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Rémy Rieffel

Professeur en Sciences de l'Information et de la Communication (Sociologie des médias). École Normale Supérieure (Saint-Cloud). Agrégé de Lettres modernes.



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  • Quel est l'objet de la sociologie des médias ?

    La sociologie des médias est la branche de la sociologie consacrée à l'étude des médias, leur histoire, leur influence (notamment dans le champ de la politique et celui de l'économie), tant par ce qu'ils véhiculent (contenus) que via le moyen (médium) utilisé.
  • Comment les médias influence la socialisation ?

    Ce faisant, les médias contribuent à marquer les processus de socialisation par les manières dont ils décrivent et interprètent les évènements de la vie publique (Lippman, 1992), rendent visibles ou invisibles certaines catégories de personnes ou certains faits, ou encore, produisent et diffusent des modèles et des
  • Quelles sont les fonctions sociales des médias ?

    Les médias sociaux de partage (sharing) : ils servent à partager tout type de contenu, en public ou à son réseau (photo et vidéo, musique…). Les médias sociaux de réseautage (networking) : ils servent à créer et développer un réseau.
  • La Sociologie de la Communication, rigoureuse et quantitative, porte sur les audiences, la crédibilité des media. Depuis peu, en collaboration avec l'Université Paris I, cet Institut publie la Revue Fran?ise de Communication, diffusée par abonnement.
XVIIe congrès international des sociologues de langue française

Tours, 5-9 juillet 2004

Actes de travaux du groupe de travail

" Sociologie de la communication »

Janvier 2005

1 Pour une reconnaissance de l'approche ethnographique en sciences de l'information et de la communication Ou, pourquoi l'étude des utilisations de l'internet doit aussi se faire par l'immersion numérique

Christophe BAREILLE *

Selon les prévisions du cabinet d'études Computer Economics, il y aura, dans le monde,

17 millions d'internautes gays d'ici à l'an 2005. Par ailleurs, une étude de Forrester Research

(Kolko, Gazala, Strohm, 2003), parue en juin 2003 souligne que la " communauté gay " utilise davantage l'internet et depuis plus longtemps que le reste de la population. C'est ainsi

qu'elle achète plus en ligne (63% contre 53% des foyers hétérosexuels interrogés), qu'elle

dispose plus fréquemment d'une connexion haut-débit (31% contre 23%) et qu'elle effectue plus de transactions financières via l'internet (35% contre 26%). Que nous apprennent réellement ces chiffres ? Que nous disent-ils des changements sociaux, comportementaux, de

l'action de la technique dans la société, des utilisations effectives, des représentations, de la

culture matérielle ? Peu de choses... Les recherches en sciences de l'information et de la communication s'inscrivent dans

une interdiscipline qui se structure depuis les années 1970. Les premières recherches émanent

de sociologues américains et concernent les études sur la réception. C'est dans le cheminement de ces réflexions que s'inscrit ma recherche sur l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans la construction de soi en tant que sujet homosexuel. Il s'agit en effet de comprendre en quoi les nouvelles technologies ont une influence sur les sujets homosexuels d'une part et, dans une certaine réciprocité, en quoi les sujets homosexuels influent sur la technique. Si l'on considère, ce qui est mon cas, que s'intéresser à la communication, c'est, comme le souligne Serge Proulx et Philippe Breton, " distinguer clairement entre quatre ordres de réalité : celui des pratiques effectives de communication ; celui des techniques que l'on met en oeuvre dans ces pratiques ; celui plus

spécialisé, des théories sur lesquelles s'appuient ces techniques ; et enfin celui des enjeux qui

sont associés à la communication " (Breton et Proulx, 2002), alors il faut faire le choix d'une

méthode d'analyse de ces quatre dimensions. Pour cela, il faut, comme le dit très justement Serge Proulx, " une ethnographie des usages [...] afin de pouvoir observer le plus finement possible l'action effective de la technique dans la société " (Proulx, 1999). Cet article cherchera donc à répondre à la question suivante : dans quelles mesures une approche ethnographique permet-elle de participer au travail de recueil de données pertinentes pour la construction de la compréhension des utilisations des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Défendre l'approche ethnographique comme méthode de recueil de données sur les utilisations de l'internet impose de définir ce que j'entends pas approche ethnographique au regard du terrain numérique. En effet, plusieurs méthodes sont envisageables, comme le

