[PDF] Mémoires de la Grande Guerre





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16 mars 2020 recherche français ou étrangers des laboratoires ... révocation du don fait en augmentation d'apanage à Louis



Vulnérabilité et perception face aux tremblements de terre en

27 mars 2017 recherche français ou étrangers des laboratoires ... anciennes aux tremblements de terre



Bulletin officiel n°32 du 27 août 2020 Sommaire

27 août 2020 Établissements d'enseignement français à l'étranger ... Réunion. 9740001h Saint denis. Leconte De Lisle ... 0270016w Evreux. Aristide Briand.



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Mémoires de la Grande Guerre

…C'est le grand grief que j'ai trouvé dans l'armée française c'était de tenir Guichard (22 ans en 1917) ou Marius Dubuis (21 ans en 1917) et anciens ...

CRÉATION : DIRECTION DE LA COMMUNICATION - CG42 - IMPRIMERIE DÉPAR TEMENTALE - DÉPÔT LÉGAL : 06/14 - CRÉDIT PHOTO : ARCHIVES DÉ

PARTEMENTALES

Lucien BAROU

Mémoires de la Grande Guerre

187 Poilus du Forez et de sa périphérie témoignent...

Tome 4 : 1917

Mémoires de la Grande Guerre -

187 Poilus du Forez et de sa périphérie témoignent...

Tome 4 : 1917"Pourquoi est-ce qu'on l'appelait le Chemin des Dames ?... Ça ressemblait à quoi ?" "Eh ben, je sais pas... C'était une ligne, une hauteur qui é tait assez longue, qui allait de Cléry jusqu'à Soissons, pour ainsi dire... Un plateau... Le plateau de Craonne, le fameux Craonne ! J'avais été à moitié enseveli dans des cailloux ! Ils nous envoyaient des bombardements, des pièces de 400 ! On aurait dit des trains qui vous arrivaient dessus ! Moi, j'avais été enseveli aux trois-quarts dans des pierres ! Je m'en étais sorti quand même..."

Claude Chaume,

classe 1912, Bully

Chapitre 26

Deux évènements

du premier trimestre 1917

Le froid intense de janvier-février,

le repli stratégique allemand, en mars, sur la ligne Hindenburg

Chap. 26 Ð Deux ŽvŽnements du premier trimestre 1917 : le froid intense de janvier-fŽvrier

Ð le repli stratŽgique allemand en mars sur la ligne Hindenburg (Siegf ried) E- Ç 'a a ŽtŽ si dur que a, le temps des gelŽes ?

T- Houla ! Affreux ! Mais il en est mort ! Des quantitŽs ! Celui qui se laissait prendre, qui bougeait pas, qui se

E- QuÕest-ce quÕil fallait faire, pour rŽsister ?

T- Pour rŽsister ? Il fallait marcher continuellement ! Il fallait marcher, il fallait travailler, il fallait bouger !

Que la circulation du sang se fasse ! Mais celui qui restait dans un coin, ˆ pas bouger, le lendemain, il Žtait

mort ! E- Mais si on Žtait ŽpuisŽ ? Si on avait sommeil ? Il fallait marcher quand mme ? Ð Jean Auroy (classe 1914) de Saint-Priest-la-Prugne.

T- Ç En fŽvrier-mars 17, on Žtait lˆ-haut, au-dessus de Vitry-le-Franois (Marne), dans un petit patelin. CÕest

quÕon pouvait pas rester ! On nous laissait pas en ligne longtemps ! On nous relevait souvent, parce quÕon a

trouvŽ des gens, qui Žtaient en sentinelle, qui avaient gelŽ ! On en a trouvŽ morts debout ! Un froid terrible ! È

- Marius Verdier (classe 1917) de Rozier-en-Donzy

T- Ç Oh ! Il faisait froid ! Ouh la la la quÕil faisait froid ! Quand on allait monter la garde, on faisait plus

partie des hommes ! Il fallait voir comme on Žtait : on avait non seulement la capote, mais on avait touchŽ des

peaux de mouton, alors a nous faisait peur de voir ! Et puis alors, on se mettait les pieds dans des affairesÉ

Parce que les bottes en caoutchouc nÕexistaient pas ! Alors, cÕŽtaient des semelles en boisÉ È- Jean-Louis

Monier (classe 1913), Marols

LÕhiver a toujours ŽtŽ, depuis le dŽbut de la guerre, une saison difficile pour les soldats, mme si le

mauvais temps, la neige et le froid induisaient souvent un ralentissement des activitŽs de combat. Mais le

Dans Ç Les Poilus È Pierre Miquel Žcrit : Ç LÕhiver de 1916-1917 est exceptionnellement froid. Il

corps se font ˆ pied par ce climat et lÕensemble du front est concernŽ par les changements de secteur. Les

poilus sÕŽtaient arrangŽs pour hiverner dans leurs coins savamment protŽgŽs contre la froidure. Voilˆ quÕon

les expose ˆ la glace et au vent sous prŽtexte de leur Ç redonner des jambes È. Ils parcourent des Žtapes de

Des rideaux clairsemŽs de veilleurs se remplacent aux crŽneaux des tranchŽes, sans cesse relevŽs par

des unitŽs dŽcimŽes ˆ la recherche dÕun secteur calme pour se refaire, des territoriaux ou des laissŽs-pour-

compte du recrutement. Les bataillons ne sont jamais tranquilles, mme en ligne. È 1

Ceux de nos tŽmoins qui Žtaient au front ont rarement omis de mentionner la froidure de cet hiver

1917, en signalant les vivres gelŽs, pain et surtout vin. Nous ne retiendrons que les plus circonstanciŽs.

