[PDF] Science idéologie et technique : le pouvoir de la science face au





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SUJET 1 – Question de synthèse - TRAVAIL PREPARATOIRE (10

Si la croissance semble liée à l'insertion celle-ci 6 – Montrez que les données su document 4 relativisent les progrès du développement chinois mesurés ...



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Pour financer sa croissance l'économie doit disposer de fonds. Croissance. • Facteurs de base : – capital – travail – progrès technique/innovation.



Dr. FAYE SENY expert-consultant en développement durable et

et la croissance des besoins énergétiques sont les d'envisager le progrès technique et même de dialoguer et de prendre des décisions en commun.



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De même la « révolution des transports » a contribué à l'accélération de ce processus. Les progrès techniques incessants ont permis de construire des 



Emploi des jeunes: les voies daccès à un travail décent

En l'absence d'une croissance économique et d'un développement soutenus cette technique



La ville miroir de la pensée

May 30 2022 industrielle



Chapitre 1 – Le financement des activités économiques Exercice 1

Exercice 3 : Croissance : M. Draghi en appelle à l'investissement public les innovations financières (nouveaux produits nouveaux marchés



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Elle réduit son organigramme pour accompagner et accélérer sa croissance. quel type de structure donne naissance un système technique standardisé.



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Jun 17 2021 Croissance et emploi . ... Levallois-Perret : Studyrama



Science idéologie et technique : le pouvoir de la science face au

Les enjeux du progrès scientifique et technique questions réputées sérieuses du développement de la croissance et de l'emploi et du bien-être universel ...

Science idéologie et technique : le pouvoir de la science face au Science, idéologie et technique : le pouvoir de la science face au " bricolage existentiel ». Les enjeux du progrès scientifique et technique

José JORRO- professeur de Philosophie

La Mettrie "Je déplore le sort de l'humanité d'être, pour ainsi dire, en d'aussi mauvaises mains que les siennes"

Pierre Rosanvallon- Télérama n° 2957 du 13 septembre 2006 "Etre citoyen, ce n'est pas simplement exprimer des préférences, c'est mieux comprendre le

monde pour être davantage capable d'agir et de peser sur le cours des choses. L'intellectuel produit un supplément de compréhension et ce faisant aide à

produire un supplément d'action : plus il y a d'intelligence collective, plus il y a de présence citoyenne."

Pascal " Travailler à bien penser, voilà le principe de la morale"

Introduction. Quelle est la part de responsabilité de la science et de la technique dans le fait que

la maison brûle ?

Cette année, le thème retenu pour le prochain concours du haut enseignement commercial est " la

Science ». Quel est le problème posé par ce thème ? En quoi ce thème pose-t-il problème dans le monde actuel ?

Et tout d'abord qu'est-ce qui pose problème dans le monde actuel qui pourrait être en connexion avec celui de la

Science ? Si nous pouvions répondre à cette question, cela nous donnerait quelques éléments pour démarrer notre

réflexion.

La réponse semble évidente. Elle me semble contenue dans cette phrase prononcée par le président

Chirac qui ouvrait son discours lors du sommet de la terre à Johannesburg : " la maison brûle mais nous

regardons ailleurs ». Même si cette phrase n'a qu'une utilité rhétorique, il n'empêche que son constat me semble

véridique. Les signaux d'alerte qui montrent que l'humanité est à l'un des plus décisifs moments de sa jeune

histoire ne cesse de s'allumer. Or, dans ce monde qui est le nôtre, tout tourne autour de la science et de la

technique, base de la puissance. Nous refusons de prendre en considération le feu qui brûle notre planète-patrie

afin de pouvoir continuer à défendre nos petits intérêts, à mijoter nos petites haines et nos égoïsmes, comme si se

profilait devant nous un éternel présent. Le résultat, c'est que nous avons perdu confiance dans l'avenir, c'est-à-

dire dans la science, c'est-à-dire dans le progrès. Pourquoi ? Comment en sommes-nous arrivé là ? Ne serait-ce

pas aussi parce que la science s'est non seulement émiettée, fragmentée, mais aussi qu'elle s'est confondue de

plus en plus avec la technique, abandonnant de plus en plus la recherche de la connaissance pour la recherche de

l'utilité. Mais, nous y reviendrons.

Nous avons d'abord à régler quelques problèmes de définition. Ainsi, faut-il parler de la S(s)cience ou

des sciences ?

Mieux vaudrait sans aucun doute parler des sciences plutôt que de la S(s)cience. Car il n'y a que des

sciences, et elles sont toutes différentes, par leur objet ou leur méthode. Toutefois comment savoir ce que sont

les sciences si nous ne savons pas ce qu'est la Science.

Disons d'abord ce qu'elle n'est pas. Ce n'est pas une connaissance certaine (puisqu'une hypothèse peut

être scientifique), ni même forcément une connaissance vérifiable. Ce n'est pas non plus un ensemble d'opinions

ou de pensées, fût-il cohérent et rationnel - car alors la philosophie serait une science.

