[PDF] Une cour à lépreuve de la conquête: la société curiale et Naples





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recueil des actes administratifs n°38-2020-037 publié le 12 mars

12 mars 2020 réglementant la pêche en eau douce dans le département de l'Isère pour l'année. 2020CARPESAUTORISATIONS TEMPORAIRES DE PÊCHE DE NUIT POUR.



RECUEIL DES ACTES ADMINISTRATIFS SPÉCIAL N°38-2020-028

2 mars 2020 PONT-ÉVÊQUE BLEU MARINE. 02. Conduite par : M. BERNIGAUD Bernard ... 15 M. GARZIA Julien. 16 Mme SERLIN Karine ... 15 M. DE SOUSA Alberto.



Nom_de_la_Commune_ou_SubdLibellé_de_la_liste Désignation

M. GARZIA Oreste. Clouange. CLOUANGE CONTINUONS BLEU MARINE. M. TERRAGNOLO Lucien. Forbach ... M. IGLESIAS Alberto. Saint-Privat-la-Montagne.



Bruguiere_Opera politique et droit

qui coupe une jambe en vous affirmant qu'elle nuit au développement de l'autre blanc-rouge



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qui coupe une jambe en vous affirmant qu'elle nuit au développement de l'autre blanc-rouge



Nom_de_la_Commune_ou_Subd. Libellé_de_la_liste Désignation

M. GARZIA Oreste. Clouange. CLOUANGE CONTINUONS BLEU MARINE. M. TERRAGNOLO Lucien. Forbach ... M. IGLESIAS Alberto. Saint-Privat-la-Montagne.



Une cour à lépreuve de la conquête: la société curiale et Naples

23 avr. 2015 1 Pour cocardia vêtement de drap bleu. ... Alberto. Torra Pérez et Beatriz Canellas Anoz



Untitled

Garzia 1985 :14) Saluant le rôle des jeunes ouvriers dans les s'accrochaient inflexiblement au lavoro operaio (au travail des « cols-bleus »). Selon.



Liste des exploitants en activités particulières au moyen daéronefs

ART DE NUIT PRODUCTIONS. SARL. GRÉGORY SCIE. 75014. PARIS. ED01074. DJI. Phantom 3 Pro ALBERTO DA COSTA ... BALLONS BLEU HORIZON. ERIC TRITZ.



Festival de Saintes

tard dans la nuit le bar vous accueille Gustav Mahler par Schönberg) par Benjamin Garzia - chef ... Les brumes d'automne errent bleues sur le lac ;.

Dlivre par lÓUniversit Paul Valry - Montpellier III et lÓUniversit‡ degli Studi di Napoli - Federico II Prpare au sein de lӍcole doctorale Langues, littratures, cultures, civilisations

(ED 58) et de lÓunit de recherche Centre dӍtudes médiévales de Montpellier (CEMM,

EA 4583)

Scuola di Dottorato in Scienze Storiche, archeologiche e storico- artistiche, corso di Dottorato in Storia, indirizzo Storia della società europea (XXVI ciclo)

Spécialité : Histoire médiévale

Présentée par Roxane Chilà

Soutenue le 29 novembre 2014 devant le jury composé de Mme Elisabeth CROUZET-PAVAN, Professeur ‡ lÓUniversit

Paris-Sorbonne

M. Roberto DELLE DONNE, Professore associato presso lÓUniversit‡ Degli Studi di Napoli Federico II M. Patrick GILLI, Professeur ‡ lÓUniversit Paul Valry -

Montpellier III Directeur

M. Denis MENJOT, Professeur ‡ lÓUniversit LumiŽre - Lyon II M. Jacques PAVIOT, Professeur ‡ lÓUniversit de Paris Est - Créteil - Val de Marne M. Francesco SENATORE, Professore associato presso lÓUniversit‡

Degli Studi di Napoli Federico

II

Directeur

Volume 1 : Texte

UNE COUR Ê LÔ'PREUVE DE LA CONQUåTE : LA

SOCIÉTÉ CURIALE ET NAPLES, CAPITALE

DÔALPHONSE LE MAGNANIME (1416-1458)

3

REMERCIEMENTS

Je nÓaurais pas pu ni su mener ce travail ‡ terme sans lÓaide prcieuse de mes

directeurs de recherche, les Professeurs Patrick Gilli et Francesco Senatore, ‡ lÓuniversit Paul

Valéry - Montpellier III et ‡ lÓUniversit‡ Degli Studi di Napoli - Federico II. Leurs

indications ont nourri cette thèse, qui doit aussi beaucoup à leur soutien sans faille dans les

péripéties administratives qui jalonnent le parcours dÓune doctorante. QuÓils trouvent ici et en

premier lieu lÓexpression de ma plus vive gratitude.

