[PDF] LES NUITS & POÈMES DIVERS De 1835 à 1837 Musset écrit





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LES NUITS & POÈMES DIVERS

De 1835 à 1837 Musset écrit Les Nuits

ALFRED DE MUSSET

LES NUITS & POÈMES DIVERS

Portrait de Musset par Charles Landelle

2

PRÉSENTATION

Louis Charles Alfred de Musset-Pathay est né le 11 décembre 1810 à Paris, dans une famille

très cultivée et aimante. Son père est un haut fonctionnaire et un homme de lettres. Alfred a un

frère et une soeur. L'héritage intellectuel et littéraire de la famille est important, puisque le grand-

père était poète, et le père spécialiste de Rousseau, un élément qui influencera l'écriture de

Musset.

Alfred de Musset entre au collège Henri IV à 9 ans, en 1819. Jusqu'en 1829, il étudie la médecine, le droit et la peinture, puis abandonne ses études par amour pour la littérature.

Dès l'adolescence, Alfred de Musset fréquente le Cénacle de Charles Nodier. Il se lie d'amitié

avec Sainte-Beuve et Vigny, tout en gardant ses distances avec Victor Hugo. Musset s'essaie à

plusieurs disciplines, dont la musique, avant de se rabattre sur la littérature, en raison de dons

évidents pour l'écriture. Il fait publier les Contes d'Espagne et d'Italie. A cette même période, sa

réputation se fait à travers Paris : anticonformiste, provocateur, doué pour la littérature et au

tempérament de dandy.

En avril 1832, Musset est accablé par le décès de son père. Il se réfugie dans une carrière

littéraire, en commençant par le théâtre. Après un échec retentissant, il laissera ce genre de côté

jusqu'en 1847. Toutefois, il garde un certain amour pour le théâtre et continue de publier des pièces dans La Revue des Deux Mondes. Il publie aussi un conte oriental, Namouna. Musset voyage en Italie en novembre 1833, accompagné de George Sand. Cela lui inspire

Lorenzaccio en 1834, chef-d'oeuvre du drame romantique. En 1834, après une période de

maladie, il publie la suite de son " Spectacle dans un fauteuil », qui comprend Les Caprices de Marianne,

Fantasio (1834), On ne badine pas avec l'amour (1834), La Nuit vénitienne, Un caprice, Il ne faut jurer de

rien... Parallèlement, Musset écrit des nouvelles et une autobiographie à peine voilée, La Confession

d'un enfant du siècle. De 1835 à 1837, Musset écrit Les Nuits, chef d'oeuvre lyrique du romantisme français. Elles font suite à sa rupture définitive avec George Sand. Il tombe ensuite amoureux de Caroline Jaubert, qui restera longtemps dans sa vie, y compris au travers d'une longue correspondance. En

réalité, Musset va rencontrer et fréquenter de nombreuses femmes : Pauline Garcia, Rachel, Melle

Despréaux, Louise Colet...

Le 24 avril 1845, Musset est nommé chevalier de la Légion d'honneur aux côtés de Balzac. Il

intègre l'Académie française sept ans plus tard, en 1852. La santé d'Alfred de Musset est de plus en plus fragile, car il est atteint d'une malformation

cardiaque et est devenu alcoolique et débauché. A bout de forces, il décède le 2 mai 1857.

Son oeuvre nous est parvenue grâce notamment au rôle important de son frère Paul, qui a écrit

des biographies, récupéré et fait rééditer plusieurs des oeuvres de son frère, dont Les Caprices de

Marianne ou La Mouche.

Alfred de Musset a véritablement été l'enfant de son siècle. En intitulant l'un de ses poèmes

Tristesse ou en contant la mort du désabusé Rolla, Musset n'a pas seulement exprimé sa souffrance,

mais aussi celle de tous ces jeunes gens qu'on a excité avec des rêves de révolutions ou de gloire

militaire, mais qui, en vérité, n'ont rien vécu d'autre que la réalité la plus plate. Plus que tout autre romantique, Musset a incarné l'effronterie et la fantaisie de la jeunesse. A

vingt ans, il composait des pièces telle Venise ou cette Ballade à la lune dont on ne savait pas s'il

s'agissait d'une oeuvre du romantisme le plus pur ou, au contraire, d'une simple parodie. Mais bien

rapidement le désenchantement s'est mêlé à la vivacité, et l'alcool, les mésaventures amoureuses

et la maladie ont miné l'inspiration du poète. Pendant un temps encore, Musset réussit à faire de

la douleur sa thématique préférée - il proclama avant Baudelaire une véritable esthétique de la

souffrance, faisant même dire à sa Muse dans La Nuit de décembre que " les plus désespérés sont les