Qu'est-ce qu'une science ? C'est un ensemble de connaissances, de théories et d'hypothèses portant sur

le même objet ou le même domaine, qu'elle construit plutôt qu'elle ne le constate, historiquement produites,

logiquement organisées ou démontrées, autant qu'elles peuvent l'être, majoritairement reconnues, au moins par

les esprits compétents, enfin - sauf pour les mathématiques - empiriquement falsifiables. Si l'on ajoute à cela que

les sciences s'opposent ordinairement à l'opinion (connaissance qui va de soi), une science est donc un

ensemble ordonné de paradoxes testables, et d'erreurs rectifiées. Le progrès fait partie de son essence ; non que

les sciences avancent de certitude en certitude, mais parce qu'elles se développent par " conjectures et réfutations

Karl Popper, s'est longtemps battu, pour montrer que le marxisme et la psychanalyse ne sont pas des

sciences (aucun fait empirique n'est susceptible de les réfuter). Mais cette irréfutabilité ne réfute que la prétendue

scientificité des deux théories en question. On évitera d'en conclure que marxisme et psychanalyse seraient sans

intérêt ou sans vérité. Tout ce qui est scientifique n'est pas vrai (il y a des erreurs scientifiques), tout ce qui est

vrai (ou possiblement vrai) n'est pas scientifique. C'est pourquoi la philosophie reste possible, et les doctrines,

nécessaires. Le problème, c'est que nous venons tout juste de sortir de plus de deux siècles de scientisme.

Qu'est-ce que le scientisme ? C'est la religion de la science, ou la science comme religion. C'est vouloir que les

sciences disent l'absolu, quand elles ne peuvent atteindre que le relatif, et qu'elles commandent, quand elles ne

savent au mieux qu'expliquer. Les sciences ne sont soumises ni à la volonté individuelle ni au suffrage

universel, d'où des rapports controversés avec la démocratie. C'est pourquoi elle ne tient pas lieu de morale, ni de politique, ni, encore moins, de religion. C'est ce que le scientisme méconnaît. Ici, il faut bien prendre garde à

bien distinguer le scientisme et le positivisme. Qu'est-ce que le Positivisme ? C'est d'abord le système

d'Auguste Comte, qui ne voulait s'appuyer que sur les faits et les sciences : il renonce pour cela à chercher

l'absolu et même les causes (le pourquoi), pour ne s'en tenir qu'au relatif et aux lois (le comment). Il désigne

toute pensée qui prétend s'en tenir aux faits ou aux sciences, à l'exclusion de toute interprétation métaphysique

ou religieuse, voire de toute spéculation proprement philosophique. Les partisans du positivisme logique (la

doctrine de Carnap et son école), s'opposent eux aussi à la métaphysique et voudraient ne s'en tenir qu'à ce qui

peut être positivement établi (par exemple dans des textes de lois ou des énoncés scientifiques).

On évitera notamment de confondre le positivisme, qui renonce à la métaphysique, avec le scientisme, qui

voudrait que la science en soit une.

Première partie : Science et Société

Comment qualifier l'attitude de l'homme moderne face à la science et au progrès ?

L'ère qui s'ouvre devant nous inspire un sentiment mêlé d'incertitude et de peur. On peut craindre : les

dommages causés à l'environnement, les conséquences d'interventions sur le génome humain, mais aussi

les nano-technologies et une surveillance généralisée.

D'un autre côté, nous n'avons jamais vécu aussi longtemps et pourtant nous recherchons le risque zéro.

Nous avons perdu confiance dans l'avenir

I). Sommes-nous trop méfiants ou trop défiants face à la science et au progrès ?

Depuis une vingtaine d'années, nous assistons à une sorte de retournement d'opinion face à la science et

face au mode de développement des sociétés occidentales. La question que l'on peut se poser est de savoir si

nous ne sommes pas en train de "pousser le bouchon" un peu trop loin. Sommes-nous trop défiants envers la

science et la technologie dans lesquelles on avait mis toute la confiance de l'humanité moderne pour accroître le

bien-être de tous ou au contraire ne le sommes-nous pas assez ? a). Une attitude schizophrénique

Car nous n'en sommes pas à une ambivalence près puisque nous nous ruons sur les produits de haute

technologie, sur les produits de la science, l'informatique, les portables, et pourtant la science continue à nous

faire peur.

Nous sommes dans une situation paradoxale, plus qu'ambivalent, presque schizophrène, parce que d'un

côté nous avons horriblement peur de toutes sortes d'innovations technologiques, les OGM, de techniques

médicales, la procréation assistée, le clonage, et puis d'un autre côté, nous nous ruons, pour les cadeaux de fêtes

sur l'électronique. Nous faisons une confiance finalement absolue dans la vie quotidienne aux technologies

nouvelles. Et puis même, nous nous enchantons à des spectacles de science-fiction qui sont justement des

projections aventureuses sur un avenir qui n'est pas forcément la catastrophe. Et en même temps, on voit des

mouvements d'opinion organisés plus ou moins qui vont dans le sens inverse. Faut-il avec Dominique Lecourt

1

regarder l'avenir avec une confiance raisonnée ou bien regarder celui-ci avec une défiance tout aussi raisonnée,

sinon plus avec Gilles Séralini ? b). En quoi ce désillusionnement est-il typiquement français?

Cette peur profonde que nous avons de la science aujourd'hui est le résultat d'une désillusion. Nous

avions mis trop cru dans le progrès. Celui-ci était perçu comme étant une conséquence presque fatale de la

science. Et nous nous apercevons depuis les années 70, en particulier à cause des problèmes d'environnement et

de Tchernobyl, qu'il y a des revers à ce progrès (on disait autrefois, les dégâts du progrès), qu'en réalité, il n'y a

pas d'amélioration fatale. Il y a des améliorations, et puis il y a des progrès scientifiques dont nous ne savons pas

s'ils vont être pour le meilleur ou pour le pire. Alors bien évidemment, nous discutons du meilleur et du pire,

parce que ce n'est pas une donnée scientifique. Notre déception est proportionnelle à la confiance aveugle que

nous avons eue envers la science. Et cela explique pourquoi c'est particulièrement fort en France. Dans notre

pays, il y avait une confiance qui était institutionnelle, la IIIe République est une république scientifique qui

comptait sur la science en grande partie contre la religion et contre l'église catholique pour assurer l'avenir des

hommes.

