[PDF] Victor Hugo - Les travailleurs de la mer





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Le silence de la mer

Et quand enfin Werner von Ebrennac dissipait ce silence doucement et sans heurt par le filtre de sa bourdonnante voix



Victor Hugo - Les travailleurs de la mer

Je dédie ce livre au rocher d'hospitalité et de liberté à ce coin de vieille terre normande où vit le noble petit peuple de la mer



Vingt mille lieues sous les mers

l'existence des Krakens des serpents de mer



Poésies complètes

Sur la mer idéale où l'ouragan se ferle. Plus jamais ne résonne à travers le silence ... Triste comme un son mort close comme un vieux livre



Évangéline BeQ

envahissements de la mer tandis que des écluses pratiquées d'endroits en endroits



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Le fleuve pousse à la mer. L'épaisse couche de glace. D'un long hiver engourdi. Tel



Maria Chapdelaine

profondes que le profil d'une houle de mer haute. Maria Chapdelaine ajusta sa pelisse autour d'elle cacha ses mains sous la grande robe de.



Le dernier jour dun condamné

Oui il y a eu un sursis de six mois accordé à de malheureux captifs

Victor Hugo

Les travailleurs de la merLes travailleurs de la mer BeQ

Victor Hugo

1802-1885

Les travailleurs de la mer

roman

La Bibliothèque électronique du Québec

Collection À tous les vents

Volume 80 : version 1.01

2 Les travailleurs de la mer a été publié en

1866, pour la première fois. Cette édition, en un

seul volume, reprend le texte de l'édition originale, en trois volumes, publiée à Paris, par la

Librairie Internationale, A. Lacroix,

Verboeckhoven et Cie, éditeurs.

3

Je dédie ce livre au rocher

d'hospitalité et de liberté, à ce coin de vieille terre normande où vit le noble petit peuple de la mer, à l'île de Guernesey, sévère et douce, mon asile actuel, mon tombeau probable. V.H. 4 La religion, la société, la nature, telles sont les trois luttes de l'homme. Ces trois luttes sont en même temps ses trois besoins ; il faut qu'il croie, de là le temple ; il faut qu'il crée, de là la cité ; il faut qu'il vive, de là la charrue et le navire. Mais ces trois solutions contiennent trois guerres. La mystérieuse difficulté de la vie sort de toutes les trois. L'homme a affaire à l'obstacle sous la forme superstition, sous la forme préjugé, et sous la forme élément. Un triple ananké1 pèse sur nous, l'ananké des dogmes, l'ananké des lois, l'ananké des choses. Dans Notre-Dame de Paris, l'auteur a dénoncé le premier ; dans les Misérables, il a signalé le second ; dans ce livre, il indique le troisième. À ces trois fatalités qui enveloppent l'homme se mêle la fatalité intérieure, l'ananké suprême, le coeur humain.

Hauteville House, mars 1866.

1 Fatalité.

5

Première partie

Sieur Clubin

6

Livre premier

De quoi se compose une

mauvaise réputation 7 I

Un mot écrit sur une page blanche

La Christmas de 182... fut remarquable à

Guernesey. Il neigea ce jour-là. Dans les îles de la Manche, un hiver où il gèle à glace est mémorable, et la neige fait évènement.

Le matin de cette Christmas, la route qui longe

la mer de Saint-Pierre-Port au valle était toute blanche. Il avait neigé depuis minuit jusqu'à l'aube. Vers neuf heures, peu après le lever du soleil, comme ce n'était pas encore le moment pour les anglicans d'aller à l'église de Saint- Sampson et pour les wesleyens d'aller à la chapelle Eldad, le chemin était à peu près désert.

