Questions-réponses sur la négociation collective
2253-2 du Code du travail listent les matières dans lesquelles l'accord de branche prime ou peut primer sur les accords d'entreprise. D'autres dispositions du
guides
Le présent guide a pour objet de présenter les modalités de l'intervention de l'autorité administrative sous le contrôle du juge administratif
Mission sur la gestion des établissements dhébergement de
9 mars 2022 Le réseau d'EHPAD a perçu en 2020 plus de 360 millions d'euros de financements publics dont. 270
Édition 2019 - La négociation collective en 2018
17 déc. 2018 CFDT de l'accord national interprofessionnel (ANI) sur la formation professionnelle et la convention d'assurance chômage
La négociation collective en 2020
30 juin 2021 Les accords d'entreprises suscités en 2020 par la crise sanitaire ... La négociation sur la définition du personnel d'encadrement aurait dû ...
DOCTEUR DE LUNIVERSITÉ DE BORDEAUX LUNITÉ
17 août 2015 économique et sociale pour l'élection des délégués du personnel n'implique ... conventionnelle d'une UES ne relève pas du protocole d'accord ...
les recommandations / conseils de la cgt pour designer les
4) Re n o u vellement du mandat du (de la) délé- gué(e) syndical(e) : dans un syndicat aya n t déposé des stat u t s c'est le secrétaire du syndicat qui
Evaluation des ordonnances du 22 septembre relatives au dialogue
27 févr. 2020 Données quantitatives sur les accords de performance collective. ... délégation unique du personnel (DUP) est rarement perçu comme un ...
30 accords innovants qui illustrent le dialogue social dans les
16 mai 2019 Ces chiffres sont le signe que les entreprises petites et grandes
Les accords collectifs relatifs au dialogue social (et aux parcours
19 nov. 2020 stipulations relatives au droit syndical qui font l'objet d'accords indépendants53. Au niveau de l'entreprise il y a l'accord de la société ...
THÈSE PRÉSENTÉE
POUR OBTENIR LE GRADE DE
DOCTEUR DE
L'UNIVERSITÉ DE BORDEAUX
ÉCOLE DOCTORALE DE DROIT (E.D. 41)
SPÉCIALITÉ DROIT PRIVÉ
Par Aurélie CEA
L'UNITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIALE
EN DROIT DU TRAVAIL
Sous la direction de : M. le Professeur Christophe RADÉSoutenue le 16 juin 2016
Membres du jury :
M. Paul-Henri ANTONMATTEI,
Professeur à l'Université de Montpellier, Rapporteur.M. Gilles AUZERO,
Professeur à l'Université de Bordeaux.
M. Alexandre FABRE,
Professeur à l'Université d'Artois, Rapporteur.Mme. Laurence PÉCAUT-RIVOLIER,
Inspectrice adjointe des services judiciaires.
M. Christophe RADÉ,
Professeur à l'Université de Bordeaux.
RÉSUMÉ : L'UNITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIALE EN DROIT DU TRAVAILL'UES constitue un outil de recomposition du cadre de l'entreprise. Le recours à l'UES permet en effet
de considérer que plusieurs entités juridiquement distinctes constituent, en droit du travail, une
entreprise unique. La reconnaissance de l'UES facilite alors la mise en oeuvre de normes déterminées
par le juge ou le législateur, parmi lesquelles figurent en premier lieu celles relatives à la représentation
collective du personnel. L'évolution de son utilisation a façonné son périmètre en un cadre d'exercice
des droits collectifs dessalariés. Toutefois, si le recours à l'UES correspond à la recherche de l'entreprise
en droit du travail, son régime demeure à l'état de " construit jurisprudentiel » élaboré à des fins utiles.