Tout le problème, c'est que la France a cru régler ses problèmes politiques et sociaux en s'appuyant sur

trois idées dont certaines comportaient une part d'illusions, illusions qui n'ont pas eu que des effets négatifs :

La première a été l'illusion du tout-politique. Nous vivons les derniers soubresauts de celle-ci (illusion

qui a été celle des jacobins mais qui vient de beaucoup plus loin liée à la façon dont l'Etat s'est créé très

1

Selon Dominique Lecourt, si le futur nous fait peur, alors il nous semble que les seules valeurs respectables soient celles

du passé. Et si dans le passé, nous trouvons les clés de notre destin, ces clés sont souvent mortifères. Elles encouragent des

mouvements de haine et de division entre les hommes alors que la projection vers l'avenir rationnellement organisé par une

confiance dans la science, peut seul unir les hommes

précocement en France et à la révolution française, mais aussi illusion des léninistes et, malheureusement sans

doute, des marxistes).

La deuxième illusion corrélative à celle-ci, a été la croyance que l'on pourrait obtenir un ordre juste

grâce à l'école et à la science, en s'appuyant sur l'idée de mérite qui articule deux idées différentes - d'une part

celle de talent, d'autre part celle de travail. Le tout devant déboucher sur une organisation rationnelle de la

cité .Or, la cité, comme la société n'est pas une réalité rationnelle. L'intrusion dans ce système du marché, son

extension continuelle, y compris la mondialisation, a fini par faire exploser ce bel ordonnancement qui

caractérisait la France. Voilà sans doute pourquoi la France plus que tout autre pays est remise en cause par la

mondialisation. Avant d'être une réalité, la France est une idée.

Troisième illusion éventuelle : la France.

Il lui faut donc inventer quelque chose qui tout en respectant sa nature propre restaure son dynamisme.

Mais quoi ? Une chose est sûre, il ne sera pas possible de se contenter de solution locale même s'il en faut,

comme le prétend Pierre Rosanvallon et le groupe de la République des idées. Il faudra aussi un projet global,

car la France, c'est aussi une idée. Si elle ne l'est pas, il n'y a aucune raison pour que l'on ne débarrasse pas de

cette illusion, mais pour mettre quoi à la place ? Cette confiance aveugle aujourd'hui n'est plus possible. Pour le meilleur ou pour le pire, nous nous

sommes aperçus qu'un certain mode de développement économique issu de l'application des technologies

provoque des phénomènes irréversibles de dégradation de la nature, et que nous ne pouvons pas continuer

comme cela indéfiniment. Nous ne pouvons même plus compter sur la science elle-même pour réparer les dégâts

qu'elle a fait au train ou nous allons. c). PASTEUR ou/et FrankEINSTEIN

Tchernobyl et la bombe atomique ont bouleversé notre rapport à la science et les scientifiques nous

inspirent désormais une méfiance. Entre Pasteur et Frankenstein, deux figures emblématiques, on ne sait qui

choisir. Nous sommes à l'égard de la science ballottés entre l'engouement et la crainte. C'est-à-dire que nous

attendons de la science à la fois qu'elle nous sauve, parce qu'elle continue d'incarner le Progrès. Le progrès,

finalement, c'est une idée laïque qui a supplanté l'idée de salut qui était une idée religieuse. Simplement, le XXe

siècle est passé par là, la science a fait des choses que nous sommes enclins à lui reprocher, à juste titre, mais en

même temps la science n'avait rien promis. Ce sont les scientistes à la fin du XIXe siècle, notamment, qui ont

fait tenir à la science des promesses qu'elle n'a pas pu cautionner car elle n'avait pas la parole.

Il nous est devenu impossible de parler de la science comme le faisait Jules Verne. Et c'est une difficulté

pour ceux qui essaient de transmettre des connaissances scientifiques au public. On ne peut pas simplement

présenter des résultats scientifiques en disant " grâce à eux, nous allons pouvoir faire ceci est cela ». On ne peut

pas en rester au simple registre de la promesse, ce qui rend l'exercice très délicat. Il est très difficile aujourd'hui

de parler de la science de façon juste, c'est-à-dire de dire ce qu'elle est vraiment, sans lui faire endosser des

promesses qu'elle ne pourra pas tenir et sans non plus la diaboliser. Parce que la science, c'est d'abord la

production de connaissances. A trop mettre en avant ses seules applications, on perd ce qui fait son sel véritable.

II). Le temps du désamour.

Les rapports que nous entretenons avec la science ressemblent un petit peu à celle d'un vieux couple au

sens où les débats restent passionnés, regardez ce qui se passe autour des OGM, du nucléaire. Les débats sont

passionnés mais les rapports ne le sont plus. a). Risques et précautions

Il y a une sorte de désenchantement qui se traduit par des controverses qui prennent parfois l'allure de

crise. Il faut donc trouver une façon de faire en sorte que ces risques (parce qu'il y a des risques, le risque nul

n'existe pas), soient acceptés par tous. Il faudrait que l'on trouve une procédure qui nous permette de nous mettre

d'accord ensemble sur les risques que nous acceptons de prendre, de sorte que si un jour des accidents se

produisent, on n'aille pas aussitôt chercher un bouc émissaire.

