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1

THÈSE PRÉSENTÉE

POUR OBTENIR LE GRADE DE

DOCTEUR DE

L'UNIVERSITÉ DE BORDEAUX

ÉCOLE DOCTORALE DE DROIT (E.D. 41)

SPÉCIALITÉ DROIT PRIVÉ

Par Aurélie CEA

L'UNITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

EN DROIT DU TRAVAIL

Sous la direction de : M. le Professeur Christophe RADÉ

Soutenue le 16 juin 2016

Membres du jury :

M. Paul-Henri ANTONMATTEI,

Professeur à l'Université de Montpellier, Rapporteur.

M. Gilles AUZERO,

Professeur à l'Université de Bordeaux.

M. Alexandre FABRE,

Professeur à l'Université d'Artois, Rapporteur.

Mme. Laurence PÉCAUT-RIVOLIER,

Inspectrice adjointe des services judiciaires.

M. Christophe RADÉ,

Professeur à l'Université de Bordeaux.

RÉSUMÉ : L'UNITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIALE EN DROIT DU TRAVAIL

L'UES constitue un outil de recomposition du cadre de l'entreprise. Le recours à l'UES permet en effet

de considérer que plusieurs entités juridiquement distinctes constituent, en droit du travail, une

entreprise unique. La reconnaissance de l'UES facilite alors la mise en oeuvre de normes déterminées

par le juge ou le législateur, parmi lesquelles figurent en premier lieu celles relatives à la représentation

collective du personnel. L'évolution de son utilisation a façonné son périmètre en un cadre d'exercice

des droits collectifs dessalariés. Toutefois, si le recours à l'UES correspond à la recherche de l'entreprise

en droit du travail, son régime demeure à l'état de " construit jurisprudentiel » élaboré à des fins utiles.

Il laisse un sentiment d'inachevé. Les conséquences de la reconnaissance d'une UES ne peuvent

atteindre les relations individuelles de travail. Les salariés demeurent contractuellement liés à leurs

employeurs respectifs. La constatation d'un pouvoir de direction unique entre les entités juridiques ne

permet pas considérer l'UES comme étant l'employeur unique de l'ensemble des salariés, ni même que

ses membres sont autant de coemployeurs. L'absence de personnalité morale reconnue à ce type de

groupement représente incontestablement une limite dans la construction d'un régime juridique. Les

solutions applicables dans un groupe d'entreprises peuvent également l'être dans l'UES. Cependant,

elles ne représentent que des alternatives limitées à l'attribution de la personnalité morale. Or, dans le

cadre de la théorie de la réalité de la personne morale, il apparaît que l'UES pourrait être considérée

comme telle. La reconnaissance de la personnalité morale aurait pour effet de rendre solidairement

responsables ses membres à l'égard de l'emploi des salariés qui contribuent au déploiement de l'activité

économique dans ce périmètre.

Mots-clés: Coemploi ; Comité de groupe ; Comité d'entreprise ; Contrat de travail ; Groupe

d'entreprises ; Intérêt collectif ; Négociation collective ; Participation ; Personnalité morale ; Plan de

sauvegarde de l'emploi ; Reclassement ; Représentation collective ; Responsabilité civile ; Secteur

d'activité ; Transfert d'entreprise. SUMMARY : THE ECONOMIC AND SOCIAL UNIT IN LABOR LAW UES constitutes a tool used to recompose the framework of the company. UES permits to consider that

several legally distinct entities constitute, in fact, a unique company. The recognition of an UES

facilitates the application of norms determined by the judge or the legislator, and especially norms

related to collective representation. The evolution of its use has shaped its perimeter in a framework for

the exercise of the employees' collective rights. However, if the UES corresponds in the search of the

company in labor law, its regime stays at the state of "built case law" developed for useful purposes. It

leaves a feeling of unfinished. The consequences of the UES recognition cannot reach the individual

working relations. The employees remain contractually bound to their respective employers. The

observation of a unique direction power between the legal entities doesn't permit to consider UES as being the unique employer of the set of the employees, nor even that its members are as much co-

employers. The absence of moral personality of this type of grouping represents incontestably a limit in

the construction of its legal regime. The applicable solutions in a group of companies can also be

applicable in the UES. However, they only represent alternatives limited to the assignment of the moral

personality. However, in the setting of the theory of the reality of the moral person, it appears that UES

could be considered like such. The recognition of the moral personality would have the effect of making

jointly responsible its members towards the employment of the employees who contribute to the

deployment of the economic activity in this perimeter. Keywords: Co-employment ; Group Works Council ; Works council ; Employmentcontract ; Group

of companies ; Collective interest ; Collective bargaining ; Participation ; Legal personality ;

Redundancy plan ; Redeployment ; Collective representation ; Civil liability ; Business sector ;

Company transfer.

