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Jean-Baptiste Poquelin malade imaginaire dit Molière En 1644

Jean-Baptiste Poquelin malade imaginaire dit Molière Molière est-il ou se sait-il atteint gravement dès 1644 pour se placer sous la protection de.



« Le Malade Imaginaire » de Molière

Jean-Baptiste Poquelin dit Molière est né à Paris le 14 ou 15 janvier 1622 bouger



Le Malade imaginaire

et ce prologue est un essai des louanges de ce grand prince qui donne entrée à la comédie du Malade imaginaire



Limpiété dans le Malade Imaginaire

17 nov. 2013 manière dont Molière traite cette question des résonances religieuses



Jean-Baptiste Poquelin dit Molière - LAROUSSE

À 43 ans il est atteint d'une fluxion au poumon. dernière pièce





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  • Quelle maladie à Molière ?

    Molière a succombé à une tuberculose pulmonaire, dont l'anévrisme de Rasmussen est une complication assez fréquente. Il est mort d'une rupture d'anévrisme de l'artère pulmonaire dans une caverne tuberculeuse.
  • Pourquoi Molière n'aimait pas la médecine ?

    Les médecins du temps de Louis XIV subissent régulièrement les attaques ironiques de Molière. Le personnage du patricien vieillissant, jaloux d'un savoir dépassé et inefficace, apparaît à l'occasion d'une scène. Le spectateur s'amuse de ses incompétences, de son orgueil méprisant, de ses habitudes grotesques.
  • Comment Molière se moque de la médecine ?

    La médecine ne soigne pas car les médecins n'y sont pas de vrais médecins (Le Médecin malgré lui), les malades des faux malades (Le Malade imaginaire), et l'amour (la vie) le meilleur rem? à la maladie (L'Amour médecin).
  • La réponse (« Où donc est-elle ? » ) de Thomas Diafoirus est comique car alors qu'il a en face de lui Angélique, sa future épouse et l'objet de cette rencontre, il ne la regarde pas et cherche sa belle-mère : les conventions sociales, le protocole l'emportent sur son cœur.

L'impiete dans le Malade Imaginaire

Laurent ThirouinTo cite this version:

Laurent Thirouin. L'impiete dans le Malade Imaginaire. Libertinage et philosophie au XVIIe siecle, Publications de l'Universite de Saint-Etienne, 2000, pp.121-143.

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1

L'impiété dans le Malade imaginaire

Laurent Thirouin

Université de Lyon

Institut d'Histoire de la Pensée Classique (UMR 5037) L'intuition qui est au fondement de ce travail relève de l'évidence, plus que de la

découverte. Qu'il y ait, dans la question médicale, et plus spécifiquement dans la

manière dont Molière traite cette question, des résonances religieuses, c'est ce que la critique a depuis longtemps perçu, et qui aujourd'hui fait presque figure de lieu commun. Témoins en sont un certain nombre d'études qui soulignent l'affinité de la

matière théologique et de la matière médicale dans l'oeuvre de Molière en général, dans

le Malade imaginaire en particulier1. Molière est connu, dans toute la tradition scolaire et culturelle, comme un fléau des médecins, un homme de théâtre qui a fait son fonds de commerce de la dérision de

la médecine pratiquée à son époque. En réalité, le thème médical ne fait sa véritable

apparition dans l'oeuvre de Molière qu'avec la pièce de Dom Juan : très exactement avec le déguisement de Sganarelle du début de l'acte III. Hormis le Médecin Volant, farce imitée de la comédie italienne, et qui semble bien avoir fait partie du répertoire le plus ancien de la troupe, il est remarquable qu'avant 1665, la médecine et les médecins n'ont pas spécialement retenu Molière. Les boutades de Sganarelle marquent donc la naissance d'une nouvelle inspiration comique. John Cairncross veut y voir la marque d'un infléchissement majeur dans la pensée du dramaturge :