souligne Véronique Poutrain et Stéphane Héas : " il peut s'agir, par exemple, d'observer les

internautes d'un cybercafé, les joueurs d'un LAN [...], ou bien l'enquête peut se dérouler directement sur Internet. " (Poutrain et Héas, 2003). " L'anthropologie utilise généralement quatre formes de production de données : l'observation participante (l'insertion prolongée de l'enquêteur dans le milieu de vie des 2

enquêtés), l'entretien (les interactions discursives délibérément suscitées par le chercheur

d'une manière plus ou moins directive), les procédés de recension (le recours à des dispositifs

d'investigation systématique), la collecte de sources écrites. " (ibid.). Sur l'internet comme ailleurs, certains principes doivent être respectés comme la

triangulation. Toute information doit être vérifiée. Le chercheur croise ainsi les informations

afin de ne pas s'appuyer sur une seule source. Ma recherche concerne un groupe social et " virtuel " particulier - les hommes étiquetés (Becker, 1985) comme homosexuels - aux caractéristiques spécifiques : il s'agit d'un groupe

social minoritaire et minorisé ayant toujours existé dans la société et ayant connu des périodes

de discriminations intenses l'obligeant à se cacher et à rechercher en permanence la préservation de l'anonymat. Ainsi, depuis quatre ans j'observe et j'analyse les comportements et les utilisations d'hommes fréquentant des sites homosexuels ou fréquentés par des homosexuels. Cette observation stricte prend parfois des tournures d'observation participante et même de participation observante conduisant, dans certains cas, à des entretiens médiatés par

ordinateur. Parallèlement, j'analyse avec une attention particulière les contenus de groupes de

discussion et de sites fréquentés par les homosexuels. Il s'agit autant des contenus rédactionnels des animateurs des sites (articles, conseils, revue de presse, critiques, ...) que des interactions avec les internautes et des internautes entre eux (forums de discussion, tranches de vie, témoignages, ...). Enfin, j'effectue des entretiens en face à face afin d'approfondir les réponses obtenues par l'observation. Ces entretiens me permettent notamment de faire cet aller et retour nécessaire entre le terrain et la théorie, entre l'observation du faire et les représentations explicitées dans le dire. Ainsi, même si Bernard Lahire pense qu'il est " impossible, dans la plupart des cas, d'appliquer mécaniquement à de nouveaux thèmes ou sujets les concepts ou les méthodes anciennement éprouvées " (Lahire, 1999), je montrerai qu'il est tout à fait pertinent, en suivant quelques redéfinitions conceptuelles et méthodologiques propres à la discipline anthropologique, d'utiliser les outils ethnographiques pour étudier l'internet. J'aborderai donc cette article selon deux axes : la nécessaire rupture avec les trois unités de lieu, de temps et d'action d'une part, la place et le statut du chercheur au regard de son terrain et des sujets enquêtés d'autre part. Je vais donc montrer qu'en adoptant une posture critique par rapport aux " classiques "

de l'ethnologie - à savoir une rupture avec la définition des trois unités incontournables que

sont le lieu, le temps et l'action - il devient pertinent d'utiliser les outils ethnographiques pour étudier les utilisations des nouvelles technologies.

