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  • Quelle est la raison de la guerre ?

    Le contrôle du territoire. L'expansion territoriale est l'un des buts les plus traditionnels de guerre. Elle a généralement pour ambition le contrôle de l'environnement immédiat, par volonté de puissance ou peur de l'agression.
  • Quel est le but de la guerre ?

    La guerre est un phénomène protéiforme. Elle peut être une guerre de conquête (ou défensive pour le territoire agressé) qui a pour but d'agrandir son territoire ou de piller le territoire ennemi. Il s'agit de la forme la plus ancienne de la guerre. Elle n'a pas pour but la destruction de la partie adverse.
  • Est-ce que la guerre est la bonne solution pour résoudre les problèmes ?

    La guerre n'est pas un problème, c'est une solution.
    Comme toutes les solutions défensives, comme tous les mécanismes de défense, elle s'avère après coup peu économique que ce soit sur le plan social ou intrapsychique, et si peu efficace qu'elle doit en permanence être réutilisée, réinventée.
  • Gérer des conflits

    1Eduquer à la prévention des conflits.2Elaborer une culture de la tolérance et de la négociation pour gérer des conflits.3Etablir des concertations multilatérales pour préserver la paix.4Favoriser le rapprochement entre militaires et civils.5Mener des négociations préventives.

Séquence I. Textes complémentaires.

Corpus sur la guerre :

Texte 1: La Bruyère, extrait de " Des Jugements », Les Caractères, XII, 1688

[...] J'entends corner sans cesse à mes oreilles : L 'homme est un animal raisonnable ; qui vous a

passé cette définition ? sont-ce les loups, les singes et les lions, ou si vous vous l'êtes accordée à vous-mêmes

? C'est déjà une chose plaisante que vous donniez aux animaux, vos confrères, ce qu'il y a de pire, pour

prendre pour vous ce qu'il y a de meilleur, laissez-les un peu se définir eux-mêmes, et vous verrez comme ils

s'oublieront, et comme vous serez traités.

Je ne parle point, ô hommes, de vos légèretés, de vos folies et de vos caprices qui vous mettent au-

dessous de la taupe et de la tortue, qui vont sagement leur petit train, et qui suivent, sans varier, l'instinct de

la nature ; mais écoutez-moi un moment. Vous dites d'un tiercelet de faucon qui est fort léger, et qui fait une

belle descente sur la perdrix : "Voilà un bon oiseau» ; et d'un lévrier qui prend un lièvre corps à corps : "C'est

un bon lévrier». Je consens aussi que vous disiez d'un homme qui court le sanglier, qui le met aux abois, qui

l'atteint et qui le perce : "Voilà un brave homme.» Mais si vous voyez deux chiens qui s'aboient, qui

s'affrontent, qui se mordent et se déchirent, vous dites "Voilà de sots animaux», et vous prenez un bâton pour

les séparer.

Que si l'on vous disait que tous les chats d'un grand pays se sont assemblés par milliers dans une

plaine, et qu'après avoir miaulé tout leur soûl, ils se sont jetés avec fureur les uns sur les autres, et ont joué

ensemble de la dent et de la griffe ; que de cette mêlée il est demeuré de part et d'autre neuf à dix mille chats

sur la place, qui ont infecté l'air à dix lieues de là par leur puanteur, ne diriez-vous pas : " Voilà le plus

abominable sabbat dont on ait jamais ouï parler ?» Et si les loups en faisaient de même : " Quels hurlements,

quelle boucherie ! » Et si les uns ou les autres vous disaient qu'ils aiment la gloire, concluriez-vous de ce

discours qu'ils la mettent à se trouver à ce beau rendez-vous à détruire ainsi, et à anéantir leur propre espèce ;

ou près l'avoir conclu ne ririez-vous pas de tout votre coeur de l'ingénuité de ces pauvres bêtes ?

Vous avez déjà, en animaux raisonnables, et pour vous distinguer de ceux qui ne se servent que de

leurs dents et de leurs ongles ; imaginé les lances ; les piques, les dards, les sabres et les cimeterres, et à mon

gré fort judicieusement ; car avec vos seules mains que pouviez-vous vous faire les uns aux autres, que vous

arracher les cheveux, vous égratigner au visage, ou tout au plus vous arracher les yeux de la tête ? au lieu que

vous voilà munis d'instruments commodes, qui vous servent à vous faire réciproquement de larges plaies,

d'où peut couler votre sang jusqu'à la dernière goutte, sans que vous puissiez craindre d'en échapper. Mais,