C'est le grand débat évoqué par le principe de précaution. Il est effectivement tout à fait nécessaire

d'être averti des risques que l'on prend et de travailler à leur évaluation pour essayer de les contenir. Et cela, on

ne peut le faire que par la recherche. b). Le principe de précaution

En réalité, une interprétation rigide et anti-scientifique du principe de précaution fait que l'on demande

aux chercheurs de faire la preuve par avance qu'il n'y a pas de risques, comme si l'on pouvait faire par avance la

preuve de l'absence d'un risque. Or, jamais on n'a pu faire cela, dans aucun domaine. Si on avait demandé à tous

les scientifiques du XIXe siècle, au moment de la révolution industrielle de faire la preuve qu'il n'y avait pas de

risques, nous ne serions pas là pour en parler. On ne fera jamais la preuve de l'absence de risque. Qu'est-ce que

c'est que l'absence de risques ? C'est l'absence de vie. La vie par elle-même, la vie humaine particulièrement,

c'est une prise de risques.

Inversement, et ce qui justifie une prudence exemplaire, et c'est particulièrement vrai pour les OGM, ce

qu'un imbécile a commis, aucun génie ne le défera ! Tel est le dilemme !

On voit bien que cette difficulté grandissante que nous avons à nous projeter dans l'avenir est intimement

liée à la confiance ou non que nous portons à la science. L'avenir se trouve-t-il dans un retour au progrès

scientifique ou au contraire dans une peur grandissante du tout-scientifique ?

Quoiqu'il en soit, il est absolument nécessaire d'instaurer un libre rapport des citoyens à la science et au

progrès scientifique qui de toute façon existe, et se traduira par un progrès technologique. Mais jusqu'à quand ?

Jusqu'à quelle nuisance ou catastrophe ?

c). Le choix : restaurer la République et la citoyenneté ou ouvrir la boîte de pandore ?

Mais il faut savoir exactement où intervenir pour fixer les orientations. Or les citoyens aujourd'hui ont

l'impression qu'il y a des officines secrètes, des endroits noirs où se mijote un avenir dans leur dos, ce qui nourrit

un complexe obsidional. Le secret nourrit la peur, la peur nourrit la haine, la haine nourrit la défiance du présent

et la nostalgie du passé. Du coup émerge l'idée, qu'au fond, il vaut mieux se replier sur des valeurs du passé.

Voilà la source commune du fondamentalisme et du néo-conservatisme qui s'accommode fort bien par ailleurs

de certains aspects de la modernité. C'est en quoi d'ailleurs, ces idéologies ne sont pas seulement rétrogrades et

cela explique leur dangerosité, c'est-à-dire aussi leur efficacité. Il y a en ce moment une prise de conscience des

industriels, mais aussi des hommes politiques, que ces questions-là ne sont pas secondaires par rapport aux

questions réputées sérieuses du développement, de la croissance et de l'emploi et du bien-être universel.

III).Comment réconcilier la science avec la société ?

Il n'y a pas de solution clé en main. Il faut discuter, accepter d'écouter les autres avant d'exposer un point

de vue qui aura tendance de la part de l'expert, à se présenter comme purement scientifique. Il est malgré tout

plus facile de discuter du nucléaire avec des gens qui ont fait l'effort de comprendre ce qu'est une réaction

nucléaire etc... Cela permet d'aller directement à l'essentiel en évitant de se perdre dans tout ce qui est

périphérique. a). Science et démocratie

Et donc, je crois que le public doit accepter d'apprendre ce qui lui permettra ensuite de mieux débattre.

Mais la démocratie ne consiste pas à donner seulement la parole aux gens compétents. La démocratie, c'est le

pari que l'on doit faire appel à la conscience du citoyen plus qu'à sa compétence. Les illettrés ont le droit de vote.

Mais, ce pari est-il possible avec la science? Ce qui est clair, c'est que, pour ce qui est des techno sciences, nous

avons plutôt tendance à donner la parole aux experts. Or, on pourrait entendre le public afin de voir comment les

questions qu'il pose peuvent provoquer des réactions de la part des experts. Le public sait très bien finalement

qu'il n'est pas compétent ni rationnel. Mais il a le sentiment qu'il est raisonnable. Il me semble que parfois il

s'adresse aux scientifiques de la même façon qu'il s'adresse aux politiques pour leur dire : en quoi ce que vous

faites est-il pertinent pour nous ? Ce type de questions doit être audible par les scientifiques et ils doivent y

répondre. Pour autant, toute peur n'est pas soluble dans le savoir, contrairement à ce que pense certains

scientifiques, qui se comportent avant tout comme des technocrates, un petit peu comme ces politiques persuadés

de la scientificité de l'économie (c'est-à-dire de l'économie néolibérale), qui estime que si le citoyen n'est pas

d'accord avec lui, c'est uniquement faute d'information de sa part, autrement dit par ignorance (il suffit de voir ce

qui s'est passé au dernier référendum sur l'Europe). Ce n'est pas parce que l'on connaît les choses que l'on en a

plus peur. Parfois, c'est même le contraire. b). Croyons-nous ce que nous savons ?