La médecine, du fait de ses analogies avec la religion, s'accordait admirablement à la nouvelle

veine du poète. 2 Autrement dit, et en schématisant à peine le propos du critique, si Molière choisit de

traiter le thème médical, c'est parce qu'il entend désormais s'exprimer, à mots couverts,

sur des questions religieuses. Tenu d'abord à une certaine prudence, du fait de ses

démêlés avec les dévots, Molière n'exploite pas d'emblée cette nouvelle matière. La

victoire de Tartuffe lui permet enfin de donner libre cours aux potentialités allégoriques de son sujet et d'orienter la question médicale dans le sens militant et pleinement philosophique qu'il autorisait. Cette thèse est sans nul doute séduisante. Elle offre le premier avantage d'écarter les réductions biographiques et les commentaires de ceux qui, à la manière des ennemis de Molière eux-mêmes, s'obstinent à expliquer la pensée de l'auteur par ses soucis personnels. Pour une certaine critique, l'irruption des médecins dans l'oeuvre de Molière ne ferait que traduire les progrès de la maladie de l'écrivain. Il n'y aurait donc

1. Nous en mentionnerons deux plus particulièrement : Carlo François, "Médecine et religion chez

Molière : deux facettes d'une même absurdité", The French Review, vol. XLII (n°5), avril 1969, pp. 665-

672; John Cairncross, "Impie en médecine. Molière et les médecins", Papers on French seventeenth

century literature, vol. XIV (n°27), 1987, pp. 781-800. Mais c'est évidemment dans la somme consacrée

par P. Dandrey à La Médecine et la maladie dans le théâtre de Molière (Paris, Klincksieck, 1998), que se

trouvent les aperçus les plus nombreux et de pénétrantes analyses. Voir notamment : t. 1, Sganarelle et la

médecine, pp. 246-263 (sur l'impiété, dans la discussion médicale de Dom Juan); t. 2, Molière et la

maladie imaginaire, pp. 680 sq. ("Impie en médecine : les modèles libertins du scepticisme de Molière").

2. John Cairncross, loc. cit., p. 789.

2 pas lieu d'en proposer une interprétation idéologique. En postulant l'analogie entre la médecine et les grandes questions philosophiques et religieuses qui préoccupaient Molière, Cairncross rend toute leur consistance intellectuelle aux dernières oeuvres du dramaturge. Il écarte en outre deux objections assez naturelles, dont s'autorise, de façon plus ou moins explicite, une certaine paresse herméneutique.

1. Les médecins et la médecine appartiennent à la grande tradition comique du

théâtre : auteur et chef de troupe, Molière s'est tourné tout naturellement vers ce genre

de sujets pour des raisons professionnelles, chaque fois qu'il devait faire face à un besoin urgent de matière.

2. Les pièces à sujet médical appartiennent toutes aux petits genres de la

production moliéresque - farces, comédies-ballets, pièces à machine - et, à ce titre,

ne réclament pas la même attention idéologique que les oeuvres dans lesquelles on peut penser que l'auteur a exprimé des idées qui lui tenaient à coeur. Est-ce à dire cependant qu'une farce charivarique3 comme Monsieur de Pourceaugnac (1669) requerrait elle aussi une lecture philosophique ? Nous ne suivrons

peut-être pas Cairncross jusque-là. Au bout du compte, le vrai bénéficiaire de son

présupposé méthodologique est essentiellement le Malade imaginaire. Mais sur ce dernier texte, un examen rigoureux continue à faire défaut. On ne peut plus se satisfaire de l'intuition générale - intuition assez unanimement partagée aujourd'hui, nous

semble-t-il - qu'il existe une parenté entre la satire anti-médicale et le matérialisme de

Molière. Sur ce point, la conclusion tout à la fois ferme et mesurée de P. Dandrey, marque un aboutissement : La structure du débat autour de la médecine, sinon son contenu et sa conclusion, a usé du

modèle que proposait la réflexion libertine la plus radicalement détachée de toute

métaphysique. 4 Mais si la visée proprement irréligieuse du Malade imaginaire est avérée, il faut le

démontrer par une lecture systématique, établissant précisément le fonctionnement

allégorique de la pièce. Les auteurs qui s'y sont essayés n'ont pas, à notre connaissance,

mené le travail dans toute sa rigueur. Ils se contentent généralement de remarquer

certaines coïncidences troublantes, sans qu'il en ressorte aucune interprétation cohérente, quand ils ne proposent pas une sorte de décodage inorganisé, où se mêlent les intuitions herméneutiques les plus disparates