comme vous devenez d'année à autre plus raisonnables, vous avez bien enchéri sur cette vieille manière de

vous exterminer : vous avez de petits globes qui vous tuent tout d'un coup, s'ils peuvent seulement vous

atteindre à la tête ou à la poitrine ; vous en avez d'autres plus pesants et plus massifs, qui vous coupent en

deux parts ou qui vous éventrent, sans compter ceux qui, tombant sur vos toits, enfoncent les planchers, vont

du grenier à la cave, en enlevant les voûtes, et font sauter en l'air, avec vos femmes, l'enfant et la nourrice ; et

c'est là encore où gît la gloire ; elle aime le remue-ménage, et elle est personne d'un grand fracas.[...]

Texte 2 : Voltaire, Candide, chapitre 3

COMMENT CANDIDE SE SAUVA D'ENTRE LES BULGARES, ET CE QU'IL DEVINT

Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les

hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons

renversèrent d'abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur

des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison

suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille

âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie

héroïque.

Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum chacun dans son camp, il prit le parti d'aller

raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna

d'abord un village voisin ; il était en cendres : c'était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les

lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient

leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de

quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d'autres, à demi brûlées, criaient qu'on achevât de leur donner

la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.

Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares

l'avaient traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines,

arriva enfin hors du théâtre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac, et n'oubliant

jamais Mlle Cunégonde.5 10 15 20 25
30
5 10 15 Texte 3 : Maupassant, " la guerre », chronique parue dans Gil Blas, 1883

Un artiste habile en cette partie, un massacreur de génie, M. de Moltke, a répondu, voici deux ans,

aux délégués de la paix, les étranges paroles que voici : " La guerre est sainte, d'institution divine ; c'est une

des lois sacrées du monde ; elle entretient chez les hommes tous les grands, les nobles sentiments, l'honneur,

le désintéressement, la vertu, le courage, et les empêche en un mot de tomber dans le plus hideux

matérialisme ! ».

Ainsi, se réunir en troupeaux de quatre cent mille hommes, marcher jour et nuit sans repos, ne penser

à rien, ne rien étudier, ne rien apprendre, ne rien lire, n'être utile à personne, pourrir de saleté, coucher dans la

fange, vivre comme les brutes dans un hébétement continu, piller les villes, brûler les villages, ruiner les

peuples, puis rencontrer une autre agglomération de viande humaine, se ruer dessus, faire des lacs de sang,

des plaines de chair pilée mêlée à la terre boueuse et rougie, des monceaux de cadavres, avoir les bras ou les

jambes emportés, la cervelle écrabouillée sans profit pour personne, et crever au coin d'un champ tandis que

vos vieux parents, votre femme et vos enfants meurent de faim ; voilà ce qu'on appelle ne pas tomber dans le

plus hideux matérialisme ! Les hommes de guerre sont les fléaux du monde. Nous luttons contre la nature, contre l'ignorance, contre les obstacles de toute sorte, pour rendre moins dure notre misérable vie. Des hommes, des

bienfaiteurs, des savants usent leur existence à travailler, à chercher ce qui peut aider, ce qui peut secourir, ce

qui peut soulager leurs frères. Ils vont, acharnés à leur besogne utile, entassant les découvertes, agrandissant

l'esprit humain, élargissant la science, donnant chaque jour à l'intelligence une somme de savoir nouveau,

donnant chaque jour à leur patrie du bien-être, de l'aisance, de la force.

La guerre arrive. En six mois, les généraux ont détruit vingt ans d'efforts, de patience, de travail et de

génie. Voilà ce qu'on appelle ne pas tomber dans le plus hideux matérialisme.

Nous l'avons vue, la guerre. Nous avons vu les hommes redevenus des brutes, affolés, tuer par plaisir, par

terreur, par bravade, par ostentation. Alors que le droit n'existe plus, que la loi est morte, que toute notion du

juste disparaît, nous avons vu fusiller des innocents trouvés sur une route et devenus suspects parce qu'ils

avaient peur. Nous avons vu tuer des chiens enchaînés devant la porte de leurs maîtres pour essayer des

revolvers neufs, nous avons vu mitrailler par plaisir des vaches couchées dans un champ, sans aucune raison,

pour tirer des coups de fusils, histoire de rire. Voilà ce qu'on appelle ne pas tomber dans le plus hideux

matérialisme. 5 10 15 20 25

L'utopie : L'Age d'or

Virgile , Géorgiques, entre 36 et 29 avant JC, Livre I, vv. 125 - 159.

