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- cette dernière a par ailleurs révélé sa souplesse. La Vème République n'a pas rencontré l'alternance politique avant mai 1981. Depuis cette date elle a connu
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MESSAGE DE M. FRANÇOIS MITTERRAND PRÉSIDENT DE LA
Les Français avaient déjà choisi en 1981 l'alternance politique. Les circonstances qui ont accompagné la naissance de la Vème République la réforme de ...
UNIVERSITÉ DE LA ROCHELLE
ÉCOLE DOCTORALE
Pierre Couvrat
Laboratoire LASAPE
THÈSE
présentée par :Alice MAZEAUD
soutenue le 1er décembre 2010 pour l"obtention du grade de Docteur de l"Université de La RochelleDiscipline : Science politique
La fabrique de l"alternance. La " démocratie participative » dans la recomposition du territoire régional (Poitou-Charentes 2004-2010).JURY :
Loïc BLONDIAUX Professeur, Université Paris 1, Rapporteur Brigitte GAITI Professeure, Université Paris 1, Directrice de thèse Rémi LEFEBVRE Professeur, Université Lille 2, Rapporteur Pierre MAZET Maître de conférences, Université La Rochelle Pierre SADRAN Professeur, Institut d"Études Politiques de Bordeaux, Président du jury - Page 1 sur 533 - L"université de La Rochelle n"entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. - Page 2 sur 533 - Merci à Mme Brigitte Gaiti d"avoir accepté de diriger cette thèse à distance, de m"avoir soutenue depuis le DEA, et d"avoir exercé une vigilance redoutable contre les visions " héroïques » de l"action publique. Merci à la petite équipe rochelaise et au LASAPE qui m"ont fait bénéficier de conditions matérielles appréciables et notamment aux politistes Pierre Mazet, Anne Marijnen et Marc Valéri qui ont fait vivre un peu de science politique à mes cotés. Cette thèse n"aurait pas existé sans l"allocation de recherche du Conseil régional. Ma gratitude à l"égard de ses membres est d"autant plus grande qu"ils m"ont aidée dans la réalisation de mes recherches tout en me laissant une latitude et une indé- pendance remarquable. Une thèse de sciences sociales a ceci de particulier qu"elle se passe " en plein air » et la mienne aurait été beaucoup moins agréable sans le concours de ceux qui font vivre " la démocratie participative » en région Poitou-Charentes et qui m"ont ou- vert leur porte avec amitié. Cette thèse doit beaucoup à tous ceux que j"ai croisé sur le terrain ou lors des ren- dez-vous académiques, avec qui j"ai eu le plaisir de travailler ou qui ont discuté mes papiers. Leurs remarques ont largement contribué à enrichir ma réflexion. Enfin, je n"aurais sans doute jamais fini cette thèse sans le soutien et la compré- hension de mes proches qui ont découvert le parcours de la thèse avec moi. Parmi eux, merci à Véro sans qui cette thèse n"aurait tout simplement jamais commencé. - Page 3 sur 533 -SOMMAIRE
LISTE DES ABRÉVIATIONS...............................................................................................................5
IChapitre I. Une analyse localisée de l"alternance.........................................................................42
Section I.
La proximité en pratiques. La naturalisation d"un système notabiliaire...................................44
Section II.
Entre identification et distanciation. La campagne comme amorce de renouvellement de l"en-treprise politique régionale.......................................................................................................63
Conclusion. L"alternance : appropriation et réinvention de l"institution régionale..........................88
Chapitre II. La conversion à la démocratie participative............................................................90
Section I.
La démocratie participative : marque d"une outsider................................................................91
Section II.
Convertir l"institution..............................................................................................................130
Conclusion. La démocratie participative : mise en récit de l"alternance et appropriation de l"institu-
Chapitre III. L"instrumentation participative de l"action publique.........................................171
Section I.
Le Budget participatif comme politique des lycées................................................................173
Section II.
La participation du public, une nécessité de l"action publique. .............................................213
Conclusion. De nouveaux interlocuteurs de l"action publique régionale? ....................................245
Chapitre IV. Participer / Faire participer. Les publics des dispositifs participatifs...............248
- Page 4 sur 533 -Section I.
Faire participer. La fabrique d"un public élargi......................................................................250
Section II.
Participer. Motifs individuels et configuration locale............................................................282
Conclusion. La fabrique participative de nouveaux porte-paroles du territoire régional..............313
Chapitre V. La région en interaction. La renégociation des représentations régionales........316
Section I.
