[PDF] Ironies entre dualité et duplicité

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UNIVERSITE DE CORSE PASQUALE PAOLI

ECOLE DOCTORALE ENVIRONNEMENT ET SOCIETE

UMR CNRS 6240 (LISA)

Thèse présentée pou

DOCTEUR EN LANGUE ET LITTÉRATURE FRANCAISES

Mention : Littérature comparée

Soutenue publiquement par

CANDICE OBRON-VATTAIRE

Le 11 décembre 2015

Représentations modernes du mythe de Napoléon Bonaparte. Description et analyse de la figure napoléonienne, , à travers la littérature populaire et la culture de masse (bande dessinée, jeux vidéo, publicité)

Directeurs :

M. POLI Jean-Dominique, MCF, Université de Corse Mme TOUDOIRE-SURLAPIERRE Frédérique, Pr., Université de Haute-Alsace

Rapporteurs :

M. WUNENBURGER Jean-Jacques, Pr., Université Jean Moulin - Lyon 3

Mme FIX Florence, Pr., Université de Lorraine

Jury :

M. WUNENBURGER Jean-Jacques, Pr., Université Jean Moulin - Lyon 3 Mme TOUDOIRE-SURLAPIERRE Frédérique, Pr., Université de Haute-Alsace Mme GRAZIANI Françoise, Pr., Université de Corse

Mme FIX Florence, Pr., Université de Lorraine

M. POLI Jean-Dominique, MCF, Université de Corse 66
- A ET B, Democracy or a Sketch of the Life of Buonaparte (Démocratie ou une Esquisse de la vie de Bonaparte), par James Gillray, qui semble vouloir, à sa façon retracer la napoléonienne en en représentant, avec une ironie aigue, la vie improprement " démocratique » de Napoléon Bonaparte. Ne pouvant en donner une analyse exhaustive nous souhaitons cependant souligner les faits

suivants : la première vignette rejoue du procédé des origines corses et soi-disant misérables

de Bonaparte : " Innocence démocratique Le jeune Buonaparte et ses parents misérables,

». Ou encore la troisième vignette

qui raille le " Courage démocratique » de Bonaparte : " Buonaparte désertant son armée en

Égypte, par peur de Turcs » Enfin que, la

dernière vignette de la seconde planche clôturant cette évocation amèrement critique de la vie

du destin démocratique de Bonaparte par ces mots : " Consolations démocratiques » -

" Buonaparte sur son lit de mort, entourés par les fantômes des assassinés, les dangers qui menacent son usurpation et toutes les horreurs du Châtiment Eternel. » née phylactères pour signifier les paroles des personnages, ainsi

que le format - le découpage en " cases » - des différentes scènes reproduites (exemple de la

Figure 16).

Pour cause,

cet art pictural a joué un rôle prépondérant dans la constitution des légendes que

nous avons qualifiées de noire et dorée, puis partant de ce légendaire élémentaire, qui

deviendra progressivement le mythe de Napoléon Bonaparte. Cette forme esthétique a fixé des

formes stables dans les esprits du siècle puis des suivants : elle a mobilisé les images-forces

nnages : 67
Sous cette perspective, Annie Jourdan nous indique

H e contre-

Alliance et les royalistes français vont les souder tous deux ensemble et esquissé par Napoléon lui-même durant les Cent- devant les attaques aussi injustes que virulentes, qui anéantissaient les espoirs suscités par la Révolution et ridiculisaient les réalisations de la Grande Nation. De cela, la caricature anti-napoléonienne est pour une part responsable. 102

Cependant un personnage légendaire ne peut être considéré comme le reliquat-reliquaire de

ses façons et contrefaçons picturales, aussi après les dessinateurs, intéressons-nous à présent

aux écrivains du temps qui ont su, à travers leur art propre , , peindre, - le Siècle éponyme se finissant - quant aux

102 JOURDAN Annie, " Napoléon et la ca », in Catalogue de

Réunion des Musées Nationaux, pp.101-129 ; p.129. 68

1.3. Napoléon et quelques écrivains de son temps : Mme de Staël, Chateaubriand, Benjamin Constant

façon dont Napoléon a parallèlement suscité de vives réactions chez les écrivains qui lui sont

contemporains. Eux-mêmes personnages influents de leur époque, réunis dans des Salons - - ils font et défont les réputations, critiquent

enjôleuses, serviles, idolâtres, leurs plumes aiguisées sont commodément les pires ennemies

Germaine de Staël, François-René de Chateaubriand ou Benjamin Constant sont du nombre des écrivains qui ont exposé publiquement leurs convictions politiques en dépit des dangers Staël notamment, qui expose son expérience dDix années 103.