JÓai eu galement la chance de bnficier des dispositifs dÓinstitutions qui ont jou un

rôle crucial dans ma formation et la réalisation de cette thèse : lÓ'cole Normale Suprieure de

Lyon mÓa attribu un contrat doctoral effectu ‡ lÓUniversit Paul Valry-Montpellier III, où

jÓai intgr lӍquipe du Centre dÓ'tudes Mdivales de Montpellier (CEMM - EA 4583) et le

dpartement dÓhistoire. La chaleur de lÓaccueil dont jÓai bnfici ‡ Montpellier fait partie des

meilleures expriences associes ‡ ce travail. Le CEMM et lÓuniversit Paul Valry offrent

aux mdivistes dÓexcellentes conditions de travail, ‡ commencer par un soutien financier

LÓ'cole franOEaise de Rome, en mÓoctroyant trois mensualits de bourse, mÓa permis de

passer un temps précieux à tous points de vue ‡ Naples, ooe jÓai toujours pu bnficier des

bonnes conditions dÓhbergement de la foresteria du Centre Jean Bérard. Je tiens donc à

exprimer ici ma gratitude à cette institution, en particulier au directeur des études médiévales

Stéphane Gioanni. La gentillesse de Damiano Gaetano, de lÓArchivio di Stato de Naples, le cadre dÓune aide spcifique de la Casa de Vel†zquez, mon recrutement comme membre

scientifique de cette institution a représenté la chance décisive de réaliser ce travail en me

fondant ‡ parts gales sur les sources italiennes et ibriques. Sans doute ce projet nÓaurait pas

vu son terme si je nÓavais pas eu la rare opportunit de passer deux ans en Espagne. Il me faut

remercier particulièrement les directeurs successifs des études anciennes et médiévales,

Daniel Baloup et Laurent Callegarin pour leur bienveillance, leurs conseils et leurs encouragements, ainsi que Flora Lorente. LÓInstitució Mila i Fontanals (CISC) de Barcelone

mÓa rserv un accueil hors pair pendant mon sjour catalan : je tiens à remercier Pere Verdes

qui mÓa permis de bnficier dÓun espace de travail auprŽs des autres mdivistes, ainsi que

Roser Salicrú et Manuel Sanchez.

Depuis les prmices du projet de thŽse, jÓai reOEu de nombreux avis, conseils et

indications bibliographiques, assortis dÓencouragements qui mÓont aid ‡ affermir une

confiance souvent vacillante en ma capacité à le mener à terme ; jÓexprime ici toute ma

gratitude à Étienne Anheim, Alexandra Beauchamp, Stefano Cingolani, Teresa Gemma 4

Colesanti, Rita Costa Gomes, Antoni Furió, Thomas Granier, Amedeo Feniello, Armand Jamme, Denis Menjot, Joan Molina, María Narbona Cárceles, Germán Navarro Espinach, Marylin Nicoud, Stéphane Péquignot, Maria Elisa Soldani et Mélanie Traversier.