Avant Jupiter, personne ne cultivait les champs. Il n'était pas même permis de partager ni de limiter

le sol. On recueillait en commun, et, sans être forcée, la terre prodiguait librement tout d'elle-même.

Ce fut Jupiter qui arma les noirs serpents de leur pernicieux venin, qui donna au loup l'instinct de la

rapine, souleva les mers, dépouilla de leur miel les feuilles des arbres, nous déroba le feu, et arrêta

les ruisseaux de vin qui couraient partout, afin que le génie de l'homme inventât peu à peu tous les

arts, tirât l'épi du sillon, et fît jaillir l'étincelle des veines du caillou. Alors, pour la première fois, les

barques flottèrent sur les ondes ; le nocher1 compta les étoiles et distingua par leur nom les

Pléiades2, les Hyades2 et l'Ourse brillante3, fille de Lycaon4. Alors on apprit à tendre des pièges aux

bêtes sauvages, à tromper les oiseaux avec de la glu, et à cerner avec une meute les vastes forêts.

L'un jeta son épervier dans un large fleuve ; l'autre traîna dans la mer ses humides filets. Alors on

assouplit le fer et l'on entendit grincer la scie ; car on n'avait d'abord que des coins pour fendre le

bois. Alors naquirent les arts. Tout céda au travail opiniâtre et à la pressante nécessité.

Ce fut Cérès qui, la première apprit aux hommes à labourer la terre, lorsque les arbouses et les

glands commencèrent à leur manquer dans les bois sacrés, et que Dodone leur refusa les aliments.

Bientôt le blé eut ses fléaux. (...)

Si votre herse ne tourmente pas constamment la terre, si un bruyant épouvantail n'écarte pas les

oiseaux, si votre faux n'élague pas un épais feuillage, si enfin vous ne demandez pas la pluie au

ciel, c'est en vain hélas ! que vous contemplerez les riches moissons d'autrui ; vous serez réduit,

pour assouvir votre faim, à secouer les chênes des forêts.

1. Nocher (nm): Celui qui gouverne, qui conduit un vaisseau, une barque. Terme usité essentiellement en poésie.

2. Pléiades, Hyades (nf) : Jeunes soeurs changées en étoiles à leur mort. Aujourd'hui noms de constellations.

3. Ourse(nf) brillante : Nymphe changée en étoile par Héra, l'épouse de Zeus qui était jalouse de l'amour que portait son mari à la

jeune fille. Aujourd'hui nom d'une constellation, la Grande Ourse.

4. Lycaon (nm) : Roi d'Arcadie, dans la mythologie grecque.

5. Cérès(nf) : Déesse romaine de l'agriculture, des moissons, de la fécondité.

Ovide, Les Métamorphoses, aux alentours de l'an 8 ap. J-C Livre I, vv. 89-150.

Les quatre âges

L'âge d'or commença. Alors les hommes gardaient volontairement la justice et suivaient la vertu

sans effort. Ils ne connaissaient ni la crainte, ni les supplices ; des lois menaçantes n'étaient point

gravées sur des tables d'airain1 ; on ne voyait pas des coupables tremblants redouter les regards de

leurs juges, et la sûreté commune être l'ouvrage des magistrats. Les pins abattus sur les montagnes n'étaient pas encore descendus sur l'océan pour visiter des

plages inconnues. Les mortels ne connaissaient d'autres rivages que ceux qui les avaient vus naître.

Les cités n'étaient défendues ni par des fossés profonds ni par des remparts. On ignorait et la

trompette guerrière et l'airain courbé du clairon. On ne portait ni casque, ni épée; et ce n'étaient pas

les soldats et les armes qui assuraient le repos des nations.

La terre, sans être sollicitée par le fer, ouvrait son sein, et, fertile sans culture, produisait

tout d'elle-même. L'homme, satisfait des aliments que la nature lui offrait sans effort, cueillait les

fruits de l'arbousier et du cornouiller, la fraise des montagnes, la mûre sauvage qui croît sur la ronce

épineuse, et le gland qui tombait de l'arbre de Jupiter. C'était alors le règne d'un printemps éternel.

Les doux zéphyrs2, de leurs tièdes haleines, animaient les fleurs écloses sans semence. La terre, sans

le secours de la charrue, produisait d'elle-même d'abondantes moissons. Dans les campagnes

s'épanchaient des fontaines de lait, des fleuves de nectar ; et de l'écorce des chênes le miel distillait

en bienfaisante rosée.