C'est le cas avec le changement climatique. Ici, c'est bien la connaissance qui a déclenché une forme de

peur, même si rien ne bouge (mais cela, c'est un autre problème). Nous ne croyons pas ce que nous savons. Nous

savons que le réchauffement est en cours, nous savons qu'il va s'accentuer, mais nous ne changeons pas nos

comportements. C'est-à-dire que nous nous comportons comme si nous ne croyions pas à ce que nous savons. Et

cela, c'est un problème pour la gestion de ce changement climatique qui s'annonce comme certain, lequel est

symbolique du malentendu entre la science et la société. Tout notre malheur vient du fait que nous aimons

consommer, que nous aimons le confort. Qui pourrait nous y faire renoncer? En tout cas, ce n'est pas un

événement à venir qui va nous faire changer nos comportements présents. Nous avons un comportement à

l'égard du progrès qui est plein d'ambivalence. Nous feignons de ne plus croire à l'idée de progrès, nous

déclarons même parfois que c'est une idée morte, et en même temps, nous sommes pris de panique à l'idée de son

extinction. Nous n'aimons plus le progrès que de manière négative, c'est-à-dire à l'aune de l'effroi que nous

inspire l'idée qu'il puisse s'interrompre. Mais la question que nous nous posons tous est : est-ce que le progrès va pouvoir résoudre les

problèmes qu'il suscite sui-même ? Le progrès résout les problèmes et pose de nouveaux problèmes.

La science peut aussi produire des malheurs quand les savants n'écoutent qu'eux-mêmes. Par exemple, le

clonage humain fascine tellement les scientifiques, en dehors même de son intérêt financier qu'il persévère.

L'eugénisme maintenant est permis grâce aux techniques. Il y a une tendance à aller toujours plus loin.

Simplement, il faut veiller à mettre en place des instances qui permettent de séparer ce qui revient au

discours des experts ou des chercheurs, ce qui revient à la délibération générale et ce qui revient à la

décision politique. Ce sont ces deux frontières entre ces trois sphères qu'il faudrait définir et mettre en scène.

c). La science n'est-elle plus à elle-même sa propre fin ?

Nous avons hérité de Descartes autant que nous l'avons trahi et c'est l'un des problèmes de la science

actuelle. Celui-ci disait que nous devons nous rendre maître et possesseur de la nature, mais dans un but qui

était de rendre accessible le bonheur et la liberté. Donc, la maîtrise de la nature est un moyen pour une finalité

extérieure à cette simple maîtrise. Et ce qui s'est passé, c'est que la maîtrise est devenue maîtrise pour la maîtrise.

Il s'agit maintenant d'innover pour innover, sinon les entreprises disparaissent, et donc la finalité n'est

plus une finalité extérieure. Il s'agit simplement d'intensifier nos moyens de sorte que le projet

scientifique:penser globalement c'est en quelque sorte "définalisé". Notre maîtrise de la nature s'est accrue, elle

est même devenue très impressionnante, et en même temps elle est incomplète. D'où, l'ambivalence de notre

rapport au progrès, parce que nous sentons bien que nous sommes en train de faire l'histoire, au sens où ce que

nous faisons, personne ne l'avait jamais fait, par ex le clonage humain etc. Nous sommes en train de faire

l'histoire, mais notre maîtrise est incomplète au sens où nous ne savons pas quelle histoire nous sommes en train

de faire, et du coup, nous sommes comme dépossédés de notre idée de l'avenir, ce qui alimente l'ambivalence de

notre sentiment à l'égard du progrès. De là provient sans doute, cette désaffection que nous avons pour la

science. Désaffection qui ne fait que cacher notre déception du fait qu'elle ne répond plus à toutes nos questions.

Les questions qui nous importent le plus sont des questions qui sont relatives à nos valeurs : comment

vivre ensemble, comment penser l'amour, la justice, la liberté etc. Et sur ces questions là, je simplifie sans doute

abusivement (ce qui est simple est faux, ce qui est complexe inutilisable disait Paul Valéry), mais en gros, la

science a délaissé pendant longtemps ces questions fondamentales. D'autant plus que la mode était au

positivisme, voire au scientisme et que la philosophie s'était réfugiée dans les hauteurs béantes de la

métaphysique ou de l'engagement, en oubliant la question fondamentale de la sagesse pratique et du comment

vivre . Du coup, nous avions tendance à mépriser ces connaissances, au motif qu'elles n'avaient de portée que

scientifique.

Néanmoins, s'il y a danger à faire de la science du fait que celle-ci n'est pas une religion et utilise

l'instrument critique, il y a également un danger à ne pas en faire. Ce questionnement sur la société et sur ses

valeurs pousse parfois les individus, y compris des scientifiques dans les bras des gourous. Les chercheurs font

énormément d'efforts de pédagogie, d'explication vers le public depuis une quinzaine d'années. Malgré cela, ceux

ci sont parfois sont parfois troublés de voir que certaines croyances prolifèrent. Conclusion. Pourquoi sommes-nous obligés de repenser la notion de responsabilité?

Tout cela pose la question de notre responsabilité. La responsabilité pose tout d'abord le problème de la

nature du lien que l'homme entretient avec ses actes. a). Sommes-nous responsables seulement des actes que nous avons directement commis (bien entendu, cette question s'adresse aussi à la science et aux scientifiques) ?

Mais pourquoi alors, le droit ne reconnaît-il pas un criminel qui tue en état de folie comme responsable

de son acte, tandis qu'inversement les parents sont aux yeux de la loi, responsables des actes de leurs enfants ?

On voit que la question de la responsabilité, à ce niveau simplement juridique, s'articule sur celle de la

liberté humaine. Être libre, en effet, c'est être en mesure d'assumer l'ensemble de ses actes. Etre responsable, c'est

pouvoir répondre de ceux-ci, du fait précisément de cette liberté dont ils témoignent.