1. LA REDÉFINITION DES TROIS UNITÉS

1.1. Tout d'abord le lieu.

La méthode classique de l'ethnographe, en ce qui concerne le lieu, réside dans le fait de

circonscrire son terrain à une zone géographique précise, souvent lointaine, sur laquelle il

mènera son enquête (observation, entretiens, recueil de matériaux, etc.). Cette vision du

terrain, du lieu monolithique vient des premières études faites dans des contrées éloignées,

souvent colonisées. Il y avait alors une certaine logique de l'éloignement qui allait de pair

avec la nécessaire distanciation de l'ethnologue envers son quotidien, sa société. L'ailleurs

était donc ce terrain qu'il faillait étudier. Il faut comprendre par l'ailleurs, une société

3

singulière, une ethnie particulière, un groupe spécifique. Le terrain était donc le lieu sur lequel

se rendait l'ethnographe pour mener à bien son étude. Cette délimitation géographique qui

coïncidait avec une délimitation ethnique et culturelle n'était finalement qu'un découpage

ethno-spatio-temporel du réel dont l'objectif était de le rendre observable et de permettre la

construction de l'objet ethnographique. Mais c'était considérer que le terrain se basait sur une

unité géographique et culturelle close, hermétique. Or, il ne faudrait pas confondre lieu de l'observation et culture étudiée. Ce qui nous

intéresse lorsque l'on étudie les utilisations de l'internet, c'est le rapport entre technique et

société, technique et sujets, technique et groupes sociaux. C'est cette " culture numérique " en

tant que fait social qui m'intéresse et donc le lieu en question n'est pas nécessairement

monolithique, à moins d'étudier une " communauté virtuelle ", et encore... Finalement, le lieu

" correspond, comme l'ont montré P. Laburthe et J.-P. Warnier, " aux enquêtes de plus en plus nombreuses [qui] se sont assignées pour objectif non plus telle société mais telle

catégorie de faits (exemple : les pratiques religieuses [, les utilisations de l'internet]) » "

(Rosselin, 1998).Cette remise en question des approches classiques de l'ethnographie date des années 1950 et il est surprenant que les recherches en sciences de l'information et de la communication ne commencent que seulement à s'y intéresser.

En outre, l'élasticité, la fluidité qui caractérisent les sociétés actuelles, ses membres, sa

culture, devraient permettre de transcender la caractérisation du terrain sur cette unité de lieu,

d'autant plus lorsque le terrain en question est aussi mouvant et peu stabilisé que l'internet. Sur ce dernier, outil technique d'information et de communication, il convient de définir ce que l'on entend par lieu au regard du concept de terrain. En effet, selon que le parti pris de l'étude met en avant une unité géographique circonscrite (le cybercafé de la rue de la République à Rouen) ou une unité " virtuelle " (salon de chat, forum de discussion, etc.), l'approche ne sera pas la même. Dans le premier cas, il conviendra effectivement d'envisager de vivre son terrain comme peuvent le faire les sujets enquêtés, c'est-à-dire en étant

régulièrement présent dans le cybercafé, pour reprendre cet exemple. Dans le second cas, le

lieu est défini comme le point du réseau permettant aux internautes d'entrer en interaction. Il

s'agira alors d'être connecté en même temps pour être au même endroit que les sujets connectés, quel que soit le lieu de connexion. L'immersion numérique permet, symboliquement, ce don d'ubiquité et cette distanciation tant recherchés par l'ethnologue, qui jusqu'alors était enjoint " à la fois de garder ses distances et de pratiquer l'observation participante, le condamnant en somme à la schizophrénie. " (Augé, 1986). Enfin, du point de vue du recueil des données, l'ethnographie reste la méthode la plus pertinente pour obtenir des données de " première main ". Pour cela, il faut, comme le souligne Stéphane Beaud et Florence Weber , " réaliser des entretiens dans des lieux où les enquêtés se sentent comme chez eux " (Beaud et Weber, 1998, p.199). Concernant l'étude des utilisations de l'internet par les sujets homosexuels internautes, il est, dans ces conditions, tout à fait pertinent de faire le choix de la participation observante, de l'analyse de contenus 1 et des entretiens médiatés par ordinateur. Cela permet, en effet, de respecter l'anonymat qu'ils recherchent fréquemment. Les sujets homosexuels sont chez eux (le plus souvent), sur leur lieu de travail (plus rarement), en tout cas dans un lieu qui leur est familier et dans lequel ils se sentent suffisamment en confiance pour se connecter sur des services d'informations ou de

rencontres dédiés aux homosexuels. Il est donc impossible de considérer le lieu d'observation

(ici, une partie du réseau, ou plus exactement, un temps du réseau) comme un laboratoire clos

séparé du domicile de l'ethnographe de quelques milliers de kilomètres comme l'expliquait C.