Lorsque Jupiter eut précipité Saturne dans le sombre Tartare3, l'empire du monde lui appartint, et

alors commença l'âge d'argent, âge inférieur à celui qui l'avait précédé, mais préférable à l'âge

d'airain qui le suivit. Jupiter abrégea la durée de l'antique printemps; il en forma quatre saisons qui

partagèrent l'année : l'été, l'automne inégal, l'hiver, et le printemps actuellement si court. Alors, pour

la première fois, des chaleurs dévorantes embrasèrent les airs ; les vents formèrent la glace de l'onde

condensée. On chercha des abris. Les maisons ne furent d'abord que des antres4, des arbrisseaux 5 10 15 5 10 15 20

touffus et des cabanes de feuillages. Alors il fallut confier à de longs sillons les semences de Cérès;

alors les jeunes taureaux gémirent fatigués sous le joug.

Aux deux premiers âges succéda l'âge d'airain. Les hommes, devenus féroces, ne respiraient

que la guerre; mais ils ne furent point encore tout à fait corrompus. L'âge de fer fut le dernier. Tous

les crimes se répandirent avec lui sur la terre. La pudeur, la vérité, la bonne foi disparurent. À leur

place dominèrent l'artifice, la trahison, la violence, et la coupable soif de posséder. Le nautonier5

confia ses voiles à des vents qu'il ne connaissait pas encore; et les arbres, qui avaient vieilli sur les

montagnes, en descendirent pour flotter sur des mers ignorées. La terre, auparavant commune aux

hommes, ainsi que l'air et la lumière, fut partagée, et le laboureur défiant traça de longues limites

autour du champ qu'il cultivait. Les hommes ne se bornèrent point à demander à la terre ses

moissons et ses fruits, ils osèrent pénétrer dans son sein ; et les trésors qu'elle recelait, dans des

antres voisins du Tartare, vinrent aggraver tous leurs maux. Déjà sont dans leurs mains le fer,

instrument du crime, et l'or, plus pernicieux encore. La Discorde6 combat avec l'un et l'autre. Sa

main ensanglantée agite et fait retentir les armes homicides. Partout on vit de rapine7. L'hospitalité

n'offre plus un asile sacré.

Le beau-père redoute son gendre. L'union est rare entre les frères. L'époux menace les jours de sa

compagne; et celle-ci, les jours de son mari. Des marâtres cruelles mêlent et préparent d'horribles

poisons : le fils hâte les derniers jours de son père. La piété languit, méprisée; et Astrée [= la

Justice] quitte enfin cette terre souillée de sang, et que les dieux ont déjà abandonnée.

1. Airain (nm) : alliage de cuivre et d'étain.

2. Zéphyr (nm) : vent.

3. Tartare (nm): Terme de mythologie. Nom que les poètes donnent au lieu où les coupables sont tourmentés dans les enfers.

4. Antre (nm) : caverne, grotte naturelle et profonde.

5. Nautonier (nm) : celui qui conduit un navire.

6. Discorde(nf) : divinité malfaisante, fut chassée du ciel par Jupiter, car elle ne cessait de troubler et de brouiller entre eux les

habitants de l'Olympe. Descendue sur la terre, elle se fait un criminel plaisir de semer partout où elle passe les querelles et les

dissensions, dans les États, dans les familles, dans les ménages.

7. Rapine(nf) : vol, larçin.

Hésiode, Les Travaux et les Jours, VIIIe s. av. J.-C.

D'or fut la première race d'hommes périssables que créèrent les Immortels, habitants de l'Olympe.

C'était aux temps de Cronos, quand il régnait encore au ciel. Ils vivaient comme des dieux, le coeur

libre de soucis, à l'écart et à l'abri des peines et des misères : la vieillesse misérable sur eux ne

pesait pas ; mais, bras et jarrets toujours jeunes, ils s'égayaient dans les festins, loin de tous les

maux. Ils mouraient comme en s'abandonnant au sommeil. Tous les biens étaient à eux : le sol

fécond produisait de lui-même une abondante et généreuse récolte, et eux, dans la joie et la paix,

vivaient de leurs champs, au milieu de biens sans nombre. Depuis que le sol a recouvert ceux de

cette race, ils sont, par le vouloir de Zeus tout-puissant, les bons génies de la terre, gardiens des

mortels, dispensateurs de la richesse.