Il laisse un sentiment d'inachevé. Les conséquences de la reconnaissance d'une UES ne peuvent
atteindre les relations individuelles de travail. Les salariés demeurent contractuellement liés à leurs
employeurs respectifs. La constatation d'un pouvoir de direction unique entre les entités juridiques ne
permet pas considérer l'UES comme étant l'employeur unique de l'ensemble des salariés, ni même que
ses membres sont autant de coemployeurs. L'absence de personnalité morale reconnue à ce type de
groupement représente incontestablement une limite dans la construction d'un régime juridique. Les
solutions applicables dans un groupe d'entreprises peuvent également l'être dans l'UES. Cependant,
elles ne représentent que des alternatives limitées à l'attribution de la personnalité morale. Or, dans le
cadre de la théorie de la réalité de la personne morale, il apparaît que l'UES pourrait être considérée
comme telle. La reconnaissance de la personnalité morale aurait pour effet de rendre solidairement
responsables ses membres à l'égard de l'emploi des salariés qui contribuent au déploiement de l'activité
économique dans ce périmètre.
Mots-clés: Coemploi ; Comité de groupe ; Comité d'entreprise ; Contrat de travail ; Groupe
d'entreprises ; Intérêt collectif ; Négociation collective ; Participation ; Personnalité morale ; Plan de
sauvegarde de l'emploi ; Reclassement ; Représentation collective ; Responsabilité civile ; Secteur
d'activité ; Transfert d'entreprise. SUMMARY : THE ECONOMIC AND SOCIAL UNIT IN LABOR LAW UES constitutes a tool used to recompose the framework of the company. UES permits to consider thatseveral legally distinct entities constitute, in fact, a unique company. The recognition of an UES
facilitates the application of norms determined by the judge or the legislator, and especially normsrelated to collective representation. The evolution of its use has shaped its perimeter in a framework for
the exercise of the employees' collective rights. However, if the UES corresponds in the search of the
company in labor law, its regime stays at the state of "built case law" developed for useful purposes. It
leaves a feeling of unfinished. The consequences of the UES recognition cannot reach the individualworking relations. The employees remain contractually bound to their respective employers. The
observation of a unique direction power between the legal entities doesn't permit to consider UES as being the unique employer of the set of the employees, nor even that its members are as much co-employers. The absence of moral personality of this type of grouping represents incontestably a limit in
the construction of its legal regime. The applicable solutions in a group of companies can also beapplicable in the UES. However, they only represent alternatives limited to the assignment of the moral
personality. However, in the setting of the theory of the reality of the moral person, it appears that UES
could be considered like such. The recognition of the moral personality would have the effect of making
jointly responsible its members towards the employment of the employees who contribute to the
deployment of the economic activity in this perimeter. Keywords: Co-employment ; Group Works Council ; Works council ; Employmentcontract ; Groupof companies ; Collective interest ; Collective bargaining ; Participation ; Legal personality ;
Redundancy plan ; Redeployment ; Collective representation ; Civil liability ; Business sector ;
Company transfer.
3À mes parents pour leur soutien sans faille,
À ma soeur pour sa bonne humeur communicative,
À mon compagnon pour sa présence et sa patience, 4 5REMERCIEMENTS
Mes remerciements s'adresseront en premier lieu au directeur de cette thèse, Monsieurle Professeur Christophe Radé. Je le remercie vivement pour sa disponibilité à mon égard, sa
patience et, enfin, ses nombreux conseils qui ont contribué à l'aboutissement de ce travail. Je tiens également à remercier ma famille qui n'a eu de cesse de m'encourager dans monparcours, m'apportant ainsi la motivation nécessaire pour continuer à avancer et à progresser