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chants les plus beaux ». Mais il était dit que Musset n'était pas fait pour vieillir. Avant même

d'avoir atteint sa trentième année, il avait donné les meilleures de ses oeuvres. Bien sûr, de 1840 à

1857, Musset continua d'écrire, accumulant encore des contes, quelques pièces de théâtre et

d'assez nombreux poèmes. Cependant, des productions comme Lorenzaccio, Le Chandelier ou La

Confession d'un enfant du siècle avaient déjà été créées, de même que les Nuits ou l'émouvant Souvenir,

composé en pensant à George Sand.

A la fin de sa vie, Musset est un écrivain célébré, ce que signale bien son entrée à l'Académie

française en 1852. En retour, le poète fait des vers de circonstance et remplit des commandes.

Désormais, l'enfant terrible du romantisme n'est plus ; il ne reste à la place qu'un écrivain

professionnel.

Les Nuits forment une suite de quatre longs poèmes constitués d'un dialogue - réel ou rêvé -

entre le Poète et sa Muse. Les quatre Nuits parurent dans La Revue des deux Mondes de 1835 à

1841 ; leur thème est l'amour, ses souffrances et ses prolongements dans l'âme d'un homme qui

se veut avant tout poète. Musset évoque le rôle de la souffrance dans la création poétique et dans

la vie. De là, ce dialogue si nouveau entre la Muse tendrement maternelle et le Poète tourmenté

par la souffrance.

Dans la Nuit de mai, le Poète accablé par le "mal de vivre" et quelque désespoir d'amour, ne

trouve plus la force ni l'inspiration nécessaire à son oeuvre, à sa création. A l'aube du printemps,

sa Muse lui apparaît et, dans une sorte de rêve éveillé, lui révèle que c'est justement dans l'épreuve

et la douleur que l'Artiste puise sa force et son génie. Elle exhorte le poète à chanter et lui

propose d'oublier son mal en laissant errer son inspiration ; mais il persiste à se taire et demeure

abîmé dans sa douleur. Ne peut-il alors, suggère-t-elle, servir au public en festin poétique les

souffrances de son coeur ? Il juge la tâche au dessus de ses forces et se dérobe définitivement.

Le Poète, sourd à son enthousiasme, s'interroge alors dans la Nuit de décembre sur la destinée

humaine. Il mesure avec angoisse la fragilité de la condition humaine et la Muse lui apparaît comme l'allégorie de la solitude, comme une âme soeur qui ne peut le consoler : Un personnage qui ressemble au poète comme un frère lui est toujours apparu aux heures sombres de sa vie. Il interroge ce double mystérieux, qu'il vient de retrouver au moment où il enfermait dans un

coffret les reliques d'un amour brisé. L'étrange vision révèle son secret : elle s'appelle la solitude.

Dans la Nuit d'août, le Poète s'étant repris à espérer s'étourdit et s'enivre des plaisirs du monde,

la Muse en femme délaissée lui reproche de dilapider sa créativité et de perdre sa vie. Le poète

accueille avec joie sa muse ; mais elle s'inquiète de le voir plongé dans une ivresse factice : pense-

t-il être guéri de sa blessure, et ne regrettera-t-il pas ? Le poète refuse de partager ses alarmes ; il

veut renaître au bonheur dans l'exaltation de nouvelles amours.

Puis à nouveau dans la Nuit d'octobre, elle redevient sa confidente attentive et presque

maternelle et le Poète, dans une sorte de "catharsis", maudit la femme aimée qui lui fut infidèle ;

le dialogue se fait alors plus intime pour révéler au Poète, enfin apaisé, combien la vie et le

bonheur d'aimer sont indissociables de la souffrance et de la mort. Le poète, dans un sursaut, se dispose à renaître avec le jour qui se lève. 4

AU LECTEUR

Ce livre est toute ma jeunesse ;

Je l'ai fait sans presque y songer.