Genèse, II, 8-10

Yahvé Dieu planta un jardin en éden, à l'orient, et il y mit l'homme qu'il avait modelé. Yahvé Dieu

fit pousser du sol toute espèce d'arbres séduisants à voir et bons à manger, et l'arbre de Vie au

milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Un fleuve sortait d'éden pour arroser le jardin et de là il se divisait pour former quatre bras. 25
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L'utopie et les Lumières

Texte A - Voltaire. Candide ou l'Optimisme (1759). Chapitre XVIII. " Ce qu'ils virent en Eldorado. »

[...] Candide et Cacambo montent en carrosse ; les six moutons volaient, et en moins de quatre heures on

arriva au palais du roi, situé à un bout de la capitale. Le portail était de deux cent vingt pieds de haut, et de

cent de large ; il est impossible d'exprimer quelle en était la matière. On voit assez quelle supériorité

prodigieuse elle devait avoir sur ces cailloux et sur ce sable que nous nommons or et pierreries.

Vingt belles filles de la garde reçurent Candide et Cacambo à la descente du carrosse, les conduisirent aux

bains, les vêtirent de robes d'un tissu de duvet de colibri ; après quoi les grands officiers et les grandes

officières de la couronne les menèrent à l'appartement de sa majesté au milieu de deux files, chacune de

mille musiciens, selon l'usage ordinaire. Quand ils approchèrent de la salle du trône, Cacambo demanda à un

grand officier comment il fallait s'y prendre pour saluer sa majesté : si on se jetait à genoux ou ventre à

terre ; si on mettait les mains sur la tête ou sur le derrière ; si on léchait la poussière de la salle ; en un mot,

quelle était la cérémonie.

" L'usage, dit le grand-officier, est d'embrasser le roi et de le baiser des deux côtés. » Candide et Cacambo

sautèrent au cou de sa majesté, qui les reçut avec toute la grâce imaginable, et qui les pria poliment à souper.

En attendant, on leur fit voir la ville, les édifices publics élevés jusqu'aux nues, les marchés ornés de mille

colonnes, les fontaines d'eau pure, les fontaines d'eau rose, celles de liqueurs de cannes de sucre qui

coulaient continuellement dans de grandes places pavées d'une espèce de pierreries qui répandaient une

odeur semblable à celle du girofle et de la cannelle. Candide demanda à voir la cour de justice, le parlement ;

on lui dit qu'il n'y en avait point, et qu'on ne plaidait jamais. Il s'informa s'il y avait des prisons, et on lui dit

que non. Ce qui le surprit davantage, et qui lui fit le plus de plaisir, ce fut le palais des sciences, dans lequel il

vit une galerie de deux mille pas, toute pleine d'instruments de mathématiques et de physique.

Après avoir parcouru toute l'après-dînée à peu près la millième partie de la ville, on les ramena chez le roi.

Candide se mit à table entre Sa Majesté, son valet Cacambo et plusieurs dames. Jamais on ne fit meilleure

chère, et jamais on n'eut plus d'esprit à souper qu'en eut Sa Majesté. Cacambo expliquait les bons mots du roi

à Candide, et quoique traduits, ils paraissaient toujours des bons mots. De tout ce qui étonnait Candide, ce

n'était pas ce qui l'étonna le moins. Texte B - Montesquieu, Lettres persanes (1721), Lettre XII

Usbek à Mirza, à Ispahan

[...] Qui pourrait représenter ici le bonheur de ces Troglodytes ? Un peuple si juste devait être chéri des

dieux. Dès qu'il ouvrit les yeux pour les connaître, il apprit à les craindre ; et la religion vint adoucir dans les

moeurs ce que la nature y avait laissé de trop rude.

Ils instituèrent des fêtes en l'honneur des dieux. Les jeunes filles, ornées de fleurs, et les jeunes garçons, les

célébraient par leurs danses, et par les accords d'une musique champêtre ; on faisait ensuite des festins, où la

joie ne régnait pas moins que la frugalité. C'était dans ces assemblées que parlait la nature naïve, c'est là

qu'on apprenait à donner le coeur et à le recevoir ; c'est là que la pudeur virginale faisait en rougissant un

aveu surpris, mais bientôt confirmé par le consentement des pères ; et c'est là que les tendres mères se

plaisaient à prévoir par avance une union douce et fidèle.

On allait au temple pour demander les faveurs des dieux : ce n'était pas les richesses et une onéreuse

abondance ; de pareils souhaits étaient indignes des heureux Troglodytes ; ils ne savaient les désirer que pour

leurs compatriotes. Ils n'étaient au pied des autels que pour demander la santé de leurs pères, l'union de leurs

frères, la tendresse de leurs femmes, l'amour et l'obéissance de leurs enfants. Les filles y venaient apporter le

tendre sacrifice de leur coeur, et ne leur demandaient d'autre grâce que celle de pouvoir rendre un Troglodyte

heureux.