tout au long de ces années. De même, je souhaite remercier celui qui a partagé avec moi cette aventure au quotidien, me permettant d'y mettre un terme en toute sérénité. Je tiens aussi à témoigner toute ma sympathie à l'ensemble des membres du Comptrasec pour leur bienveillance. 5 6 7LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
act. actualités aff. affaire AJDA Actualité juridique, droit administratif al. alinéa Annales ESC Annales. Économies, Sociétés, CivilisationsANI accord national interprofessionnel
Arch. phil. dr. Archives de philosophie du droit art. article BDES Base de données économiques et sociales BJE Bulletin Joly Entreprises en difficultésBJS Bulletin Joly Sociétés
BO Bulletin officiel
BS Bulletin Social, Francis Lefebvre
Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation Bull. crim. Bulletin des arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation Bull. inf. C. cass. Bulletin d'information de la Cour de cassation c/ contreCA cour d'appel
CAA cour administrative d'appel
Cah. DRH Les cahiers du DRH
Cah. dr. entr. Les cahiers de droit de l'entrepriseCah. soc. Les Cahiers sociaux
Cass. Cour de cassation
Cass. ass. plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation Cass. ch. mixte Chambre mixte de la Cour de cassation Cass. ch. réun. chambres réunies de la Cour de cassation Cass. civ. Chambre civile de la Cour de cassation Cass. com. Chambre commerciale de la Cour de cassation Cass. crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation Cass. req. Chambre des requêtes de la Cour de cassation Cass. soc. Chambre sociale de la Cour de cassationCE Conseil d'État
CEDH Convention européenne des droits de l'homme cf. conférer, consulter ch. chambre chron. chronique circ. circulaire CJUE Cour de justice de l'Union européenne CHSCT Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail 8Coll. collection comm. commentaire concl. conclusions Cons. const. Conseil constitutionnel contra contraire
coord. coordonné par Cour EDH Cour européenne des droits de l'hommeCE Comité d'entreprise
CCE Comité central d'entreprise
CEE Comité d'entreprise européen
CPH Conseil des prud'hommes
CSBP Les Cahiers sociaux du barreau de Paris
D. Recueil Dalloz-Sirey
DDHC Déclaration des droits de l'homme et du citoyen DIRECCTE Direction (ou directeur) régional(e) des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploiDGT Direction générale du travail
dir. sous la direction deDP délégué du personnel
DS délégué syndical
Dr. fisc. Revue Droit fiscal
Dr. soc. Revue Droit social
Dr. sociétés Droit des sociétés
Dr. ouv. Revue Droit ouvrier
Dr. pén. Revue Droit pénal
DUDH Déclaration universelle des droits de l'hommeéd. numéro d'édition
Éd. éditeur ou éditions
et s. et suivant et. al. et autres auteursGaz. pal. Gazette du palais
ibid. ibidem (même endroit dans la référence précédente) id. idem (endroit différent dans la référence précédente) infra au-dessous JCP éd. E. La Semaine juridique édition entreprise JCP éd. G. La Semaine juridique édition générale JCP éd. S. La Semaine juridique édition socialeJO Journal officiel
JSL Jurisprudence sociale Lamy
jur. jurisprudenceJur. soc. UIMM Jurisprudence sociale UIMM
L.G.D.J. Librairie générale de droit et de jurisprudenceLDF La Documentation française
9 loc. cit. passage précité d'un article, d'un ouvrageLPA Les Petites Affiches
n° numéro not. notamment obs. observations p. pagePSE Plan de sauvegarde de l'emploi
préamb. préambule préc. texte de droit ou décision jurisprudentielle précité pt. pointP.U.F. Presses universitaires de France
QPC question prioritaire de constitutionnalité rapp. rapport (ou rapporteur) rapp. ann. C. cass. rapport annuel de la Cour de cassation rappr. rapproché rééd. Réédition Rev. proc. coll. Revue de procédure collectiveRev. sociétés Revue des sociétés
RDC Revue des contrats
RDP Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étrangerRDT Revue de droit du travail
RDSS Revue de droit sanitaire et sociale
RFDA Revue française de droit administratif RID. comp. Revue internationale de droit comparéRJS Revue de jurisprudence sociale
RPDS Revue pratique de droit social
