADOUBEMENT. Sans les structures mythiques pas d'intelligence histo- rique possible. (Gilbert Durand



Adoubement au collège Paul Wernert

un adoubement d'élèves de 5C par la principale spectaculaire dans son habit de chevalière



Devenir chevalier

L'origine germanique du mot « adouber » signifie. « équiper ». Au départ l'adoubement était une formalité militaire : on confiait au nouveau chevalier son.



un chevalier un tournoi un adoubement Les chevaliers Un chevalier

Adoubement signifie s'équiper. L'adoubement est la cérémonie au cours de laquelle on devient chevalier. Lors de cette cérémonie le futur chevalier reçoit 



Adoubement et chevalerie dans les chansons de Roland et d

14 мар. 2012 г. Né en France Roland est passé par l'Espagne avant de traverser l'Atlantique dans un livre portu- gais1. Actuellement c'est en Amérique



Ladoubement de Geoffroy Plantagenêt (1128) - Jean de

Par définition la chevalerie va de paire avec l'adoubement



Raconter la vie dun chevalier De son adoubement à son premier

Suis attentivement les consignes d'écriture et aide-toi de ce que nous avons vu en cours (vocabulaire cérémonie de l'adoubement



La chevalerie Récit de ladoubement du comte dAnjou XII e s.

Récit de l'adoubement du comte d'Anjou XII e s. « l'adolescent prit un bain comme le veut la coutume de l'entrée en chevalerie et s'apprêta…Les ablutions.



LE RITUEL SYMBOLIQUE DE LADOUBEMENT Sans les structures

l'adoubement ne signifierait guère autre chose avant Chrétien de Troyes «Le mot adouber ne peut guère avoir le sens de 'faire chevalier' que dans moins ...



LE RITUEL SYMBOLIQUE DE LADOUBEMENT Sans les structures

LE RITUEL SYMBOLIQUE DE L'ADOUBEMENT. Sans les structures mythiques pas d'intelligence histo- rique possible. (Gilbert Durand



La fée la sainte et ladoubement

La fée la sainte et l'adoubement1. Catalina Girbea. Dans la littérature médiévale la femme a un rôle central



H3 suite : La vie des chevaliers Rappel il nest pas nécessaire d

Doc 1 : Quelles sont les deux étapes de la vie d'un jeune homme avant de pouvoir devenir chevalier ? 2. Docs 1 2 : Qu'est-ce que l'adoubement ? 3. Docs 1



un chevalier un tournoi un adoubement Les chevaliers Un chevalier

un adoubement. Les chevaliers. Un chevalier est un homme qui se bat souvent avec une épée à cheval



HISTOIRE LES CHEVALIERS AU MOYEN AGE - LA CEREMONIE

HISTOIRE LES CHEVALIERS AU MOYEN AGE - LA CEREMONIE DE L'ADOUBEMENT. 1/ Qui est l'auteur de ce document ? …



Devenir chevalier

Entre 18 et 21 ans : l'écuyer devient chevalier par la cérémonie de l'adoubement. L'origine germanique du mot « adouber » signifie. « équiper ».



LES ORIGINES DE LADOUBEMENT CHEVALERESQUE: ÉTUDE

l'?tude du rite de la remise des armes qui a conduit ? l'adoubement chevaleres que si souvent d?crit au 13e si?cle ? l'?poque de son plein ?panouissement.



Etre chevalier au Moyen Age

Il s'occupe du cheval et porte son bouclier. Vers 20 ans il peut devenir chevalier grâce à la cérémonie de l'adoubement. Page 5 

La fée, la sainte et l'adoubement1

Catalina Girbea

Dans la littérature médiévale la femme a un rôle central, souvent paradoxal, parfois agonal, mais elle est en

tout cas omniprésente et remplit des fonctions multiples à la fois pour les besoins de la narration que pour

la charge symbolique, esthétique et sociale tapie dans les interstices littéraires. Malgré cela, peu d'études lui sont

à ce jour consacrées, probablement parce que le champ couvert serait trop large et par conséquent difficile à

maîtriser pour une seule personne2. Amantes et amoureuses, mères, reines et princesses, les femmes peuplent les

terres et forêts des récits médiévaux, mais une figure se détache de manière nette dans ce panorama, à savoir celle

de la fée. Malgré l'attrait qu'elle exerce sur les imaginations médiévales et modernes, malgré son importance pour

le texte médiéval, la fée n'a pas donné non plus lieu à de trop nombreuses enquêtes, à part, pour la France en tout

cas, celles de Laurence Harf-Lancner, Christine Ferlampin-Acher ou Anita Guerreau-Jalabert3. Cet article ne se

propose pas de suivre toutes les fées arthuriennes ou plus largement romanesques, mais se concentrera sur un seul

élément, la relation entre la dame, faée ou pas, et l'adoubement chevaleresque.