5. Nous voudrions montrer ici que dans

le Malade imaginaire, la superposition de la médecine et de la religion, la confusion des deux personnages que sont le prêtre et le médecin est permanente ; qu'il s'agit d'un mécanisme structurel de la pièce, et pour le dire avec une certaine emphase, d'une de ses clefs. Derrière la satire anti-médicale, le plaisir de prendre pour cible les médecins, il y a un adversaire plus important, il se déroule un procès plus grave.

3. Voir Bernadette Rey-Flaud, Molière et la farce, Droz, 1996, pp. 175-198.

4. Op. cit., t. 2, pp. 691-692.

5. Nous partageons en cela les réserves de P. Dandrey (loc. cit., p. 692, n. 1) sur l'étude de Carlo

François, qui, défendant la même thèse que la nôtre, lui ôte beaucoup de sa crédibilité par une pratique

fantaisiste et mécanique de l'analogie. 3

1. La question de l'allégorie

Le principe de lecture que nous adoptons est simple, et assez brutal : il consiste à comprendre sur un plan religieux un grand nombre de remarques dont la portée, dans la pièce, se donne exclusivement pour médicale. Ce qui peut paraître d'abord une pétition de principe, assez désinvolte et arbitraire, trouvera sa légitimité dans l'accumulation même des résultats. Autrement dit, le Malade imaginaire devrait s'interpréter à la manière d'une allégorie : comme une prétendue mise en cause de la médecine, conçue en fait pour exprimer des doutes et des convictions d'ordre religieux

6. Mais cette hypothèse impose

d'emblée de prendre quelques précautions, et d'écarter quelques objections. Le sens médical, la cible médicale, ne sont pas détruits du fait qu'ils

dissimuleraient une cible dévote (de nature religieuse) : le sens religieux et le sens

médical coexistent. Notre lecture libertine de la pièce n'implique aucunement de remettre en cause sa perception la plus commune. Le Malade imaginaire continue de représenter une satire de la médecine alors même que nous y trouvons les marques d'une satire de la religion. Qu'on ne voie pas là une précaution iréniste, soucieuse de ménager la tradition critique. Cette conciliation des plans repose sur une correspondance logique, dont il faut d'abord bien mesurer la teneur - ne serait-ce que pour donner leur juste portée aux rapprochements que nous serons amené à faire. Le rationalisme s'exerce très spontanément de façon conjointe devant deux croyances - la médecine, la religion - , qui ont en commun, au XVII e siècle, de pouvoir passer pour des superstitions. Prenons-en pour illustration cette tirade de

Béralde :

Les ressorts de notre machine sont des mystères, jusques ici, où les hommes ne voient goutte, et

[...] la nature nous a mis au-devant des yeux des voiles trop épais pour y connaître quelque chose. (III, 3 - p. 1153)7 Béralde recourt assez naturellement à un vocabulaire religieux (mystère, voiles

8), pour

exprimer des principes qu'il n'entend pas précisément appliquer à la religion. Certaines rencontres de termes n'impliquent donc pas absolument une volonté ferme de double sens. Il peut se faire qu'un procès contre la médecine du XVII e siècle ressemble à un procès contre la religion, à cause de la ressemblance des deux cibles - aux yeux de leurs adversaires tout au moins. Le Malade imaginaire ne serait ni plus ni moins qu'une

6. Analysant le débat médical entre Sganarelle et Don Juan comme une dénonciation indirecte de toute

croyance, une "profession de foi dans la raison critique", P. Dandrey se trouve évidemment confronté à la

même difficulté méthodologique : "Une telle déduction suppose résolue de notre part une question

épineuse à laquelle il serait prudent mais trop commode de refuser de répondre : avons-nous le droit de

transposer à la religion ce qui se dit ici à propos de médecine, de prêter à l'auteur la suspicion qui se

dégage de la conversation entre ses personnages, et donc d'attribuer à Molière, à travers et par-delà Dom

Juan, ce scepticisme suspensif envers une foi dont la raison ne sait, ne peut rendre compte ?" (op. cit., t.