RSC Revue de science criminelle et de droit pénal comparéRTD. civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD. com. Revue trimestrielle de droit commercialS. Recueil Sirey
somm. sommaire spéc. spécialementSSL Semaine sociale Lamy
supra au-dessus synth. synthèseT. tome
T. corr. tribunal correctionnel
TA tribunal administratif
TFUE Traité sur le fonctionnement de l'Union européenneTGI tribunal de grande instance
TI tribunal d'instance
TPS Travail et Protection sociale
10trim. trimestre UE Union européenne UES Unité économique et sociale v. voir vol. volume
11SOMMAIRE
PREMIÈRE PARTIE - UNE NOTION AMBIGUË
TITRE I - UN OUTIL DE RECOMPOSITION DE L'ENTREPRISE Chapitre I - Un cadre d'application de normes déterminées Chapitre II - Un cadre d'application assimilé à l'entreprise TITRE II - UNE COLLECTIVITÉ DE TRAVAIL INSAISISSABLE Chapitre I - Une représentation collective non-spécifique Chapitre II - Une représentation collective ambivalenteSECONDE PARTIE - UN RÉGIME INACHEVÉ
TITRE I - UN GROUPEMENT DÉPOURVU DE PERSONNALITÉ MORALE Chapitre I - Des obstacles à l'attribution judiciaire de la personnalité morale Chapitre II - Des alternatives limitées à l'attribution de la personnalité morale TITRE II - UN GROUPEMENT À DOTER DE LA PERSONNALITÉ MORALE Chapitre I - Des manifestations de l'existence de la personnalité morale de l'UES Chapitre II - La nécessaire détermination des effets de la reconnaissance de la personnalité morale de l'UES 12 13INTRODUCTION
1. " Mais qu'es-tu donc devenue ? »1. C'est la question qui vient immédiatement à l'esprit
dès lors que l'on évoque l'unité économique et sociale en droit du travail, laquelle apparaît plus
connue sous le nom d'UES. Celle-ci fut créée par les juges en vue " de permettre l'adaptationdes institutions représentatives des travailleurs à des dimensions nouvelles de l'entreprise »2.
Il apparaissait en effet que " l'unité économique et sociale n'offre pas la même résistance à une
conceptualisation que le cadre dans lequel elle doit être mise en oeuvre »3. Dès lors,
" l'édification du concept d'UES, par le juge, correspond bien à cette recherche de l'entreprise
en droit du travail, au-delà des montages sociétaires »4. En cette matière, ni le législateur ni la
jurisprudence ne se sont véritablement mobilisés pour tenter de définir ce que devait recouvrir
la notion d'entreprise, à tel point que l'absence de contenu précis qui y est finalement attachée
apparaît comme " une constante du droit du travail »5. Cependant, le terme d'entreprise
demeure fréquemment utilisé en droit positif dans la détermination des conditions d'application
de certaines règles, notamment celles relatives à la représentation collective du personnel, aux
licenciements collectifs pour motif économique, et plus généralement lorsqu'il est question de
relations collectives de travail6. De ce constat, il ressort que la notion d'entreprise représente en
toute hypothèse en droit du travail " un outil indispensable à sa mise en oeuvre »7, autrement
dit " une figure obligée »8. Le recours à cette notion apparaît en effet nécessaire dans la mesure
où elle permet de " saisir l'organisation d'une collectivité de salariés travaillant sous l'autorité
d'un même chef »9. L'UES fut donc créée par les juges dans cette perspective d'identification
d'une collectivité de travail. L'utilisation de la technique de l'UES pendant près d'un demi-siècle, témoigne incontestablement de l'intérêt que porte le droit du travail à la communauté de
1 B. BOUBLI, " Adieu l'UES », Dr. soc. 2009, p. 699.
2 G. PICCA, " Entreprise et Unité économique et sociale » in Sur l'entreprise et le droit social, Mélanges en
l'honneur de Jacques Barthélémy, Éd., Techniques, 1994, p. 9.3 Ibid.
4 I. DESBARATS, " La notion d'unité économique et sociale en droit du travail » in Mélanges dédiés au Président
Michel Despax, Université des sciences sociales de Toulouse, 2002, p. 765 Q. URBAN, " De l'entreprise à la situation d'emploi. Le droit du travail à l'épreuve de la crise de l'entreprise »
in A. LYON-CAEN, Q. URBAN (dir.), La crise de l'entreprise et de sa représentation, Dalloz, Thèmes et
commentaires, 2012, p. 99 ; v. également : G. LYON-CAEN, Le droit du travail, une technique réversible, Dalloz,
1995, pp. 13 et s.