1

Il ne s'agit pas de faire une analyse de contenus de façon formelle, mais de contextualiser l'environnement dans

lequel évoluent les sujets enquêtés. 4 Lévi-Strauss dans Tristes tropiques (1955, p.450). Le terrain ethnographique passe alors de in situ à in tempo.

1.2. Ensuite, le temps

Les premières études ethnographiques étaient, comme le dit " F. Paul-Lévy en exposant

les principes formulés par A. Comte, " à la recherche, la quête d'un autre temps, du temps le

plus distant de celui qui semble être le nôtre, du temps le plus proche de l'origine, du temps disparu et en quelques sortes miraculeusement conservé par quelques groupes témoins préservés à la fois de l'évolution et de la civilisation » " (1986, p.38). Les études

monographiques ont donc laissé penser que les sociétés étudiées étaient figées dans le temps,

comme si, l'objet d'étude et le terrain étaient réduits à n'être analysés qu'au présent, puisqu'à

l'échelle de l'ethnographe, seul interprète. Dans ces conditions, il paraît plus qu'improbable de pouvoir étudier les utilisations de l'internet. En effet, loin d'être une entité homogène vivant en autarcie, les homosexuels

internautes, sont hétérogènes, connectés en des temps différenciés et indissociables d'une

histoire du groupe social dans lequel ils s'insèrent parfois malgré eux 2 . Aussi, même si

l'internet est dans l'immédiateté, le présent, il n'en demeure pas moins que l'objet technique à

une histoire, des ancêtres (le Minitel en France, Vidéotron au Québec, par exemple) et surtout,

que les internautes qui l'utilisent ont également une histoire individuelle et collective. Cela

empêche donc l'ethnologue de pouvoir prétendre à une quelconque a-historicité de son étude,

pour peu qu'il le souhaite. Il faut donc opérer ce déplacement d'unité temporelle en réintroduisant l'histoire du groupe et son rapport avec l'outil technique. Cela doit se faire en gardant à l'esprit que le

chercheur ne peut se contenter du présent comme gage d'authenticité et de scientificité même

si cela doit le conduire à introduire dans son analyse des données qui ne sont pas uniquement

liées au terrain à proprement parler : articles de journaux, récits des premiers programmateurs,

des " détourneurs " des usages prévus du Minitel, etc. pour le pendant informatique, témoignages des utilisateurs homosexuels du Minitel, des messageries roses téléphoniques, des lieux extérieurs de rencontre, articles de presse, etc. pour le pendant homosexuel de

l'étude. En cela, le caractère interdisciplinaire que revêtent les sciences de l'information et de

la communication peut être d'un secours précieux. Non enfermé dans une monodiscipline, le chercheur en sciences de l'information et de la communication peut se prévaloir d'une

démarche ethnographique, à condition de respecter la triangulation et les outils qui sont mis à

sa disposition par la discipline connexe, sans en subir les aspects potentiellement négatifs.

1.3. Enfin, l'action

Elle " est le résultat de la conjugaison des unités de lieu et de temps, [qui tendait, dans

la vision " classique »,] à démontrer la perpétuation d'une tradition au sein de l'objet d'étude

qu'est telle ou telle société " (Rosselin, 1998, p.41) tel ou tel groupe. Il s'agit donc de valoriser ce qui dure, ce qui est " traditionnel ". C'est postuler l'existence d'une frontière

étanche entre la société étudiée et le reste du monde et cela, de façon durable dans le temps,

comme si aucune influence extérieure ne pouvait venir remettre en cause un certain ordre établi ; ce dernier se perpétuant par un phénomène de répétition immuable. Il ne peut en être question en ce qui concerne l'étude des utilisations de l'internet par les sujets homosexuels internautes. En effet, bien que cela puisse sembler paradoxal, " toutes les

" cultures » sont différentes mais aucune n'est radicalement étrangère ou incompréhensible

2

Voir à ce propos les " Réflexions sur la question gay » de Didier Eribon qui montre comment, au travers de

l'expérience quasi commune de l'injure, les homosexuels font partis d'un groupe, qu'ils s'en prévalent ou non.