Il y paraît, je le confesse,

Et j'aurais pu le corriger.

Mais quand l'homme change sans cesse,

Au passé pourquoi rien changer ?

Va-t-en pauvre oiseau passager;

Que Dieu te mène à ton adresse !

Qui que tu sois, qui me liras,

Lis-en le plus que tu pourras,

Et ne me condamne qu'en somme.

Mes premiers vers sont d'un enfant,

Les seconds d'un adolescent,

Les derniers à peine d'un homme.

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LA NUIT DE MAI

Ce poème a été composé en mai 1835. La Muse s'y fait pressante comme si elle voulait forcer le

poète à l'inspiration et, en effet, alors que Musset n'avait presque rien écrit dans les premiers mois

de 1835, la seconde moitié de l'année fut très féconde. D'autre part, la Muse proclame ici la beauté

de la souffrance (pensons aux célèbres vers : Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, /

Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.), affirmation caractéristique de la pensée de

Musset.

LA MUSE

Poète, prends ton luth et me donne un baiser;

La fleur de l'églantier sent ses bourgeons éclore, Le printemps naît ce soir; les vents vont s'embraser;

Et la bergeronnette, en attendant l'aurore,

Aux premiers buissons verts commence à se poser.

Poète, prends ton luth, et me donne un baiser.

LE POÈTE

Comme il fait noir dans la vallée !

J'ai cru qu'une forme voilée

Flottait là-bas sur la forêt.

Elle sortait de la prairie;

Son pied rasait l'herbe fleurie;

C'est une étrange rêverie;

Elle s'efface et disparaît.

LA MUSE

Poète, prends ton luth; la nuit, sur la pelouse,

Balance le zéphyr dans son voile odorant.

La rose, vierge encor, se referme jalouse

Sur le frelon nacré qu'elle enivre en mourant.

Écoute ! tout se tait; songe à ta bien-aimée. Ce soir, sous les tilleuls, à la sombre ramée

Le rayon du couchant laisse un adieu plus doux.

Ce soir, tout va fleurir : l'immortelle nature

Se remplit de parfums, d'amour et de murmure,

Comme le lit joyeux de deux jeunes époux.

LE POÈTE

Pourquoi mon coeur bat-il si vite ?

Qu'ai-je donc en moi qui s'agite

Dont je me sens épouvanté ?

Ne frappe-t-on pas à ma porte ?

Pourquoi ma lampe à demi morte

M'éblouit-elle de clarté ?

Dieu puissant ! tout mon corps frissonne.

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Qui vient ? qui m'appelle ? - Personne.

Je suis seul; c'est l'heure qui sonne;

O solitude ! ô pauvreté !

LA MUSE

Poète, prends ton luth; le vin de la jeunesse

Fermente cette nuit dans les veines de Dieu.

Mon sein est inquiet; la volupté l'oppresse,

Et les vents altérés m'ont mis la lèvre en feu.

O paresseux enfant ! regarde, je suis belle.

Notre premier baiser, ne t'en souviens-tu pas,

Quand je te vis si pâle au toucher de mon aile, Et que, les yeux en pleurs, tu tombas dans mes bras ?

Ah ! je t'ai consolé d'une amère souffrance

Hélas ! bien jeune encor, tu te mourais d'amour.

Console-moi ce soir, je me meurs d'espérance;

J'ai besoin de prier pour vivre jusqu'au jour.

LE POÈTE

Est-ce toi dont la voix m'appelle,

O ma pauvre Muse ! est-ce toi ?

O ma fleur ! ô mon immortelle !

Seul être pudique et fidèle

Où vive encor l'amour de moi !

Oui, te voilà, c'est toi, ma blonde,

C'est toi, ma maîtresse et ma soeur !

Et je sens, dans la nuit profonde,

De ta robe d'or qui m'inonde

Les rayons glisser dans mon coeur.

LA MUSE

Poète, prends ton luth; c'est moi, ton immortelle,

Qui t'ai vu cette nuit triste et silencieux,

Et qui, comme un oiseau que sa couvée appelle,

Pour pleurer avec toi descends du haut des cieux.