Débat d"élevage vs débat sauvage. Les cadrage-débordement des situations délibératives...317
Section II.
Le BPL : les effets ambivalents de nouvelles règles d"allocation de l"argent public..............363
Conclusion. La redéfinition des intérêts et des catégories légitimes de l"intervention publique ré-
Chapitre VI. La recomposition du territoire régional...............................................................401
Section I.
La fabrique participative de l"action publique........................................................................402
Section II.
L"émergence d"un nouveau territoire régional........................................................................435
Conclusion. La région Poitou-Charentes réinventée ?..................................................................459
CONCLUSION GÉNÉRALE............................................................................................................461
SAutres données d"enquête .............................................................................................................482
TABLE DES MATIÈRES................................................................................................................531
- Page 5 sur 533 -LISTE DES ABRÉVIATIONS
ADELS Association pour la Démocratie et l"Éducation Locale et SocialeBPL Budget Participatif des Lycées
CESR Conseil Économique et Social RégionalCNDP Commission Nationale du Débat Public
CNFPT Centre National de la Fonction Publique TerritorialeCPE Conseiller Principal d"éducation
CPER Contrat de Plan Etat-Région
CPNT Chasse Pêche Nature Tradition
DCE Directive Cadre Communautaire
DDAF Direction Départementale de l"Agriculture et de la Forêt DDE Direction Départementale de l"ÉquipementDIREN Direction Régionale de l"Environnement
ENA École Nationale de l"Administration
FN Front National
FNAUT Fédération Nationale des Associations des Usagers des Transports FNSEA Fédération Nationale des Syndicats d"Exploitants Agricoles IDEAL-EU Integrating the drivers of e-participation at regional level in EuropeLCR Ligue Communiste Révolutionnaire
NPS Nouveau Parti Socialiste
PCF Parti Communiste Français
PRG Parti Radical de Gauche
PS Parti Socialiste
RFF Réseau Ferré de France
- Page 6 sur 533 -SAGE Schéma d"Aménagement et de Gestion des Eaux.SDAGE Schéma Directeur d"Aménagement et de Gestion des Eaux.
SNCF Société National de Chemins de Fer
SNES Syndicat National des Enseignants du Second degréTOS Techniciens, Ouvriers et de Services
UDF Union pour la Démocratie Française
UMP Union pour un Mouvement Populaire
- Page 7 sur 533 -INTRODUCTION
" Un constat de nouveauté, cela se manie, dans les sciences sociales, avec des pincettes ou avec une longue
cuillère : historiens et sociologues ont vu assez d"entre eux échaudés pour avoir voulu servir à l"état incandes-
cent cette potion diabolique. » (Passeron 1987) Les discours officiels, les commentaires des soutiens, les accusations des opposants, les analyses des journalistes sont unanimes : il s"est passé quelque chose en Poitou-Charentes de-puis l"élection de Ségolène Royal à la présidence du Conseil régional. " Faire de Poitou-Cha-
rentes, une région qui change la vie », " Poitou-Charentes, la démocratie participative », " Sé-
goland, le pays enchanté », " Poitou-Charentes, une révolution silencieuse », " Ségolène
Royal, la preuve par le Poitou », " slogans bidons », " région sectaire », " la Walkirie dans
son laboratoire charentais ». Avalanche de slogans, de critiques, de commentaires : tout a été
dit, aucune région n"a été scrutée avec autant intérêt que le " laboratoire » de Ségolène Royal,
candidate vaincue à l"élection présidentielle de 2007. Essais et enquêtes journalistiques, té-
moignages des soutiens et des opposants : tous s"interrogent et enquêtent sur sa gestion de sa région. - Page 8 sur 533 - Il est vrai qu"elle a fait de Poitou-Charentes son " laboratoire » dans lequel " elle teste sesidées » et notamment la " démocratie participative ». Poitou-Charentes serait ainsi un terrain
idéal pour enquêter sur les effets de la participation des citoyens à l"action publique. Dumoins, c"était mon idée quand en 2006 je commençais cette thèse. Au fil de l"enquête, le
désarroi m"a gagné : " réenchantement de la démocratie », " domestication de la démocra-
tie », " improbable », " introuvable ». Les " promesses et les ambiguïtés », les " potentiels et
les challenges » de la " démocratie participative », cette " dynamique inachevée face à ses dé-
fis », ont été abondamment analysés au point qu"il est désormais impossible de prétendre à
une revue de littérature exhaustive. Mais alors si tout a déjà été écrit, si c"est non seulement le
terrain mais aussi l"objet qui est saturé, à quoi bon une thèse sur Poitou-Charentes, Ségolène
Royal et la " démocratie participative » ?