Trois tŽmoignages Žcrits Žvaluant la tempŽrature Jean Rivet (cl.16) , de Pouilly-sous-Charlieu, coquetier en gros, montŽ au front au 105 e

R.I. de Riom,

a expŽrimentŽ le froid extrme de fŽvrier 1917, ce quÕil mentionne succinctement, par Žcrit, dans la

Ç Reconstitution de [son] Carnet de Campagne 1915-1918-1919 È : Ç Hiver 1916-17 Ð Ç Nous sommes dirigŽ*

cantonnons dans des baraques a Driant (Adrian !) b‰ties dans les bois. Notre travaille* consiste a* creuser

des tranchŽes nouvelle*, a* faire des emplacements de nouvelles batteries, a amŽnager des anciennes

tranchŽes. Il fait un froid terrible moins 20 ¡. Enfin vers fin fŽvrier nous montons en ligne devant LassignyÉ. È

Plus ‰gŽ de cinq ans, Amand Beyron (cl.11), musicien-brancardier au 99 e

R.I., Žcrit dans son journal

nous couchons, fatiguŽs, dans nos couvertures et couvre-pieds, sans manger, tellement nous sommes las et

1

Pierre Miquel, Ç Les Poilus È, Žditions Plon, collection Ç Terre Humaine È, Paris, 2000, pP. 318-319

dŽsorientŽs. JÕai eu froid jusquÕau petit matin. Tristesse et dŽsolationÉ Pour nous rŽchauffer, nous allons

de la 1 ligne de tranchŽes, o les bataillons du 99 e sont en place depuis deux joursÉ Le secteur est calmeÉ

Par moments, cÕest presque le grand silence, ˆ part le vent dÕest qui hurle ˆ faire peur Ç au diable. È.

Nous nous occupons le 1

er jour et les jours suivants ˆ ranger la toiture de notre grange, ˆ boucher les

trous des murs en torchis, ˆ replacer la porte dÕentrŽe retrouvŽe et rafistolŽe, ˆ trouver des planches pour

installer des lits de camps ; ˆ rechercher de la paille, en attendant celle que lÕon doit nous faire parvenir !

[É] En attendant lÕarrivŽe de baraques Ç Adrian È, on se loge comme on peut, dans les caves, sous la

tente, avec du Ð 15¡ au-dessous de zŽro et mme plusÉ Pas rigolo ! De quoi mourir de froid ! Impossible de

rŽcit des Ç Souvenirs È , achevŽ en mars 1919, comme lÕindique lÕauteur ˆ la fin, de Claudius Viricel (cl. 10),

agriculteur ˆ Grammond (Combelagier), dans les Monts du Lyonnais. Alors soldat au 3 e

RŽgiment de Zouaves,

dans lÕAisne, il Žcrit :

plus loin, ˆ Chierry, dÕo le 19 il fallut repartir ˆ pied pour la Chappelle*-sur-ChŽzy (Aisne). La 2

Cie fut

logŽe au hameau des Caquetons. La vie nÕy fut pas rose, plus de 20 degrŽs au dessous de zŽro, pain gelŽ, vin

gelŽ, zouaves frigorifiŽs, tels sont les souvenirs que je retiens des Caquetons. Nous partons le 2 fŽvrier. On

Dammard), dÕo le 8, les autos nous transportent ˆ Bourg-et-Comin, pour y faire des travaux prŽparatoires

pour lÕoffensive du 16 avril. 2

de vin, vide cela va sans dire, nous ežmes beaucoup ˆ souffrir du froid. Toutes les nuits, nous allions au

travail. Nous faisions une piste ˆ lÕusage de lÕinfanterie et de lÕartillerie de campagne ; la terre gelŽe, jusquÕˆ

avancement infime ˆ la t‰che. Enfin le 6 mars on estima que nous avions assez travaillŽ et on nous ramena un

Ç Ð 15¡ au-dessous de zŽro et mme plusÉ È (Beyron), Ç froid terrible moins 20 ¡ È (Rivet), Ç plus de

20 degrŽs au dessous de zŽro È (Viricel) : les tempŽratures extrmes signalŽes par P. Miquel sont confirmŽes

dans lÕOise, dans lÕAisne et dans la Somme. Quant ˆ lÕindication de la profondeur du sol gelŽ, elle est sžr

indice sžr de la durŽe de la pŽriode de froid intense, qui fait pŽnŽtrer de plus en plus le gel dans la terre :

jusquÕˆ 40 cm de profondeur pour Claudius Viricel, ce qui ralentit considŽrablement la t‰che de creusement,

plus de 60 cm pour Amand Beyron, ce qui la rend impossible.

RenŽ Villemagne, de Chazelles-sur-Lyon, nŽ en 1895 mais qui nÕavait pas ŽtŽ pris au conseil de

front dans lÕhiver 1916-1917. Il indique aussi une tempŽrature extrme (- 28¡) la mme que celle que donnera

Jean Auroy un peu plus bas :

T- Ç On nous a envoyŽs ˆ Varennes-sur-Allier, dans un peloton spŽcial, pour une instruction un peu plus

fusil-mitrailleur, aux grenades ; un peu de tranchŽes, un peu de terrassements, des babioles comme aÉ Une

instruction assez poussŽe. CÕest lˆ que nous avons passŽ lÕhiver 1916-1917, qui a ŽtŽ terrible ! Terrible !