5

aux autres. " (Augé, 1986, p.20) La connexion mondialisée de l'ensemble des sociétés, des

cultures, qu'elles soient majoritaires, minoritaires ou minorisées, qui peuplent la planète, bien

qu'hétérogène, est par définition le lieu de tous les échanges, toutes les perméabilités et donc

de toutes les évolutions possibles. L'internet est antinomique de la tradition : il est en perpétuelle mutation sous les effets de la technique, des utilisations des internautes et de l'évolution des contextes locaux et globaux.

Finalement, ces trois unités que sont le lieu, le temps et l'action renvoyaient à la volonté

distanciatrice du chercheur à son objet d'étude. C'était donc considérer qu'il ne faisait que

décrire la réalité sans prendre en compte le découpage spatio-temporel effectué lors de

l'observation. Or, et c'est à cette condition seulement que l'ethnographie comme méthode d'analyse des utilisations de l'internet est envisageable, c'est principalement dans le passage de l'observation à l'analyse que devrait se faire la distanciation objectivante. Il convient donc d'interroger la place et le statut du chercheur par rapport à ce nouveau

terrain qu'est l'internet en remettant en question son hypothétique neutralité et en défendant

sa subjectivité.

2. LE CHERCHEUR EN LIGNE

" Pour observer tel ou tel micro-objet, disent Stéphane Beaud et Florence Weber, dans tel micro-lieu, dans des micro-situations, il faut avoir une place possible, pouvoir se faire sa place. A vrai dire, les terrains ne sont pas faciles ou difficiles dans l'absolu, mais en relation avec le statut social de l'enquêteur. " (Beaud et Weber, 1998, p.51). Ce statut social est trop peu souvent interrogé en sciences de l'information et de la communication. Quelle est la place du chercheur, de l'ethnologue en sciences de l'information et de la communication face à son

terrain et aux enquêtés. Dans le cas qui nous intéresse ici, il s'agit d'homosexuels masculins

français ayant une utilisation de l'internet. Aussi, au même titre que " le terme étudiant rassure, [car] nombreux sont les enquêtés qui en connaissent dans leur entourage " (ibid, p.99), le " statut " d'homosexuel, lorsqu'il est explicitement dit et identifiable, donc " prouvable " rassure, puisqu'il engendre le simple fait de pouvoir comprendre en toute

confiance, complicité ; complicité indispensable dans l'enquête de terrain. Autrement dit, cela

reviendrait à parler d'une certaine " endo-ethnographie ", apparemment préjudiciable à la distanciation. Néanmoins, comme le souligne Jean-Pierre Olivier de Sardan, " personne n'est jamais endo-ethnologue. Même issu du milieu culturel et social qu'il étudie, le chercheur, justement

parce qu'il a suivi un parcours de sortie de ce milieu (à travers son itinéraire universitaire, à

travers la problématique qu'il met en oeuvre), n'est évidemment plus quelqu'un de ce milieu

" comme les autres ». Il est pour une part en situation d'extériorité même quand il est au

départ " natif » " (de Sardan, 1999). Ainsi, être internaute, homosexuel n'est pas suffisant

pour qualifier le chercheur ethnologue en sciences de l'information et de la communication que je suis. Je suis par ailleurs en couple, universitaire, étudiant en doctorat, enseignant en institut universitaire de technologie, j'ai 29 ans, un engagement politique et associatif, je suis né de parents de classe moyenne, j'ai trois soeurs, etc.. L'ensemble des ces paramètres constituant, si l'exhaustivité était possible, mon identification et me permettant donc cette

nécessaire distanciation à mon objet d'étude. De plus, comme je l'ai déjà dit, c'est bien le

passage de l'observation à l'analyse puis à l'écriture qui permet la distanciation et pas le seul

statut de chercheur. Penser que c'est la distanciation qui permet l'objectivité, c'est aussi penser que l'ethnographie est une méthode non pertinente. En effet, comment faire de l'observation

participante, voire de la participation observante, sans être dans l'objet étudié, sans faire partie

6

du groupe social étudié. " L'ethnologue [...] sait qu'à trop de distance, toutes choses perdent

sens, et qu'un cosmonaute éternellement mis sur orbite, sans espoir de retour, porterait aussi

peu d'intérêt à la terre qu'à la lune " (Augé, 1986, p.192). Etudié un fait social, ici, la

construction de soi en tant que sujet homosexuel, c'est donc être dans et hors de l'objet étudié.