La notion de responsabilité connaît de nouveaux développements philosophiques au XXe siècle avec une

pensée comme celle de Hans Jonas 2 . Ce dernier tente de poser une nouvelle éthique qui soit une " éthique de la responsabilité ». 2

Le danger des derniers développements techniques menaçant pour l'environnement et l'humanité future, impose la prise en compte

d'obligations de devoir vis-à-vis de la planète (" biosphère ») et des générations futures. Hans Jonas est né en Allemagne, élève de Husserl et de

Heidegger, il a été professeur à Jérusalem, au Canada, à New York et à Munich. Son principal ouvrage: Le Principe responsabilité, paru en 1979, a connu

un succès exceptionnel dans le monde entier, mais il a également suscité d'assez vives polémique

b). Sommes-nous condamnés à repenser l'éthique du fait du progrès de la technoscience (qui

contient en germe un projet politique d'essence néolibérale, celui de marchandisation du monde) ? De la

réciprocité à la responsabilité

Le point de départ de Hans Jonas est la prise de conscience des menaces d'une extrême gravité que font

peser sur notre environnement, mais aussi sur l'humanité tout entière, les nouvelles formes de " l'agir humain ».

L'homme ne contrôle plus ni la science, la technique. D'ailleurs, seule une différence de degrés, éventuellement

d'intention les sépare aujourd'hui. Leur évolution répond en effet à une logique qui leur est propre, et nous ne

parvenons plus à freiner cette irrésistible fuite en avant, comme l'avait bien vu Heidegger. . Que faut-il faire ?

L'éthique traditionnelle, fondée sur l'idée de réciprocité (égalité de droits et de devoirs entre sujets libres

et égaux) ne peut fournir aucune indication: car nous n'avons pas de devoirs - à ce point de vue - à l'égard des

choses, ni à l'égard d'êtres seulement potentiels! L'éthique est donc à repenser et le " principe responsabilité » en

constituera le fondement ultime: à partir du moment où l'homme a la puissance matérielle de détruire la nature,

ses nouvelles responsabilités concernent la perpétuation - devenue problématique de l'humanité.

La responsabilité est l'ensemble des obligations que nous avons à l'égard d'êtres qui n'existent pas

encore: il y a responsabilité, selon Hans Jonas, là où il y a " vulnérabilité », caractère d'êtres sans défense que

l'on doit protéger afin qu'ils puissent survivre ou tout simplement naître. L'impératif catégorique qui découle de

ce principe peut se formuler de deux manières: " Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles

avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre » ou encore : " Agis de façon que les effets de

ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d'une telle vie.

Néanmoins, si l'ouvrage de Hans Jonas pose avec netteté et profondeur les questions les plus sensibles

de notre temps, il a suscité également des objections de taille, et nourrit même, à son tour, de nouvelles

inquiétudes. N'es--il pas aléatoire et même dangereux de vouloir fonder une éthique" sur la peur, comme le

recommande explicitement Hans Jonas ? Prétendre que nous avons des devoirs envers la nature, cela ne

revient-il pas à sacraliser celle-ci, ou encore à confondre être et devoir être ? Pourquoi faut-il qu'il y ait un

monde animé, une humanité, plutôt que le néant?

Et enfin, plus prosaïquement devrons-nous, avec Hans Jonas (confère Le Principe responsabilité 1979),

préconiser, puis soutenir, une " dictature bienveillante », seule susceptible d'appliquer fermement une véritable

politique de responsabilité ?

Mais comment en sommes-nous arrivés là ?

Les sociétés humaines n'ont pas toujours recherché ni pratiqué une telle maîtrise de l'homme sur la

nature. Cette maîtrise résulte de changements intervenus dans la représentation du monde et dans le rôle accordé

à la technique. Il est utile de connaître ces changements pour prendre du recul sur notre situation présente.

Notre société ne pourra prendre conscience des problèmes et y remédier qu'à travers un débat sur les idées et les

valeurs. c). Où cela a-t-il "buggé" ? Voilà pourquoi il est nécessaire de revenir aux oeuvres philosophiques fondamentales qui ont

accompagné le développement de la science en Occident. La compréhension des tournants majeurs de cette

histoire permet de saisir le cadre de penser dans lequel s'inscrit la science contemporaine, et dans quelle mesure

ce cadre mériterait d'être repensé et réformé. Ces perspectives sont notamment développées dans le livre

d'Olivier Rey Itinéraire de l'égarement. Du rôle de la science dans l'absurdité contemporaine (Seuil

, 2003).

La " révolution galiléenne », révolution intellectuelle réalisée en physique au XVIIe siècle grâce aux

travaux de Galilée, désigne à la fois la remise en question d'une physique, celle d'Aristote, et la naissance d'une

science nouvelle. Cette science moderne se présente à nous comme une science mathématique et expérimentale

dont le but est de nous permettre de comprendre les phénomènes naturels par le moyen des lois. Qu'est-ce qui a

rendu possible ce type de science? Comment expliquer le développement de nos savoirs scientifiques et de nos

techniques ?

Pour répondre à ces questions, il nous faut d'abord rappeler ce qu'était la physique antique et médiévale,

d'inspiration aristotélicienne, et la nature de la rupture réalisée par la physique galiléenne.

Deuxième partie : La science.

Si Galilée fait date dans l'histoire du savoir occidental, c'est parce qu'il a mis en place les outils d'une

intelligibilité physico-mathématique du réel que Newton mènera à son terme : la constitution de l'explication

mécaniste de la nature fondamentale pour le développement des sciences qualifiées d'" exactes ». C'est pour

avoir soutenu la thèse de la translation de la Terre autour du soleil que Galilée fut condamné par le Saint-Office

le 22 juin 1633. Cette condamnation, n'est que le symptôme d'un monde en décomposition. I). Les deux principaux systèmes du monde. Les origines grecques : d'Aristote à Galilée

Depuis le XIIIè siècle, date de la réception de l'oeuvre d'Aristote en Occident par le biais des Arabes, la

pensée d'Aristote servait de fondement à la représentation du monde. Elle reposait sur deux piliers : une vision

géocentrique du système du monde et une théorie générale du mouvement.