3

À mes parents pour leur soutien sans faille,

À ma soeur pour sa bonne humeur communicative,

À mon compagnon pour sa présence et sa patience, 4 5

REMERCIEMENTS

Mes remerciements s'adresseront en premier lieu au directeur de cette thèse, Monsieur

le Professeur Christophe Radé. Je le remercie vivement pour sa disponibilité à mon égard, sa

patience et, enfin, ses nombreux conseils qui ont contribué à l'aboutissement de ce travail. Je tiens également à remercier ma famille qui n'a eu de cesse de m'encourager dans mon

parcours, m'apportant ainsi la motivation nécessaire pour continuer à avancer et à progresser

tout au long de ces années. De même, je souhaite remercier celui qui a partagé avec moi cette aventure au quotidien, me permettant d'y mettre un terme en toute sérénité. Je tiens aussi à témoigner toute ma sympathie à l'ensemble des membres du Comptrasec pour leur bienveillance. 5 6 7

LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

act. actualités aff. affaire AJDA Actualité juridique, droit administratif al. alinéa Annales ESC Annales. Économies, Sociétés, Civilisations

ANI accord national interprofessionnel

Arch. phil. dr. Archives de philosophie du droit art. article BDES Base de données économiques et sociales BJE Bulletin Joly Entreprises en difficultés

BJS Bulletin Joly Sociétés

BO Bulletin officiel

BS Bulletin Social, Francis Lefebvre

Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation Bull. crim. Bulletin des arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation Bull. inf. C. cass. Bulletin d'information de la Cour de cassation c/ contre

CA cour d'appel

CAA cour administrative d'appel

Cah. DRH Les cahiers du DRH

Cah. dr. entr. Les cahiers de droit de l'entreprise

Cah. soc. Les Cahiers sociaux

Cass. Cour de cassation

Cass. ass. plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation Cass. ch. mixte Chambre mixte de la Cour de cassation Cass. ch. réun. chambres réunies de la Cour de cassation Cass. civ. Chambre civile de la Cour de cassation Cass. com. Chambre commerciale de la Cour de cassation Cass. crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation Cass. req. Chambre des requêtes de la Cour de cassation Cass. soc. Chambre sociale de la Cour de cassation

CE Conseil d'État

CEDH Convention européenne des droits de l'homme cf. conférer, consulter ch. chambre chron. chronique circ. circulaire CJUE Cour de justice de l'Union européenne CHSCT Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail 8

Coll. collection comm. commentaire concl. conclusions Cons. const. Conseil constitutionnel contra contraire

coord. coordonné par Cour EDH Cour européenne des droits de l'homme

CE Comité d'entreprise

CCE Comité central d'entreprise

CEE Comité d'entreprise européen

CPH Conseil des prud'hommes

CSBP Les Cahiers sociaux du barreau de Paris

D. Recueil Dalloz-Sirey

DDHC Déclaration des droits de l'homme et du citoyen DIRECCTE Direction (ou directeur) régional(e) des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi

DGT Direction générale du travail

dir. sous la direction de

DP délégué du personnel

DS délégué syndical

Dr. fisc. Revue Droit fiscal

Dr. soc. Revue Droit social

Dr. sociétés Droit des sociétés

Dr. ouv. Revue Droit ouvrier

Dr. pén. Revue Droit pénal

DUDH Déclaration universelle des droits de l'homme

éd. numéro d'édition

Éd. éditeur ou éditions

et s. et suivant et. al. et autres auteurs

Gaz. pal. Gazette du palais

ibid. ibidem (même endroit dans la référence précédente) id. idem (endroit différent dans la référence précédente) infra au-dessous JCP éd. E. La Semaine juridique édition entreprise JCP éd. G. La Semaine juridique édition générale JCP éd. S. La Semaine juridique édition sociale