6 En ce sens : Q. URBAN, loc. cit.
7 Ibid.
8 A. SUPIOT, " Groupe de sociétés et paradigme de l'entreprise », RTD. com. 1985, p. 624.
9 I. DESBARATS, loc. cit.
14 salariés qu'est susceptible d'abriter l'entreprise. L'UES est ainsi apparue comme une techniqueutile, pouvant constituer un remède face aux difficultés nées de l'absence de définition juridique
de l'entreprise.2. D'une façon générale, il n'est rien de plus " déconcertant que de parler d'entreprise »10.
Si cette dernière a pu être qualifiée d' " institution »11, il demeure que " nul ne peut se vanter,
pour autant, d'avoir rencontré l'entreprise »12. En droit, cette dernière apparaît en effet comme
" une notion diffuse qui semble irréductible à une définition unitaire »13. Cette notion est
" l'une des plus irritantes qui soient pour un juriste, car elle est à la fois insaisissable etincontournable »14. L'entreprise ne peut donc être appréhendée qu'en tant que " paradigme
juridique »15, de sorte qu'elle représente essentiellement " un instrument de référence se
prêtant à toutes les conjugaisons »16. Il est en effet admis que " chacun a une conception de
l'entreprise et les définitions sont différentes selon la perspective dans laquelle elle est
analysée »17. En droit du travail, l'entreprise désigne avant tout " la situation de référence que
constitue la relation entre, d'une part, un employeur, et d'autre part, une collectivité detravailleurs, sans définir la nature juridique de cette relation »18. Dès lors, le fait d' " affirmer
la nature paradigmatique de l'entreprise [revient à] reconnaître l'impuissance du droit à la
définir »19. Or, dans ce contexte juridique marqué par l'absence de définition de l'entreprise,
" l'unité économique et sociale a pu légitimement être considérée comme exemplaire »20. Une
partie de la doctrine a en effet pu voir dans cette construction jurisprudentielle " une véritable
définition juridique de l'entreprise en droit social »21.10 J. PAILLUSSEAU, " Qu'est-ce que l'entreprise ? » in L'entreprise, nouveaux apports, Économica, 1987.
11 P. DURAND, " La notion juridique d'entreprise » in Travaux de l'association Henri Capitant, 1948, pp. 45-60.
12 G. PICCA, " Entreprise et Unité économique et sociale » in Sur l'entreprise et le droit social, Mélanges en
l'honneur de Jacques Barthélémy, Éd., Techniques, p. 13.13 N. CATALA, L'entreprise, Dalloz, 1980.
14 A. SUPIOT, " Groupes de sociétés et paradigme de l'entreprise », RTD. com. 1985, p. 622.
15 Idem, p. 625.
16 Ibid. l'auteur emprunte explicitement la définition de la notion de paradigme à V.-T.-H. KUHN, The structure of
scientific revolutions, Chicago, 1re éd., 1962, 2e éd. 1970, trad. franç., La structure des révolutions scientifiques,
Flammarion, Paris, 1983, 284 p. : " Dans une science, un paradigme [...] c'est un objet destiné à être précisé et
ajusté dans des conditions nouvelles ou plus strictes ».17 G. LYON-CAEN, A. LYON-CAEN, " La doctrine de l'entreprise » in Dix ans de droit de l'entreprise, Litec, 1978.
18 A. SUPIOT, loc. cit.
19 G. LHUILIER, " Le paradigme des entreprises dans le discours juridique » in Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations, 48e éd., 1993, n° 2, p. 331.