Comme Laurence Harf-Lancner l'a montré, la fée dans la fiction du XIIe siècle semble émerger de la jonction

de deux faisceaux de traits réunis : d'une part les caractéristiques des Parques antiques, maîtresses des destinées,

de l'autre celles des personnages sylvestres qui peuplent les forêts celtiques. L'imaginaire de la fée apparaît donc

comme une sorte de rencontre entre la mythologie gréco-romaine et la matière de Bretagne. La médiéviste

distingue deux types de fées, qui peuvent être dégagés à partir de ces traits cumulés, d'une part les fées marraines,

de l'autre les fées aimantes4. Cette typologie claire, féconde, opérationnelle, mérite d'être nuancée quelque peu par

les exemples qu'offre la fonction accomplie par la dame ou la fée lors de l'adoubement, rite de passage clef pour

la définition de la chevalerie.

La chevalerie est l'une des notions les plus complexes du Moyen Âge, centrale pour la littérature, dont elle

inspire en même temps qu'elle alimente, et pour la compréhension de la société médiévale. Nous ne reprendrons

pas ici les thèses formulées au fil du temps par divers médiévistes au sujet des articulations qui définissent ce

phénomène assez difficile à saisir et dont l'adoubement est l'un des piliers centraux5. En général, les sources sont

tellement différentes, et donnent de la chevalerie une image tellement contrastée, que le plus correct serait de

parler des chevaleries, au pluriel, car le concept ressemble à une anamorphose qui change de couleur et de forme

en fonction de la direction du regard et de la position de celui qui regarde.

1 Nous remercions Georges Bertin de son aimable invitation au colloque stimulant dont est issu le présent volume.2 Nous mentionnons en dernier lieu le travail de Bénédicte Milland-Bove, La demoiselle arthurienne. Écriture du personnage et art du

récit dans les romans en prose du XIIIe siècle, Paris, Champion, 2006 et celui de Yasmina Foehr-Yansens, La jeune fille et l'amour. Pour

une poétique de l'évasion courtoise, Genève, Droz, 2010.3 Laurence Harf-Lancner, Les Fées au Moyen Âge. Morgane et Mélusine, la naissance des fées, Paris, Champion, 1984 ; Christine

Ferlampin-Acher, Fées, bestes et luitons : croyances et merveilles dans les romans français en prose, Paris, Presses de l'Université de

Paris-Sorbonne, 2002 ; Anita Guerreau-Jalabert, " Fées et chevalerie. Observations sur le sens social d'un thème dit merveilleux », dans

Actes des Congrès de la Société des Historiens Médiévistes de l'Enseignement Supérieur Public, 25, 1994, p. 133-150.4 L. Harf-Lancner, Les Fées au Moyen Âge..., op. cit., p. 27 sq. La chercheuse constate que certains personnages féminins ayant des traits

faés ne sont pas nommés " fées » pour autant, par exemple dans Partonopeu de Blois ou Le Bel Inconnu, suivant une sorte de tentative de

rationalisation (p. 36 sq).5 Nous retiendrons pour la France les grands travaux de Jean Flori, Chevaliers et chevalerie au Moyen Âge, Paris, Hachette, 1998 et

L'Idéologie du glaive : préhistoire de la chevalerie, Genève, Droz, 1983, et plus récemment Dominique Barthélemy, La Chevalerie. De

la Germanie antique à la France du XIIe siècle, Paris, Fayard, 2007 et Martin Aurell, Le Chevalier lettré. Pratiques et savoir de

l'aristocratie, Paris Fayard, 2011.