JO Journal officiel

JSL Jurisprudence sociale Lamy

jur. jurisprudence

Jur. soc. UIMM Jurisprudence sociale UIMM

L.G.D.J. Librairie générale de droit et de jurisprudence

LDF La Documentation française

9 loc. cit. passage précité d'un article, d'un ouvrage

LPA Les Petites Affiches

n° numéro not. notamment obs. observations p. page

PSE Plan de sauvegarde de l'emploi

préamb. préambule préc. texte de droit ou décision jurisprudentielle précité pt. point

P.U.F. Presses universitaires de France

QPC question prioritaire de constitutionnalité rapp. rapport (ou rapporteur) rapp. ann. C. cass. rapport annuel de la Cour de cassation rappr. rapproché rééd. Réédition Rev. proc. coll. Revue de procédure collective

Rev. sociétés Revue des sociétés

RDC Revue des contrats

RDP Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger

RDT Revue de droit du travail

RDSS Revue de droit sanitaire et sociale

RFDA Revue française de droit administratif RID. comp. Revue internationale de droit comparé

RJS Revue de jurisprudence sociale

RPDS Revue pratique de droit social

RSC Revue de science criminelle et de droit pénal comparé

RTD. civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTD. com. Revue trimestrielle de droit commercial

S. Recueil Sirey

somm. sommaire spéc. spécialement

SSL Semaine sociale Lamy

supra au-dessus synth. synthèse

T. tome

T. corr. tribunal correctionnel

TA tribunal administratif

TFUE Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

TGI tribunal de grande instance

TI tribunal d'instance

TPS Travail et Protection sociale

10

trim. trimestre UE Union européenne UES Unité économique et sociale v. voir vol. volume

11

SOMMAIRE

PREMIÈRE PARTIE - UNE NOTION AMBIGUË

TITRE I - UN OUTIL DE RECOMPOSITION DE L'ENTREPRISE Chapitre I - Un cadre d'application de normes déterminées Chapitre II - Un cadre d'application assimilé à l'entreprise TITRE II - UNE COLLECTIVITÉ DE TRAVAIL INSAISISSABLE Chapitre I - Une représentation collective non-spécifique Chapitre II - Une représentation collective ambivalente

SECONDE PARTIE - UN RÉGIME INACHEVÉ

TITRE I - UN GROUPEMENT DÉPOURVU DE PERSONNALITÉ MORALE Chapitre I - Des obstacles à l'attribution judiciaire de la personnalité morale Chapitre II - Des alternatives limitées à l'attribution de la personnalité morale TITRE II - UN GROUPEMENT À DOTER DE LA PERSONNALITÉ MORALE Chapitre I - Des manifestations de l'existence de la personnalité morale de l'UES Chapitre II - La nécessaire détermination des effets de la reconnaissance de la personnalité morale de l'UES 12 13

INTRODUCTION

1. " Mais qu'es-tu donc devenue ? »1. C'est la question qui vient immédiatement à l'esprit

dès lors que l'on évoque l'unité économique et sociale en droit du travail, laquelle apparaît plus

connue sous le nom d'UES. Celle-ci fut créée par les juges en vue " de permettre l'adaptation

des institutions représentatives des travailleurs à des dimensions nouvelles de l'entreprise »2.

Il apparaissait en effet que " l'unité économique et sociale n'offre pas la même résistance à une

conceptualisation que le cadre dans lequel elle doit être mise en oeuvre »3. Dès lors,