Face à cette difficulté, notre travail a été de faire de la " démocratie participative » un ob-
jet " normal » de l"action publique et de ces représentations des problèmes sociologiques,c"est-à-dire de réfléchir aux conditions de production et de mobilisation de ces discours. Plutôt
que de prendre la formule " suite aux élections régionales de 2004, Ségolène Royal, prési-
dente du Conseil régional, a mis en oeuvre la démocratie participative en Poitou-Charentes »
comme point de départ de l"analyse dont l"objectif serait d"en évaluer les effets, nous avons in-
terrogé les conditions de production de cette formule et découvert l"alternance en train de se faire. LE TROPISME NORMATIF ET PROCÉDURAL DES RECHERCHES SUR LA DÉMOCRATIEPARTICIPATIVE
Malgré l"abondance de recherches, la plupart des travaux sur la " démocratie participative »
épousent les représentations officielles de l"action publique et les discours des différents entre-
preneurs de la " démocratie participative ». Les dispositifs participatifs sont étudiés en fonc-
tion de leurs attendus normatifs - leur vocation à changer la démocratie, à moderniser l"action
publique - non pour ce qu"ils sont sociologiquement, à savoir, pour le dire très largement, des
cadres d"interaction entre des acteurs engagés à titre divers dans l"action publique. Depuis une décennie et la publication du premier ouvrage collectif français sur le thème de la démocratie locale (CURAPP 1999) les travaux sur la participation des citoyens à l"action publique se sont multipliés. Le sujet a pris de l"ampleur au point qu"on ne peut plus espérer - Page 9 sur 533 -dresser un panorama exhaustif ni des dispositifs participatifs expérimentés ni de l"activité édi-
toriale. Cette institutionnalisation sous des formes les plus diverses de la participation des ci- toyens1 à l"action publique traduirait l"émergence d"" nouvel esprit de la démocratie » (Blon-
diaux 2008a), d"une " démocratie participative » qui, sans s"apparenter au modèle de la démo-
cratie directe (Papadopoulos 1998) marquerait une évolution substantielle du gouvernementreprésentatif (Manin 1995). À coté du classique référendum (Papadopoulos 1998; Premat
2008) et des outils déjà traditionnels de la démocratie locale comme les conseils de quartiers
(Blondiaux & Lévêque 1999; Bacqué & Sintomer 1999; Biland 2006; Mattina 2008), des dis- positifs participatifs variés, plus ou moins innovants, inclusifs et décisionnels comme les " budgets participatifs » (Gret & Sintomer 2002; Sintomer et al. 2008; Cabannes 2004) ou dé-libératifs et basés sur le tirage au sort comme les " jurys citoyens » (Sintomer 2007; Barbier et
al. 2009), les " assemblées citoyennes » (Lang 2007), les " conférences de consensus » (Boy
et al. 2000) , les " town-meetings » (Lukensmeyer & Brigham 2002) ou les " sondages délibé- ratifs » (Fishkin 1999) ont été expérimentés." L"obligation d"informer et de débattre» (Lascoumes 2001) a été institutionnalisée tant
dans le cadre des grandes opérations d"aménagement à travers la procédure du débat public
(Revel et al. 2007) que dans celui de la politique de la ville et de la rénovation urbaine (Carrel
2005; Donzelot & Epstein 2006), ou encore dans le domaine de l"environnement avec notam-
ment les SAGE (schéma d"aménagement et de gestion des eaux) (Allain 2001). Enfin, la parti- cipation s"entend tout à la fois sous les formes peu outillées du développement communau- taire et de l"empowerment (Fung & Wright 2001; Jouve et al. 2006) qu"à travers les équipe- ments modernes des TIC (Wolton 2000 ; Wojcik 2006). Suivant l"expérimentation des dispo- sitifs, les travaux en sciences sociales2, monographiques et comparatifs, français et internatio-
naux, dans les secteurs les plus variés (environnement, sport, éducation, politique de la ville
etc.)3 ont proliféré, et plus récemment se sont accompagnés de cursus universitaires et de
groupements scientifiques spécialisés : la thématique participative est dans " l"air du temps »
tant dans le monde politico-administratif que tant dans le monde académique.1Nous utilisons le terme citoyen pour son caractère général mais la qualification en tant que citoyen plutôt
qu"en tant que riverain ou usager est l"objet de débats indigènes et académiques.2Le thème est travaillé en science politique, en sociologie, en aménagement et urbanisme, en géographie, en
économie, en droit.