Le roman médiéval français a tendance à donner de la militia une image laïque, celle d'un produit des

mécanismes de règlements des conflits et de la violence contrôlée par les nobles, de même que de la conséquence

de l'éducation des chevaliers par la maîtrise des lettres et par le plaisir de la lecture.

Le religieux chrétien est donc globalement banni de l'adoubement littéraire. Le religieux, mais pas le

surnaturel. Le rite de passage est, par son rôle frontalier, par ses capacités d'actualiser et rendre présent ce qui est

liminaire, nécessairement en connivence avec l'au-delà. Il problématise les rapports entre les hommes et les dieux,

il suscite le questionnement, il appelle ainsi et met en valeur la merveille, comme Christine Ferlampin-Acher l'a

souligné6. Le christianisme ne peut ni sans doute ne doit, aux yeux des romanciers, servir de maillon dans ce

processus complexe. En revanche, le surnaturel ou le merveilleux se font une place d'honneur par le truchement

d'un élément souvent présent, mais discrètement perçu, la figure féminine, souvent faée, directement impliquée

dans la remise des armes ou, à défaut, la figure féminine tout court, rattachée à la courtoisie et non à l'Église.

Certes, comme Anita Guerreau-Jalabert l'a rappelé de longue date, les fées liées d'une façon ou d'une autre

à l'adoubement chevaleresque sont souvent chrétiennes, elles vont à la messe et parlent de Dieu7. Elles indiquent

pourtant une volonté nette de la part des auteurs d'impliquer une forme de surnaturel qui n'est pas directement

redevable de l'Église et de ses éléments dogmatiques. Elles indiquent une volonté d'écart à la norme théologique,

à l'opposé du Graal. La fée peut intervenir avant ou après l'adoubement, et parfois au milieu de la cérémonie elle-

même. Faisant partie de ce que Richard Trachsler et Annie Combes ont appelé le " matériel roulant » de la légende

arthurienne8, la femme ou la " fée adoubeuse » ne sont pas là pour mieux rattacher la chevalerie à l'univers

courtois, mais plutôt pour donner à la cérémonie le lustre de liturgie païenne qu'elle ne pouvait pas avoir si elle

devenait une liturgie chrétienne impliquant un prêtre et une épée récupérée sur l'autel. Elle contribue enfin à la

sacralisation de l'excellence guerrière, donnée universelle de toutes les cultures9.

À l'orée de la naissance de la littérature française vernaculaire dans le Conte de Floire et Blanchefleur

(vers 1150), le protagoniste se fait adouber par l'émir de Babylone, qui est assisté non par un clerc, mais par " la

belle Blanchefleur ». Elle remet à son amant Floire un éperon " d'or et d'amour »10. Cette donnée est retenue dans

la version plus tardive du Conte, que la critique appelle parfois " populaire » depuis les travaux d'Edelstand du

Méril11. Floire y est armé par sa bien-aimée pour combattre les ennemis de l'émir qui la retenait dans son harem et

négocier ainsi leur vie et leur liberté à tous le deux : elle lui ceint l'épée, sans qu'elle ait une part effective dans

l'adoubement proprement-dit, à savoir la collée ou la remise des éperons12. Partonopeu de Blois (roman composé

vers 1180 dans l'entourage des comtes de Blois-Champagne) va réitérer le schéma de l'implication d'une dame

dans l'adoubement : Mélior, l'impératrice de Byzance, investit Partonopeu qui se présente devant elle incognito,

de même que cent autres chevaliers nouveaux. Le devenir militaire du héros est d'ailleurs structuré par les

présences féminines.

6 C. Ferlampin-Acher, Fées, bestes..., op. cit., p. 52 sq.7 A. Guerreau-Jalabert, " Fées et chevalerie. Observations sur le sens social d'un thème dit merveilleux », art. cit., p. 133 sq.8 Richard Trachsler et Annie Combes, " Introduction », dans Foriant et Florete, éd. Richard Trachsler et Annie Combes, Champion,

Paris, 2003, p. XXIII.9 Voir à ce sujet les travaux de Franco Cardini, Alle radici della cavaleria medievale, Florence, Nuova Italia, 198110 Floire et Blanchefleur, éd. Margaret Pelan, Paris, Les Belles Lettres, 1956, v. 2882-2883 (édition établié d'après le manuscrit Français

1446 de la B.n.F).11 Edelstand du Méril, Floire et Blanchefleur, Paris, Jannet, 1856.12 Floire et Blanchefleur. Seconde version, éd. Margaret Pelan, Paris, Ophrys, 1975, v. 3108-3110, p. 95 : " Quant il la (l'épée) tint, grand

joie en a/ Blancheflor la li çaint, s'amie/ Voiant tote la baronie ».