C'est être capable de faire ces allers et retours nécessaires entre un vécu connu et partagé et

une prise de distance critique par rapport à ce dernier. De plus, lors de l'étude des utilisations de l'internet par les homosexuels masculins, j'ai été confronté à ce besoin quasi impérieux d'anonymat. Il ne s'agit pas uniquement de

considérations éthiques visant à respecter l'anonymat de l'autre, c'est à dire du sujet enquêté,

mais également à ne pas dévoiler sa propre " identité " de chercheur. Ainsi, peut-on s'interroger sur la pertinence de l'injonction faite par S. Beaud et Florence Weber lorsque ces derniers mettent en garde l'apprenti ethnographe : " N'oubliez pas ce que signifie " se

présenter » : décliner nom et qualité, justifier sa présence, désamorcer les soupçons, offrir

une image présentable, supportable pour vous et pour l'autre " (Beaud et Weber, 1998, p.51). En l'espèce, offrir une image présentable, supportable revient pour le chercheur à " se

fondre » dans les us et coutumes propres au groupe étudié. Se présenter revêt effectivement

un caractère essentiel en ligne, c'est une des premières questions qui revient aussi bien sur les

outils synchrones qu'asynchrones. Mais la présentation de soi prend un autre sens : celui de la " rencontrabilité ". Je ne plaide pas pour un non respect de l'éthique qui veut que l'on annonce son statut de chercheur, mais pour le respect des enquêtés avant toute chose. Aussi, ne me suis-je que rarement présenté en tant que " chercheur en sciences de l'information et de

la communication ", mais... je n'ai jamais cherché à le cacher. Aussi était-il possible de le

savoir en consultant mes divers profils ou en me le demandant : " que fais tu dans la vie ? ". Le dévoilement pour ceux des sujets enquêtés qui ne le savent pas encore interviendra une

fois la rédaction de l'étude totalement terminée. Ceci afin de me permettre d'éventuels retour

au terrain si nécessaire. Finalement, je rejoins ce que disent S. Beaud et F. Weber lorsqu'ils en appellent au " bon sens sociologique, c'est[-à-dire à] la connaissance des normes en vigueur dans le

milieu enquêté " (Beaud et Weber, 1998, p.106) et à la nécessité " de gagner la confiance de

l'enquêté, de parvenir rapidement à le comprendre à demi-mot et à entrer (temporairement)

dans son univers (mental) " (ibid, p.203).

3. POUR CONCLURE...

Il est essentiel de bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'abandonner les trois unités de lieu, de temps et d'action, mais d'opérer un déplacement, de les adapter aux nouvelles donnes

de la recherche, de la société et de ces évolutions, des nouveaux objets d'étude et de leur

environnement technique, humain, économique, social et politique. En outre, il me semble important de rappeler que l'étude des utilisations des nouvelles technologies de façon

globalisée ou globalisante n'a pas de sens. En effet décontextualisées, socio-historiquement et

socio-techniquement, les données recueillies ne sont plus pertinentes. Ces dernières " ne sont pas analysables en dehors de leur contexte de production " comme le souligne S. Beaud et F. Weber (ibid, p.21) d'une part, et pas analysables non plus si elles ne sont pas mises en rapport avec l'histoire collective du groupe étudié et les histoires individuelles des sujets qui composent ce groupe d'autre part. En outre, le statut et la place du chercheur doivent sans cesse être interrogés. Lorsqu'il est sur son terrain, découpage spatio-temporel du réel physique ou " virtuel ", il est un