Dans tout le tronçon de route qui sépare la

première tour de la seconde tour, il n'y avait que trois passants, un enfant, un homme et une femme. Ces trois passants, marchant à distance les uns des autres, n'avaient visiblement aucun 8 lien entre eux. L'enfant, d'une huitaine d'années, s'était arrêté, et regardait la neige avec curiosité. L'homme venait derrière la femme, à une centaine de pas d'intervalle. Il allait comme elle du côté de Saint-Sampson. L'homme, jeune encore, semblait quelque chose comme un ouvrier ou un matelot. Il avait ses habits de tous les jours, une vareuse de gros drap brun, et un pantalon à jambières goudronnées, ce qui paraissait indiquer qu'en dépit de la fête il n'irait à aucune chapelle. Ses épais souliers de cuir brut, aux semelles garnies de gros clous, laissaient sur la neige une empreinte plus ressemblante à une serrure de prison qu'à un pied d'homme. La passante, elle, avait évidemment déjà sa toilette d'église ; elle portait une large mante ouatée de soie noire à faille, sous laquelle elle était fort coquettement ajustée d'une robe de popeline d'Irlande à bandes alternées blanches et roses, et, si elle n'eût eu des bas rouges, on eût pu la prendre pour une Parisienne. Elle allait devant elle avec une vivacité libre et légère, et, à cette marche qui n'a encore rien porté de la vie, on devinait une jeune fille. Elle avait cette grâce 9 fugitive de l'allure qui marque la plus délicate des transitions, l'adolescence, les deux crépuscules mêlés, le commencement d'une femme dans la fin d'un enfant. L'homme ne la remarquait pas.

Tout à coup, près d'un bouquet de chênes

verts qui est à l'angle d'un courtil, au lieu dit les

Basses-Maisons, elle se retourna, et ce

mouvement fit que l'homme la regarda. Elle s'arrêta, parut le considérer un moment, puis se baissa, et l'homme crut voir qu'elle écrivait avec son doigt quelque chose sur la neige. Elle se redressa, se remit en marche, doubla le pas, se retourna encore, cette fois en riant, et disparut à gauche du chemin, dans le sentier bordé de haies qui mène au château de Lierre. L'homme, quand elle se retourna pour la seconde fois, reconnut

Déruchette, une ravissante fille du pays.

Il n'éprouva aucun besoin de se hâter, et,

quelques instants après, il se trouva près du bouquet de chênes à l'angle du courtil. Il ne songeait déjà plus à la passante disparue, et il est probable que si, en cette minute-là, quelque marsouin eût sauté dans la mer ou quelque rouge- 10 gorge dans les buissons, cet homme eût passé son chemin, l'oeil fixé sur le rouge-gorge ou le marsouin. Le hasard fit qu'il avait les paupières baissées, son regard tomba machinalement sur l'endroit où la jeune fille s'était arrêtée. Deux petits pieds s'y étaient imprimés, et à côté il lut ce mot tracé par elle dans la neige : Gilliatt.

Ce mot était son nom.

Il s'appelait Gilliatt.

Il resta longtemps immobile, regardant ce nom, ces petits pieds, cette neige, puis continua sa route, pensif. 11 II

Le Bû de la Rue

Gilliatt habitait la paroisse de Saint-Sampson.

Il n'y était pas aimé. Il y avait des raisons pour cela. D'abord il avait pour logis une maison " visionnée ». Il arrive quelquefois, à Jersey ou à Guernesey, qu'à la campagne, à la ville même, passant dans quelque coin désert ou dans une rue pleine d'habitants, vous rencontrez une maison dont l'entrée est barricadée ; le houx obstrue la porte ; on ne sait quels hideux emplâtres de planches clouées bouchent les fenêtres du rez-de- chaussée ; les fenêtres des étages supérieurs sont à la fois fermées et ouvertes, tous les châssis sont verrouillés, mais tous les carreaux sont cassés.

S'il y a un beyle, une cour, l'herbe y pousse, le

parapet d'enceinte s'écroule ; s'il y a un jardin, il est ortie, ronce et ciguë ; et l'on peut y épier les 12 insectes rares. Les cheminées se crevassent, le toit s'effondre ; ce qu'on voit du dedans des chambres est démantelé ; le bois est pourri, la pierre est moisie. Il y a aux murs du papier qui se décolle. Vous pouvez y étudier les vieilles modes du papier peint, les griffons de l'Empire, les draperies en croissant du Directoire, les balustres et les cippes de Louis XVI. L'épaississement des toiles pleines de mouches indique la paix profonde des araignées. Quelquefois on aperçoit un pot cassé sur une planche. C'est là une maison " visionnée ». Le diable y vient la nuit.

La maison comme l'homme peut devenir

cadavre. Il suffit qu'une superstition la tue. Alors elle est terrible. Ces maisons mortes ne sont point rares dans les îles de la Manche.