Les armes lui sont remises avant le tournoi de Chef d'Oire, à Salence par Urraque, la soeur de Mélior,

alors que la jeune Persewis, amoureuse de lui, insiste pour " mettre la main à tout », contribuant donc à la

préparation de l'équipement militaire. Prisonnier d'Armand de Tennedos, le héros se fait procurer une épée par la

femme de son geôlier : c'est l'un des épisodes qui rattachent d'ailleurs Partonopeu au Lancelot de Chrétien.

Florimont est, dans le roman éponyme d'Aimon de Varennes, composé vers 1188, armé par une fée, la dame de

l'Île Celée. Enfin, dans le Roman de Troie, Orva la fée fait don d'une monture à Hector13.

Le motif perdure au XIIIe siècle. Dans Parzival (écrit par Wolfram von Eschenbach vers 1210), l'écu de

Feirefiz est un cadeau de sa bien-aimée Sécundille. Dans la Vengence Raguidel, la fée Lingrenote donne au héros

des armes qui le rendent invisible. Enfin, la Dame du Lac, dans le Lancelot en prose semble incarner la figure

archétypale de la dame impliquée dans l'adoubement. Elle offre au jeune chevalier les armes, ensuite c'est

Guenièvre qui lui ceindra l'épée. Le schéma se retrouve dans la littérature médiévale tardive, par exemple dans le

Perceforest14, et il ne semble pas être le propre de la littérature française15

Dans le Lancelot en prose apparaît le discours le plus élaboré que la matière arthurienne connaît sur la

chevalerie. Il est prononcé par une femme, la Dame du Lac, la mère adoptive de Lancelot16. Elle lui apprend une

éthique qui semble allier chevalerie et christianisme et il n'est pas exclu que le passage ait influencé le traité de

Ramon Llull dont on sait l'effort de cléricalisation de la chevalerie17. Malgré cette coloration chrétienne, la Dame

du Lac ne conçoit pas que ce soit le roi qui accorde les armes au jeune Lancelot, comme l'on pourrait s'attendre

compte tenu des pratiques dans la réalité où c'est le roi ou le seigneur qui arment et adoubent les nouveaux

chevaliers :

Et bien sachiés que chis vallés ne puet estre chevaliers ne ne doit d'autres armes ne d'autres robes que de cheles qui

chi sont, ne d'autre harnois. Et se vous volés, vous le ferés chevaliers ; et se vous nel volés faire, si me pourcacherai

aillors et anchois le feroie je meismes chevalier qu'il ne le fust18.

D'autres textes et matières intègrent ce motif de l'implication féminine, en le radicalisant.

13 Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, éd. Léopold Constans, Paris, Paris, Didot, " Société des Anciens Textes Français », 1904,

v. 8023-8028.14 Voir Catalina Girbea, " L'héraldique dans Perceforest », dans Perceforest. Un roman arthurien et sa réception, dir. Christine

Ferlampin-Acher, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 163 sq.15 Voir par exemple dans la littérature castillane Romance trece dans Flor nueva de romances nuevos, éd. Ramón Menéndez Pidal,

Madrid, 1994, p. 153-155, où doña Urraca, soeur du rois Alphonse VI, seigneur du Cid, reproche au héros de Valence de l'avoir

abandonnée pour se marier avec une autre, juste après avoir reçu l'adoubement de sa propre main et de celle de sa mère. Le texte laisse

penser que l'intervention des femmes dans la cérémonie était réservée aux membres de la parentèle16 Lancelot en prose, éd. Alexandre Micha, Genève, Droz, 1980, t. VII, p. 248 sq.17 Martin Aurell, La Légende du roi Arthur, Paris, Perrin, 2007, p. 483-484.Voir Id., " Chevaliers et chevalerie chez Raymond Lulle »,

Cahiers de Fanjeaux, 1987, p. 141-157.18 Lancelot..., éd. cit., t. VII, p. 268.