" l'édification du concept d'UES, par le juge, correspond bien à cette recherche de l'entreprise

en droit du travail, au-delà des montages sociétaires »4. En cette matière, ni le législateur ni la

jurisprudence ne se sont véritablement mobilisés pour tenter de définir ce que devait recouvrir

la notion d'entreprise, à tel point que l'absence de contenu précis qui y est finalement attachée

apparaît comme " une constante du droit du travail »5. Cependant, le terme d'entreprise

demeure fréquemment utilisé en droit positif dans la détermination des conditions d'application

de certaines règles, notamment celles relatives à la représentation collective du personnel, aux

licenciements collectifs pour motif économique, et plus généralement lorsqu'il est question de

relations collectives de travail

6. De ce constat, il ressort que la notion d'entreprise représente en

toute hypothèse en droit du travail " un outil indispensable à sa mise en oeuvre »7, autrement

dit " une figure obligée »8. Le recours à cette notion apparaît en effet nécessaire dans la mesure

où elle permet de " saisir l'organisation d'une collectivité de salariés travaillant sous l'autorité

d'un même chef »9. L'UES fut donc créée par les juges dans cette perspective d'identification

d'une collectivité de travail. L'utilisation de la technique de l'UES pendant près d'un demi-

siècle, témoigne incontestablement de l'intérêt que porte le droit du travail à la communauté de

1 B. BOUBLI, " Adieu l'UES », Dr. soc. 2009, p. 699.

2 G. PICCA, " Entreprise et Unité économique et sociale » in Sur l'entreprise et le droit social, Mélanges en

l'honneur de Jacques Barthélémy, Éd., Techniques, 1994, p. 9.

3 Ibid.

4 I. DESBARATS, " La notion d'unité économique et sociale en droit du travail » in Mélanges dédiés au Président

Michel Despax, Université des sciences sociales de Toulouse, 2002, p. 76

5 Q. URBAN, " De l'entreprise à la situation d'emploi. Le droit du travail à l'épreuve de la crise de l'entreprise »

in A. LYON-CAEN, Q. URBAN (dir.), La crise de l'entreprise et de sa représentation, Dalloz, Thèmes et

commentaires, 2012, p. 99 ; v. également : G. LYON-CAEN, Le droit du travail, une technique réversible, Dalloz,

1995, pp. 13 et s.

6 En ce sens : Q. URBAN, loc. cit.

7 Ibid.

8 A. SUPIOT, " Groupe de sociétés et paradigme de l'entreprise », RTD. com. 1985, p. 624.

9 I. DESBARATS, loc. cit.

14 salariés qu'est susceptible d'abriter l'entreprise. L'UES est ainsi apparue comme une technique

utile, pouvant constituer un remède face aux difficultés nées de l'absence de définition juridique

de l'entreprise.

2. D'une façon générale, il n'est rien de plus " déconcertant que de parler d'entreprise »10.

Si cette dernière a pu être qualifiée d' " institution »11, il demeure que " nul ne peut se vanter,

pour autant, d'avoir rencontré l'entreprise »12. En droit, cette dernière apparaît en effet comme

" une notion diffuse qui semble irréductible à une définition unitaire »13. Cette notion est

" l'une des plus irritantes qui soient pour un juriste, car elle est à la fois insaisissable et

incontournable »14. L'entreprise ne peut donc être appréhendée qu'en tant que " paradigme

juridique »15, de sorte qu'elle représente essentiellement " un instrument de référence se

prêtant à toutes les conjugaisons »16. Il est en effet admis que " chacun a une conception de

l'entreprise et les définitions sont différentes selon la perspective dans laquelle elle est

analysée »17. En droit du travail, l'entreprise désigne avant tout " la situation de référence que

constitue la relation entre, d'une part, un employeur, et d'autre part, une collectivité de

travailleurs, sans définir la nature juridique de cette relation »18. Dès lors, le fait d' " affirmer

la nature paradigmatique de l'entreprise [revient à] reconnaître l'impuissance du droit à la

définir »19. Or, dans ce contexte juridique marqué par l'absence de définition de l'entreprise,

" l'unité économique et sociale a pu légitimement être considérée comme exemplaire »20. Une

partie de la doctrine a en effet pu voir dans cette construction jurisprudentielle " une véritable

définition juridique de l'entreprise en droit social »21.

10 J. PAILLUSSEAU, " Qu'est-ce que l'entreprise ? » in L'entreprise, nouveaux apports, Économica, 1987.

11 P. DURAND, " La notion juridique d'entreprise » in Travaux de l'association Henri Capitant, 1948, pp. 45-60.

12 G. PICCA, " Entreprise et Unité économique et sociale » in Sur l'entreprise et le droit social, Mélanges en

l'honneur de Jacques Barthélémy, Éd., Techniques, p. 13.