E- Tout le monde mÕen parle ! On mÕa dit quÕil Žtait effroyable ! 3

On entendait le canon la nuit, mais on nÕŽtait pas engagŽs ! On Žtait simplement en instructionÉ

E- Et lˆ, vous avez beaucoup souffert du froid ?

T- Oh ! Affreux ! Affreux ! Affreux ! Affreux ! Y a eu beaucoup deÉ Pas de maladies : des pieds gelŽs ! Des

pieds gelŽs, des oreilles gelŽesÉ E- QuÕest-ce quÕil fallait faire, pour ne pas avoir de pieds gelŽs ? 2 Le 16 avril 1917 est la date du dŽclenchement de lÕoffensive du Chemin des Dames 3 LocalitŽ situŽe ˆ 7 km au nord dÕAumale, dans la Seine-Maritime, en bordure de la Somme

T- Y avait pas grand chose ! Ils nous donnaient une pommade : on la mettait ou on la mettait pasÉ se

barbouiller les pieds, se dŽchausser avec un froid comme a ! On se couchait comme on pouvait, comme des

chiens, quoi ! Sans se dŽshabiller ! 'a a ŽtŽ terrible ! Le froid a ŽtŽ terrible ! Et a a durŽ jusquÕau mois de

mars o y a eu une petit peu de soleilÉÉ Nous Žtions logŽs dans des fermes, en cantonnement : dans les

Žtables, dans les Žcuries, dans les greniers, dans les grangesÉ

E- Les civils Žtaient encore lˆ ?

T- Ah oui ! Les civils Žtaient encore lˆ !

E- Comment est-ce que les civils se comportaient avec vous ?

T- 'a dŽpendait des endroits ! 'a dŽpendait aussi des gens qui occupaient les lieux. Y en avait qui Žtaient

gentils, qui Žtaient aimables, puis dÕautres qui lÕŽtaient moins ! Alors, vous savezÉ Il fallait pas leur faire des

E- Mais lˆ, vous ne faisiez que coucher ? Vous ne preniez pas le repas ?

T- Si, on rentrait. On prenait le repas de midi et le repas du soir aussiÉ Seulement la soupe arrivait plus ou

moins chaude, parce que les cuisines Žtaient pas lˆ : il fallait aller les chercher lˆ-basÉ Et le vin Žtait gelŽ : il

Žtait plein de petits glaons ! Le pain Žtait gelŽ : on le coupait avec une serpe ! Alors, a, cÕest mauvais, ce

pain : on, dirait quÕil est plein de sable ! Le pain gelait ! Et les cuistots mettaient bien quelques boules sur leur

cuisine roulante, mais cÕŽtait pas pour nous ! CÕŽtait pour les officiers, les sous-officiers ! Nous, on mangeait

le pain gelŽ ! E- Donc tout le monde nÕŽtait pas ˆ ŽgalitŽ devant le froid !

T- Ah non ! Non, non, non, non, non ! Vous savez, les sous-officiers avaient des cantonnements un peu plus

confortables, ils avaient un toit, une maison, tandis que nous, on avait un couvert (toit) en chaume, les murs

Žtaient en torchis, cÕŽtait Žpais comme a : on Žtait presque dehors ! E- Ah oui ! Et lˆ, il y a eu des pieds gelŽs, dans votre compagnie ? T- ÉY avait pas grand chose ˆ faire ! Y a eu beaucoup de pieds gelŽs !

E- Et vous, a ne vous est pas arrivŽ ? T- Non ! E- Vous preniez des prŽcautions, peut-tre plus ?

T- Oh ! Peut-tre pas ! JÕai eu de la chance ! JÕai eu de la chance de pas avoir les pieds gelŽs. JÕai bržlŽ mes

chaussures en essayant de me chauffer les pieds (rire) mais jÕai pas eu les pieds gelŽs ! E- Lˆ, vous pouviez faire du feu, quand mme ?

T- Ah ! Pas possible ! Pas possible ! On nÕavait rien pour faire du feu ! On Žtait dans des Žtables. Y avait point

de cheminŽe, y avait point de pole, y avait rien du tout ! Puis faire du feu avec quoi ? E- SÕil y avait des bois aux alentours ! Y avait pas de bois ?

T- Si ! Des forts ! DÕimmenses forts ! Mais pour avoir du bois, on se faisait courir ! (pourchasser / punir) Y

boucler ! DÕailleurs y avait une limite au cantonnement quÕon devait pas dŽpasser ! On pouvait pas aller au

bois, cÕŽtait dŽfendu, parce quÕil y avait beaucoup de chevreuils ! Alors, y avait des types qui prenaient leurs

fusils et puis qui allaient au chevreuilÉ E- Donc on ne pouvait pas chaparder du bois pour faire du feu !

T- On nÕavait pas les moyens de faire du feu ! DÕailleurs, pour faire du feu, il faut du papier, et o le prendre ?

On ne recevait pas des journaux ! Le papier, on avait lÕenveloppe de nos lettres, nos lettres, cÕest tout ce quÕon

avait comme combustible ! È

de bois ˆ proximitŽ, et procure aux soldats du papier et des allumettes en quantitŽ suffisante, pour que ceux-ci,

ˆ lÕextŽrieur de leurs granges ou de leurs Žtables, fassent du feu (un feu par escouade) entretenu en permanence

qui, lorsque cela en arrivait ˆ lÕamputation, privait lÕarmŽe de soldats et la nation de citoyens valides, aptes ˆ

faire la plupart des mŽtiers, et les familles du potentiel de travail du chef de familleÉ Car ici, on nÕest pas sur

le front o faire du feu, et mme allumer une cigarette dans lÕobscuritŽ, cÕest se dŽsigner aux tirs de lÕennemi !