3À noter que l"environnement est une thématique privilégiée.
- Page 10 sur 533 - À la faveur de cet engouement, notre connaissance empirique des mécanismes de partici-pation s"est considérablement améliorée au regard de l"alternative entre perspective idéaliste et
perspective ultra-critique qui épuisait la réflexion sur le sujet au cours de la décennie précé-
dente (Blondiaux 2004). C"est dans l"optique d"alimenter la réflexion pragmatique sur les dis- positifs participatifs que j"avais réalisé mon mémoire de DEA4 et rédigé un projet de thèse sur
la " démocratie participative » en Poitou-Charentes dont l"objectif était d"étudier, en compa-
rant les dispositifs participatifs, comment les porte-parole de l"environnement régional se re- composaient au cours de la mise en oeuvre de ces procédures. Ainsi, en m"appuyant sur les li- mites de mon travail de DEA j"avais pris le parti d"étudier d"abord ces dispositifs par le bas,c"est-à-dire en observant les situations délibératives, notamment celles du Budget participatif
des lycées, emblème de la " démocratie participative » en Poitou-Charentes, et les acteurs pu-
blics - et en premier lieu les organisateurs des dispositifs - au travail, ce qui m"apparaissait comme un angle mort des recherches.Au cours de ce travail d"enquête, Ségolène Royal est devenue présidentiable en mobilisant
la " démocratie participative » comme élément clé de son offre politique. J"ai dès lors été plu-
sieurs fois confrontée à des réactions d"acteurs de terrain ou de collègues rencontrés lors de
mes interventions qui me percevaient comme un soutien - implicite ou explicite - de SégolèneRoyal ; ce que je n"avais ni la sensation ni l"intention d"être. Confrontée à la critique sur un
mélange des catégories d"analyse et des catégories indigènes, j"ai interrogé mon usage des
termes de la " démocratie participative » (démocratisation, citoyen, égalité, pouvoir décision-
nel etc...) et pris conscience que j"évoluais sur un terrain et dans un champ de recherche satu-rés de représentations officielles de l"action publique, de discours normatifs sur la " perfection
de la démocratie5 ». En ce sens, la carrière politique inattendue de Ségolène Royal a consolidé
les ambitions scientifiques de ma thèse : en durcissant les contraintes et les opportunités ou-
vertes par les conditions de mon entrée sur le terrain, les aléas de la recherche et de la vie po-
litique m"ont alertée, et éclairée, sur la nécessité d"interroger et de reconfigurer mon cadre
conceptuel et ma méthodologie ; soulignant ainsi que malgré les efforts pour lui donner unecohérence, cette thèse n"a pas été un processus linéaire mais un processus itératif au cours du-
4" L"Éducation nationale à l"épreuve de la démocratie participative », sous la direction de Brigitte Gaiti, Pa-
ris 1.5Nous empruntons l"expression à Alfio Mastropaolo (1998). D"une façon générale, la lecture des travaux sur
le clientélisme (Briquet & Sawicki 1998; Mattina 2003) a été une ressource utile dans la construction de
mon cadre problématique en attirant mon attention sur les formulations savantes des " bonnes » et des
" mauvaises » pratiques démocratiques. - Page 11 sur 533 -quel j"ai tenté de " saisir la démocratie participative sans me faire saisir par elle6 » au gré des
contingences d"un terrain structuré par les évolutions propres à la compétition politique.