Que ce soit dans le cadre du laboratoire junior VilMA de lÓ'cole Normale Suprieure

de Lyon, cr ‡ lÓinitiative de Frdric Vitoux et David Sassu-Normand, ou de mes

pérégrinations dans les archives et les bibliothŽques, jÓai toujours pu compter sur lÓamiti et

lÓaide de jeunes docteurs et de doctorants dont la gnrosit a enrichi ‡ tous points de vue ce

travail : Guillermo Arquero, Joana Barreto, Florence Berland, Jean-Baptiste Delzant, Julia Conesa, Léonard Courbon, Germán Gamero Igea, Alejandro Martínez Giralt, Nicolas Pluchot, Clémence Revest, Sebastian Roebert, Enza Russo, David Sassu-Normand, Henri Simmoneau, et Esther Tello. Certains amis ont su jouer tous les rôles pendant ces dernières années, et

particulièrement Hélène Ménard, mon amphitryon montpelliérain. Elle a été, avec Amandine

Bance, Cyril Courrier, Camille Gerzaguet, Simon Godard, Thibaud Lanfranchi, Julien

Monerie et Cédric Quertier, de ces amis indispensables qui ont accompagn dÓun bout ‡

lÓautre le chemin de cette thŽse qui leur doit beaucoup. Mes parents et mes beaux-parents qui nÓont mnag ni leurs encouragements durant la

préparation de cette thèse, ni leurs batteries de casseroles pour nous offrir, à Olivier et moi,

des séjours reconstituants à Montceau-les-Mines et Sarreguemines. Ce travail est pour eux, bien que je doute fort quÓil devienne leur livre de chevet. Les mots me manquent pour remercier ici mon époux Olivier, qui a tout partagé de ces dernières années et de ce travail, magnanime. 5

INTRODUCTION

Óarc de Castelnuovo ‡ Naples est le monument par excellence associ ‡ Alphonse le Magnanime : on y voit, sur lÓentablement, le roi assis dans un char triomphal. Par cette commande, Alphonse V, roi dÓAragon, deuxième

représentant de la dynastie des Trastamare ayant succédé en 1412 à celle des comtes de

Barcelone, a fait graver dans le marbre le triomphe ‡ lÓantique quÓil a clbr dans les rues de

Naples en février 1443. Ce triomphe célébrait sa conquête du royaume de Naples, au terme de

presque vingt ans de guerre intermittente contre les prétendants angevins à la succession de la

reine Jeanne II. En passant sous lÓarc pour entrer dans la forteresse, le visiteur est mis en

position de rejouer cet événement emblématique du règne du " roi qui a fait la Renaissance à

Naples »

1 : il dfile entre une haie dÓhommes en armes. En effet, de part et dÓautre du passage,

des groupes de combattants en haut relief forment un public immobile. Leurs regards se

perdent au-dessus de la tête du visiteur, absorbés dans la contemplation séculaire du triomphe

dÓAlphonse le Magnanime. Prcd de musiciens ‡ cheval, de trompettes, le cortŽge est

magnifique : quatre chevaux tirent le char royal ooe figure lÓemblŽme favori du prince, le siège

prilleux. Le char est suivi dÓun cortŽge de personnages de haut rang ; on y distingue même

un ambassadeur ‡ la tenue orientale. Si le roi est le point focal de lÓarc sculpt, ce dernier

offre, à travers ces nombreuses figures, des motifs de contemplation sans fin. Les soldats sous

lÓarc sont particuliŽrement fascinants, car plus proches ; on peut admirer leurs cuirasses

ciseles, les visages juvniles ou marqus par lÓexprience. Une niche, situe tout au fond de

lÓespace sous lÓarc ooe se trouvent les soldats, abrite dÓautres personnages que le visiteur

distrait ne voit pas. É gauche, un ecclsiastique, prcd dÓun serviteur portant son chapeau

de cardinal ; ‡ droite, dÓautres clercs, dÓapparence modeste, dans une attitude recueillie. Des

ouvertures en trompe-lÓÍil pratiques au fond de la niche prsentent des visages - la foule, les

anonymes, des serviteurs peut-être - observant eux aussi le cortège. Comme le montre une observation attentive, lÓarc de Castelnuovo reprsente le triomphe du nouveau roi en convoquant tous ses acteurs. Il célèbre la victoire et les vertus dÓun prince en y associant ses soldats et ses serviteurs, et les hommes du roi sont dans une

1 E. DE ROSA, Alfonso I dÓAragona : il re che ha fatto il Rinascimento a Napoli, Naples, M. DÓAuria, 2007.

L 6

position ambivalente, à la fois acteurs et spectateurs. La dynamique des regards représentés et suscits par lÓarc place le roi au cÍur dÓune vocation de la cour en raccourci.