20 G. PICCA, op. cit., p. 9.
21 Ibid. ; M. GREVY, " L'unité économique et sociale » in G. BORENFREUND, M.-A. SOURIAC (dir.), Syndicats et
droit du travail, Dalloz, 2008, p. 51. 153. Le recours à l'UES, en tant qu'instrument duquel pouvait ressortir une définition
juridique de l'entreprise, apparaissait d'autant plus nécessaire que le phénomène des
regroupements d'entreprises a " introduit une rupture dans la notion d'entreprise qui s'y révèle
incapable de remplir son habituelle fonction paradigmatique : on ne voit plus très bien sur quel employeur ni sur quelle collectivité de travail s'appuyer pour mettre en oeuvre les dispositifsjuridiques qui, implicitement ou explicitement, se réfèrent à l'unité et à la stabilité de ces deux
éléments »22. Sous l'effet de la concentration du capital23, de multiples entités juridiques
peuvent être créées en vue d'organiser l'exercice d'une ou plusieurs activités. Cela favorise la
constitution des groupes d'entreprises qui tendent de plus en plus à s'imposer sur la scèneéconomique
24. Or, l'émergence de ces possibilités d'organisation soulève un risque
d'ineffectivité du droit du travail. En effet, des employeurs ont pu y voir une opportunitéd'échapper à certaines de leurs obligations, en particulier celles relatives à la mise en place des
institutions représentatives du personnel. Pour ce faire, l'effectif de leur entreprise était alors
dispersé entre diverses entités juridiquement distinctes, en prenant soin qu'aucune d'entre elles
ne franchisse le seuil légal imposant la mise en place de ces institutions représentatives. Ainsi,
la constitution de groupements d'entreprises " participe ainsi d'une crise plus générale du paradigme de l'entreprise »25.4. Il apparaît que " les transformations qui ont affecté les entreprises [...] ont suscité de
nouvelles difficultés dans la recherche d'une conceptualisation par le droit de la notion
d'entreprise »26. Il est ressorti de ces évolutions une " mouvance de l'entreprise dans l'espaceet dans le temps du fait des restructurations incessantes »27. Or, à cet égard, le droit de la
représentation du personnel apparaissait " daté dans ses cadres »28, conduisant ainsi à une
impossibilité de " saisir une collectivité de travail de plus en insaisissable, changeante,
extériorisée »29. Dans ces conditions, le recours à l'UES a pu apparaître pour les juges comme un moyen de " retrouver l'entreprise »30, précisément un moyen de reconstituer ce cadre de22 A. SUPIOT, loc. cit.
23 G. LYON-CAEN, " La concentration du capital et le droit du travail », Dr. soc. 1983, pp. 287-303.
24 N. LEVRATTO, "
Les groupes d'entreprises : entre exception théorique et règle managériale », RDT 2012, p. 536.
25 A. SUPIOT, loc. cit.
26 G. PICCA, op. cit., p. 15.
27 F. FAVENNEC-HERY, " Collectivité du personnel : quelle représentation ? », Dr. soc. 2006, p. 989.
28 Ibid.
29 Ibid.
30 Cf. A. LYON-CAEN, " Retrouver l'entreprise » in L'entreprise éclatée : identifier l'employeur, attribuer les
responsabilités, Dr. ouv. 2013, p. 193. 16 référence du droit du travail. La notion d'UES a ainsi permis " une évolution du concept d'entreprise en la détachant de son support juridique, individuel ou collectif »31.5. L'apparition de l'UES dans la jurisprudence a, semble-t-il, moins résulté de " l'invention
d'une formule ou d'une notion [...] que celle d'une idée »32. L'idée qui se trouve à l'origine de
l'UES invite à dissocier l'entreprise, entendue comme un cadre d'application du droit du travail,des multiples structures juridiques qui ont pour objet d'organiser l'exercice de l'activité qui s'y
déploie. En s'attachant ainsi à appréhender la réalité de l'entreprise " derrière la juxtaposition
des sociétés juridiquement distinctes »33, la mise en oeuvre des règles du droit du travail y serait
nécessairement facilitée. En effet, nonobstant la pluralité d'entités juridiquement distinctes qui
ont pu conduire à un effacement des frontières de l'entreprise, il demeure que l'UES représente
en tout état de cause une entreprise unique. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a,la première, mis en avant, dans son arrêt fondateur du 23 avril 1970, la possibilité de reconnaître
l'existence d'une entreprise unique34. Elle y affirme que des sociétés peuvent avoir une
