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Aprèstout

deGeorges

L.Godeau

CHRONIQUES

JeanOrizet

Lespoètes

duquotidien

1a existé à toutes lesépoques,de Villonà Vian,

despoètespourqui la pratique de lapoésie n'était en rien un exerciced'ordreesthétique, intellectuel oumétaphysique,mais plutôt une manière efficace, à leurs yeux, de se réconcilier avec eux-mêmes, ou alors de vivre moins mal. Cette poésie-là, au fildu temps, a été affublée de qualificatifsdivers:descriptive, narrative, réaliste et néoréaliste,quotidienne,que sais-je?Ce "nou veau réalisme

» -adoptonscetteterminologie

- estbienreprésentédans lapoésiecontempo raine, disons depuis une trentained'années.Il y a eu, parexemple,le travaild'unMichel Butor dontl'écriture aexplorétoutes les directions, la poésien'étantpas la moindre. De la même géné rationque cellede Butor(né en

1926),un Georges

L.Godeau(né en1921)écritdespoèmesen prose, généralementcourts:ilssont à peu près tous des petitschefs-d'oeuvrede vérité, de simplicité, de tendresseou de férocité, nourris par un sens aigu de l'observation.

Pourgagnersa vie, Georges

L.Godeaua été

ingénieurdes Travaux publics(aujourd'huià la retraite,jecrois).Sonmétier luidonnaitl'occasion de voir les gens au travail, deconnaîtreleurs petites joiesquotidiennes,leurspeineset leurs souciségalement;deregarderles gens "vivre», en somme. Cettefaçond'êtrea nourri sa poésie, simple, sans fioritures ni effets de style. Depuis lesMotsdiffi ciles(Gallimard,1962),Godeaua publié une bonnedouzaine.de recueils,donttrois au Dé bleu, cette active petite maisond'éditionanimée par LouisDubost, àChaille-sous-les-Ormeaux,en

Vendée;Dubost,dontle goûtpource genre de

166

REVUE DES DEUX MONDES SEPTEMBRE 1991

POESIE

poésies'affirmede plusenplusdansseschoix

éditoriaux.Le plusrécentouvragedeGodeau

chezcetéditeurs'intitule

Après tout(1).Comme

enprose(entre6et 12 lignesenmoyenne),pour nousdonneràvoircequechacundenous pourraitvoir,pourpeuqu'il yprêtâtattention.

Parfois, le

"réalisme»deGodeause faitterrible:

Uneproie

Parce que son mari est mort hier, ilsl'invitent

àdîner. Elle ne saitcommentremercier, elle

tombedansleurs bras, elle pleure. Ils ron ronnent.

Cesontdeuxmonstres

àlunettes etrictus.Ils

nelamangeront pascesoir,ilsselagardentpour la dégusteràlongueurdejours, de mois.Solide, ellepeutdurermêmedes années, souffrir, mou rir. Ce seraencoreelle quis'excuseradu dérangement.

Toujoursau Débleu,voici troisautrespoètesde

lagénérationqui suit celle deGodeau.Eux sont nésentre1940 et 1953.Chacun,àsamanière, etsincère queGodeaua faitesienne.

DanielBiga,l'aîné(1940), est

unenfantde Mai

1968 qui avaittrouvé,avec

Oiseauxmohicans

(1969) etKilroy Was Here(1972),untonde révolte,dedérisionet deprovocationremarqué parlacritiquedumoment.Oh!il nes'estpas réellementassagi, mais ilapris del'âgeetquelque distanceetrecul

àl'égarddelui-mêmeet du

mondeextérieur.Sondernierrecueil,Stations du chemin et 1987 : 167

Stations

du chemin de Daniel Biga

Le Tour

de la question deJean-Claude

Martin

CHRONIQUES

Laquelle?

Messieurs lesGagnantset Messieurs lesPlacés

jen'aid'autrebutque la Vie

être moidansla vie

jen'ai pas-chancecommeinfirmité lesambitionsvôtres mais unechose en moi est démesurée et vous aurieztortquandmême mevoyantraser lesmursde vos certitudes de meprendre-uniquement- pourunpauvretype justeau bord de la mendicité. Jean-ClaudeMartin (né en 1947) estàl'aise, lui aussi, dans le courtpoèmeen prose.

Le Tour de

laquestion (3)est, sauf erreur, soncinquième recueil. Voicilequotidientranquille dans toute sa "splendeur»: j'aiouvertlafenêtreet retrouvéunematinée d'été.

J'aiposéle bol

surla tableet,àtravers l'anse de la cafetière,j'airegardé le ciel. j'airéparé le loquet de la barrière,poussé la bicyclettedansladouceurde l'air. j'aiappuyéde toutes mesforces sur les pédales,

Dansl'air,

unsouffle que lemouvementde la bicyclette a déplacé

Moncoeurbattait. Unesueurperlaitàmonfront.

Un instant, je t'avais oubliée.

QuantàPierreAutin-Grenier,qui écrit,nous dit-il, ((pourunepoignéede lecteursàpeineii,il a publiérécemment,toujours chez Louis Dubost, les Radis bleus(4), sonseptièmeouhuitième 168

POESIE

recueil. Celui-ci seprésentesous la formed'un journalpoétiquecommençantun lundi 17janvier, jour de la Sainte-Roseline, sans indication d'an née,pourseterminerundimanche16 janvier, donc un an plus tard, le jour de laSaint-Marcel.

Ce jour-là, lepoèteécrivit:

A l'heure où nousmettonsunpointfinalàce

livre,ne nouspréoccupeque le superflu, nous mobilise la bricole et l'inutile tout entier nous requiert. Ce n'estmêmeplus unluxepournous grandiose,seulementlaridiculeclavettequi tient tout.Etnoussavonsdevoir nousrésumerbientôt nous-même

àuneminusculepoignéede pous

sière.Est-cetrop demander, dèslors,que l'on se désintéresse untantinetde nous etqu'onnous laisse enfintranquille?

On dit cela, on dit cela!Mais,comme tous vos

frères eninquiétude,cher poète,n'avez-vouspas un tantinetbesoinde notre attention et de notre lecture?Peut-être même avez-vousbesoinque nous vous aimions 169

LesRadis

bleus dePierre

Autin-Grenier

1.2.3.4.LeDébleu,

Chaillé-sous-les-Ormeaux,

85310Saint-Florent

des-Bois.Diffusion

Distique.

quotesdbs_dbs48.pdfusesText_48

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