Les populations campagnardes et maritimes ne

sont pas tranquilles à l'endroit du diable. Celles de la Manche, archipel anglais et littoral français, ont sur lui des notions très précises. Le diable a des envoyés par toute la terre. Il est certain que Belphégor est ambassadeur de l'enfer en France,

Hutgin en Italie, Bélial en Turquie, Thamuz en

Espagne, Martinet en Suisse, et Mammon en

13

Angleterre. Satan est un empereur comme un

autre. Satan César. Sa maison est très bien montée ; Dagon est grand panetier ; Succor Bénoth est chef des eunuques ; Asmodée, banquier des jeux ; Kobal, directeur du théâtre, et Verdelet, grand maître des cérémonies ; Nybbas est bouffon. Wiérus, homme savant, bon strygologue et déménographe bien renseigné, appelle Nybbas " le grand parodiste ».

Les pêcheurs normands de la Manche ont bien

des précautions à prendre quand ils sont en mer, à cause des illusions que le diable fait. On a longtemps cru que saint Maclou habitait le gros rocher carré Ortach, qui est au large entre

Aurigny et les Casquets, et beaucoup de vieux

matelots d'autrefois affirmaient l'y avoir très souvent vu de loin, assis et lisant dans un livre.

Aussi les marins de passage faisaient-ils force

génuflexions devant le rocher Ortach jusqu'au jour où la fable s'est dissipée et a fait place à la vérité. On a découvert et l'on sait aujourd'hui que ce qui habite le rocher Ortach, ce n'est pas un saint, mais un diable. Ce diable, un nommé

Jochmus, avait eu la malice de se faire passer

14 pendant plusieurs siècles pour saint Maclou. Au reste l'église elle-même tombe dans ces méprises. Les diables Raguhel, Oribel et Tobiel ont été saints jusqu'en 745 où le pape Zacharie, les ayant flairés, les mit dehors. Pour faire de ces expulsions, qui sont certes très utiles, il faut beaucoup se connaître en diables.

Les anciens du pays racontent, mais ces faits-

là appartiennent au passé, que la population catholique de l'archipel normand a été autrefois, bien malgré elle, plus en communication encore avec le démon que la population huguenote.

Pourquoi ? Nous l'ignorons. Ce qui est certain,

c'est que cette minorité fut jadis fort ennuyée par le diable. Il avait pris les catholiques en affection, et cherchait à les fréquenter, ce qui donnerait à croire que le diable est plutôt catholique que protestant. Une de ses plus insupportables familiarités, c'était de faire des visites nocturnes aux lits conjugaux catholiques, au moment où le mari était endormi tout à fait, et la femme à moitié. De là des méprises. Patouillet pensait que Voltaire était né de cette façon. Cela n'a rien d'invraisemblable. Ce cas du reste est 15 parfaitement connu et décrit dans les formulaires d'exorcismes, sous la rubrique : De erroribus nocturnis et de semine diabolorum. Il a particulièrement sévi à Saint-Hélier vers la fin du siècle dernier, probablement en punition des crimes de la révolution. Les conséquences des excès révolutionnaires sont incalculables. Quoi qu'il en soit, cette survenue possible du démon, la nuit, quand on n'y voit pas clair, quand on dort, embarrassait beaucoup de femmes orthodoxes. Donner naissance à un Voltaire n'a rien d'agréable. Une d'elles, inquiète, consulta son confesseur sur le moyen d'éclaircir à temps ce quiproquo. Le confesseur répondit : - Pour vous assurer si vous avez affaire au diable ou à votre mari, tâtez le front ; si vous trouvez des cornes, vous serez sûre... - De quoi ? demanda la femme. La maison qu'habitait Gilliatt avait été visionnée et ne l'était plus. Elle n'en était que plus suspecte. Personne n'ignore que, lorsqu'un sorcier s'installe dans un logis hanté, le diable juge le logis suffisamment tenu, et fait au sorcier la politesse de n'y plus venir, à moins d'être appelé, comme le médecin. 16

Cette maison se nommait le Bû de la Rue. Elle

était située à la pointe d'une langue de terre ou plutôt de rocher qui faisait un petit mouillage à part dans la crique de Houmet-Paradis. Il y a là une eau profonde. Cette maison était toute seule sur cette pointe presque hors de l'île, avec juste assez de terre pour un petit jardin. Les hautes marées noyaient quelquefois le jardin. Entre le port de Saint-Sampson et la crique de Houmet-

Paradis, il y a la grosse colline que surmonte ce

bloc de tours et de lierre appelé le château du

Valle ou de l'Archange, en sorte que de Saint-

Sampson on ne voyait pas le Bû de la Rue.