existence juridique propre sans que cela ne suffise à démontrer que ces personnes morales constituent, au regard du droit du travail, des entreprises distinctes. Reprenant à son comptecette " idée » de l'UES, la Chambre sociale de la Cour de cassation constate à son tour que des
" sociétés, bien que juridiquement distinctes, constituaient, non des entreprises séparées, mais
[...] un ensemble économique unique »35. À cet égard, le conseiller Roger de Lestang, dont les
analyses furent également considérées comme étant fondatrices de l'UES, justifie le recours à
cette technique par le fait que " plusieurs sociétés juridiquement distinctes peuvent ne constituer
en réalité qu'une seule entreprise au sens économique et social »36. En effet, " lorsqu'elle est
envisagée au point de vue économique comme une unité de production ou de distribution et aupoint de vue social comme une réunion de travailleurs »37, le cadre de l'entreprise " ne coïncide
pas nécessairement avec les structures juridiques qui lui donnent une existence légale »38. Par
31 I. DESBARATS, " La notion d'unité économique et sociale en droit du travail » in Mélanges dédiés au Président
Michel Despax, Université des sciences sociales de Toulouse, 2002, p. 76 ; v. également en ce sens : G. PICCA,
" Sur la notion d'UES », Dr. soc. 1985, p. 540 ; du même auteur, " Entreprise et UES » in Sur l'entreprise et le
droit social, Études offertes à Jacques Barthélémy, 1994, p. 932 G. COUTURIER, " L'unité économique et sociale - trente ans après », SSL 2003, suppl. n° 1140, p. 56.
33 Ibid.
34 Cass. soc., 23 avril 1970, no 68-91.333, Bull. crim. n° 144 : D. 1970, p. 444 ; JCP 1972, n° 11, 17046.
35 Cass. soc., 19 décembre 1972, n° 72-60088, Bull. civ. n° 710.
36 R. DE LESTANG, " La notion d'unité économique et sociale d'entreprises juridiquement distincte », Dr. soc.
1979, p. 5.
37 Ibid.
38 Ibid.
17conséquent, en procédant à une recomposition de ce cadre d'application de référence du droit
du travail, en dépit des montages sociétaires, permet d'en déduire que l'entreprise induite par
l'UES " ne connaissait pas la crise... »39.6. En neutralisant les frontières tracées par le droit des sociétés, le droit du travail tend à
privilégier " une conception souple de l'entreprise, à la recherche de l'essentiel : une activité
économique, une communauté d'hommes »40. Dans le même temps, il a pu apparaître que " le
pragmatisme avec lequel les tribunaux ont forgé le concept d'unité économique et sociale rend
malaisé toute tentative de synthèse »41. En effet, si c'est une utilisation frauduleuse des
dispositions du droit des sociétés qui a en premier lieu conduit à la création du concept de
l'UES, la Cour de cassation a très rapidement cessé d'envisager le recours à cette qualification
uniquement en tant que sanction d'une fraude à la loi. Or, le choix d'une " approche moinsmoralisante »42 implique nécessairement pour le juge de se référer à des critères d'identification
de l'UES. Ces derniers doivent à la fois concerner l'unité économique et l'unité sociale. Dans
un premier temps, la Chambre sociale de la Cour de cassation se fondait sur la multitude d'indices relevés par les juges du fond dont elle en reprenait la substance, afin de confirmer ou infirmer la reconnaissance de l'UES. Durant cette phase de construction du contenu qui devaitêtre attaché à l'UES, certains de ces indices revenaient de façon récurrente dans l'appréciation
souveraine des juges du fond. Entre autres, il pouvait s'agir d'activités analogues, d'un objetsocial sensiblement identique d'une entité à une autre, de la présence de dirigeants communs
dans chacune d'elles, des associés communs, de conditions de travail identiques des salariés,de leur permutabilité dans le périmètre, ... Compte tenu de leur importance dans l'appréciation
de la situation de fait, la Cour de cassation a pu établir sur ce fondement les critères d'existence
de l'UES. Peu de temps après que le législateur eut lui-même procédé à la consécration de la
notion dans le Code du travail en 198243, les critères de l'UES apparaissent explicitement
39 B. BOUBLI, " Adieu l'UES », Dr. soc. 2009, p. 699.
40 B. TEYSSIE, " L'entreprise et le droit du travail », Arch. phil. dr. 1997, p. 355.
41 N. CATALA, L'entreprise, Dalloz, 1980.
42 P.-H., ANTONMATTEI, A. DERUE, D. FABRE, D. JOURDAN, M. MORAND, G. VACHET, P.-Y., VERKINDT,
BARTHELEMY Avocats, L'unité économique et sociale. Un périmètre social de l'entreprise, Lamy, Axe Droit,
2011, p. 16.