Contre cette vision, Galilée s'employa à réaliser un double projet: imposer et justifier une nouvelle

vision du cosmos, à partir d'une vérification optique de l'hypothèse copernicienne (la Terre tourne autour du

soleil), et édifier une science mathématisée du mouvement.

À l'époque de Galilée, deux visions du monde, deux méthodes s'affrontent donc : celle d'un aristotélisme

usé, et celle de la modernité naissante. Mais, les hommes de la Renaissance ne séparaient pas le mysticisme de

l'expérimentation et du calcul. Dans quelle mesure Galilée échappe-t-il à cette conception ? Voilà qui mérite un

débat que les positivistes voudraient clore d'emblée !

Mais on ne peut nier qu'avec lui, la science entre dans sa phase expérimentale et instrumentale. Galilée

fit éclater toute la culture et la mentalité qui se greffait alors sur l'idée de cosmos. a). La conception aristotélicienne du monde. Dans sa Physique, Aristote (384-322 av. J.-C.) expose à la fois une conception du monde et une conception du mouvement. Les deux seront remises en question par Galilée.

Selon Aristote, le monde est un tout ordonné, fini, rationnel, ce que l'Antiquité grecque désigne du mot

cosmos. Au milieu de ce cosmos, la Terre est immobile. Cette Terre est ronde, puisque l'ensemble du monde a

la forme d'une sphère. Les astres, dont la Lune, tournent autour de la Terre, tandis que la voûte céleste est

occupée par les étoiles fixes. Dans ce monde, il est nécessaire de distinguer deux régions. L'une est appelée par

Aristote " supra lunaire ». L'autre, la région " sublunaire », est la Terre. Pourquoi cette distinction?

Les phénomènes célestes se caractérisent par la régularité, l'immuabilité, en un mot la perfection, tandis

que les phénomènes terrestres sont variables, changeants, soumis à la dégénérescence et à la corruption. La

Terre et le Ciel ne peuvent donc pas être de même nature. À ces deux régions correspondent deux sciences. L'une, l'astronomie, pourra faire usage des

mathématiques dans le but de rendre compte non de la nature des astres, mais de leur position ; l'autre, la

physique terrestre, ne pourra pas recourir aux mathématiques, car elles ne peuvent pas s'appliquer à des

phénomènes concrets.

Cette conception géocentrique du monde ne peut pas être réduite à une interprétation naïve. Si donc la

conception d'Aristote s'est maintenue, c'est qu'il y avait en faveur de l'immobilité de la Terre des arguments. En

effet, si la Terre est mobile, comment comprendre par exemple que les corps sur Terre puissent tomber à la

verticale ?

Selon ce dernier, le mouvement c'est le changement. Ces mouvements sont naturels s'ils sont conformes

à la nature ou essence du corps, ils sont violents s'ils s'opposent à la nature du corps. Pour savoir quel est le

mouvement naturel d'un astre, il suffit de connaître sa nature. Ce qui veut dire aussi que la connaissance de la

nature des astres aura priorité sur les résultats de l'observation. Lorsqu'il y aura contradiction entre théorie et

observations, ce sera sur ces dernières qu'on fera porter le soupçon. Cette conception du mouvement aura une

double conséquence. D'une part, elle s'oppose à la mesure mathématique des mouvements naturels, et d'autre

part, elle rend inconcevable la notion de vide.

Ce qui caractérise particulièrement la physique d'Aristote c'est bien un certain mode de validation des

connaissances par le moyen de l'observation, sans médiation de moyens techniques.

b). De la physique aristotélicienne à la physique galiléenne. Quelle est la place de Platon et Aristote

dans la révolution scientifique des XVIe et XVIIe siècle ?

Le Moyen Âge était dominé par la science d'Aristote, et la science moderne avec Galilée, s'était

constituée en se réclamant de Platon. La science moderne à ses débuts s'est enracinée beaucoup plus dans la

théorie que dans l'expérience, ne serait-ce que pour cette raison : les appareils de mesure dont on disposait à

l'époque étaient rudimentaires. Comment dans ces conditions expérimenter de façon vraiment concluante ?

Concernant la loi de la chute des corps, Galilée a raisonné pour l'essentiel de façon mathématique, sans

pouvoir donner de valeur correcte à la constante de gravitation, qui du reste ne le préoccupait que médiocrement.

Ce qui l'intéressait, c'était l'existence d'une loi mathématique. Aristote disait que les mathématiques, immuables,

ne pouvait être d'un grand secours pour décrire un monde changeant : les deux domaines étaient trop hétérogènes

pour pouvoir se rencontrer. Le propos de Galilée était exactement inverse : selon lui la nature entière était écrite

en langage mathématique.. Le renversement est complet.

Jusqu'à Bruno, le monde était conçu comme unique et fini, mis en mouvement par un moteur extérieur

et immobile : Dieu ou " Acte pur » mouvant les êtres qui tendent vers lui par un désir de perfection. Le monde

était pensé comme constituer de sphères emboîtées les unes dans les autres. La dernière sphère solide portait les

étoiles qui semblaient conserver les mêmes distances les unes par rapport aux autres, et qu'on appelait pour cette

raison les étoiles fixes. Puis, à l'intérieur, venait de bas en haut, la sphère de la Lune, celle de Mercure, de

Vénus, du Soleil, de Mars, de Jupiter et de Saturne. Ces sphères ne se conformaient pas toujours à un ordre

simple, et les mathématiciens devaient accomplir des tours de force pour les soumettre à la loi du cercle.

c). Du cosmos antique à l'intuition de Copernic

Devant les difficultés inextricables de cette géométrie, et la nécessité d'adopter une règle différente pour

chaque planète, Copernic avait été amené à consulter des philosophes plus anciens, qu'Aristote avait critiqués :

il trouva chez les pythagoriciens l'idée d'un feu central, situé au centre du cosmos, qui éclairait tous les corps

sidéraux, y compris le soleil. Copernic substitua le soleil au feu central des pythagoriciens.