Prédestiné par les fées19, Floriant dans Floriant et Florete est armé par Morgane. Le passage est

particulièrement intéressant et mérite que l'on s'y attarde un peu :

A matinet, quant l'aube crieve

Florïans par matin se lieve.

Morgain vint devant lui ester

Qui avec li fist aporter

Chemise et braies de chansil.

I hauqueton taint em bresil

Li a fait deseure vestir

Jenoilleres et mustelieres,

Bien fetes et bones et chieres.

Puis li fist ses chauces lacier,

Fors et tenans de bon acier.

Puis li font sa coiffe fermer,

Le hauberc en son dos jeter

Qui plus iert blans que fins argens,

Fors et bien fes et bien tenans.

Les .II. esperons li chauça

Morgain et l'epee li a

Cainte, dont li pons estoit d'or,

En Sirie la firent Mor,

Puis a la ventaille fermee.

Morgain a la pasme levee

El col le fiert, puis si li dist :

" Florïant, Dameldieu t'aist,

Et si te doinst force et sancté ! »20

D'autres romans font intervenir plusieurs figures dans l'adoubement proprement-dit. Si l'équipement est

généralement fourni par la femme, elle n'est pas directement impliquée dans la cérémonie. Floriant et Florete

innove sur ce plan, car c'est l'un des rares textes, avec Florimont, où une femme accomplit le rituel à elle seule du

début à la fin. Mélior donne la collée à Partonopeu, mais ne lui chausse pas les éperons. Blanchefleur ne fait

qu'accompagner l'émir. Sécundille, Lingrenote ou enfin la Dame du Lac sont des pourvoyeuses d'armes, mais pas

des adoubeuses à proprement parler.

Le rapport entre les femmes et les armes est particulièrement fort, au point que les héros vont jusqu'à

féminiser leur équipement suivant des relations métaphoriques fortes. Dans Parzival, Sécundille est pour Feirefiz

" son bouclier dans les périls »21. Partonopeu, en tirant son épée du fourreau, se rappelle de Mélior22. Wolfram von

Eschenbach pousse l'identification entre la femme et les armes encore plus loin. La relation de Gamureth, le père

de Parzival, avec sa femme Herzeloyde fait jouer poétiquement une forme de dialectique eros/tanatos, où l'amour

de la mort devient le palliatif de l'amour. Cette dialectique touche un point culminant avec l'habitude

chevaleresquement malsaine, que la princesse acquiert, de porter à même le corps au cours des ébats amoureux les

chemises tachées de sang et déchirées qui avaient servi à Gamureth à couvrir son écu sur le champ de bataille. La

même " érotisation » de l'écu se fait sentir au cours de l'affrontement entre Parzival et son demi-frère Feirefiz, la

mémoire de Sécundille faisant corps avec le bouclier qu'elle avait offert à son amant.

19 Foriant et Florete, éd. Richard Trachsler et Annie Combes, Champion, Paris, 2003v. 5551 sq, p. 34.20 Ibidem, v. 813-837, p. 50.21 Wolfram von Eschenbach, Parzival, éd. Karl Lachmann révisée par Eberhard Nellmann, trad. [all. mod.] Dieter Kühn, Francfort,

Deutscher Klassiker, 1994, §740.22 Partonopeu de Blois, éd. et trad. Pierre-Marie Joris et Olivier Collet, Paris, Libairie Générale Française, 2005, ms. A, v. 3393-3396, p.

244 : " Partonopeus drece l'espee / Que Mélior li ot donee ; / Et quant le voit clere et burnie, / Dont li est menbré de s'amie. »

Beaucoup de ces figures féminines ont des traits surnaturels et se rattachent d'une manière ou d'une autre à

l'imaginaire de la fée, à quelques exceptions près. Blanchefleur n'a par exemple rien d'une personnalité faée, elle

n'en est ni un vestige christianisé, ni un avatar. Le texte remplit cependant cette lacune, en déplaçant les traits faés

sur la figure de la mère de Floire : elle semble posséder le don d'impliquer les dieux dans la construction de la

tombe qui fait croire à son fils que Blanchefleur est morte ; de même, elle offre à son fils un anneau merveilleux.