13 N. CATALA, L'entreprise, Dalloz, 1980.

14 A. SUPIOT, " Groupes de sociétés et paradigme de l'entreprise », RTD. com. 1985, p. 622.

15 Idem, p. 625.

16 Ibid. l'auteur emprunte explicitement la définition de la notion de paradigme à V.-T.-H. KUHN, The structure of

scientific revolutions, Chicago, 1re éd., 1962, 2e éd. 1970, trad. franç., La structure des révolutions scientifiques,

Flammarion, Paris, 1983, 284 p. : " Dans une science, un paradigme [...] c'est un objet destiné à être précisé et

ajusté dans des conditions nouvelles ou plus strictes ».

17 G. LYON-CAEN, A. LYON-CAEN, " La doctrine de l'entreprise » in Dix ans de droit de l'entreprise, Litec, 1978.

18 A. SUPIOT, loc. cit.

19 G. LHUILIER, " Le paradigme des entreprises dans le discours juridique » in Annales. Économies, Sociétés,

Civilisations, 48e éd., 1993, n° 2, p. 331.

20 G. PICCA, op. cit., p. 9.

21 Ibid. ; M. GREVY, " L'unité économique et sociale » in G. BORENFREUND, M.-A. SOURIAC (dir.), Syndicats et

droit du travail, Dalloz, 2008, p. 51. 15

3. Le recours à l'UES, en tant qu'instrument duquel pouvait ressortir une définition

juridique de l'entreprise, apparaissait d'autant plus nécessaire que le phénomène des

regroupements d'entreprises a " introduit une rupture dans la notion d'entreprise qui s'y révèle

incapable de remplir son habituelle fonction paradigmatique : on ne voit plus très bien sur quel employeur ni sur quelle collectivité de travail s'appuyer pour mettre en oeuvre les dispositifs

juridiques qui, implicitement ou explicitement, se réfèrent à l'unité et à la stabilité de ces deux

éléments »22. Sous l'effet de la concentration du capital23, de multiples entités juridiques

peuvent être créées en vue d'organiser l'exercice d'une ou plusieurs activités. Cela favorise la

constitution des groupes d'entreprises qui tendent de plus en plus à s'imposer sur la scène

économique

24. Or, l'émergence de ces possibilités d'organisation soulève un risque

d'ineffectivité du droit du travail. En effet, des employeurs ont pu y voir une opportunité

d'échapper à certaines de leurs obligations, en particulier celles relatives à la mise en place des

institutions représentatives du personnel. Pour ce faire, l'effectif de leur entreprise était alors

dispersé entre diverses entités juridiquement distinctes, en prenant soin qu'aucune d'entre elles

ne franchisse le seuil légal imposant la mise en place de ces institutions représentatives. Ainsi,

la constitution de groupements d'entreprises " participe ainsi d'une crise plus générale du paradigme de l'entreprise »25.

4. Il apparaît que " les transformations qui ont affecté les entreprises [...] ont suscité de

nouvelles difficultés dans la recherche d'une conceptualisation par le droit de la notion

d'entreprise »26. Il est ressorti de ces évolutions une " mouvance de l'entreprise dans l'espace

et dans le temps du fait des restructurations incessantes »27. Or, à cet égard, le droit de la

représentation du personnel apparaissait " daté dans ses cadres »28, conduisant ainsi à une

impossibilité de " saisir une collectivité de travail de plus en insaisissable, changeante,

extériorisée »29. Dans ces conditions, le recours à l'UES a pu apparaître pour les juges comme un moyen de " retrouver l'entreprise »30, précisément un moyen de reconstituer ce cadre de

22 A. SUPIOT, loc. cit.

23 G. LYON-CAEN, " La concentration du capital et le droit du travail », Dr. soc. 1983, pp. 287-303.

24 N. LEVRATTO, "

Les groupes d'entreprises : entre exception théorique et règle managériale », RDT 2012, p. 536.