" Cour » est pourtant un terme que nous éviterons souvent dans ce travail, pour lui

prfrer ceux dÓh˜tel royal, ou de socit curiale. Le projet de cette thŽse est dÓétudier la cour

dÓAlphonse le Magnanime en portant une attention particuliŽre aux ralits institutionnelles,

sociales et spatiales de lÓentourage royal, en ngligeant volontairement la lgende dore du

" roi qui a fait la Renaissance à Naples », ainsi que la chronologie dÓun rŽgne souvent lu au

prisme de lÓacculturation russie du conqurant au vent nouveau humaniste, renouant avec la langue et exhumant les textes des Anciens

1. Les historiographes et thuriféraires du roi ont

construit leur propre légende en le mettant en scène en patron éclairé des studia humanitatis.

À cette image dorée est associé un revers plus sombre, avec le règne de son héritier Ferrante.

Ce fils illégitime et réputé cruel, héritier du trône italien, est en butte par deux fois à

lÓopposition des barons du Regno. Notre démarche prend ses distances avec le grand récit de la réussite culturelle dynastique pour chercher à reconstituer le fonctionnement de la cour du

sociologie varie dÓune institution dont on cherchera ‡ rendre prcisment compte des

volutions et de la complexit. LÓhistoire de lÓentourage du roi ne saurait se rsumer ‡ une

série de prestigieux latinistes et hellénistes. Nous nous appuyons bien entendu sur la

florissante historiographie de la Naples humaniste, mais en ne prétendant y contribuer que pour éclairer son contexte institutionnel et social. Nous ne renoncerons pas complètement au

terme de cour, mais en essayant dÓen faire un usage prcis (au sens financier comme cÓest le

cas dans les sources, le cas chant), afin dӍviter dÓimporter dans lÓItalie aragonaise du

milieu du XV e siècle des représentations anachroniques, issues notamment du très fameux

Livre du courtisan de Baldassare Castiglione.

UN RÈGNE À LÓÉPREUVE DE LA CONQUÊTE DU ROYAUME DE

NAPLES

La première couronne qui a paru promise à Alphonse le Magnanime est celle de Castille : à sa naissance en 1396 à Medina del Campo, son père Ferdinand de Trastamare est

1 La dernière annexe du volume 2 de ce travail présente sous forme de chronologie les événements essentiels à la

comprhension du rŽgne, ‡ partir de lÓaccession du pŽre dÓAlphonse au tr˜ne dÓAragon, jusquÓ‡ sa mort ‡ Naples

en juin 1458. 7 le premier successible au trône de son frère aîné, Henri III le Maladif

1. Sa mère, Léonor

dÓAlbuquerque, a apport dans la corbeille des noces le plus vaste domaine fodal de Castille.

CÓest en 1405, avec la naissance du futur Jean II, que la branche cadette des Trastamare voit

la perspective dÓun couronnement sӍloigner, bien que Ferdinand exerce la rgence en Castille

pour son neveu. En septembre 1410, la prise de la ville dÓAntequera ‡ lӍmirat nasride de

Grenade rend son nom fameux dans la chrétienté, alors que, quatre mois auparavant, le

dernier représentant de la dynastie de Barcelone est mort sans héritier en Aragon. Ferdinand de Trastamare, prtendant au tr˜ne aragonais par les femmes (il est lÓun des petits-fils de

Pierre IV le Crmonieux), aurol de la victoire dÓAntequera et soutenu par le prédicateur

valencien Vincent Ferrier, est choisi en juin 1412 par les représentants des composantes de la

couronne dÓAragon, runis ‡ Caspe, pour dcider lequel des prtendants avait le meilleur droit

au trône. Le 3 septembre 1412, Ferdinand de Trastamare prête serment à Saragosse, et quatre

jours plus tard Alphonse également, en tant que primogenit (prince héritier). Il est marié en

juin 1415 ‡ sa cousine Marie de Castille, et succŽde ‡ son pŽre sur le tr˜ne dÓAragon en avril