Un plus frle rempart contre le froid que les planches dÕun baraquement, cÕest la toile de la tente

sert de linceul quand ils meurent. Dans la citation liminaire de Pierre Miquel, on a vu que les dŽplacements ˆ

pieds des rŽgiments se sont multipliŽs pendant cet hiver, ce qui Žtait aussi un moyen de rŽchauffer les soldats,

mais il nÕy avait pas toujours dÕabri en dur ˆ la halte du soir, dÕo le recours ˆ la tente, incroyable par cette

froidure. Une parade au froid, quand le seul abri disponible se rŽduisait ˆ une toile de tente, est indiquŽe par

Louis Deloire, (cl.14), agriculteur ˆ Cordelle, conducteur de chevaux dans lÕartillerie (au 4

e

R.A. de

Campagne de Besanon) :

E- Ç Cet hiver 16-17, cÕest celui qui a ŽtŽ si froid ? T- Ah ben oui ! E- Vous Žtiez dans des

baraquements ? Vous Žtiez dans quoi, cet hiver 16-17 ?

T- Oh ! Dans des cabanes en planches ! Et des fois quÕon avait que les toiles de tente ! Alors, on boutonnait

quatre-cinq toiles de tente ensemble, et puis on couchait trois-quatre bonshommes dessous ! [É] Le pain,

fallait prendre lÕhache pour le casser, mais alors, il Žtait immangeable ! On pouvait mme pas le dŽgeler,

parce quÕil fallait pas faire du feu !É Ah ! non ! Fallait pas fumer la pipe ! Y avait que la cigarette de

matelot ! (rire) E- QuÕest-ce que cÕest, la cigarette de matelot ? T- Prenez une chique ! Te* dŽroulais ta cigarette puis te* mettais le tabac dans la bouche ! È

Si trois ou quatre bonhommes se serrent les uns contre les autres sous quatre ou cinq toiles de tente,

boutonnŽes ensemble, quÕils utilisent comme des couvertures, que deviennent ceux dont la tente a ŽtŽ utilisŽe

bien croire que Louis Deloire a citŽ ces chiffres sans voir leur manque de correspondanceÉOu quÕil y avait

des tentes excŽdentairesÉ Quant ˆ lÕusage de la Ç cigarette de matelot È, au nom humoristique, il a largement

dŽbordŽ sur la vie civile des Poilus, au-delˆ de la Grande GuerreÉ

Le pain et le vin gelŽs

LŽon Guichard (cl.15) : Ç Ah ! Le pain gelŽ tous les jours ! Le pain gelŽ ! Et le pinard pareil ! È

dŽgelŽÉ

Antonin Morin (cl.16) : Ç Le pain, il fallait le couper ˆ coups dÕhache ! Les boules de pain, pour les partager,

ˆ coups dÕhache ! È

Ce pain gelŽ, indŽcoupable, immangeable, on a vu que les cuisiniers de la roulante arrivaient ˆ en

rŽchauffer quelques boules au contact de leurs grandes marmites que, selon RenŽ Villemagne, ils rŽservaient

aux officiers ou sous-officiers, et ˆ eux-mmes. Aussi peut-on comprendre lÕattendrissement de Jean-Marie

Quet (cl.17) et la reconnaissance quÕil porte ˆ son capitaine pour avoir nŽgociŽ le rŽchauffement du pain

E- Ç On parlait donc de ce fameux pain qui vous avait fait tant de plaisirÉ

Lyon ! (voix tremblante dÕŽmotion) 'a me revient ! Et cÕest lui qui nous a dit : Ç Attendez ! Bougez pas !

Quante* le boulanger aura dŽfournŽ son four, on passera nos boules dedans ! È. Eh ben, Bon Dieu, jamais jÕai

mangŽ de si bon pain ! 'a lÕavait fait remouiller un peu, il Žtait revenuÉ Bon Dieu ! On le mangeait comme

de la brioche ! È plus nÕa pas ŽchappŽ au froid solidifiant : 4 . Eh bien, sur des tonneaux de vin de 300

Jean Farigoules (cl.16), boulanger-p‰tissier ˆ Brives-Charensac, Žcrit dans son rŽcit de guerre consacrŽ ˆ sa

Ç Campagne de lÕAisne È, alors quÕil est au 67 e

R.I. de Soissons :

gymnastique pour se rŽchauffer.

triste patelin quelques jours, il faisait un froid terrible, on couche dans des granges, moi je couche dans une

loge ˆ cochons. On grelotte de froid. JÕavais un bon Caporal nommŽ Truc, on ne sÕen fait pas. Le pinard est

gelŽ dans les bidons, la roulante aussi a son pinard gelŽ, plus moyen de boire un coup. È

Quand on sait lÕimportance que reprŽsente le vin durant la Grande Guerre, on mesure lˆ la dŽtresse du

soldatÉ Les pieds gelŽs et les diverses parades pour sÕen prŽmunir

concentrait tout de mme dans la bande nord-est de la France, des Flandres ˆ la Franche-ComtŽ. Apparemment

lÕAlsace du Sud Žtait moins froide, ou froide moins longtemps, que la Somme vers Montdidier o, selon le

journal dÕArmand Primpier, le sol Žtait gelŽ ˆ 60 cm de profondeur, puisque Claude Chaume (cl.12),

agriculteur ˆ Bully, nÕindique que 10 ˆ 15 cm de terre gelŽe, ce qui implique tout de mme des mesures

spŽciales : E- Ç LÕhiver 16-17, vous Žtiez en Alsace, lÕhiver qui a ŽtŽ si froid ? 4 dÕabriter tout un rŽgiment

T- Oui, on Žtait dans la plaine dÕAlsace, en avant de Belfort. Il faisait froid ! CÕest lÕhiver qui a ŽtŽ si froid !