Rien n'est moins rare qu'un sorcier à Guernesey. Ils exercent leur profession dans certaines paroisses, et le dix-neuvième siècle n'y fait rien. Ils ont des pratiques véritablement criminelles. Ils font bouillir de l'or. Ils cueillent des herbes à minuit. Ils regardent de travers les bestiaux des gens. On les consulte ; ils se font apporter dans des bouteilles de " l'eau des malades », et on les entend dire à demi-voix : l'eau paraît bien triste. l'un d'eux un jour, en mars 1857, a constaté dans " l'eau » d'un malade 17 sept diables. Ils sont redoutés et redoutables. Un d'eux a récemment ensorcelé un boulanger " ainsi que son four ». Un autre a la scélératesse de cacheter et sceller avec le plus grand soin des enveloppes " où il n'y a rien dedans ». Un autre va jusqu'à avoir dans sa maison sur une planche trois bouteilles étiquetées B. Ces faits monstrueux sont constatés. Quelques sorciers sont complaisants, et, pour deux ou trois guinées, prennent vos maladies. Alors ils se roulent sur leur lit en poussant des cris. Pendant qu'ils se tordent, vous dites : Tiens, je n'ai plus rien.

D'autres vous guérissent de tous les maux en

vous nouant un mouchoir autour du corps. Moyen si simple qu'on s'étonne que personne ne s'en soit encore avisé. Au siècle dernier la cour royale de Guernesey les mettait sur un tas de fagots, et les brûlait vifs. De nos jours elle les condamne à huit semaines de prison, quatre semaines au pain et à l'eau, et quatre semaines au secret, alternant.

Amant alterna catenae.

Le dernier brûlement de sorciers à Guernesey a eu lieu en 1747. La ville avait utilisé pour cela une de ses places, le carrefour du Bordage. Le 18 carrefour du Bordage a vu brûler onze sorciers, de 1565 à 1700. En général ces coupables avouaient. On les aidait à l'aveu au moyen de la torture. Le carrefour du Bordage a rendu d'autres services encore à la société et à la religion. On y a brûlé les hérétiques. Sous Marie Tudor, on y brûla, entre autres huguenots, une mère et ses deux filles ; cette mère s'appelait Perrotine Massy. Une des filles était grosse. Elle accoucha dans la braise du bûcher. La chronique dit : " Son ventre éclata. » Il sortit de ce ventre un enfant vivant ; le nouveau-né roula hors de la fournaise ; un nommé House le ramassa. Le bailli Hélier Gosselin, bon catholique, fit rejeter l'enfant dans le feu. 19 III

Pour ta femme, quand tu te marieras

Revenons à Gilliatt.

On contait dans le pays qu'une femme, qui

avait avec elle un petit enfant, était venue vers la fin de la révolution habiter Guernesey. Elle était anglaise, à moins qu'elle ne fût française. Elle avait un nom quelconque dont la prononciation guernesiaise et l'orthographe paysanne avaient fait Gilliatt. Elle vivait seule avec cet enfant qui était pour elle, selon les uns un neveu, selon les autres un fils, selon les autres un petit-fils, selon les autres rien du tout. Elle avait un peu d'argent, de quoi vivre pauvrement. Elle avait acheté une pièce de pré à la Sergentée, et une jaonnière à la

Roque-Crespel, près de Rocquaine. La maison du

Bû de la Rue était, à cette époque, visionnée.

Depuis plus de trente ans, on ne l'habitait plus.

Elle tombait en ruine. Le jardin, trop visité par la 20 mer, ne pouvait rien produire. Outre les bruits nocturnes et les lueurs, cette maison avait cela de particulièrement effrayant que si on y laissait le soir sur la cheminée une pelote de laine, des aiguilles et une pleine assiette de soupe, on trouvait le lendemain matin la soupe mangée, l'assiette vide, et une paire de mitaines tricotée. On offrait cette masure à vendre avec le démon qui était dedans pour quelques livres sterling. Cette femme l'acheta, évidemment tentée par le diable. Ou par le bon marché.