Quant à Mélior, c'est une figure à mi-chemin entre la fée et la chrétienne, partagée entre la fonction de porteuse

d'une souveraineté orthodoxe et celle de la magicienne férue de nigromance. Ses traits faés se combinent avec

ceux d'Éros tel que le récit d'Éros et Psychée semblent les avoir transmis :

Ains qu'eusce XV. ans pasés

Oi mes maistres tot sormontés.

Après apris espiremens,

Nigromance et encantemens.

Tant en retinç et tant en soi,

Tuit autre en seurent vers moi poi.

Cil qui tant puet faire d'esfors

Qu'il sace bien argus et sors

Et fisique et astronomie

Et nigramance lor aie,

Tant seroit sages et poissans

Qu'il en feroit merveles grans.

Par ço fist Mahons les vertus

Dont il fu puis por Deus tenus 23.

Si l'on interroge les deux typologies de la fée marraine et de la fée amante, l'on s'aperçoit qu'aussi bien les

marraines que les amoureuses ont un rôle dans le devenir du chevalier. Gauvain par exemple, doit sa force

surnaturelle et sa beauté aux fées-Parques, dans le roman du XIIIe siècle Escanor24. Cligès dans un autre texte du

XIIIe, Les Merveilles de Rigomer, est prédestiné par les fées à ne jamais être blessé, sauf s'il va à Rigomer25. La

littérature allemande porte encore plus loin ce motif, sans doute sous l'influence lointaine de l'image de la

Walkyrie, puisque Gamureth dans Parzival n'est pas seulement prédestiné à belle carrière chevaleresque, il est issu

d'une race de fées26, de la même manière que Wigalois, dans le roman éponyme de Wirnt von Grafenberg rédigé

au XIIIe siècle, est le fils d'une fée27. Dans les textes français une particularité peut être entrevue : les fées

semblent se borner à être aimantes ou marraines, mais elles ne donnent pas lieu à une véritable descendance, elles

ne deviennent pas des mères. La reine sarrasine dans Floire est une exception, mais dans le reste des situations la

pourvoyeuse d'armes ou l'adoubeuse ne remplit pas ce rôle de fondatrice de lignée. Cette perspective ne sera

récupérée que plus tard, à partir du XIVe siècle, avec les récits mélusiniens. L'histoire de Floire témoigne même

d'un souci important de faire de la fondatrice de lignage royal qu'est Blanchefleur une chrétienne, non magique et

non faée.

En somme, le rôle de la fée adoubeuse est, dans les récits français, confinée entre les limites de la chevalerie,

sans déborder le monde de la guerre pour entrer dans celui de la parentèle, qui est au XIIe siècle seulement entrevu.

23 Partonopeu, éd. cit., v. 4592-4608, p. 312-314.24 Girard d'Amiens, Escanor, éd. Richard Trachsler, Genève, Droz, 1994, v. 2787 sq.25 Les Mervelles de Rigomer, éd. Wendelin Foerster et Hermann Breuer, Dresde, Niemeyer, 1908, v. 9403-9406.26 Parzival, éd. cit., § 96.27 Wirnt von Grafenberg, Wigalois. Le Chevalier à la roue, éd. et trad. éd. Claude Lecouteux et Véronique Lévy, Grenoble, Ellug, 2001.

L'on peut toutefois supposer que Mélior donnera une descendance à Partonopeu, car la longue ekphrasis que

génère la description du lit conjugal suggère une renovatio28 qui effacera ou fera oublier la nigromance de

l'impératrice. Pourtant, la femme surnaturelle est là surtout et avant tout pour donner au guerrier une aura de

sacralité, qui en revanche, par son caractère hors normes, et donc monstrueux, pourrait lui nuire lorsqu'il s'agit de

mettre en scène une parentèle. Florimont prend bien soin d'éviter totalement une vraie liaison durable entre le

héros et la dame de l'Île Celée. Ils fondent justement des lignages parallèles qui seront conflictuels. La dame ne

sert dans le récit que pour permettre au héros d'accomplir sa première épreuve initiatique. Une fois cet épisode

clos, Florimont et le roman quittent l'espace hermétique et " celé » pour la transparence d'un lignage qui se

développera dans l'histoire et non en dehors d'elle.