Viens, tu souffres, ami. Quelque ennui solitaire

Te ronge, quelque chose a gémi dans ton coeur;

Quelque amour t'est venu, comme on en voit sur terre,

Une ombre de plaisir, un semblant de bonheur.

Viens, chantons devant Dieu; chantons dans tes pensées, Dans tes plaisirs perdus, dans tes peines passées;

Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu.

Éveillons au hasard les échos de ta vie,

Parlons-nous de bonheur, de gloire et de folie,

Et que ce soit un rêve, et le premier venu.

Inventons quelque part les lieux où l'on oublie; Partons, nous sommes seuls, l'univers est à nous.

Voici la verte Écosse et la brune Italie,

Et la Grèce, ma mère, où le miel est si doux,

Argos, et Ptéléon, ville des hécatombes,

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Et Messa la divine, agréable aux colombes;

Et le front chevelu du Pélion changeant;

Et le bleu Titarèse, et le golfe d'argent

Qui montre dans ses eaux, où le cygne se mire,

La blanche Oloossone à la blanche Camyre.

Dis-moi, quel songe d'or nos chants vont-ils bercer ? D'où vont venir les pleurs que nous allons verser ? Ce matin, quand le jour a frappé ta paupière, Quel séraphin pensif, courbé sur ton chevet,

Secouait des lilas dans sa robe légère,

Et te contait tout bas les amours qu'il rêvait ? Chanterons-nous l'espoir, la tristesse ou la joie ?

Tremperons-nous de sang les bataillons d'acier ?

Suspendrons-nous l'amant sur l'échelle de soie ?

Jetterons-nous au vent l'écume du coursier ?

Dirons-nous quelle main, dans les lampes sans nombre

De la maison céleste, allume nuit et jour

L'huile sainte de vie et d'éternel amour ?

Crierons-nous à Tarquin: " Il est temps, voici l'ombre ! » Descendrons-nous cueillir la perle au fond des mers ? Mènerons-nous la chèvre aux ébéniers amers ?

Montrerons-nous le ciel à la Mélancolie ?

Suivrons-nous le chasseur sur les monts escarpés ?

La biche le regarde; elle pleure et supplie;

Sa bruyère l'attend; ses faons sont nouveau-nés; Il se baisse, il l'égorge, il jette à la curée

Sur les chiens en sueur son coeur encor vivant.

Peindrons-nous une vierge à la joue empourprée,

S'en allant à la messe, un page la suivant,

Et d'un regard distrait, à côté de sa mère, Sur la lèvre entrouverte oubliant sa prière ? Elle écoute en tremblant, dans l'écho du pilier,

Résonner l'éperon d'un hardi cavalier.

Dirons-nous aux héros des vieux temps de la France De monter tout armés aux créneaux de leurs tours,

Et de ressusciter la naïve romance

Que leur gloire oubliée apprit aux troubadours ? Vêtirons-nous de blanc une molle élégie ?

L'homme de Waterloo nous dira-t-il sa vie,

Et ce qu'il a fauché du troupeau des humains

Avant que l'envoyé de la nuit éternelle

Vînt sur son tertre vert l'abattre d'un coup d'aile, Et sur son coeur de fer lui croiser les deux mains ?

Clouerons-nous au poteau d'une satire altière

Le nom sept fois vendu d'un pâle pamphlétaire,

Qui, poussé par la faim, du fond de son oubli,

S'en vient, tout grelottant d'envie et d'impuissance,

Sur le front du génie insulter l'espérance,

Et mordre le laurier que son souffle a sali ?

Prends ton luth ! prends ton luth ! je ne peux plus me taire;

Mon aile me soulève au souffle du printemps.

8

Le vent va m'emporter; je vais quitter la terre.

Une larme de toi ! Dieu m'écoute; il est temps.

LE POÈTE

S'il ne te faut, ma soeur chérie,

Qu'un baiser d'une lèvre amie

Et qu'une larme de mes yeux,

Je te les donnerai sans peine;

De nos amours qu'il te souvienne,

Si tu remontes dans les cieux.

Je ne chante ni l'espérance,

Ni la gloire, ni le bonheur,

Hélas ! pas même la souffrance.