Le soir, lorsque les troupeaux quittaient les prairies, et que les boeufs fatigués avaient ramené la charrue, ils

s'assemblaient; et, dans un repas frugal, ils chantaient les injustices des premiers Troglodytes et leurs

malheurs, la vertu renaissante avec un nouveau peuple, et sa félicité: ils chantaient ensuite les grandeurs des

dieux, leurs faveurs toujours présentes aux hommes qui les implorent, et leur colère inévitable à ceux qui ne

les craignent pas; ils décrivaient ensuite les délices de la vie champêtre, et le bonheur d'une condition

toujours parée de l'innocence. Bientôt ils s'abandonnaient à un sommeil que les soins et les chagrins

n'interrompaient jamais.

La nature ne fournissait pas moins à leurs désirs qu'à leurs besoins. Dans ce pays heureux, la cupidité était

étrangère: ils se faisaient des présents, où celui qui donnait croyait toujours avoir l'avantage. Le peuple

troglodyte se regardait comme une seule famille ; les troupeaux étaient presque toujours confondus ; la seule

peine qu'on s'épargnait ordinairement, c'était de les partager. D'Erzeron, le 6 de la lune de Gemmadi 2, 1711.5

10 15 20 25
5 10 15 20 25
Texte C - Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, 1772

Puis s'adressant à Bougainville, il ajouta : " Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte promptement ton

vaisseau de notre rive : nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre

bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère. Ici tout

est à tous ; et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous

sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues.

Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ;

vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et

voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu, ni un démon : qui

es-tu donc, pour faire des esclaves ? 0rou ! toi qui entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous,

comme tu me l'as dit à moi-même, ce qu'ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est à nous.

Ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur

vos côtes, et qu'il gravât sur une de vos pierres ou sur l'écorce d'un de vos arbres : Ce pays est aux habitants

de Tahiti, qu'en penserais-tu ? Tu es le plus fort ! Et qu'est-ce que cela fait ? Lorsqu'on t'a enlevé une des

méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t'es récrié, tu t'es vengé ; et dans le même instant tu as

projeté au fond de ton coeur le vol de toute une contrée ! Tu n'es pas esclave : tu souffrirais plutôt la mort que

de l'être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ?

Celui dont tu veux t'emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère.

Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-

nous jetés sur ta personne ? Avons-nous pillé ton vaisseau ? T'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos

ennemis ? T'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre

image en toi. Laisse-nous nos moeurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne

voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est

nécessaire et bon, nous le possédons.

Texte D - Louis Sébastien Mercier, L'an deux mille quatre cent quarante, rêve s'il en fût jamais,

Chapitre VI, " Les chapeaux brodés », 1771

Après sept siècles de sommeil, l'auteur découvre, grâce à son guide, un monde de sagesse et de raison.

Les choses me paraissent un peu changées, dis-je à mon guide ; je vois que tout le monde est vêtu d'une

manière simple et modeste ; et depuis que nous marchons je n'ai pas encore rencontré sur mon chemin un

seul habit doré : je n'ai distingué ni galons, ni manchettes à dentelles. De mon temps un luxe puéril et

ruineux avait dérangé toutes les cervelles ; un corps sans âme était surchargé de dorure, et l'automate alors

ressemblait à un homme. - C'est justement ce qui nous a porté à mépriser cette ancienne livrée de l'orgueil.

Notre oeil ne s'arrête point à la surface. Lorsqu'un homme s'est fait connaître pour avoir excellé dans son art,

il n'a pas besoin d'un habit magnifique ni d'un riche ameublement pour faire passer son mérite ; il n'a besoin

ni d'admirateurs qui le prônent, ni de protecteurs qui l'étayent : ses actions parlent, et chaque citoyen

s'intéresse à demander pour lui la récompense qu'elles méritent. Ceux qui courent la même carrière que lui,

sont les premiers à solliciter en sa faveur. Chacun dresse un placet, où sont peints dans tout leur jour les

services qu'il a rendus à l'Etat.

Le Monarque ne manque point d'inviter à sa cour cet homme cher au peuple. Il converse avec lui pour

s'instruire ; car il ne pense pas que l'esprit de sagesse soit inné en lui. Il met à profit les leçons lumineuses de

celui qui a pris quelque grand objet pour but principal de ses méditations. Il lui fait présent d'un chapeau où

son nom est brodé ; et cette distinction vaut bien celles des rubans bleus, rouges et jaunes, qui chamarraient

jadis des hommes absolument inconnus à la patrie (a).