Omniprésentes, les dames semblent se partager globalement en trois catégories. Il y a d'une part l'adoubeuse,

qui intervient d'une façon ou d'une autre dans la cérémonie en manipulant éperons, épée ou vêtements, comme

Blanchefleur, Mélior, Florete, la Dame de l'Île Celée, Urraque dans les romances castillanes ou enfin les reines de

Perceforest à la fin du Moyen Âge. Il y a d'autre part, les pourvoyeuses d'armes ou objets magiques destinés à

protéger au combat, comme la mère de Floire, Urraque, Persewis et la femme d'Armand de Tennedos dans

Partonopeu, Sécundille dans Parzival, de même que plus tard la Dame du Lac dans le Lancelot en prose. Il existe

enfin une troisième catégorie, celle des femmes, souvent des figures maternelles, qui prodiguent des leçons de

chevalerie, comme la mère de Perceval dans le Conte du Graal de Chrétien de Troyes ou celle de Parzival chez

Wolfram, et bien évidemment la Dame du Lac29. Dans la préparation du nouveau chevalier, le rôle de la figure

maternelle, mère, éducatrice, nonne, et non de celle du clerc, est essentiel. C'est elle qui prononce le discours

didactique précédant l'adoubement. La mère de Perceval ou de Parzival, la Dame du Lac pour Lancelot, les

bonnes soeurs pour Galaad dans la Queste del saint Graal, autre texte de la Vulgate arthurienne, ont un rôle

essentiel dans le devenir des chevaliers30. La mère ou la souveraine, autre figure maternelle, semblent usurper le

rôle du clergé dans l'entrée en chevalerie et se substituer au prêtre. Elle réagit comme un catalyseur de la violence

guerrière normalisée et contrôlée. Dans ce sens, les ermites que le chevalier rencontre, comme c'est le cas pour les

chevaliers que nous venons d'observer, annulent et déconstruisent, de façon indirecte, le discours de la mère. Les

travaux de Martin Aurell ont mis l'accent sur l'importance des femmes dans les conflits féodaux, en soulignant

qu'elles entretiennent souvent la violence masculine31. De manière atténuée, ceci semble être aussi le cas dans les

romans arthuriens.

Dans les romans du Graal, où le christianisme gagne du terrain, les traits de la pourvoyeuse d'armes sont

transformés, mais elle ne disparaît pas pour autant, elle n'est que déguisée. Perlesvaus, dans le roman anonyme

éponyme (rédigé autour de 1200), se voit doter de l'écu de Joseph d'Arimathie ramené par Fortune à la cour

arthurienne, alors que Gauvain gagne le bouclier de Judas Machabée en se faisant assister par une demoiselle32.

28 Voir les commentaires de Rima Devereux, Constantinople and the West in Medieval French Literature. Renewal and Utopia,

Cambridge, Brewer, 2012, p. 78. 29 Nous avons discuté plus en détail cette catégorie dans Communiquer pour convertir dans les romans du Graal, Paris, Classiques

Garnier, 2010, p. 85 et " Les signes héraldiques dans Perceforest », dans Percefores. Un roman arthurien et sa réception, actes du

colloque tenu les 21 et 22 octobre 2010 à Rennes, dir. Christine Ferlampin-Acher, Paris, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 163-

177. Voir également Christine Ferlampin-Acher, " Le rôle des mères dans Perceforest », dans Arthurian Romance and Gender, éd.

Friedrich Wolfzettel, Amsterdam, Rodopi, 1995, p. 276 sq.30 Voir M. Aurell, Le Chevalier lettré..., op. cit., p. 55 sq et p. 208 sq, qui souligne l'importance de la femme dans l'éducation des

chevaliers.31 Martin Aurell, " Les femmes guerrières (XIe-XIIe siècles) », Famille, violence et christianisation au Moyen Âge. Mélanges offert à

Michel Rouche, dir. Martin Aurell et Thomas Deswarte, Paris, 2005, p. 319-330.32 Perlesvaus. Le Haut Livre du Graal, éd. Armand Strubel, Paris, Livre de Poche, 2007.