La difficulté des travaux sur la " démocratie participative » est qu"elle cumule les discours
sur l"action publique et sur la démocratie. Et en raison de l"apparente neutralité des catégories
et des concepts attachés à la démocratie, de leur labilité entre les espaces politiques, profes-
sionnels et académiques, de l"intensité de la circulation et de l"abondance de la littérature
scientifique qui les produit et les utilise, il est extrêmement difficile de s"en libérer. Se libérer
de ses présupposés et veiller à ne pas épouser les catégories des acteurs sont des règles de
base de la méthode sociologique. Mais comme le rappelle à juste titre Howard Becker, tout le monde connait les ficelles les plus importantes, mais tout le monde les oublie aussi (Becker2004) : " C"est qu"il n"est pas si facile de se dépendre des innombrables présupposés véhiculés
par les représentations officielles de l"action publique » (Dubois 2009). La résistance dans les
travaux d"analyse de l"action publique des formules du type - " le maire lutte contre l"insécuri-té », " le gouvernement a décidé de réformer l"administration » - en témoigne ; pourtant on
sait, et c"est même là l"apport principal de l"analyse des politiques publiques, qu"il fautrompre avec les discours de l"État en action (Jobert & Muller 1987) pour analyser l"État à tra-
vers ses actions. Les discours sur la démocratie, le vote, la " crise de la représentation »
l"illustrent aussi : les formules sur le système représentatif en crise qu"il s"agirait de " répa-
rer » restent majoritaires dans les travaux alors que l"on sait pourtant que le discours sur la" crise de la représentation » est à penser dans le cadre du jeu routinier de re-légitimation du
système représentatif (Lacroix 1995; Offerlé 1999).En procédant à une lecture critique
7 des travaux sur la " démocratie participative » - qui ne
saurait (ne pourrait) être exhaustive - nous avons mis en évidence la prégnance d"un schème
d"analyse : celui de l"évaluation normative, au sens de Yves Mény et Jean-Claude Thoenig(Mény & Thoenig 1989), qui consiste à se focaliser sur les procédures dans le but d"en recher-
cher les effets. Ce tropisme procédural des recherches sur la " démocratie participative » se
comprend aisément dès lors qu"on rappelle que ces recherches avaient à l"origine vocation à
outiller empiriquement les débats théoriques engagés sur la " démocratie forte » (Barber
6En paraphrasant une expression que nous empruntons à Rémi Lefevre et que nous mobilisons pour souli-
gner la tension propre aux entreprises de subversions institutionnelles (Lefebvre 2001).7Cette lecture critique des travaux sur la démocratie participative a bénéficié des remarques, commentaires
et réactions des discutants et des participants aux journées doctorales " Participation et démocratie », no-
vembre 2009. - Page 12 sur 533 -1994) et à sortir ainsi de l"impasse entre les perspectives idéalistes et les perspectives ultra-cri-
tiques. L"idée était - est - d"articuler un travail empirique et un travail conceptuel pour déga-
ger les pistes pertinentes de rénovation de la démocratie : " il s"agirait de soumettre l"idéal à
la critique » (Blondiaux 2004; Thompson 2008). C"est, du reste, sur ce double mouvement théorique et empirique que s"appuie l"expansion de la " démocratie participative » 8. Les recherches sont dès lors, souvent, envisagées comme des " outils de performation du social » (Callon 1999) et mobilisées par des chercheurs engagés ou encore des " sociologuespublics » (Burawoy 2009). Leurs objectif est de prouver l"efficacité ou du moins l"effectivité
des dispositifs participatifs et de découvrir quels sont ceux qui marchent et dans quelles conditions9. En témoignent les nombreuses grilles d"évaluation des procédures selon les effets
produits et/ou leur qualité délibérative10 et les interprétations normatives11 contenues dans de
nombreux travaux. Cette posture à la fois dedans et dehors est, il est vrai, d"autant plus favo- rable et efficace que les institutions maitres d"ouvrages de ces dispositifs sont réflexives etfortement demandeuses d"évaluation. Elle a, de toutes évidences, considérablement amélioré
la connaissance des institutions de la participation12. Ce qui fait dire à Sandrine Rui que " si
[aujourd"hui] on ne sait pas dire de façon assurée ce que fait la participation, on sait en re-
vanche ce qu"elle ne fait pas : l"offre de participation n"entraîne pas le chaos ; elle ne renverse
pas les pouvoirs établis; elle n"empêche pas - ou très rarement - les projets de passer. Elle ne
remet pas en cause fondamentalement la démocratie représentative » (Rui 2009). Que fait elle
alors ?8Pour une synthèse ,voir l"article séminal " l"impératif délibératif »(Blondiaux & Sintomer 2002).