1, p. 255). Le critique conclut de même à la pertinence et à la licéité de la transposition.

7. Ici, comme dans toutes les citations, c'est nous qui soulignons. Nous citons le Malade imaginaire dans

l'édition de G. Couton (Molière, OEuvres complètes, pléiade, t. 2, 1971), à laquelle renvoie l'indication de

page.

8. Cf. Pascal : "[La vérité] erre inconnue parmi les hommes. Dieu l'a couverte d'un voile qui la laisse

méconnaître à ceux qui n'entendent pas sa voix." (Pensées, éd. Sellier, 425).

Comme le remarque P. Dandrey, à propos de la première scène de l'acte III de Dom Juan, "tout le

dialogue consacré à la médecine est tissé de termes explicitement religieux" (loc. cit., t. 1, p. 253).

4 charge rationaliste contre un pseudo-savoir particulier, laquelle charge pourrait facilement s'étendre à d'autres pseudo-savoirs. On ne peut, dans ces conditions, que partager l'interrogation de P. Dandrey sur la portée exacte de ces formules libertines "qui semblent venir comme spontanément sous

la plume de Molière quand il lui faut lutter contre une croyance chimérique révérée bien

à tort et malheureusement répandue"

9. Gardons-en, pour l'instant, l'idée que satire anti-

médicale et satire anti-religieuse ont une connivence intrinsèque, qui leur permet de se développer parallèlement, et qu'il est assez vain par moments de chercher à les dissocier. Cela est si vrai, que les partis pris de mise en scène soulignent assez volontiers - et de façon parfois pesante - une disposition du Malade imaginaire à l'ironie anti-

cléricale. Certaines scènes, certains détails s'y prêtent particulièrement bien. Les

médecins, comparables à des prêtres dans l'habit noir de leur corporation, parlent latin. Leur langage particulier, technique, se trouve être le même au XVII e siècle que celui de la liturgie et de la théologie. Quant à l'intronisation finale, point culminant du spectacle, il est assez naturel d'en faire ressortir l'aspect religieux. Celui-ci existait d'ailleurs dans

la réalité des vespéries : Molière - on le sait bien - suit d'assez près les termes et les

moments d'une authentique séance d'intronisation d'un médecin. La langue, au demeurant, autorise un certain nombre de rapprochements automa- tiques, sans qu'on puisse évidemment de cela conclure à une volonté expresse de Molière. Le terme de docteur présente ainsi une certaine polysémie, puisque tant le médecin que le prêtre ont leur savoir garanti par un doctorat. Faudra-t-il donc trouver dans l'exclamation ironique d'Argan à son frère - "Vous êtes un grand docteur" (III, 3 - p. 1155) - des intentions particulières ? L'ambivalence de mots comme "salut", ou même "médecine" - dont nous apprécierons ultérieurement la portée - est d'abord

une donnée du dictionnaire, qui offre l'ambiguïté de ses métaphores lexicalisées à

l'usage de Molière comme de tout écrivain.

Les deux objets au XVII

e siècle (la médecine et la religion) se rencontrent spontanément. Une attaque contre l'un rejaillit très naturellement sur l'autre. Ce n'est évidemment pas sur ces effets de connivence, tout à fait réels mais au bout du compte assez peu significatifs, que peut se fonder l'interprétation du Malade imaginaire comme une pièce irréligieuse.