La structure du monde en fut simplifiée mais non radicalement modifiée. Au centre était le soleil;

venaient ensuite, dans l'ordre, les sphères qui portaient Mercure, Vénus, la Terre - elle-même centre de rotation

de la sphère lunaire puis Jupiter, Saturne, enfin les étoiles fixes. Uranus, Neptune et Pluton n'étaient pas encore

connus. Les travaux de Copernic reconnaissaient donc encore les sphères antiques et, bien entendu, le

firmament des étoiles fixes. La Terre, jusque-là centre immobile du monde et dépourvue de tout support, se

voyait elle-même assujettie à un globe spécial qui pût l'entraîner autour du soleil. Toutefois, loin d'être une astronomie authentiquement scientifique, la conception copernicienne s'apparentait plutôt à une esthétique géométrique et métaphysique.

Si la révolution scientifique fut rapide, la destruction du paysage mental ne se fit pas brutalement. Il

convient cependant de se garder de toute simplification : les certitudes scientifiques sont déjà mises à mal dès le

XIVè siècle par des penseurs comme Nicolas Oresme et Jean Buridan

Le premier homme à avoir rejeté la conception médiévale du cosmos, et à avoir eu l'idée d'un Univers

sans limites, fut Nicolas de Cuse, le dernier grand philosophe de la fin du Moyen Âge. Giordano Bruno lui

emboîta le pas. d). L'unification de la Terre et des Cieux

Ce monde antique clos, fini, hiérarchiquement ordonné, différencié qualitativement et ontologiquement

va, au XVIIè siècle, à la suite de Galilée, céder la place à un Univers ouvert, indéfini, unifié non par sa structure

immanente mais seulement par l'homogénéité de sa matière et l'identité de ses lois. Koyré parle pour qualifier

cette destruction de " rupture du cercle », d'" éclatement de la sphère ».

La révolution galiléenne rend en effet caduque l'idée centrale du Traité du Ciel d'Aristote : les lois de

la physique sublunaire, se contentant de relever ce qui se produit " le plus souvent », sont différentes par nature

des lois astronomiques exactes et mathématisables qui régissent le monde sidéral.

Pour Galilée, qui se fait ici disciple de Platon, il y a la conviction que le modèle théorique doit

nécessairement dominer la réalité. Galilée ne récuse pas le réel pour autant. Mais pour lui, la réalité du réel est

dans une structure mathématique que dissimulent les apparences. La mathématicité du monde qu'il affirme n'est

pas un fait d'expérience, mais un principe : l'expérience, si expérience il y a, ne demande plus aux choses ce

qu'elles sont, mais comment elles répondent à une visée théorique préalable. De ce point de vue, Platon lui

fournit un cadre de pensée bienvenue, même s'il l'utilise de manière très personnelle.

Quelqu'un d'autre a joué un très grand rôle pour Galilée : c'est Archimède. Dans le cadre de la

géométrie euclidienne, Archimède avait mathématisé les problèmes d'équilibres statiques. L'ambition de

Galilée, c'était de faire pour le mouvement ce que Archimède avait réalisé pour la statique. Ambition immense,

dont la loi de la chute des corps venait ébaucher la réalisation.

L'acte de naissance de la physique moderne - dite aussi " classique » par opposition à la physique du

XXè siècle ou contemporaine - repose sur des unifications décisives : celle de l'espace, fondatrice du concept

d'Univers sur lequel est venue s'appuyer la notion de loi universelle; celle, qui lui est corrélative, de la matière,

pensée comme étant partout semblable-, celle enfin des différentes sortes de mouvement, dont une loi unique

peut rendre compte, qu'ils soient rectilignes, circulaires, montants, descendants, " naturels » ou " violents ». En

quelques dizaines d'armées, l'attitude de l'homme à l'égard de la nature changea de fond en comble. La possibilité

de formuler mathématiquement les lois qui la gouvernent fut assimilée par la majorité à la puissance d'"

expliquer ».

L'observation de faits jusqu'alors inconnus révéla la fragilité des principes des aristotéliciens, et heurta

de front des certitudes fondées sur la perception immédiate. Ce fut possible grâce à une nouveauté

méthodologique : médiatiser le regard humain grâce au perspicillum, lunette grossissante dont Galilée est le

premier à avoir eu l'idée de tourner vers les cieux, achevant la destruction de la représentation du monde comme

sphère finie.

La découverte du relief lunaire rend également caduque la représentation traditionnelle d'une Lune

parfaitement sphérique, à la surface polie et sans aspérités.

Ainsi, Galilée raisonne à partir de l'expérience et non seulement à propos d'elle comme le faisaient

Nicolas de Cuse ou Giordano Bruno. Il a redéfini l'intelligibilité scientifique ainsi que les moyens propres à en

assurer la réalisation : un nouvel idéal explicatif, associant de façon inédite la raison et le réel. Il s'agit désormais

de mettre d'accord la théorie et l'expérience. Encore faut-il prendre cette affirmation avec nuance et subtilité,

sous peine de tomber dans le terrorisme simpliste du fait.quotesdbs_dbs28.pdfusesText_34
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