1416.
DŽs le printemps 1420, Alphonse sÓembarque pour la Corse, via Majorque et la

Sardaigne, afin dÓy contester par les armes la suprmatie gnoise sur lÓ"le. Alors que

lÓexpdition est mal engage, Antonio Caracciolo (dit Malizia) vient de Naples proposer au

roi de secourir la reine Jeanne II de Naples, nÓayant pas dÓhritier lgitime, contre les projets

du pape qui cherche ‡ lui imposer Louis dÓAnjou comme successeur. LÓadoption dÓAlphonse

par la reine et sa succession dans le royaume de Naples viendraient récompenser son éventuel engagement. Puisque la Sicile est sous domination de la couronne aragonaise depuis 1284, les

Trastamare avaient déjà envisagé de faire entrer Naples dans leur orbite territoriale en

proposant à la reine en 1415 une alliance matrimoniale avec Jean, le frŽre cadet dÓAlphonse.

Cette proposition dÓadoption relance sous les meilleurs auspices le projet, auquel le roi adhŽre

avec enthousiasme. Pourtant, entre lÓarrive du roi ‡ Naples en juin 1421 et le printemps

1423, la mésentente entre la reine Jeanne II, qui a confi lÓexercice du pouvoir ‡ Sergianni

Caracciolo, et Alphonse devient patente, de sorte quÓelle renonce ‡ lÓadopter au profit du

candidat pontifical, Louis dÓAnjou. En octobre 1423, Alphonse quitte lÓItalie en ne conservant que quelques garnisons dans Naples, et regagne ses terres ibériques.

1 Cf. A. RYDER, Alfonso the Magnanimous, King of Aragon, Naples and Sicily, 1396-1458, Oxford, Clarendon

Press, 1990.

8 De 1424 à 1432, le Magnanime doit composer avec les importants conflits contre la

Castille suscités par ses frères, Jean et Henri, qui prétendent, du fait des immenses possessions

castillanes de leurs parents, dont ils sont les héritiers, jouer un rôle prépondérant dans le

gouvernement de leur cousin Jean II. Une guerre avec la Castille clate ‡ lӍt 1429, au terme

de laquelle les fiefs castillans des Trastamare sont perdus, et qui consacre lÓinfluence du privado Alvaro de Luna sur Jean II. Au printemps 1432, le Magnanime rembarque une armée

en Mditerrane, quÓil base en Sicile, dÓooe il organise deux raids contre Djerba et Tunis. Il est

toujours en Sicile quand Jeanne II de Naples lÓadopte secrètement en 1433. Le projet

napolitain se prsente sous un jour des plus favorables quand Louis dÓAnjou meurt en 1434

alors que son frère et héritier, René, est prisonnier du duc de Bourgogne. La reine Jeanne, elle,

meurt en février 1435. Alors que le royaume de Naples semble ne pas pouvoir échapper au roi

droute ‡ la flotte dÓAlphonse. La quasi-totalit de la flotte et de lÓarme sont capturs, y

compris le roi, qui est envoyé à Milan (Filippo Maria Visconti est le suzerain de Gênes). Ce

grave revers rduit presque ‡ nant lÓavance dÓAlphonse dans la course au tr˜ne napolitain,

malgr lÓalliance quÓil conclut avec Visconti, car il a laiss le temps ‡ Ren dÓAnjou de

racheter sa liberté et de nouer une solide alliance avec le pape Eugène IV. Plusieurs années de

guerre intermittente sÓensuivent, durant lesquelles les capacits financiŽres de lÓAngevin

sӍrodent progressivement, ce qui vaut au Magnanime le ralliement progressif de la plupart des feudataires du royaume de Naples. En juin 1442, Naples est prise et la conquête du royaume achevée. Lors de la tenue du premier parlement à Naples, ouvert le 28 février 1443, il obtient la reconnaissance de son fils illégitime Ferdinand (Ferrante) comme héritier de son royaume italien.