La bouche garde le silence

Pour écouter parler le coeur.

LA MUSE

Crois-tu donc que je sois comme le vent d'automne,

Qui se nourrit de pleurs jusque sur un tombeau,

Et pour qui la douleur n'est qu'une goutte d'eau ? O poète ! un baiser, c'est moi qui te le donne.

L'herbe que je voulais arracher de ce lieu,

C'est ton oisiveté; ta douleur est à Dieu.

Quel que soit le souci que ta jeunesse endure,

Laisse-la s'élargir, cette sainte blessure

Que les noirs séraphins t'ont faite au fond du coeur ; Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur. Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète,

Que ta voix ici-bas doive rester muette.

Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.

Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,

Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,

Ses petits affamés courent sur le rivage

En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.

Déjà, croyant saisir et partager leur proie, Ils courent à leur père avec des cris de joie

En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.

Lui, gagnant à pas lents une roche élevée,

De son aile pendante abritant sa couvée,

Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.

Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte;

En vain il a des mers fouillé la profondeur;

L'Océan était vide et la plage déserte;

Pour toute nourriture il apporte son coeur.

Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,

Partageant à ses fils ses entrailles de père,

Dans son amour sublime il berce sa douleur,

Et, regardant couler sa sanglante mamelle,

Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle, 9

Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.

Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,

Fatigué de mourir dans un trop long supplice,

Il craint que ses enfants ne le laissent vivant;

Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,

Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage,

Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,

Que les oiseaux des mers désertent le rivage,

Et que le voyageur attardé sur la plage,

Sentant passer la mort, se recommande à Dieu.

Poète, c'est ainsi que font les grands poètes. Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps; Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes ressemblent la plupart à ceux des pélicans. Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,

De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,

Ce n'est pas un concert à dilater le coeur.

Leurs déclamations sont comme des épées : Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant,

Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.

LE POÈTE

O Muse ! spectre insatiable,

Ne m'en demande pas si long.

L'homme n'écrit rien sur le sable.

A l'heure où passe l'aquilon,

J'ai vu le temps où ma jeunesse

Sur mes lèvres était sans cesse

Prête à chanter comme un oiseau;

Mais j'ai souffert un dur martyre,

Et le moins que j'en pourrais dire,

Si je l'essayais sur ma lyre,

La briserait comme un roseau.

10

LA NUIT DE DÉCEMBRE

Cette oeuvre a été publiée pour la première fois en décembre 1835, dans La Revue des Deux

Mondes. Le frère qu'évoque continuellement le poème est naturellement le double de Musset lui-

même. Remarquons au passage que ce frère est chaque fois caractérisé par un objet pouvant

symboliser une partie de la vie du poète.

LE POÈTE

Du temps que j'étais écolier,

Je restais un soir à veiller

Dans notre salle solitaire.

Devant ma table vint s'asseoir

Un pauvre enfant vêtu de noir,

Qui me ressemblait comme un frère.

Son visage était triste et beau

A la lueur de mon flambeau,

Dans mon livre ouvert il vint lire.

II pencha son front sur ma main,

Et resta jusqu'au lendemain,

Pensif, avec un doux sourire.

Comme j'allais avoir quinze ans,

Je marchais un jour, à pas lents,

Dans un bois, sur une bruyère.

Au pied d'un arbre vint s'asseoir,

Un jeune homme vêtu de noir,

Qui me ressemblait comme un frère.

Je lui demandai mon chemin;

Il tenait un luth d'une main,

De l'autre un bouquet d'églantine.

Il me fit un salut d'ami,

Et, se détournant à demi,

Me montra du doigt la colline.

A l'âge où l'on croit à l'amour,

J'étais seul dans ma chambre un jour,

Pleurant ma première misère.

Au coin de mon feu vint s'asseoir

Un étranger vêtu de noir,

Qui me ressemblait comme un frère.

Il était morne et soucieux;

D'une main il montrait les cieux,

Et de l'autre il tenait un glaive.

De ma peine il semblait souffrir,

Mais il ne poussa qu'un soupir,

Et s'évanouit comme un rêve.

A l'âge où l'on est libertin,

Pour boire un toast en un festin,

Un jour je soulevai mon verre.

11

En face de moi vint s'asseoir

Un convive vêtu de noir,

Qui me ressemblait comme un frère.