43 Cf. loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel,
laquelle a entendu " prendre en compte le cas où des entreprises juridiquement distinctes ont cependant des
éléments communs qui justifient aux yeux de la justice que leurs salariés soient regroupés dans un comité
d'entreprise commun », (cf. Débats A. N., 3 juin 1982, JO p. 2914) ; Code du travail, art. L. 2322-4 : " Lorsqu'une
unité économique et sociale regroupant au moins cinquante salariés est reconnue par convention ou par décision
de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, la mise en place d'un comité d'entreprise commun
est obligatoire. 18 comme tels dans un arrêt rendu le 17 mai 1984 par la Chambre sociale de la Cour de cassation 44.Selon cette dernière, les constatations des premiers juges permettent de déduire " l'existence dans une même sphère d'activité, d'une concentration des pouvoirs de direction et d'une communauté formée par le personnel que manifesterait, notamment, l'identité des conditions
de travail ou la permutabilité des salariés »45. Par conséquent, la détermination
jurisprudentielle des critères, combinée à l'abandon de la recherche systématique d'une
intention frauduleuse, invite à voir l'UES comme un possible " vecteur d'une définition unitaire
de l'entreprise »46.7. Cependant, alors même que la lutte contre la fraude a cessé d'être le seul objectif
poursuivi par l'UES, il n'en est pas moins resté que la notion demeurait " finalisée »47 même si
le but avait effectivement changé. Dès lors, l'UES n'apparaissait pas tant comme " une
revanche de la réalité de l'entreprise sur les abstractions juridiques »48. Il s'agissait avant tout
pour le juge de pouvoir justifier, par ce biais, " certains résultats souhaitables »49. L'UESreprésentait alors elle-même " une construction juridique destinée à limiter sur certains points
les effets de celle qu'a élaborée le capital »50. La reconnaissance de l'UES eut alors
historiquement pour objectif, ce qui demeure toujours d'actualité, de garantir l'effectivité du
droit des salariés à la représentation collective de leurs intérêts communs51, conformément au
principe constitutionnel de participation des travailleursquotesdbs_dbs42.pdfusesText_42[PDF] NOTE A L ATTENTION DES CANDIDATS INDIVIDUELS
[PDF] Je vote pour la transparence 2013
[PDF] Thème : évaluation et conseil pédagogique
[PDF] PROGRAMME ET INSCRIPTIONS
[PDF] ELECTIONS CTSA 2015 Réunion d information du 27 février 2015
[PDF] MASTER DROIT DES AFFAIRES - SPÉCIALITÉ : JURISTE DAFFAIRES EUROPÉEN
[PDF] Calcul de la dernière paie : Sécuriser le calcul du solde de tout compte
[PDF] SITUATION DE HARCELEMENT EN MILIEU SCOLAIRE
[PDF] Le matériel de vote sera déposé dans vos casiers (professeurs, personnels éducatifs) ou remis directement (ATOS)
[PDF] élection du CCJ 2015-2017
[PDF] Les Français, le numérique et la culture
[PDF] Harcèlement entre élèves L obligation de prendre en compte
[PDF] SIVOM DES SAISIES CENTRE MULTI-ACTIVITES LES SAISIES
[PDF] PROCÈS-VERBAL DE L ÉLECTION DES DÉLÉGUÉS DU CONSEIL MUNICIPAL ET DE LEURS SUPPLÉANTS EN VUE DE L ÉLECTION DES SÉNATEURS COMMUNE :