2. Prêtre ou médecin ?

Si le médecin et le prêtre, dans l'exercice de leur profession, partagent quelques traits communs, que le langage courant se plaît à remarquer (le prêtre n'est-il pas le

médecin des âmes ?), Molière pousse cette assimilation des rôles bien au-delà des

simples ressemblances convenues. Il suggère ainsi, entre le malade et son médecin, une forme de relation qui relève plus du lien religieux que du respect pour les compétences d'un homme de l'art. Hors de toute logique économique ou thérapeutique, le médecin exige essentiellement l'obéissance du malade. La réaction de M. Purgon est sur ce point éloquente, après le refus d'Argan de se laisser administrer un lavement prescrit. Il ne s'agit pas là d'une imprudence, ou d'une inconséquence préjudiciable à la guérison,

9. Op. cit., t. 2, p. 688.

5 mais d'une révolte, qui met en cause un assujettissement consenti, qui détruit un pacte et rend désormais tout lien impossible entre le malade et son médecin : MONSIEUR PURGON - Puisque vous vous êtes soustrait de l'obéissance que l'on doit à son médecin. (III, 5 - p. 1158) La négligence thérapeutique d'Argan relève ainsi d'une faute morale ; c'est à un devoir qu'il s'est soustrait. Mais la faute d'Argan est à la mesure des responsabilités du médecin, et de sa mission, laquelle ne saurait se résumer à une intervention technique. M. Purgon fait bien plus que de soigner son patient : il le gouverne - selon les termes d'Argan - comme le ferait un directeur de conscience.

Ah ! mon frère, il sait tout mon tempérament et la manière dont il faut me gouverner. (III, 6 - p.

1160)
Le verbe gouverner est un verbe relativement étrange dans ce contexte médical. Cet emploi transitif, avec un nom de personne, appartient bien plus proprement au lexique religieux. Hors le champ politique, on peut gouverner, selon Furetière, les affaires, le ménage, la dépense, la bourse de son maître, mais gouverner une personne renvoie très

clairement aux responsabilités du directeur de conscience. C'est très précisément

l'emploi de Tartuffe, pour se référer à une autre pièce de Molière, où la dimension

religieuse est explicite 10. On voit avec quelle insistance Molière fait ressortir tous les sèmes qui assimilent la relation médicale à un rapport de nature religieuse. Le Malade imaginaire n'est pas la

seule pièce "médicale" de Molière où apparaît un tel phénomène. Dans Monsieur de

Pourceaugnac, une réplique d'un médecin attire l'attention : il s'agit des paroles du premier médecin qui entend bien dicter à Oronte le comportement que celui-ci doit tenir

à l'égard du mariage de sa fille.

Je vous ordonne, à vous et à votre fille, de ne point célébrer, sans mon consentement, vos noces

avec lui... (II, 2 - p. 615)

Le médecin se substitue ici au prêtre pour autoriser le mariage, et presque pour le

célébrer. C'est en fait le seul passage de Monsieur de Pourceaugnac où une telle contamination soit observable. Cette confusion des rôles en revanche devient obsédante dans le Malade imaginaire. Le rôle suprême des médecins - leur fonction capitale ? - est de venir au chevet des agonisants, à l'image de prêtres qui administrent l'extrême-onction. D'où la menace proférée par Argan au nom des médecins contre Molière lui-même, et qui lui semble visiblement la plus terrible : Quand il sera malade, je le laisserais mourir sans secours. (III, 3 - p. 1155) Il ne s'agit pas, pour un médecin, d'éviter la mort du malade condamné, mais de lui permettre de mourir avec les secours - les derniers secours - de la médecine. Déguisée en médecin, Toinette évoque à son tour le moment de l'agonie, et se

présente comme particulièrement à sa place aux côtés des mourants. Comme le prêtre,

le médecin est appelé à la dernière heure.

10. C'est en ces termes que Damis exprime l'influence de Tartuffe sur Orgon : "Le fourbe trop longtemps

a gouverné mon père" (v. 1041). À l'inverse, mais dans les mêmes termes, Mme Pernelle affirme, dans la

première scène de la pièce, son désir de voir s'accroître l'influence de Tartuffe : "Il en irait bien

mieux,/Si tout se gouvernait par ses ordres pieux." (v. 67-68) 6

Je voudrais [...] que vous fussiez désespéré, à l'agonie, pour vous montrer l'excellence de mes

remèdes. (III, 10 - p. 1162) Le jeu traditionnel sur le médecin dépourvu de compétence et qui vient faire mourir