Ainsi les Mémoires

régime hir le cours des événements historiques au moment où ils sont ; leur influence est significativement attestée encore de nos jours.

Pour Sylvain Pagé, le portrait de Napol

hubris

Tacite et Cicéron est soit suggérée par le style ou la rhétorique, soit mentionnée explicitement

dans le texte,

»104

" tyran

103 STAËL-HOLSTEIN (de), Germaine, Dix a, Éditions Payot et Rivages, Petite Bibliothèque, Paris,

2012 (ouvrage posthume publié en 1818).

104 PAGE Sylvain, Le mythe napoléonien, De Las Cases à Victor Hugo, CNRS Editions, Paris, 2013, p.52.

69

Germaine de Staël (1766-1817)

contemporains - comme il en est de Chateaubriand, de Lafayette, de Constant - portrait présente lui

La légende de

Napoléon et les écrivains français du XIXème siècle : Depuis, la grande majorité des biographes ont repris le même thème, appliqués à consolider cette statue en pied de la faible femme tenant tête au tyran. -même qui, pour les contemporains et pour la : " Le toujours été pénétrée pour la véritable liberté » (). 105 Maurice Descotes nous rappelle à quel point tout oppose les deux individus : de la fille de Necker pour les philosophes du XVIIIème siècle était inconciliable avec le mépris professé pour les " idéologues pouvait être séduite par la tentation du cosmopolitisme et la Prusse que des ennemis irréductibles. que, des années durant, tout son comportement a été dicté par le souci de se rapprocher du régime, tout en se gardant soigneusement de paraître lui donner des gages. 106
, même trace dans :

105 DESCOTES Maurice, La légende de Napoléon et les écrivains français du XIXème siècle, Lettres Modernes,

Minard, Paris, 1967, p.12.

106 Ibid., p.19.

70
ant, de dédaigneux et ; moi, je ; car ce sourire, partant du sér avec celle de sa bouche ; mais comme, en souriant, il rassurait ceux qui

éprouver ainsi.

107

On ne peut se rep

amitié pour répondre ; enfin, jouissance est la dernière insulte que les génies infernaux puissent faire supporter à la race humaine. 108

François-René de Chateaubriand (1768-1848)

Révolution française que tous deux rejettent :

Une révolution, prépa

égarements de notre esprit, éclate parmi nous. Au nom des lois, on coutumes de nos pères ; on brise les tombeaux des aïeux, seule base solide de tout gouvernement, pour fonder sur une raison incertaine une société sans passé et sans avenir. Errant dans nos propres folies, ayant perdu toute diverses formes du gouvernement républicain. Nous appelâmes la populace à délibérer au milieu des rues de Paris, sur les grands objets que le peuple romain venait discuter au Forum, après avoir déposé ses armes et es tous ces rois demi-

107 STAËL-HOLSTEIN (de), Germaine, , Éditions Payot et Rivages, Petite Bibliothèque, Paris,

2012, p.56.

108 Ibid., p.161.

71

couverte de plaies. Que nous resta-t-il de nos fureurs et de nos chimères ? des crimes et des chaînes !

109
- royalistes ou libéraux -, Napoléon est causé tant de mal à la nation : Et pour qui tant de massacres, tant de douleurs ? pour un abominable 110
L sans appel. La nation Il a plus corrompu les hommes, plus fait de mal au genre humain dans le court espace de dix années, que tous les tyrans de Rome ensemble, depuis servaient de base à son administration, passaient de son gouvernement dans les différentes classes de la société : car un gouvernement pervers introduit le vice chez les peuples, comme un gouvernement sage fait dessus de violence et de domination descendaient du trône dans les familles. Encore caverne de brigands. 111

Benjamin Constant (1767-1830)