Pour creuser les tranchŽes, il fallait des masses avec des coins, pour enlever la crožte de gelŽe, tellement

cÕŽtait gelŽ ! Y avait bien 10 ˆ 15 cm dÕŽpaisseur ! On creusait dans la journŽe, avec des masses, mais la nuit,

on couchait quand mme dans le foin ! È On doit prŽciser que les Chasseurs ˆ Pied (Claude est alors au 5 e

B.C.P.) tout comme les Chasseurs

Alpins passent en gŽnŽral lÕhiver dans les Vosges, ou dans la partie de lÕAlsace reprise aux Allemands, dans

des lieux un peu en retrait du front, donc o peuvent se trouver des fermes non dŽmolies, avec du foin dans les

E- Ç Est-ce que vous avez eu des pieds gelŽs dans votre bataillon ?

T- Y en a eu, oui. Moi, jÕai failli : le pied gauche, lˆ, il Žtait temps ! CÕŽtait juste ! Il lÔa ŽchappŽÉ JÕavais ŽtŽ

blessŽ : le 15 janvier 17, jÕŽtais ˆ la Croix-Rouge, ˆ Lyon : il arrivait ŽnormŽment de pieds gelŽs, justement !

Et on savait pas quoi faire ! A ce moment-lˆ, on Žtait pas bien au courant de ce quÕil fallait faire. Y en a mme

qui ont ŽtŽ amputŽs ! Mais moi, cÕŽtait juste, le pied gauche, mais enfin, jÕy ai ŽchappŽ quand mme !

E- Mais vous aviez ŽtŽ gelŽ pourquoi ? Parce que vous Žtiez immobile ? pas de geler comme dans les souliers ! È

Il est pratiquement le seul ˆ avoir parlŽ de ces bottes fourrŽes. Auraient-elle ŽtŽ produites et distribuŽes

parcimonieusement ? Ce pied qui a eu la chance de ne pas tre gelŽ, il le perdra tout de mme, car il sera

amputŽ, ˆ lÕextrme fin de la guerre, justement du pied gauche, broyŽ par un obus le 25 octobre 1918É

Antoine Fanget (cl.16), agriculteur ˆ Burdignes, retraitŽ ˆ Bourg-Argental, soldat au 64

e R.I. dÕAncenis, a vŽcu la douloureuse expŽrience des pieds gelŽs, dans lÕAisne : E- Ç Est-ce que vous avez souffert du froid, lÕhiver 16-17 ?

T- Oh oui ! Houla ! Affreux ! On nous donnait des peaux de mouton. On avait froid, hein ! Moi, jÕavais eu les

pieds gelŽs ! Les pieds gelŽs ! Les pieds gelŽs ! Y avait de lÕeau, les pieds gelaient, alors on pouvait plus

bouger les pieds ! Alors, y en a qui venaient avec une pioche pour te dŽcailler les pieds (casser la glace). On

pouvait pas bouger les jambes ! E- QuÕest-ce quÕils faisaient, avec la pioche ?

T- Pour nous dŽcailler ! Casser le glas !

E- Vous aviez les pieds dans la glace, et vous pouviez pas les sortir ?

T- Ah ben non ! On nous enlevait les chaussettes, les souliers : les chaussettes, la peau partait avec, hein !

(rire). Puis on les passait ˆ la pommade ! (les pieds)

E- Mais vous, cÕest quand mme revenu, votre froid aux pieds, lˆ ? Parce quÕil y en a quÕil a fallu amputer !

T- Ah oui ! Ah oui ! E- Mais vous, cÕest revenu ?

T- Moi, cÕest revenu ! On a passŽ la pommade ! On y passait ˆ la pommade, nos pieds ! CÕŽtait obligŽ ! La

peau partait avec les chaussettes ! È

Pour que les pieds soient pris dans la glace, cela suppose une grande amplitude de tempŽrature que les

autres tŽmoins nÕont pas ŽvoquŽe, avec de lÕeau liquide, donc au-dessus de 0¡, se glaant progressivement -

avec lÕabaissement nocturne de la tempŽrature - autour des pieds, ceux-ci Žtant donc forcŽment immobiles pour

que la glace les enserre comme une gangue, au point de devoir avoir recours aux camarades pour les dŽgager,

ˆ coups de piocheÉ On a peine ˆ croire quÕune pommade rŽvulsive puisse suffire ˆ rŽtablir la circulation du

sangÉ.

Ces Ç peaux de mouton È dont parle le tŽmoin, distribuŽes par lÕarmŽe, un autre de ses camarades de

combat les Žvoque, Antonin Cote (cl. 15), agriculteur aussi, mais ˆ Saint-Priest-la-Prugne :

T- Ç Les sapes, bien sžr, pour se mettre ˆ lÕabri ! Mais on creusait dans la tranchŽe, on faisait une sape, on

creusait en dessous, dans la terre, quoi ! Pour nous protŽger de la pluie ! De la pluie et du froid, quand cÕŽtait

puis devant, qui avait de la laine. Alors, a nous tenait chaud, a ! Quand on montait ˆ la faction, on Žtait bien

lˆ-dedans, a nous tenait bien chaud, parce que la laine Žtait en-dedans ! CÕŽtait bon, les peaux de mouton ! È.