(qui ne sait pas empêcher la mort, mais tout au plus la précipiter) se charge en

l'occurrence d'une signification nouvelle, en renforçant une assimilation avec le prêtre, que de nombreux autres éléments autorisent dans la pièce. Dans l'éloge burlesque de la médecine qui ouvre la cérémonie finale en latin, le

président insiste sur le caractère religieux que revêtent les médecins, aux yeux du

monde entier : Totus mundus, currens ad nostros remedios, nos regardat sicut Deos. (p. 1172) L'ambition qu'a l'Église d'imposer son autorité aux rois eux-mêmes est d'ailleurs parfaitement réalisée par les médecins : Et nostris ordonnanciis, Principes et reges soumissos videtis. (ibid.) Le faux médecin que joue Toinette, sous les saillies comiques de son propos, pousse peut-être plus loin encore la confusion des rôles. Elle accentue ses manières cléricales, jusqu'à endosser, de façon burlesque, un personnage presque christique. Sa consultation "pour un homme qui mourut hier" (p. 1164) évoque la venue de Jésus au tombeau de Lazare, et plus généralement l'espérance des chrétiens en la résurrection des morts. La pièce présente d'ailleurs deux "résurrections" farcesques, par lesquelles le malade imaginaire revient à la vie devant sa femme (III, 12) et sa fille (III, 14). Quant

au traitement radical que Toinette suggère à Argan, il semble bien inspiré par une

source plus religieuse que médicale :

Voilà un bras que je me ferais couper tout à l'heure, si j'étais que de vous... (III, 10 - p. 1164)

Vous avez là aussi un oeil droit que je me ferais crever, si j'étais en votre place [...] Ne voyez-

vous pas qu'il incommode l'autre et lui dérobe sa nourriture ? Croyez-moi, faites-vous le crever au plus tôt, vous en verrez plus clair de l'oeil gauche. (ibid.) Comment ne pas voir, dans ces conseils burlesques, une variation parodique sur le précepte évangélique :

Et si ta main est pour toi un sujet de scandale, coupe-la. [...] Et si ton oeil est pour toi un sujet de

scandale, arrache-le. Il vaut mieux que tu entres avec un seul oeil dans le royaume de Dieu, que d'être jeté avec les deux yeux dans la géhenne... 11 Cette chirurgie délirante qui ampute l'homme en prétendant faire son bien, qui assimile l'amputation à un bien, rejoint - dans les termes comme dans la logique - les mutilations préconisées par l'Évangile.

3. Médecine et foi

Si les pratiques professionnelles du prêtre et du médecin, leurs ambitions, leurs manières accusent une certaine ressemblance dans le Malade imaginaire, ce processus analogique ne fait que recouvrir une assimilation beaucoup plus grave : celle de la foi elle-même et de la médecine.

11. Marc IX, versets 43 sq. L'équivalent se trouve encore à deux reprises dans l'Évangile de Matthieu.

7 L'impie par excellence, dans le théâtre de Molière, à savoir Don Juan, manifeste son impiété conjointement à l'égard de la religion et de la médecine, comme s'il ne s'agissait que d'une seule et même posture sceptique. SGANARELLE - Comment, Monsieur, vous êtes aussi impie en médecine ? DON JUAN - C'est une des grandes erreurs qui soit parmi les hommes. SGANARELLE - Quoi ? vous ne croyez pas au séné, ni à la casse, ni au vin émétique ?

DON JUAN - Et pourquoi veux-tu que j'y croie ?

SGANARELLE - Vous avez l'âme bien mécréante. (III, 1 - p. 56)

Le débat sur la médecine précède le débat théologique entre Sganarelle et son maître, et

la première interrogation sur le credo ("vous ne croyez pas au séné...") ne fait

qu'introduire une seconde enquête parallèle ("Est-il possible que vous ne croyiez point du tout au ciel ? [...] Et à l'enfer ? [...] Et au diable ? [...] Ne croyez-vous point l'autre vie ?"). Convictions médicales et convictions religieuses sont présentées ici comme deux matières qui ressortissent à un même processus de foi. Il n'en va pas autrement dans le Malade imaginaire. Dans la longue troisième scène de l'acte III notamment, la médecine est désignée comme un objet de foi, au même titre que la religion. Le verbe croire est celui qui régit le débat, et sur lequel

repose la question générale posée à Béralde : vous ne croyez donc point à la médecine ?