(a) Chez les anciens, la vanité des hommes consistait à tirer leur origine des Dieux, on faisait tous les efforts

pour être neveu de Neptune, petit-fils de Vénus, cousin-germain de Mars ; d'autres, plus modestes, se

contentaient de descendre d'un fleuve, d'une nymphe, d'une nayade. Nos fous modernes ont une

extravagance plus triste ; ils cherchent à descendre, non d'ayeux célèbres, mais bien anciennement obscurs.

Vous pensez bien qu'un nom infâme n'oserait se montrer devant un public dont le regard le démentirait.

Quiconque porte un de ces chapeaux honorables, peut passer partout ; en tout temps il a un libre accès au

pied du trône, et c'est une loi fondamentale. Ainsi, lorsqu'un prince ou un duc n'ont rien fait pour faire

broder leur nom, ils jouissent de leurs richesses ; mais ils n'ont aucune marque d'honneur ; on les voit passer

du même oeil que le citoyen obscur qui se mêle et se perd dans la foule (b).

(b) La vertu a un empire sur les êtres les plus farouches ; ils s'émeuvent aux grands traits qui caractérisent la

bienfaisance ; ils oublient leur dureté, ils s'attendrissent ; et leur hommage a quelque chose de plus touchant

alors que celui des coeurs les plus sensibles : c'est l'airain qui s'enflamme.

Il est des terres qu'il ne faut point fouiller, il est des vertus qu'il ne faut point trop creuser. Qu'importe que le

motif soit personnel quand l'effet est grand, illustre et s'étend sur toute la patrie.

Ces scrutateurs éternels des premières causes sont plus jaloux de rétrécir le cercle des vertus que de

reconnaître celles qui existent ; et plus prompts à vouloir justifier leur propre indolence qu'à se rendre utile

au public.5 10 15 20 25
5 10 15 20 25

L'esclavage au siècle des Lumières

Document 1 : MONTESQUIEU, De l'Esprit des Lois, 1748 " De l'esclavage des Nègres »

Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :

Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de

l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de terres. Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.

Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si écrasé, qu'il est

presque impossible de les plaindre.

On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une

âme bonne, dans un corps tout noir.

Il est si naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité, que les peuples

d'Asie, qui font des eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une manière plus marquée.

On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui chez les Égyptiens, les meilleurs

philosophes du monde, était d'une si grande conséquence, qu'ils faisaient mourir tous les hommes

roux qui leur tombaient entre les mains. Une preuve que les nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui chez des nations policées, est d'une si grande conséquence. Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes, parce que, si nous les

supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.

Des petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains : car, si elle était telle qu'ils le

disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions

inutiles, d'en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié.

Document 2 : VOLTAIRE, Candide, 1759

Le héros éponyme, son valet Cacambo et le philosophe Pangloss découvrent les horreurs du monde.

Arrivés en Amérique centrale, ils sont confrontés à la réalité de l'esclavage.

En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre1 étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de

son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche

et la main droite. " Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l'état

horrible où je te vois ? - J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le

nègre. - Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi ? - Oui, monsieur, dit le nègre,

c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous

travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous

voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix

que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur

la côte de Guinée, elle me disait : " Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te

feront vivre heureux, tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la

fortune de ton père et de ta mère. » Hélas ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas

fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous

enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous

sommes tous cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible.

- Ô Pangloss ! s'écria Candide, tu n'avais pas deviné cette abomination ; c'en est fait, il faudra qu'à

la fin je renonce à ton optimisme. - Qu'est-ce qu'optimisme ? disait Cacambo. - Hélas ! dit Candide, c'est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal. » Et il versait des larmes en regardant son nègre, et en pleurant il entra dans Surinam.

1Terme usuel au XVIIème siècle5

10 15 20 5 10 15 20 Document 3 : Diderot, Contribution à l'histoire des deux Indes de l'abbé Raynal, 1780 Hommes ou démons, qui que vous soyez, oserez-vous justifier les attentats contre ma liberté

naturelle par le droit du plus fort ? Quoi ! celui qui veut me rendre esclave n'est point coupable ? Il

use de ses droits ? Où sont-ils ces droits ? Qui leur a donné un caractère assez sacré pour faire taire

les miens ? Je tiens de la nature le droit de me défendre ; elle ne t'a donc pas donné celui de

m'attaquer. Si tu te crois autorisé à m'opprimer, parce que tu es plus fort et plus adroit que moi, ne te

plains donc pas quand mon bras vigoureux ouvrira ton sein pour y chercher ton coeur ; ne te plains

pas, lorsque, dans tes entrailles déchirées, tu sentiras la mort que j'y aurai fait passer avec tes

aliments. Je suis plus fort ou plus adroit que toi ; sois à ton tour victime ; expie maintenant le crime

d'avoir été oppresseur.