9"The ultimate aim of research, following the presented agenda, is to identify which participation-mechan-
ism class to use in which particular situation class to increase the chance of effective participation develop-
ment of such a theory of "what works best when" would not only be of academic interest but also of prac-
tical importance" (Rowe & Frewer 2004).Par ailleurs, cette évaluation des dispositifs peut aboutir à une la-
bellisation des dispositifs. Cf l"anecdote des auteurs sur la perception de l"enquête sur les budgets participa-
tifs par les élus (Sintomer et al. 2008) ou les exemples de villes dont la notoriété s"est accrue avec les inno-
vations participatives (Bacqué et al. 2010).10Récemment de nombreuses grilles d"évaluation ont mis à mal celle classique de Arnstein (1969). Pour une
synthèse et un comparaison de ces grilles (Blatrix 2009).11Pour n"en citer que quelques uns aux titres explicites : " Participatory budgeting in Europe: potentials and
challenges »(Sintomer et al. 2008) ; " Démocratie locale et participation citoyenne: la promesse et le
piège » (Blondiaux 2001); " la démocratie participative, sous conditions et malgré tout » (Blondiaux 2007)
12Ce que dit Jacques Chevalier d"une façon générale sur l"expertise et les sciences sociales est d"autant plus
vrai dans le cas de la participation que les institutions maitres d"ouvrages de ces dispositifs sont réflexives
et fortement demandeuse d"évaluation (Chevallier 1996). - Page 13 sur 533 -Du coté des citoyens, si les théoriciens participationnistes ont réactivé l"idée classique se-
lon laquelle la participation serait une " école de démocratie » et produirait de meilleurs ci-
toyens13, cette question, centrale d"un point de vue théorique, n"a en France, à l"exception no-
table des travaux de Julien Talpin, jamais été abordée de front. Certes mesurer les effets de la
participation sur les citoyens eux-mêmes est en partie utopique et requiert en tous cas un lourd investissement méthodologique (Talpin 2008) mais ces difficultés méthodologiques n"ex- pliquent pas seules le faible investissement académique de cet objet ; on peut aussi penser quele bénéfice de la participation est surtout davantage postulée qu"analysée (Rui 2009). Globale-
ment, et assez paradoxalement, la question de la participation a peu été abordée du point de
vue des citoyens ou alors pour identifier les modes d"engagement des citoyens dans ces dispo-sitifs (Rui 2004), et de ce point de vue, l"ouvrage récent sur les intermittences de la démocratie
témoignent d"un décentrement de l"analyse particulièrement bienvenue (Carrel et al. 2009). La
plupart des travaux se sont focalisés sur les " effets » en termes de " démocratisation l"action
publique » (Fung 2006). Ces travaux, appuyés sur de riches enquêtes empiriques basées sur de
l"observation de type ethnographique, ont mis en évidence comment l"élargissement de l"actionpublique à la parole " ordinaire » s"accompagnait d"une redéfinition des savoirs légitimes : les
participants pouvant mobiliser plusieurs types de " savoirs citoyens » (bon sens, savoirs d"usage, savoirs professionnels) pour contester ou défendre un projet (Sintomer 2008; Topçu et al. 2008), bousculant ainsi les lignes de partage entre l"expert et le profane (Callon et al.2001; Fromentin & Wojcik 2008). Si à l"image de l"ouvrage de Michel Callon, Pierre Las-
coumes et Yannick Barthe, beaucoup de ces travaux mobilisent les recherches pour plaiderl"ouverture des processus décisionnels à la participation des citoyens ordinaires, ils permettent
d"enrichir la réflexion sur les modes de construction de l"intérêt général, et la contribution des
acteurs " ordinaires » à l"action publique ; de ce point de vue, en apportant des éléments pour
penser les ressources que les acteurs ordinaires peuvent mobiliser, ces travaux contribuent àdéplacer le regard sur le rôle des " ressortissants » (Warin 1999) dans la production de l"action
publique. In fine, le bilan de dix ans de recherche sur la " démocratie participative » est paradoxal.D"un coté, même si Clémence Bédu a raison de souligner que souvent les travaux ne sont pas
allés au bout de l"analyse (Bédu 2010) notre connaissance empirique des dynamiques et des13Pour une revue de la littérature (Mendelberg 2002).