Républicain, puis Libéral, Benjamin Constant se distingue remarquablement pour avoir au pouvoir de Napoléon Bonaparte. Réputé pour être très proche de Madame de Staël, Suisse par

le fait de sa naissance, il est, lui aussi, éloigné de la France quelques temps, en 1803. Il se

rallie cependant à Napoléon durant les Cent jours. au pouvoir du " tyran ». En outre, de même que Madame de Staël et Chateaubriand, Benjamin

109 CHATEAUBRIAND François René de, De Buonaparte et des Bourbons et de la nécessité de se rallier à nos

, Coll. Libertés, Ed J.J. Pauvert, Paris, 1966, pp.58-59.

110 Ibid., p.101.

111 Ibid., pp.73-74.

72

Constant, adressant sciemment ses attaques à Napoléon Bonaparte, fustige indirectement mais explicitement le dénouement malheureux et funeste de la Révolution française :

inconnu jusques alors, celui de délivrer les peuples du joug de leurs prétexte on a porté la mort chez les hommes, dont les uns vivoient les autres jouissoient depuis plusieurs siècles, de tous les bienfaits de la graver des mots sacrés sur ses étendards coupables, troubler la paix, violer les droits des hommes, et de zèle 112
idéologiques, les aversions, les compromissions ne sont pas nécessairement toujours

Révolution française -

cela a dû être - qui luttent sans relâche pour recouvrer le pouvoir portés par la Révolution. Les auteurs ici évoqués - Staël, Constant et Chateaubriand - apparaissent comme faisant : élite qui ne se reconnaît eur donneront, par la suite, raison. Non seulement la stature de ces trois écrivains, de même que leur audience dans toutes légende noire de Napoléon ; le ibuent également, de bon ou de mauvais gré, à la constitution de la légende dorée. En sorte que Napoléon obtient presque constamment les : quelques uns parmi les écrivains les plus brillants de sa génération, i

écrivain dans sa jeunesse. Voilà certainement, selon nous, et quoique toute prudence

conservée, dans son esprit, des opposants à sa mesure.

112 CONSTANT Benjamin,

européenne, Imprimerie nationale Éditions, Paris, 1992, p.75 [Note de bas de page]. 73

2. LA LEGENDE

" Les conditions économiques difficiles que connut la Restauration par suite du retour de la concurrence britannique écartée par le blocus continental, sans parler du développement du période de

essentiellement formée de paysans : les anciens soldats entretenaient dans les campagnes le souvenir

désormais magnifié des guerres napoléoniennes.

On oublia les ravages de la conscription. »

113

Jean Tulard

partie de ce chapitre, ce sont toute personnage pour, il est vrai, simultanément, rendre publics leurs idéaux personnels dans un début de siècle tumultueux ; ces derniers contribuent aussi incidemment à transformer et somme toute vivifier le légendaire napoléonien. : une légende tient de faits réels dans lesquels elle trouve son enracinement, tandis que pour sa part le mythe n'est pas spécifiquement rapporté aux faits concrets, tout y est imaginations - pas rare que la légende se métamorphose en un mythe pour les sociétés futures - populations q- puisque, à tout le moins, le légendaire développe et gagne en fantaisie et en amplification.

En ce qui concerne la figure napoléonienne -

picturales, héroïques, légendaires - de mythe à partir de la mort de Napoléon Bonaparte. Dès lors il devient le " Prométhée enchaîné » exilé -Hélène : cet exil puis la mort viennent mettre un terme définitif - souvent qualifié de tragique héros. Le mythe naît conséquemment de la légende, héros

113 TULARD Jean, Napoléon, Le pouvoir, la nation, la légende, Le livre de poche, Coll. Références, 1997, p.82.

74
lesquels ressurgit la figure mythique. idéaux révolutionnaires à la figure napoléonienne, la réinvente, lui restitue une nouvelle puissance imaginaire et symbolique : Les archives judiciaires et préfectorales montrent que, dès juillet 1815, surgit spontanément un culte populaire qui célèbre dans le héros déchu le défenseur des principes révolutionnaires. 114

La puissance du souvenir de la Révolution française, à laquelle est dorénavant et

irréductiblement rattachée le personnage de Napoléon Bonaparte - résultat des entreprises de

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