Argan, qui par ces mots réoriente la discussion sur un plan plus théorique, se présente

pour sa part en apologiste, déterminé à rendre compte de sa foi, à lui apporter le renfort

du raisonnement. ARGAN - Mais raisonnons un peu, mon frère. Vous ne croyez donc point à la médecine ? (p. 1152)
Le rapprochement entre la médecine et la religion se fait plus explicite dès la réplique suivante de Béralde :

BÉRALDE - Non, mon frère, et je ne vois pas que, pour son salut, il soit nécessaire d'y croire.

(ibid.) Il n'est pas nécessaire de croire à la médecine pour son salut. Dans cette formule, évidemment à double entente, le terme de salut assure la circulation entre les deux champs sémantiques de la religion et de la médecine. Il peut être compris aussi bien dans un sens étymologique (salus = santé) que dans un sens religieux (le salut désignant

par excellence la santé de l'âme). Dans cette dernière acception, la proposition de

Béralde est parfaitement acceptable par un chrétien : il n'est pas nécessaire de croire à

la médecine pour sauver son âme, les chrétiens ne demandent que de croire en Jésus- Christ. Béralde relativiserait donc ici l'importance des convictions médicales de son frère. Quant à savoir si la confiance en la médecine permet de garder le corps en bonne santé, c'est là le sujet apparent de la controverse. En revanche, penser que l'on peut obtenir son salut (tant physique que moral) sans recourir aux lumières de la religion, c'est une proposition nettement plus libertine, qu'autoriserait l'équivalence de médecine

et religion. La traduction est ici d'autant plus tentante que le parallélisme entre le

médecin des corps et celui des âmes, presque inscrit dans la langue, est ravivé par l'ambivalence du mot salut. Béralde, qui ose opposer aux médecins ses propres considérations, est ainsi mis dans la position de l'esprit fort, du libertin. Argan se fait contre lui le porte-parole de l'institution qui s'étonne de se voir contredire par un amateur non patenté. 8 ARGAN - C'est-à-dire que toute la science du monde est renfermée dans votre tête, et vous voulez en savoir plus que tous les grands médecins de notre siècle. (p. 1154)

Le défenseur de la médecine retrouve très exactement ici les accents ironiques par

lesquels, dans la pièce de Tartuffe, Orgon déniait à son beau-frère Cléante le droit

d'exprimer des opinions sur la dévotion

12. Pour la médecine, comme pour la religion, la

liberté d'examiner les dogmes se trouve de fait au coeur de la polémique. Monsieur Purgon, médecin aveugle et parfaitement soumis à la Faculté, se définit pour sa part comme un ennemi farouche du libre examen. Selon son patient, et à la grande admira-

tion de celui-ci, il "croirait du crime à vouloir examiner" ses règles (p. 1153). Le

vocabulaire utilisé autant que le principe affirmé nous transportent subrepticement sur le terrain religieux, en posant la question du libre examen, au fondement de la controverse avec les protestants. La foi de M. Purgon en sa doctrine est dénoncée en des termes très généraux, et qui ne s'arrêtent pas à la seule science médicale. C'est un dogmatique tranquille, qui donne l'exemple d'une adhésion bornée à une doctrine inepte : il "ne voit rien d'obscur", "rien de douteux", "rien de difficile" ; il se caractérise par son "impétuosité de prévention", sa "raideur de confiance", sa "brutalité de sens commun et de raison" ; il "ne balance aucune chose" (ibid.). Bien au-delà de son statut professionnel, le médecin d'Argan incarne un vice philosophique, une certaine forme de soumission superstitieuse, affermie par son indigence intellectuelle. Il ne met pas en oeuvre ses facultés de raisonnement et reste inaccessible aux données de la raison.

BÉRALDE - Monsieur Purgon croit à ses règles plus qu'à toutes les démonstrations des

mathématiques. (ibid.)quotesdbs_dbs15.pdfusesText_21
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