- Page 14 sur 533 -effets de la participation s"est considérablement améliorée notamment grâce à l"apport de mé-
thodes ethnographiques qui, en s"intéressant aux situations délibératives (Simard 2006; Casta-
gna et al. 2004) ont permis d"ouvrir la " boite noire »des dispositifs participatifs14 . De l"autre,
les analyses restent à bien des égards partiales et partielles du point des objets de recherche et
des outils mobilisés, notamment en ce qui concerne l"action publique. À l"image de l"article d"Archon Fung sur la " démocratisation de l"action publique », l"analyse de " la démocratieparticipative » est marquée par une vision séquentielle de l"action publique dans laquelle les
dispositifs occuperaient une place centrale qui souligne que jusqu"à présent les spécialistes de
l"action publique se sont peu intéressés à la " démocratie participative » ou que lorsqu"ils s"y
sont intéressés ils n"ont pas véritablement renouvelé les approches de la participation. Soit ils
ont adopté le tropisme procédural dominant (Papadopoulos & Warin 2007), soit ils ont ignoréles dynamiques propres aux situations délibératives en les diluant dans une approche géné-
rique en terme de gouvernance (Pasquier et al. 2007; Jouve 2005) ou de procéduralisation de l"action publique (Gaudin 2007). Or, en considérant que le partenariat, le contrat, la participa- tion relève d"une même " démographie galopante» (Massardier 2003) de l"action publique,
ces travaux ignorent la spécificité des publics et des dispositifs, et gardent la " boite noire »
des situations délibératives bien fermée. Pour le dire autrement, les analyses des spécialistes
de l"action publique pêchent en ne prêtant pas suffisamment attention au caractère sui generis
des interactions produites par les dispositifs participatifs et celles des spécialistes de la démo-
cratie participative pêchent dans l"excès inverse en se focalisant sur le caractère sui generis de
ces dispositifs. Cette focalisation sur les dispositifs participatifs ne peut se comprendre sans la rapporteraux incitations à faire de la science politique une science opérationnelle et plus encore à l"en-
gagement des chercheurs en faveur de la " démocratie participative ». L"engagement des cher-cheurs et leur proximité aux acteurs n"est pas un problème de distance critique, du moins c"est
un problème connu qui peut être résolu en assumant - et en explicitant - une posture de proxi-
mité critique et en appuyant ces commentaires sur une rigueur scientifique (Revel et al. 2007; Sintomer et al. 2008) ; posture qui par ailleurs, n"empêche pas des travaux particulièrement critiques. Le problème que nous soulevons c"est surtout l"assimilation des questions de re-14La comparaison entre les numéros de la revue Politix consacré à la question montre bien l"évolution de la
recherche. Blondiaux L et Manin B., " Démocratie et délibération » en 2002, et Blondiaux L et Cardon D.,
" Dispositifs participatifs », en 2006. - Page 15 sur 533 - cherche aux questions indigènes15 et l"homogamie théorique des chercheurs. Malgré la diver- sité des appartenances disciplinaires, domine un tropisme procédural des analyses qui, commele soulignait Yannick Barthe, tend à autonomiser la procédure par rapport à l"espace de poli-
tique publique dans lequel il s"insère. " Cela pose d"ailleurs la question de la neutralité poli-
tique du chercheur dans la mesure où ce type de démarche revient souvent à ratifier une forme
de problématisation qui pose que le problème principal est la concertation et non pas son ob-jet, le dossier technique lui-même. Autonomiser la procédure de son objet revient alors à s"al-
lier à tous les acteurs de la controverse qui cherchent à maintenir les " boîtes noires » bien fer-
mées » (Barthe 2003).En réalité peu de travaux s"interrogent précisément sur les usages des dispositifs participa-
tifs, et encore moins abordent la " démocratie participative » comme un objet d"action pu-blique. Depuis les thèses de Cécile Blatrix sur l"émergence de la démocratie participative
(Blatrix 2000) et de Magali Nonjon sur la constitution d"un champ de professionnels de laparticipation (Nonjon 2006), et à l"exception notable de l"ouvrage récent sur " la démocratie
participative inachevée » (Bacqué et al. 2010) qui s"attache à détricoter les fils des dyna-
miques d"invention et de diffusion de dispositifs participatifs, la montée en puissance d"un" impératif délibératif » dont il s"agirait d"évaluer la portée sert trop souvent de justification à
de multiples monographies. Néanmoins des travaux récents se sont portés sur les usages poli-
tiques de la " démocratie participative » qu"il s"agisse de " renouveler le communisme munici- pal » (Biland 2006; Nez & Talpin 2010), ou de produire une demande sociale localisée (Gas- parini 2006; Premat 2008). Mais ces travaux ne sont pas articulés à une analyse des pratiques mise en oeuvre. Tout se passe comme si les intentions des acteurs, et en premier lieu des élus,pouvaient se lire dans les procédures qu"ils mettent en oeuvre : ceux qui croiraient en la démo-