Mais, dit-on, dans toutes les régions ou dans tous les siècles, l'esclavage s'est plus ou moins

généralement établi. Je le veux : mais qu'importe ce que les autres peuples ont fait dans les autres âges ? Est-ce

aux usages du temps ou à sa conscience qu'il faut en appeler ? Est-ce l'intérêt, l'aveuglement, la

barbarie ou la raison et la justice qu'il faut écouter ? Si l'universalité d'une pratique en prouvait

l'innocence, l'apologie des usurpations, des conquêtes, de toutes les sortes d'oppressions serait achevée. Mais les anciens peuples se croyaient, dit-on, maîtres de la vie de leurs esclaves ; et nous, devenus humains, nous ne disposons plus que de leur liberté, de leur travail. Il est vrai. Tous les codes, sans exception, se sont armés pour la conservation de l'homme même qui languit dans la servitude. Ils ont voulu que son existence fût sous la protection du

magistrat, que les tribunaux seuls en pussent précipiter le terme. Mais cette loi, la plus sacrée des

institutions sociales, a-t-elle jamais eu quelque force ? L'Amérique n'est-elle pas peuplée de colons

atroces, qui usurpant insolemment les droits souverains, font expier par le fer ou la flamme les

infortunées victimes de leur avarice ? Je vous défie, vous, le défenseur ou le panégyriste de notre

humanité et de notre justice, je vous défie de me nommer un des assassins, un seul qui ait porté sa

tête sur un échafaud.

Supposons, je le veux bien, l'observation rigoureuse de ces règlements qui à votre gré honorent si

fort notre âge. L'esclave sera-t-il beaucoup moins à plaindre ? Eh quoi ! le maître qui dispose de

l'emploi de mes forces ne dispose-t-il pas de mes jours qui dépendent de l'usage volontaire et

modéré de mes facultés ? Qu'est-ce que l'existence pour celui qui n'en a pas la propriété ? On dirait

que les lois ne protègent l'esclave contre une mort prompte que pour laisser à ma cruauté le droit de

le faire mourir tous les jours. Dans la vérité, le droit d'esclavage est celui de commettre toutes sortes

de crimes.

Je hais, je fuis l'espèce humaine, composée de victimes et de bourreaux ; et si elle ne doit pas

devenir meilleure, puisse-t-elle s'anéantir ! Document 4 : CONDORCET, Réflexions sur l'esclavage des nègres, 1781

Mes amis, quoique je ne sois pas de la même couleur que vous, je vous ai toujours regardés comme

mes frères. La nature vous a formés pour avoir le même esprit, la même raison, les mêmes vertus

que les Blancs. Je ne parle que de ceux de l'Europe ; car, pour les Blancs des colonies, je ne vous

fais pas l'injure de les comparer avec vous ; je sais combien de fois votre fidélité, votre probité,

votre courage ont fait rougir vos maîtres. Si on allait chercher un homme dans les îles de

l'Amérique, ce ne serait point parmi les gens de chair blanche qu'on le trouverait... Votre suffrage

ne procure point de places dans les colonies ; votre protection ne fait point obtenir de pensions ;

vous n'avez pas de quoi soudoyer des avocats : Il n'est donc pas étonnant que vos maîtres trouvent

plus de gens qui se déshonorent en défendant leur cause, que vous n'en avez trouvé qui se soit

honorés en défendant la vôtre... Je sais que vous ne connaîtrez jamais cet ouvrage, et que la

douceur d'être béni par vous me sera toujours refusée. Mais j'aurai satisfait mon coeur déchiré par le

spectacle de vos maux, soulevé par l'insolence absurde des sophismes de vos tyrans. Je

n'emploierai point l'éloquence, mais la raison ; je parlerai non des intérêts de commerce, mais des

lois de la justice : Vos tyrans me reprocheront de ne dire que des choses communes, et de n'avoir

que des idées chimériques : " En effet, rien n'est plus commun que les maximes de l'humanité et de

la justice ; rien n'est plus chimérique que de proposer aux hommes d'y conformer leur conduite ».5

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