25 A. SUPIOT, loc. cit.

26 G. PICCA, op. cit., p. 15.

27 F. FAVENNEC-HERY, " Collectivité du personnel : quelle représentation ? », Dr. soc. 2006, p. 989.

28 Ibid.

29 Ibid.

30 Cf. A. LYON-CAEN, " Retrouver l'entreprise » in L'entreprise éclatée : identifier l'employeur, attribuer les

responsabilités, Dr. ouv. 2013, p. 193. 16 référence du droit du travail. La notion d'UES a ainsi permis " une évolution du concept d'entreprise en la détachant de son support juridique, individuel ou collectif »31.

5. L'apparition de l'UES dans la jurisprudence a, semble-t-il, moins résulté de " l'invention

d'une formule ou d'une notion [...] que celle d'une idée »32. L'idée qui se trouve à l'origine de

l'UES invite à dissocier l'entreprise, entendue comme un cadre d'application du droit du travail,

des multiples structures juridiques qui ont pour objet d'organiser l'exercice de l'activité qui s'y

déploie. En s'attachant ainsi à appréhender la réalité de l'entreprise " derrière la juxtaposition

des sociétés juridiquement distinctes »33, la mise en oeuvre des règles du droit du travail y serait

nécessairement facilitée. En effet, nonobstant la pluralité d'entités juridiquement distinctes qui

ont pu conduire à un effacement des frontières de l'entreprise, il demeure que l'UES représente

en tout état de cause une entreprise unique. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a,

la première, mis en avant, dans son arrêt fondateur du 23 avril 1970, la possibilité de reconnaître

l'existence d'une entreprise unique34. Elle y affirme que des sociétés peuvent avoir une

existence juridique propre sans que cela ne suffise à démontrer que ces personnes morales constituent, au regard du droit du travail, des entreprises distinctes. Reprenant à son compte

cette " idée » de l'UES, la Chambre sociale de la Cour de cassation constate à son tour que des

" sociétés, bien que juridiquement distinctes, constituaient, non des entreprises séparées, mais

[...] un ensemble économique unique »35. À cet égard, le conseiller Roger de Lestang, dont les

analyses furent également considérées comme étant fondatrices de l'UES, justifie le recours à

cette technique par le fait que " plusieurs sociétés juridiquement distinctes peuvent ne constituer

en réalité qu'une seule entreprise au sens économique et social »36. En effet, " lorsqu'elle est

envisagée au point de vue économique comme une unité de production ou de distribution et au

point de vue social comme une réunion de travailleurs »37, le cadre de l'entreprise " ne coïncide

pas nécessairement avec les structures juridiques qui lui donnent une existence légale »38. Par

31 I. DESBARATS, " La notion d'unité économique et sociale en droit du travail » in Mélanges dédiés au Président

Michel Despax, Université des sciences sociales de Toulouse, 2002, p. 76 ; v. également en ce sens : G. PICCA,

" Sur la notion d'UES », Dr. soc. 1985, p. 540 ; du même auteur, " Entreprise et UES » in Sur l'entreprise et le

droit social, Études offertes à Jacques Barthélémy, 1994, p. 9

32 G. COUTURIER, " L'unité économique et sociale - trente ans après », SSL 2003, suppl. n° 1140, p. 56.

33 Ibid.

34 Cass. soc., 23 avril 1970, no 68-91.333, Bull. crim. n° 144 : D. 1970, p. 444 ; JCP 1972, n° 11, 17046.

35 Cass. soc., 19 décembre 1972, n° 72-60088, Bull. civ. n° 710.

36 R. DE LESTANG, " La notion d'unité économique et sociale d'entreprises juridiquement distincte », Dr. soc.

1979, p. 5.

37 Ibid.

38 Ibid.

17

conséquent, en procédant à une recomposition de ce cadre d'application de référence du droit

du travail, en dépit des montages sociétaires, permet d'en déduire que l'entreprise induite par

l'UES " ne connaissait pas la crise... »39.