cratie participative - les élus bienveillants, avant-gardistes16 - créeraient des dispositifs inno-
vants qui viseraient à subvertir la division ordinaire du travail politique et/ou de l"expertise,tandis que la création des procédures de proximité refléterait les réticences des élus à partager
leur pouvoir. D"ailleurs seules quelques études ont été consacrées à la place et au rôle des élus
dans les dispositifs participatifs (Lefebvre 2007b; Sadran 2007). Pourtant, comme le rappellejustement Pierre Sadran " si l"on voulait bien considérer que le gouvernement représentatif est
15Le nombre de thèses réalisées en Cifre ou de recherches effectuées par des chercheurs travaillant pour des
maitres d"ouvrage est tout sauf anodin.16Sur ce point, je rejoins Guillaume Gourgues, intervention lors de journées doctorales du GIS Participation,
décision et démocratie participative, Novembre 2009. - Page 16 sur 533 -susceptible de s"ajuster à ce que Bernard Manin appelle la " démocratie du public », on ne se
condamnerait pas à percevoir les dispositifs participatifs comme une menace et modèle de substitution, mais on les prendrait pour ce qu"ils peuvent être : des procédures d"enrichisse-ment de la délibération politique dans un espace public à la fois " mosaïque », différencié, et
communicationnel. Tout en étant très divers les dispositifs participatifs ont effet en communde suggérer une autre manière de faire de la politique ». Ainsi, sans céder à une " vision en-
chantée » de la » démocratie participative », on pourrait l"étudier comme un révélateur des ca-
pacités et des difficultés à faire de la politique locale autrement (Sadran 2009).Des travaux se sont intéressés aux " innovations » et ont cherché à évaluer leurs effets sur
l"action publique au regard de leurs objectifs supposés. On peut penser notamment aux tra- vaux sur les budgets participatifs, notamment celui de Porto Alegre, qui ont montré que lebudget participatif permettait de lutter contre " le clientélisme » et la " corruption » et " favo-
risait une plus juste distribution des ressources » (Gret & Sintomer 2002; de Sousa Santos1998; Avritzer 2006), ou encore " une modernisation de l"administration » (Sintomer et al.
2008). Ces travaux qualitatifs, centrés sur l"impact du transfert de pouvoir décisionnel aux ci-
toyens se sont concrètement peu intéressés aux modalités, aux conditions dans lesquelles la
mise en oeuvre de ces dispositifs " produit des effets » sur l"action publique. Les travaux an-glo-saxons principalement consacrés aux dispositifs délibératifs ont de leur coté identifié plu-
sieurs degrés et modalités d"influence de la participation sur l"action publique qui varieraient
selon le type de dispositif et le contexte politique. John Dryzek et Robert Goodin distinguent cinq niveaux (Goodin & Dryzek 2006): la fabrique directe de l"action publique, la prise encompte dans le processus décisionnel, l"éclairage des débats, l"influence des politiques par
Market testing et enfin un effet de légitimation. Ils recouvrent en partie les modalités d"in- fluence proposées par David Guston (Guston 1999)qui distingue un impact direct, une actionde cadrage général du problème, la formation de nouvelles compétences parmi les élites et
l"interaction avec les savoirs profanes.Or, malgré la simplicité suggérée par les différentes grilles de lecture, la question des effets
de la participation reste un défi analytique. D"une part, car à l"image de l"évaluation des poli-
tiques publiques en général, on ne peut rabattre la question des effets sur celle de l"évaluation
des résultats au regard des objectifs visés : les objectifs se redéfinissent au cours de la mise en
oeuvre et il est primordiale d"analyser les effets non-anticipés de l"action. De plus, l"évaluation
- Page 17 sur 533 - pose un problème méthodologique de production des indicateurs qui permettraient d"isoler les effets propres des dispositifs17 : le chercheur ne dispose, ou ne maitrise, pas toujours des outils
nécessaires à la mesure des effets qu"il perçoit ; c"est par exemple le cas de l"analyse des effets
des budgets participatifs sur la distribution des politiques publiques qui nécessiterait de pou- voir comparer des indicateurs administratifs et budgétaires (Sintomer et al. 2008) ou encore la mesure des effets de la gestion concertée sur l"environnement qui supposerait de mobiliser aussi des outils biologiques ou écologiques (Blatrix 2009). D"autre part, se pose la question de la contextualisation de la participation et des échelles de son analyse. En effet, une analyse" micro » favorise la mise en évidence des effets réels, parfois minimes et décalés dans le
temps, de la participation du public alors qu"une analyse " meso » centrée sur les processusquotesdbs_dbs48.pdfusesText_48[PDF] altice
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