Jean Auroy (cl.14) agriculteur ˆ Arfeuilles, dans lÕAllier, versŽ en 1916 au 36 e avoir fait un an et demi de guerre au 142 e R.I. de Mende et avoir eu des c™tes cassŽes en 1915 par lÕexplosion

gelŽ au dŽbut de fŽvrier 1917, aux Eparges, sur les C™tes de Meuse, ˆ 20 km au sud-est de Verdun :

T- Ç Au dŽbut de fŽvrierÉ Moi, jÕŽtais venu en permission lˆ (ˆ Arfeuilles), jÕavais passŽ mes douze jours lˆ.

Et puis, quand je suis retournŽ lˆ-bas, cÕest le moment quÕil faisait encore le plus froid ! Le lendemain, jÕai eu

un pied gelŽ ! Et a mÕa fait grand bien parce que je suis ŽtŽ ŽvacuŽ tout de suite. Et je suis plus retournŽ

E- 'a a ŽtŽ si dur que a, le temps des gelŽes ?

T- Houla ! Affreux ! Mais il en est mort ! Des quantitŽs ! Celui qui se laissait prendre, qui bougeait pas, qui se

E- QuÕest-ce quÕil fallait faire, pour rŽsister ?

T- Pour rŽsister ? Il fallait marcher continuellement ! Il fallait marcher, il fallait travailler, il fallait bouger !

Que la circulation du sang se fasse ! Mais celui qui restait dans un coin, ˆ pas bouger, le lendemain, il Žtait

mort ! E- Mais si on Žtait ŽpuisŽ ? Si on avait sommeil ? Il fallait marcher quand mme ? E- Parce quÕon imagine que vous deviez pas dormir ?

T- 'a dŽpend ! Quand on est trop fatiguŽ, et si on a pas trop froid, on arrive de dormir une demi-heure, une

heure : a soulage ! E- Mais lˆ, on avait pas le temps dՐtre pris par le froid, une demi-heure, une heure ?

T- A condition quÕon soit pas gelŽ quand on se couchait, hein ! JÕai vu aux Eparges,lˆ, cÕŽtait terrible ! Il

fallait marcher continuellement ! Continuellement, il fallait marcher ! Et si on restait seulement une demi-

heure, a y est ! CÕŽtait terrible ! Il faisait jusquÕˆ - 27¡ ,- 28¡ de froid, hein !

E- [É] Et vous, vous avez ŽtŽ pris par la gelŽe aussi ?

T- Oui ! JÕai un pied qui Žtait mort, quoi ! Alors heureusement, je suis allŽ au toubib tout de suite. Il mÕa dit :

Ç Mon vieux, y a quÕune chose, cÕest de partir ! È. Et y avait au moins 7-8 km pour aller ˆ lÕambulance (le

local hospitalier). Je suis parti avec mon fusil : je devais pas me dŽsarmer, hein ! Je suis parti. Je savais quÕil y

avait une ambulance, lˆ. Je suis allŽ dans lÕambulance. Le chef me regarde, il dit : Ç Il faut te dŽshabiller en

vitesse, et puis aller dans un bon lit. Et on va te donner ce quÕil faut. È. Mais jÕy serais pas allŽ, le lendemain,

jÕŽtais crevŽ ! Eh oui ! È

Pour Žviter dÕavoir les pieds gelŽs

AndrŽ Deloy (cl.16) de Fraisses, agent technique aux fraises et forets ˆ lÕusine Jacob Holtzer

dÕUnieux, qui a changŽ six fois de rŽgiments pendant sa guerre, Žtait au 8 e

R.I. de Saint-Omer lors de lÕhiver

1916-1917. Lui aussi dŽcrit lÕampleur du froid, ainsi quÕun moyen de se prŽmunir du gel des pieds :

T- Ç Il faisait un froid immenseÉ Il faisait Ð 30¡ ! Et jÕŽtais toujours pieds nus dans mes souliers ! Ils

donnaient une paire de chaussettes au mois de septembre et puis on la quittait en mars ! Des chaussettes en

cotonÉ en carton !, qui Žtaient comme aÉ (doit montrer du carton)

E- Mais on ne gelait pas, avec les pieds nus ?

T- Si ! On avait froid aux pieds ! Du bout des pieds jusquÕau talon ! Vous mÕauriez piquŽ, je sentais rien ! Je

sentais rien ! Alors, dans le fond du gourbi, y a un type qui passait : Ç Qui veut du cirage ? Qui veut du

cirage ? È. Vous voyez quÕon chahutait encore, lˆ ! On nous donnait du savon noir pour mettre sur nos pieds,

si on avait point de chaussettes ! E- Vous vous frottiez les pieds avec du savon noir ? T- Oui ! Du savon noir ! Pour empcher les gelures ! È

Evidemment, lÕindustrie textile sÕŽtait emparŽe du marchŽ de la protection contre le gel des pieds, mais

encore fallait-il conna"tre ce quÕelle proposait et pouvoir se le procurer. CÕŽtait le cas de Robert Estienne

dŽmobilisŽs bacheliers, de le rŽussir, et de devenir chef du service commercial de cette mme entreprise Jacob

Holtzer dÕUnieux o travaillait le tŽmoin prŽcŽdent ! IncorporŽ le 9 janvier 1916 au 51

e

R.I. de Beauvais, cÕest

au 129 e R.I. du Havre et dans la Somme, au nord-est dÕAumale, quÕil a vŽcu ce fameux hiver 16-17 :

T- Ç Pour les pieds, on mÕavait envoyŽÉ Des parents parisiens mÕavaient envoyŽ ce quÕon trouvait dans les

grands magasins de Paris : les chaussettes S.W.. CÕŽtait baptisŽ comme a, cÕŽtait une marque, si vous voulez.

milieu du carrŽ, vous repliiez les angles comme a, et puis par dessus, vous mettiez vos bas, des bas de laine.