La fin de la guerre de conquête ne signifie pas pour autant la fin des opérations

militaires : dans les Abruzzes les troupes royales sont en lutte contre Francesco Sforza, en

Calabre contre Antonio Centelles, baron révolté. Les développements de la guerre contre

Sforza amènent le Magnanime aux portes de Rome en 1446, et son alliance avec Visconti à entrer en guerre contre Venise et Florence en 1447. La campagne toscane nÓa produit aucun

bénéfice tangible quand le roi rentre à Naples en novembre 1448. À partir de cette date, le roi

ne dirigera plus en personne des troupes au combat, sans pour autant que le royaume cesse de

jouer un r˜le prpondrant dans la politique italienne. CÓest galement la période à laquelle il

fait la rencontre de LucrŽce dÓAlagno : issue dÓun lignage napolitain, elle devient ouvertement

la compagne du roi, qui cherche même (en vain) à faire annuler son mariage stérile avec sa 9

cousine Marie de Castille pour lӍpouser. Il adhère à la paix de Lodi en janvier 1455 et, au

printemps, scelle une alliance durable avec Francesco Sforza. CÓest ‡ cette date que se produit

un nouveau soulèvement féodal en Calabre, rapidement circonscrit. La fin du règne est marquée par le développement du conflit qui oppose les factions urbaines de Barcelone, la Biga, regroupant les propriétaires terriens qui ont traditionnellement la mainmise sur le gouvernement municipal, et la Busca, faction composée des marchands et

des membres des corporations, aux intérêts économiques opposés à ceux de la Biga. Par

ailleurs, se développe en Catalogne un mouvement parmi les paysans qui revendiquent le droit de racheter les mauvais usages les attachant aux fiefs quÓils exploitent (remensas), dont

les intérêts politiques rejoignent ceux de la Busca. LÓarrive ‡ Naples, en janvier 1457, du

neveu du Magnanime, le prince navarrais Charles de Viane, implique également le roi dans

lÓarbitrage du conflit entre le prince et son pŽre, Jean, frŽre cadet du Magnanime : Jean, censé

laisser la couronne de Navarre, acquise par mariage, ‡ la majorit de son fils, ne lÓa pas fait.

La question nÓest pas tranche et le prince navarrais est toujours ‡ Naples lorsque survient la

mort du Magnanime en juin 1458. Après la succession de Jean dans la couronne dÓAragon, le

conflit des factions barcelonaises sÓenvenime, polaris par le conflit successoral existant entre

le nouveau roi Jean et son fils Charles. Cet antagonisme déclenche la guerre civile catalane (1462-1472) qui porte un coup dÓarrêt brutal au commerce catalan en Méditerranée, tandis que, dans le royaume de Naples, Ferrante fait face à une guerre provoquée par la résurgence des revendications angevines sur le trône méridional, dont il sort victorieux en août 1462.

UNE HISTORIOGRAPHIE DISPERSÉE

Le Magnanime a quitté la péninsule ibérique en 1432 sans savoir que le voyage serait sans retour. La société curiale napolitaine sous le règne du Magnanime est en grande partie

importe des territoires ibriques de la couronne dÓAragon. Elle est une société de migrants, et

cÓest l‡ le facteur fondamental dÓexplication des difficults de Ferrante aprŽs la mort de son

pŽre. CÓest aussi lÓun des partis pris de ce travail que dÓessayer de contribuer ‡ lÓhistoire du

règne du Magnanime " à parts égales Ç, cÓest-à-dire en se fondant sur les documentations et

les traditions historiographiques italienne et ibérique. Les études modernes et contemporaines

sont en train de consacrer lÓhistoire globale et lÓhistoire connecte ; bien plus modestement

nous espérons avec ce travail parvenir à reconnecter un peu les composantes de la couronne 10

dÓAragon ‡ travers lӍtude des trajectoires des hommes du roi. LÓhistoriographie des Trastamare de Naples se trouve en plein renouvellement

1, lÓentreprise de publication des

correspondances diplomatiques milanaise et florentine ayant marqu le coup dÓenvoi de cette reprise des études en Italie

2, après la publication par les archivistes napolitains des reliquats

des archives aragonaises ayant chapp ‡ lÓincendie volontaire du dépôt de la villa Montesano