Il secouait sous son manteau

Un haillon de pourpre en lambeau,

Sur sa tête un myrte stérile.

Son bras maigre cherchait le mien,

Et mon verre, en touchant le sien,

Se brisa dans ma main débile.

Un an après, il était nuit;

J'étais à genoux près du lit

Où venait de mourir mon père.

Au chevet du lit vint s'asseoir

Un orphelin vêtu de noir,

Qui me ressemblait comme un frère.

Ses yeux étaient noyés de pleurs;

Comme les anges de douleurs,

Il était couronné d'épine;

Son luth à terre était gisant,

Sa pourpre de couleur de sang,

Et son glaive dans sa poitrine.

Je m'en suis si bien souvenu,

Que je l'ai toujours reconnu

A tous les instants de ma vie.

C'est une étrange vision,

Et cependant, ange ou démon,

J'ai vu partout cette ombre amie.

Lorsque plus tard, las de souffrir,

Pour renaître ou pour en finir,

J'ai voulu m'exiler de France;

Lorsqu'impatient de marcher,

J'ai voulu partir, et chercher

Les vestiges d'une espérance;

A Pise, au pied de l'Apennin;

A Cologne, en face du Rhin;

A Nice, au penchant des vallées;

A Florence, au fond des palais;

A Brigues, dans les vieux chalets;

Au sein des Alpes désolées;

A Gênes, sous les citronniers;

A Vevay, sous les verts pommiers;

Au Havre, devant l'Atlantique;

A Venise, à l'affreux Lido,

Où vient sur l'herbe d'un tombeau

Mourir la pâle Adriatique;

Partout où, sous ces vastes cieux,

J'ai lassé mon coeur et mes yeux,

Saignant d'une éternelle plaie;

12

Partout où le boiteux Ennui,

Traînant ma fatigue après lui,

M'a promené sur une claie;

Partout où, sans cesse altéré

De la soif d'un monde ignoré,

J'ai suivi l'ombre de mes songes;

Partout où, sans avoir vécu,

J'ai revu ce que j'avais vu,

La face humaine et ses mensonges;

Partout où, le long des chemins,

J'ai posé mon front dans mes mains,

Et sangloté comme une femme;

Partout où j'ai, comme un mouton,

Qui laisse sa laine au buisson,

Senti se dénuer mon âme;

Partout où j'ai voulu dormir,

Partout où j'ai voulu mourir,

Partout où j'ai touché la terre,

Sur ma route est venu s'asseoir

Un malheureux vêtu de noir,

Qui me ressemblait comme un frère.

Qui donc es-tu, toi que dans cette vie

Je vois toujours sur mon chemin ?

Je ne puis croire, à ta mélancolie,

Que tu sois mon mauvais Destin.

Ton doux sourire a trop de patience,

Tes larmes ont trop de pitié.

En te voyant, j'aime la Providence.

Ta douleur même est soeur de ma souffrance;

Elle ressemble à l'Amitié.

Qui donc es-tu ? - Tu n'es pas mon bon ange,

Jamais tu ne viens m'avertir.

Tu vois mes maux (c'est une chose étrange !)

Et tu me regardes souffrir.

Depuis vingt ans tu marches dans ma voie,

Et je ne saurais t'appeler.

Qui donc es-tu, si c'est Dieu qui t'envoie ?

Tu me souris sans partager ma joie,

Tu me plains sans me consoler !

Ce soir encor je t'ai vu m'apparaître.

C'était par une triste nuit.

L'aile des vents battait à ma fenêtre;

J'étais seul, courbé sur mon lit.

J'y regardais une place chérie,

Tiède encor d'un baiser brûlant;

Et je songeais comme la femme oublie,

Et je sentais un lambeau de ma vie

Qui se déchirait lentement.

13

Je rassemblais des lettres de la veille,

Des cheveux, des débris d'amour.

Tout ce passé me criait à l'oreille

Ses éternels serments d'un jour.

Je contemplais ces reliques sacrées,

Qui me faisaient trembler la main

Larmes du coeur par le coeur dévorées,

Et que les yeux qui les avaient pleurées

Ne reconnaîtront plus demain !

J'enveloppais dans un morceau de bure

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