élément d'entropie éventuel. En cela, il doit avoir conscience du degré de nuisance potentielle

qu'il représente et des biais qu'il peut induire dans les réponses des sujets enquêtés. Même en

cas de non dévoilement de son statut de chercheur ethnologue en ligne, sa simple présence, 7 sous forme de pseudonyme par exemple, fait que l'environnement se trouve modifié : il y a un

connecté supplémentaire, un lecteur supplémentaire, etc. Pour peu qu'il se dévoile, à la

demande d'un correspondant, ou qu'il se trouve identifié grâce à un profil annonçant son

statut, très vite, par le " bouche à oreille numérique ", la quasi totalité des internautes d'un

même groupe en ligne connaîtra le but de sa présence en ligne. Il ne sera alors plus identifié

que comme chercheur avec tous les biais que cela peu induire : absence de réponse (" je ne suis pas un cobaye " disent certains, " je ne veux pas que ma présence en ligne soit connue "

disent d'autres), réponses biaisées pour que la face présentée au chercheur soit conforme à la

face souhaitée par l'internaute eu égard à l'idée qu'il se fait de se que doit être " un

homosexuel sur l'internet ", etc. Le chercheur ne peut faire abstraction de tout ces aléas de la recherche en ligne s'il veut pouvoir analyser avec pertinence le matériau recueilli. Enfin, lorsque l'on s'attache à étudier les utilisations de l'internet, n'oublions pas que " ce que nous observons ne " vaut » pas pour une autre population que celle que nous avons enquêtée directement [...]. Nous entrons dans la catégorie des monographies. Pour autant,

nous n'abdiquons pas toute ambition de généralisation. Cependant, nous ne généralisons pas

sur des " individus » ou des " populations », mais sur des " processus » et des " relations ».

Et, surtout nous entrons dans une logique cumulative : nous nous essayons à des

interprétations et des hypothèses, par définition générale, qui ont vocation à être contestées,

ici et ailleurs " (ibid, p.289) C'est également ce à quoi j'aspire et ce que dit, d'une autre façon, Brenda Danet : " As more such studies are completed, the possibility of generalizations across case studies will increase " 3 (2002).

BIBLIOGRAPHIE

AUGE M., Un ethnologue dans le métro, Ed. Hachette Littératures, Coll. Pluriel Actuel, 1986.
BEAUD S. et WEBER F., Guide de l'enquête de terrain. Produire et analyser des données ethnographiques, Ed. La Découverte, Paris, 1998. BECKER H. S., Outsiders. Etudes de sociologie de la déviance, Paris, Ed. Métailié, 1985. BRETON Ph. et PROULX S., L'explosion de la communication à l'aube du XXI e siècle, Ed. La Découverte, Coll. Sciences et société, Paris, 2002. DANET B., Methods, The First Annual Doctoral Consortium in Israel about Computer- Mediated Communication, the Internet, and Social Aspects Thereof, Sept. 19th, 2002. KOLKO J., GAZALA M. E., STROHM C. Q., Gays Are The Technology Early Adopters You Want, 2003. http://www.forrester.com/ER/Research/Brief/0,1317,17004,FF.html (Consulté le 12.01.2004) LAHIRE B., Programme scientifique : une sociologie psychologique. Cahiers Internationaux de sociologie, CVI, 1999. LEVI-STRAUSS C., Tristes tropiques, Ed. Plon, Coll. Pocket, 1955. OLIVIER DE SARDAN J.-P., " L'enquête de terrain socio-anthropologique ", in Actes des

journées d'études de l'IRMC organisées, en collaboration avec l'EHESS, à Tunis les 29 et 30

janvier 1999, dans le cadre du séminaire annuel de l'IRMC Sciences sociales : configuration en reconstruction. PAUL-LEVY F., " A la fondation de la sociologie : l'idéologie primitiviste ", in L'Homme, Anthropologie : état des lieux, Paris, EHESS et Librairie Génarale Française, 1986. 3

Trad. : " Plus de telles études seront réalisées, plus il sera possible de généraliser ".