Mais cÕŽtait absolument Žpatant, a ! JÕen ai gardŽ un souvenir ! Parce que a vous tenait chaud et a vous

tenait propre ! E- Bien sžr ! Mais on ne pouvait pas enfiler le godillot par dessus ! Si ?

E- Mais dans ce cas-lˆ, a veut dire que certains avaient des facilitŽs, dÕautres pas, Žvidemment ! CÕest-ˆ-dire

que les gens Žtaient un peu tributaires de ce quÕils recevaient de leur famille ! T- Exactement ! Lˆ, cÕŽtait pas distribuŽ par lÕarmŽe, a ! È

Le recours ˆ la famille pallie les carences des fournitures de lÕarmŽe. Au cours dÕun Žpisode bien

antŽrieur de pieds gelŽs, puisque la carte date du 12 novembre 1915, le sergent Jean Genestier (cl.12) de

e

Ç Il faudra mÕenvoyer dans le prochain colis de la graisse pour les souliers, pour empcher que lÕeau

ne rentre pas dans le cuire*, vous demanderez la meilleure graisse car cÕest surtout les pieds quÕon n* a froid.

Vous mÕenverrez aussit* quelques bougie* È

Le sergent Jean Genestier nÕa pas eu ˆ subir les rigueurs du froid de janvier-fŽvrier 1917 : il Žtait dŽjˆ

mort depuis un anÉ Les sacs ˆ terre autour des pieds et des jambes

De petits sacs de jute, quÕon remplissait de terre, Žtaient souvent employŽs pour rehausser le parapet, lˆ

o la tranchŽe nÕavait pas pu tre creusŽe assez profondŽment, en raison de la duretŽ du sol, ou au contraire de

sa friabilitŽ, dans les terrains sablonneux des Flandres. Ils servaient aussi ˆ amŽnager des postes de tir au

Antoine FrŽnŽat

E- Ç CÕest le fameux hiver qui a ŽtŽ si froid !

T- Y avait un hiver qui a ŽtŽ froid, oui ! Y avait des sacs ˆ terre, on se mettait des sacs ˆ terre aux pieds, on se

les attachait. Alors, ces sacs ˆ terre, ils prenaient de la boue ! On avait les pieds mouillŽs, mais a isolait

quand mme ! È

LŽon Guichard :

T Ð Ç Vous savez pas, pour passer lÕhiver, comment quÕon a fait ? Pour empcher de geler les pieds ? Y avait

des sacs ˆ terre, quÕon appelait, on remplissait ces sacs pour faire le parapet. Alors, on se mettait quatre ou

cinq sacs dans les jambes, quÕon sÕattachait avec une ficelle aux genoux : a empchait de geler ! Mais alors,

lˆ, y a ŽtŽ dur ! Mais jÕai pas eu de gelŽs, mais enfinÉ E- Mais a, a protŽgeait le mollet, a protŽgeait pas le pied !

T- Si, a montait lˆ quand mme ! On emmanchait les souliers dedans, vous comprenez ! Le soulier, on

emmanchait tout lˆ-dedans ! Tout dans le sac, le fameux sac ! Et on attachait avec une ficelle lˆÉ È

Antonin Cote :

E- Ç Y en a qui mÕont dit quÕils se mettaient aussi des sacs autour des jambes ! (sÕenfuir) on pouvait pas ! Ç

Epouse de T Ð Dites donc, je voulais lui dire dÕexpliquer le jour quÕil a pas pu enlever ses chaussures dans la

tranchŽeÉ

T- Eh ben oui, jÕŽtais gelŽ dedans, dans mes souliers ! JÕavais les pieds gelŽs dedans ! Et puis je les ai

souliers quand mme ! È inconvŽnients pour lÕautreÉ Lutter contre le sommeil pour ne pas avoir les pieds gelŽs

Ç JÕai vu aux Eparges,lˆ, cÕŽtait terrible ! Il fallait marcher continuellement ! Continuellement, il

fallait marcher ! Et si on restait seulement une demi-heure, a y est ! CÕŽtat terrible ! Il faisait jusquÕˆ - 27¡ ,-

28¡ de froid, hein ! È disait Jean Auroy. Marcher continuellement, de jour comme de nuit, cela implique de ne

pas dormir, mais combien de nuits ? puis ˆ Roanne, faubourg Mulsant, pendant 32 ans. Il Žtait au 84 e R.I. dÕAvesnes, dans ce dŽbut dÕannŽe 1917, un peu avant de partir en Orient :

volontŽ de ne pas aller me coucher quand on me relevait de la retraite (lapsus : de la garde, comme

sentinelle !), quoi, au crŽneau, quÕon Žtait lˆÉ Eh bien, moi, y en a, ils rentraient , ils en avaient marre, ils

allaient au gourbi et je dors ! Et le lendemain, on les trouvait les pieds gelŽs ! JÕen ai vu des quantitŽs ! Alors

a mÕa fait peur ! Ç Oh ! jÕai dit, ne te laisse pas endormir ! Autrement, tes pieds seront gelŽs le lendemainÉ È

Quand vous voyez des pieds tout bleus, vous savez que a fait pas !

E- Il fallait les amputer ? T- Oh ! enfinÉ E- Donc vous, vous vous forciez ˆ ne pas trop dormir ?