Au dernier stade de cette métamorphose se place la soeur de Perceval dans la Queste del saint Graal (vers

1225), roman central dans le cycle du Lancelot-Graal. Malgré sa perfection spirituelle, Galaad, l'élu du Graal, ne

peut accomplir sa destinée sans être assisté par une femme. En dehors et même à l'opposé de toute morale

courtoise, cette femme, la soeur de Perceval, est une sainte, la figure christique la plus ferme du texte33. Sur la nef

de Salomon, elle l'aide à dégainer une épée qu'il acquiert seulement pour la ranger au fourreau, dans le

mouvement d'ensemble de déconstruction de la chevalerie par renoncement au combat que poursuit l'auteur de la

Queste. L'adoubement de Galaad est d'ailleurs raconté dans la Queste et il implique aussi indirectement des

femmes. Comme Lancelot, son fils bénéficie d'une éducation religieuse, et il est élevé dans une abbaye de nonnes.

Ce sont elles qui le présentent à son père. Galaad passe par une veillée d'armes au monastère, puis il est armé par

Lancelot, qui lui ceint l'épée, lui donne la collée et avec Bohort il lui chausse les éperons34. L'iconographie des

manuscrits arthuriens va jusqu'à donner aux nonnes une place durant la cérémonie. Il en va ainsi du Français 123

de la B.n.F. (fin du XIIIe siècle ou début du XIVe), qui présente (fol. 197) Galaad en train de se faire chausser les

éperons par Lancelot et Bohort. L'adoubement est pourtant doublé d'une élévation, dans la mesure où les nonnes

semblent soutenir le jeune chevalier35. Dans le manuscrit Français 120 du XVe siècle, commandité par le duc de

Berry, pour l'adoubement de Galaad des dames se substituent aux nonnes (fol. 522v) et assistent à la cérémonie,

détail qui renforce les côtés laïcs de l'adoubement et l'importance de la figure féminine.

Si la veillée d'armes et la messe font leur entrée dans les rituels décrits dans les romans du XIIIe siècle36,

l'adoubement n'en est pas moins laïc, comme le montre la présence des nombreuses femmes qui y sont

impliquées. Le schéma de la fée adoubeuse est récupéré et subverti de l'intérieur. Malgré cela, il reste présent. Ce

schéma n'est pas intéressant seulement par sa répétition, mais aussi par sa résistance. La fée émerge dans des

romans de toute obédience et accompagne la chevalerie. Elle constitue dans le récit un hiatus où le tournoi des

matières romanesques diverses s'arrête, puisque dans sa personnalité se croisent les Parques romaines et les

Walkyries, les divinités celtiques et les nymphes grecques, enfin les déesses qui provoquent et ensuite régissent la

guerre de Troie. Les auteurs du Lancelot en prose ont dû sentir ce point névralgique de la chevalerie, lorsqu'ils

placent dans les tréfonds de la Douloureuse Garde la Demoiselle en Cuivre, la source de toutes les aventures. Les

armes sont aussi les meilleurs témoins de la translatio, ainsi que de son côté irréductible, de son impossibilité de la

renovatio. Le cordon ombilical qui les relient aux femmes constitue un élément qui ne se laisse jamais

christianiser jusqu'au bout, formant un pont non seulement entre les âges et les espaces, mais aussi entre les

chrétiens et les païens. Les femmes qui les portent ou les apportent remplissent elles aussi un rôle de médiation, de

conservation de la mémoire de la guerre, de ses côtés liminaires et en permanence voisins avec l'au-delà, enfin de

ce côté de sacralisation de la méritocratie guerrière qui ne dépend d'aucune religion et en même temps de toutes.

33 Voir C. Girbea, Communiquer pour convertir..., op. cit., p. 76 sq.34 Queste del saint Graal, éd. Albert Pauphilet, Paris, Champion, 2003, p. 3.35 Nous avons discuté cet épisode en détail dans Communiquer pour convertir.., op. cit., p. 345 sq, en relation avec l'hommage à saint

Louis et à Blanche de Castille qui semble dominer le programme iconographique de ce manuscrit.36 Voir aussi Maurice Keen, Chilvary, Londres, Yale University Press, 1984, p. 80, sur le roman Durmart le Gallois du XIIIe siècle.

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