8 POUTRAIN V. ET HEAS S., Les méthode d'enquête qualitatives sur Internet, ethnographiques.org [en ligne] n°4 (nov. 2003). http://www.ehnographiques.org/documents/article/ArPourHeas.html (page consultée le

05.04.2004).

PROULX S., " La construction sociale des objets informationnels : matériaux pour une ethnographie des usages ", in Actes du Colloque Comprendre les usages d'Internet, Paris, 3 et

4 décembre 1999 http://barthes.ens.fr/atelier/articles/proulx2000.html (page consultée le

10.10.2003).

ROSSELIN C., Habiter une pièce. Une ethnographie des espaces par la culture matérielle, thèse d'anthropologie sociale comparée, Université Paris V - René Descartes, 1998 (non publiée). 9 Femmes, hommes et usages d'Internet : ségrégation ou différenciation ?

Christiane BERNIER et Simon LAFLAMME

1. PROBLÉMATIQUE

1.1 Introduction

La " société du savoir », l'" autoroute de l'information », la " révolution numérique »,

autant de dénominations qui ont accompagné l'important virage technologique qu'ont vécu

les principaux pays occidentaux depuis les années 1970, les faisant passer du statut de sociétés

" développées » à celui de sociétés " branchées ».

À ce titre, on a tôt fait de s'inquiéter que l'avènement d'Internet dans les années 1990

ainsi que sa rapide diffusion aient un impact important sur les modes habituels d'accès à l'information et sur les formes sociales de communication tant interpersonnelle que familiale

(Kraut et al., 1998). Les analystes n'ont pas manqué d'en faire état et se sont appliqués à

identifier soit, d'un côté, la part d'innovation appréciable qu'implique ce nouveau média au

plan de l'information et de la communication, soit, de l'autre, celle de l'aggravation, à cause

du "pouvoir du savoir », des inégalités structurelles déjà existantes (Orbicum, 2003).

Dans la recension des écrits qu'ils ont consacrée au sujet, DiMaggio et ses collaborateurs (2001) indiquent cinq domaines dans lesquels se sont déployés les débats sur les changements que provoque Internet depuis une quinzaine d'années : 1) les inégalités sociales ; 2) le capital social et communautaire ; 3) la participation politique ; 4) les transformations dans les organisations et les institutions économiques ; 5) l'identité et la participation culturelle. Chacun de ces domaines a ses adeptes enthousiastes et ses détracteurs selon que l'on considère qu'Internet, et, plus globalement, la technologisation de l'information et de la communication, représente un apport bénéfique ou négatif pour les sociétés actuelles (Lafortune, 2003 ; Laflamme, 2005). Ce que l'on peut rapidement en dire, c'est que, alors que, pour les secteurs économiques, il est désormais clair que le e-commerce est en voie de modifier non seulement la notion de performance économique et les structures de commerce existantes (OCDE,

2004), tout comme les comportements et les pratiques d'achats de biens et de services des

particuliers (The Economist, 2004 ; Statistique Canada, Le Quotidien, 11 décembre 2003), en

ce qui a trait au rapport avec les autres médias, on semble de plus en plus reconnaître le fait

que les technologies d'information et de communication (TIC) viennent davantage compléter que remplacer, auprès des consommateurs, les usages déjà inscrits dans la pratique sociale (Laflamme, 2005 ; Di Maggio et al., 2003 ; Lafortune, 2003). De même que l'on craint de moins en moins qu'Internet ne sabre dans la socialité des comportements relationnels habituels, qu'ils soient interpersonnels, familiaux ou communautaires, les derniers résultats

d'enquête ne confirmant pas les premières inquiétudes exprimées à ce sujet (Laflamme, 2005

; Lafortune, 2003). Au chapitre des inégalités sociales, par ailleurs, on s'est centré sur la question des

différences d'accès - à un ordinateur d'abord, à Internet par la suite - que l'on a très vite

stigmatisée sous différents vocables, fracture numérique, fossé numérique ou clivage

technologique (" digital divide », " digital ditch »). À travers les diverses analyses produites,

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