T- Oh oui ! Moi, quand je quittais la retraite (2 e fois : la garde, le petit poste de sentinelle), eh ben, je tapais

un peu des pieds, je faisais tout pour Žviter de mÕendormir ! ÉEt je mÕen suis bien sorti : je nÕai pas eu les

pieds gelŽs. Y en a bien dÕautres qui ont fait comme moi. Mais y en avait qui ne rŽsistaient pas ! Et cÕŽtait plus

fort quÕeux ! Ils tombaient o ils Žtaient, quoi ! Par la fatigueÉ È

LÕamputation dÕun pied, ou des deux

Il se trouve que, pour cet hiver 1917, personne nÕa dŽcrit les amputations, mme si plusieurs les ont

ŽvoquŽes. Nous rappelons au lecteur par un extrait prŽsentŽ auparavant (au chap. XVI, relatif ˆ la fin dÕannŽe

1915) que cette ŽventualitŽ existait toujours, et nÕŽtait pas la pire chose que redoutaient les victimes,

soucieuses de voir se terminer le calvaire de la guerre. CÕest Antoine Gayet (cl.16) soldat de lÕAin,

mŽtallurgiste dans le Rh™ne, venu ˆ Feurs ˆ sa retraite, qui tŽmoigne : E- Ç Et alors, y en a qui ont eu les pieds gelŽs, lˆ, parmi vos copains?

T- J'ai pas eu connaissance qu'ils ont eu les pieds gelŽs amputŽsÉ Y en a un (mais c'Žtait ˆ Bouchavesnes

alors, c'Žtait avant a), je l'ai emportŽ sur mon dos! On a tombŽ peut-treÉ Oh! 'a faisait bien 3 km, pas loin!

Dans la boue, dans leÉ Ce qui Žtait le plus embtant, c'Žtaient les fils de tŽlŽphone qui tra"naient un peu

partout! Alors on s'entravait dedans, et puis on dŽgringolait! Alors fallait seÉ On pleurait! On disait: "Oh!

mon vieux, autant tre mort que faire un boulot pareil! " Oh oui! Enfin, finalement, on est arrivŽ au bout! Et le

copain, il a ŽtŽ ŽvacuŽ tout de suite, il a ŽtŽ ˆ Issy-les-Moulineaux, vers Paris, et ils lui ont coupŽ les deux

vie! Tu m'as sauvŽ la vie! (Žmotion) Parce que sans toi, je serais mort!". Parce que tous ceux qui l'ont opŽrŽ,

ils lui ont dit: "Vous avez eu de la chance que votre copain, il vous a emportŽ!". Il pouvait pas marcher, il

fallait le porter sur le dos! Et on tombait, pardi! ForcŽment! È

Des sentinelles gelŽes ˆ leur poste

Une nouvelle fois, un extrait du tŽmoignage de Jean Auroy prŽsentŽ plus haut va nous servir ˆ

mort ! CÕest incroyable ! Congestion tout de suite ! È. On sait bien quÕon peut mourir de froid : les actualitŽs,

tour transparent) mme jeunes, sont morts de froid. Mais des soldats ne sont pas des gens abandonnŽs, et la

plupart sont vigoureux, aguerris par des annŽes de vie dehors, ˆ tous les temps, pour la plupart dÕentre eux. En

dehors dÕŽtudes prŽcises, il est difficile de dire si ce sont Ç des quantitŽs È de soldats qui sont morts de froid, et

de chiffrer ces quantitŽs. Les deux tŽmoignages qui suivent relatent un fait prŽcis.

Selon Marius Verdier (cl. 17) agriculteur ˆ Rozier-en-Donzy, le froid Žtait plus cruellement ressenti

dans les baraquements quÕen tranchŽes, sauf par les sentinelles, qui, condamnŽes ˆ lÕimmobilitŽ dans leur trou

du Ç petit poste È (o, thŽoriquement, elles ne devaient rester que deux heures, avant dՐtre remplacŽes par un

autre tandem), au 171 e

R.I. de Belfort, sont parfois mortes de froid :

T- Ç En fŽvrier-mars 17, on Žtait lˆ-haut, au-dessus de Vitry-le-Franois (Marne), dans un petit patelin. CÕest

quÕon pouvait pas rester ! On nous laissait pas en ligne longtemps ! On nous relevait souvent, parce quÕon a

trouvŽ des gens, qui Žtaient en sentinelle, qui avaient gelŽ ! On en a trouvŽ morts debout ! Un froid terrible ! Il

faisait un froid ! Mais on avait plus froid quand on Žtait en repos quÕen ligne ! (En ligne) on Žtait pas

immobiles, on Žtait pas gelŽs ! Mais on couchait dans une grange, dans une ferme, sur un tas de foin, ˆ ras des

tuiles ! On quittait les souliers pour la nuit, mais le matin, les souliers, impossible de les reprendre ! Alors, il

est arrivŽ quÕils nous ont donnŽ une paire de galoches basses. Alors, le matin, les souliers Žtaient gelŽs, on

portait les souliers ˆ la roulante pour les faire dŽgeler, pour les prendre. On pouvait pas se tenir des souliers,

il fallait le faire tous les jours !

T- Oh ! 'a risquait pas ! Fallait pas enlever en ligne ! Si jamais il fallait faire une patrouilleÉ È

Des soldats morts de froid et dÕŽpuisement, au cours dÕune marche nocturne Des soldats morts de froid, dans son rŽgiment du 5 equotesdbs_dbs27.pdfusesText_33
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