Elle fit plus que l'acheter, elle s'y logea, elle

et son enfant ; et à partir de ce moment la maison s'apaisa. Cette maison a ce qu'elle veut, dirent les gens du pays. Le visionnement cessa. On n'y entendit plus de cris au point du jour. Il n'y eut plus d'autre lumière que le suif allumé le soir par la bonne femme. Chandelle de sorcière vaut torche du diable. Cette explication satisfit le public.

Cette femme tirait parti des quelques vergées

de terre qu'elle avait. Elle avait une bonne vache à beurre jaune. Elle récoltait des mouzettes blanches, des caboches et des pommes de terre 21

Golden Drops. Elle vendait, tout comme une

autre, " des panais par le tonneau, des oignons par le cent, et des fèves par le dénerel ». Elle n'allait pas au marché, mais faisait vendre sa récolte par Guilbert Falliot, aux Abreuveurs

Saint-Sampson. Le registre de Falliot constate

qu'il vendit pour elle une fois jusqu'à douze boisseaux de patates dites trois mois, des plus temprunes. La maison avait été chétivement réparée, assez pour y vivre. Il ne pleuvait dans les chambres que par les très gros temps. Elle se composait d'un rez-de-chaussée et d'un grenier. Le rez-de- chaussée était partagé en trois salles, deux où l'on couchait, une où l'on mangeait. On montait au grenier par une échelle. La femme faisait la cuisine et montrait à lire à l'enfant. Elle n'allait point aux églises ; ce qui fit que, tout bien considéré, on la déclara française. N'aller " à aucune place », c'est grave.

En somme, c'étaient des gens que rien ne

prouvait. Française, il est probable qu'elle l'était. Les 22
volcans lancent des pierres et les révolutions des hommes. Des familles sont ainsi envoyées à de grandes distances, des destinées sont dépaysées, des groupes sont dispersés et s'émiettent, des gens tombent des nues, ceux-ci en Allemagne, ceux-là en Angleterre, ceux-là en Amérique. Ils étonnent les naturels du pays. D'où viennent ces inconnus ? C'est ce Vésuve qui fume là-bas qui les a expectorés. On donne des noms à ces aérolithes, à ces individus expulsés et perdus, à ces éliminés du sort ; on les appelle émigrés, réfugiés, aventuriers. S'ils restent, on les tolère ; s'ils s'en vont, on est content. Quelquefois ce sont des êtres absolument inoffensifs, étrangers, les femmes du moins, aux évènements qui les ont chassés, n'ayant ni haine ni colère, projectiles sans le vouloir, très étonnés. Ils reprennent racine comme ils peuvent. Ils ne faisaient rien à personne et ne comprennent pas ce qui leur est arrivé. J'ai vu une pauvre touffe d'herbe lancée

éperdument en l'air par une explosion de mine.

La révolution française, plus que toute autre explosion, a eu de ces jets lointains.

La femme qu'à Guernesey on appelait la

23
Gilliatt était peut-être cette touffe d'herbe-là.

La femme vieillit, l'enfant grandit. Ils vivaient

seuls, et évités. Ils se suffisaient. Louve et louveteau se pourlèchent. Ceci est encore une des formules que leur appliqua la bienveillance environnante. L'enfant devint un adolescent, l'adolescent devint un homme, et alors, les vieilles écorces de la vie devant toujours tomber, la mère mourut. Elle lui laissa le pré de la Sergentée, la jaonnière de la Roque-Crespel, la maison du Bû de la Rue, plus, dit l'inventaire officiel, " cent guinées d'or dans le pid d'une cauche », c'est-à-dire dans le pied d'un bas. La maison était suffisamment meublée de deux coffres de chêne, de deux lits, de six chaises, et d'une table avec ce qu'il faut d'ustensiles. Sur une planche il y avait quelques livres, et, dans un coin, une malle pas du tout mystérieuse qui dut être ouverte pour l'inventaire. Cette malle était en cuir fauve à arabesques de clous de cuivre et d'étoiles d'étain, et contenait un trousseau de femme neuf et complet en belle toile de fil de

Dunkerque, chemises et jupes, plus des robes de

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