à San Paolo Bel Sito

3. Cependant, lÓhistoriographie concernant le rŽgne du Magnanime

demeure extrêmement fragmentée, en conséquence de la diversité des territoires sur lesquels il

a régné. De plus, les anciennes composantes de la couronne dÓAragon ont des traditions

historiographiques relativement autonomes, phnomŽne qui tend ‡ sÓaccentuer dans le

contexte de revendication dÓindpendance politique de la Catalogne

4. Dans la biographie quÓil

lui consacre, lÓhistorien britannique Alan Ryder pointe ce phénomène et justifie par là même

la dmarche biographique quÓil a adopte :

How can one explain this apparent reluctance to recount the whole life, the thirty-three years lived in

Spain as well as the twenty-nine passed in Italy, the kingship that embraced Aragon as well as Naples,

Catalonia and Sicily, Valencia and Sardinia ? The answer must lie, surely, in the mid-career

metamorphosis that seemingly transformed a Spanish Alfonso into an Italian king, and furthermore endowed his latter persona with an allure and significance outshining the former 5.

1 F. SENATORE, Uno mundo de carta : forme e strutture della diplomazia sforzesca, Naples, Liguori, 1988 ;

F. S

TORTI, LÓesercito napoletano nella seconda met‡ del Quattrocento, Salerne, Laveglia, 2007 ; F. SENATORE

et F. S

TORTI éd., Poteri, relazioni, guerra nel regno di Ferrante dÓAragona. Studi sulle corrispondenze

diplomatiche, Naples, ClioPress, 2011 ; G. A BBAMONTE, J. BARRETO, T. DÓURSO, La battaglia nel Rinascimento meridionale moduli narrativi tra parole e immagini, Rome, Viella, 2011 ; J. B

ARRETO, La Majesté en images :

portraits du pouvoir dans la Naples des Aragon, Rome, École française de Rome, 2013.

2 La collection des Fonti per la storia della Napoli aragonese est au cÍur de la dynamique acadmique actuelle.

Les volumes 1, 2, 4 et 5 de la série des Dispacci sforzeschi da Napoli sont dj‡ parus chez lӍditeur salernitain

Carlone, maintenant Laveglia et Carlone, sous la direction de Francesco Senatore et Francesco Storti. Sept

volumes sur les huit prévus pour la série Corrispondenza degli ambasciatori fiorentini a Napoli sont parus à ce

jour, sous la direction de Bruno Figluolo.

3 LÓentreprise des archivistes napolitains, publie par lÓAccademia pontaniana, a porté sur les registres angevins

et aragonais, donnant lieu à une série par chancellerie. La série des Fonti aragonesi comporte treize titres parus

entre 1957 et 1990, auxquels il faut ajouter lӍdition par Jole Mazzoleni du Codice Chigi, un registre qui figurait

dans la collection du prince Chigi Albani.

4 La manifestation la plus éloquente du poids de la revendication politique catalane contemporaine dans

lÓhistoriographie est lÓusage de lÓexpression AE Corona catalano-aragonesa » à la place de " Corona dÓArag-n »

(pour nous en tenir au castillan), cf. M. T. F ERRER I MALLOL éd., Entre la paz y la guerra : la Corona catalano- aragonesa y Castilla en la Baja Edad media, Madrid, CSIC, 2005 ; M. T. F

ERRER I MALLOL, J. MUTG' VIVES,

M. S

åNCHEZ MARTèNEZ éd., La corona catalanoaragonesa i el seu entorn mediterrani a la baixa edat mitjana,

Madrid, CSIC, 2005. À ce sujet, voir les réflexions de Pietro Corrao : P. C

ORRAO, " Stati regionali e apparati

burocratici nella Corona dÓAragona (secc. XIV e XV) », dans La Mediterr‡nia de la Corona dÓArago, segles

XIII-XVI & VII centenari de la sentència de Torrellas, 1304-2004, R. N

ARBONA VIZCAINO éd., Valence,

Universitat de València, 2005, p. 99-143.

5 A. RYDER, Alfonso the Magnanimous, King of Aragon, Naples and Sicily, 1396-1458, Oxford, Clarendon

Press, 1990, p. 9.