6. En neutralisant les frontières tracées par le droit des sociétés, le droit du travail tend à

privilégier " une conception souple de l'entreprise, à la recherche de l'essentiel : une activité

économique, une communauté d'hommes »40. Dans le même temps, il a pu apparaître que " le

pragmatisme avec lequel les tribunaux ont forgé le concept d'unité économique et sociale rend

malaisé toute tentative de synthèse »41. En effet, si c'est une utilisation frauduleuse des

dispositions du droit des sociétés qui a en premier lieu conduit à la création du concept de

l'UES, la Cour de cassation a très rapidement cessé d'envisager le recours à cette qualification

uniquement en tant que sanction d'une fraude à la loi. Or, le choix d'une " approche moins

moralisante »42 implique nécessairement pour le juge de se référer à des critères d'identification

de l'UES. Ces derniers doivent à la fois concerner l'unité économique et l'unité sociale. Dans

un premier temps, la Chambre sociale de la Cour de cassation se fondait sur la multitude d'indices relevés par les juges du fond dont elle en reprenait la substance, afin de confirmer ou infirmer la reconnaissance de l'UES. Durant cette phase de construction du contenu qui devait

être attaché à l'UES, certains de ces indices revenaient de façon récurrente dans l'appréciation

souveraine des juges du fond. Entre autres, il pouvait s'agir d'activités analogues, d'un objet

social sensiblement identique d'une entité à une autre, de la présence de dirigeants communs

dans chacune d'elles, des associés communs, de conditions de travail identiques des salariés,

de leur permutabilité dans le périmètre, ... Compte tenu de leur importance dans l'appréciation

de la situation de fait, la Cour de cassation a pu établir sur ce fondement les critères d'existence

de l'UES. Peu de temps après que le législateur eut lui-même procédé à la consécration de la

notion dans le Code du travail en 1982

43, les critères de l'UES apparaissent explicitement

39 B. BOUBLI, " Adieu l'UES », Dr. soc. 2009, p. 699.

40 B. TEYSSIE, " L'entreprise et le droit du travail », Arch. phil. dr. 1997, p. 355.

41 N. CATALA, L'entreprise, Dalloz, 1980.

42 P.-H., ANTONMATTEI, A. DERUE, D. FABRE, D. JOURDAN, M. MORAND, G. VACHET, P.-Y., VERKINDT,

BARTHELEMY Avocats, L'unité économique et sociale. Un périmètre social de l'entreprise, Lamy, Axe Droit,

2011, p. 16.

43 Cf. loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel,

laquelle a entendu " prendre en compte le cas où des entreprises juridiquement distinctes ont cependant des

éléments communs qui justifient aux yeux de la justice que leurs salariés soient regroupés dans un comité

d'entreprise commun », (cf. Débats A. N., 3 juin 1982, JO p. 2914) ; Code du travail, art. L. 2322-4 : " Lorsqu'une

unité économique et sociale regroupant au moins cinquante salariés est reconnue par convention ou par décision

de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, la mise en place d'un comité d'entreprise commun

est obligatoire. 18 comme tels dans un arrêt rendu le 17 mai 1984 par la Chambre sociale de la Cour de cassation 44.
Selon cette dernière, les constatations des premiers juges permettent de déduire " l'existence dans une même sphère d'activité, d'une concentration des pouvoirs de direction et d'une communauté formée par le personnel que manifesterait, notamment, l'identité des conditions

de travail ou la permutabilité des salariés »45. Par conséquent, la détermination

jurisprudentielle des critères, combinée à l'abandon de la recherche systématique d'une

intention frauduleuse, invite à voir l'UES comme un possible " vecteur d'une définition unitaire

de l'entreprise »46.

7. Cependant, alors même que la lutte contre la fraude a cessé d'être le seul objectif

poursuivi par l'UES, il n'en est pas moins resté que la notion demeurait " finalisée »47 même si

le but avait effectivement changé. Dès lors, l'UES n'apparaissait pas tant comme " une

revanche de la réalité de l'entreprise sur les abstractions juridiques »48. Il s'agissait avant tout

pour le juge de pouvoir justifier, par ce biais, " certains résultats souhaitables »49. L'UES

représentait alors elle-même " une construction juridique destinée à limiter sur certains points

les effets de celle qu'a élaborée le capital »50. La reconnaissance de l'UES eut alors

historiquement pour objectif, ce qui demeure toujours d'actualité, de garantir l'effectivité du

droit des salariés à la représentation collective de leurs intérêts communs

51, conformément au

principe constitutionnel de participation des travailleursquotesdbs_dbs42.pdfusesText_42
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