11 La façon dont le Magnanime est cité dans la succession royale reflète ce phénomène : on le trouve principalement en tant quÓAlphonse V de Trastamare ou de Antequera dans les ouvrages castillans et aragonais, Alphonse IV dans lÓhistoriographie catalane, mais selon le royaume concerné il peut aussi apparaître comme Alphonse III de Valence, et Alphonse I er de Majorque et de Sicile, puis de Naples. Les congrŽs dÓhistoire de la couronne dÓAragon (le XIX

e a eu lieu en 2012) réunissent périodiquement les spécialistes espagnols, italiens et

franOEais des territoires concerns par la domination aragonaise et donnent lieu ‡ dӍpaisses

publications dÓactes

1. Tout en institutionnalisant des rencontres régulières entre les

spcialistes des diffrentes composantes territoriales de la couronne dÓAragon, ces congrŽs,

qui ont indniablement reprsent dÓimportantes avances historiographiques ‡ chaque fois

quÓils se sont tenus, contribuent assez paradoxalement au maintien de la relative dispersion

qui prvaut pour le rŽgne du Magnanime, et ‡ la prdominance dÓapproches locales. Les

congrŽs dÓhistoire de la couronne dÓAragon, du fait de leur position hgmonique dans la

hiérarchie des manifestations scientifiques, tendent à monopoliser les énergies et à rigidifier le

consensus acadmique sur lÓorganisation par entit politique locale de la recherche : les

Catalans travaillent sur la Catalogne, les Valenciens sur le royaume de Valence etc., au

détriment de la recherche de synthèse

2. Ce constat est particulièrement net pour la période

correspondant au règne italien du Magnanime, mais nous espérons ici parvenir à articuler de

maniŽre assez quilibre les perspectives italienne et ibrique. En effet, lÓinstitution curiale,

par sa centralité dans le système politique et social, est un objet adapté à une tentative

Il va sans dire que la socit curiale que nous nous proposons dӍtudier forme le groupe instrumental de la premiŽre domination ibrique sur le royaume de Naples. LÓhistoire

que nous abordons ici touche donc plus que par la bande ‡ lÓun des thŽmes historiographiques

fondamentaux du Mezzogiorno moderne, celui de la succession des dominations étrangères

sur le royaume de Naples. Ce thŽme, dont la place dans lÓhistoriographie mridionale italienne

1 Un site réunit les informations relatives aux congrès passés et à leurs publications :

http://www.ub.edu/cca/menucs.htm.

2 S. PÉQUIGNOT, " Pouvoir royal et société dans la couronne dÓAragon. Un essai de lecture historiographique,

1990-2006 », En la España medieval, vol. 30, 2007, p. 381-432, ici p. 384. Les dbats sur lӍchelle ‡ laquelle

écrire une " histoire nationale Ç catalane, la langue dans laquelle lӍcrire, trŽs actifs dans les années 1990, ont fait

place à un large consensus sur le sujet : lӍchelle retenue est gnralement la Catalogne ou des rgions catalanes

‡ lÓexclusion de lÓAragon et du pays valencien, la langue, le catalan. Cf. C. G

UIU et S. PÉQUIGNOT,

" Historiographie catalane, histoire vive », Mélanges de la Casa de Velázquez, vol. 36, n° 1, 2006, p. 285-306.

12 mériterait un travail approfondi

1, a été davantage mobilisé par les historiens de la dynastie

angevine, qui ont exploré la question de " lÓitalianisation » de la dynastie et des hommes arrivés dans son sillage, beaucoup plus que les spécialistes des Trastamare de Naples

2. En ce

qui concerne la premiŽre exprience ibrique quÓa reprsent le rŽgne des Trastamare,

lÓacculturation rapide du Magnanime et sa politique de commande artistique plaident en faveur de lÓitalianisation. Nous allons voir pourtant quÓen ce qui concerne la composition de son entourage, il en va tout autrement. Dans ce contexte historiographique, un passage des annales dÓAragon de Zurita est

particulièrement intéressant : lÓhistorien rapporte comment Alphonse a t accus en 1418 par

des reprsentants des villes de Barcelone, Saragosse et Valence de sÓentourer de conseillers

castillans, et de gouverner par leur intermdiaire. Le jeune roi leur rpond quÓil ne saurait sans

scandale se séparer de serviteurs fidèles qui ont tout perdu en Castille au service de sonquotesdbs_dbs27.pdfusesText_33
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