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LINTERACTIONISME «INTERNATIONALISTE

son premier débat théorique opposant l'idéalisme au réalisme7; ensuite vers le constructiviste des relations internationales dont l'ambition première.



Les études de sécurité : du constructivisme dominant au

Le réflexivisme est un aspect important de toute théorie qui se veut critique. Il est fondamental pour le constructivisme critique. Il signifie.



Les études de sécurité : du constructivisme dominant au

Dans le domaine des études de sécurité ce constructivisme Sur la question du réflexivisme en théorie des Relations Internationales



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pénétration du constructivisme dans le «mainstream» cet article vise à mobilisent souvent un seul aspect de la théorie sociale de Bourdieu sans.

.
Les études de sécurité : du constructivisme dominant au constructivisme critique

Alex MACLEOD

Après presque une décennie de domination de la théorie des Relations Internationales aux Etats-Unis par les approches dites néoréaliste et institutionnaliste néolibérale (ou simplement néolibérale), l'arrivée du constructivisme vers la fin des années 1980 semblait apporter une véritable approche de rechange dans ce que l'on commençait à appeler le " troisième débat » de la théorie des

Relations Internationales

1 . Le constructivisme gagna rapidement des adeptes parmi ceux qui n'acceptaient plus les termes étroits de ce que certains appelaient la synthèse " néo-néo » 2 , au point où plusieurs observateurs parlaient déjà du constructivisme comme l'approche de l'avenir de la théorie des Relations Internationales

3. Cependant,

comme nous le verrons, après les premiers élans d'enthousiasme il fallut se rendre à l'évidence que, malgré ses promesses, la forme de constructivisme qui était en train de s'imposer, surtout aux Etats-Unis, constituait un courant très large, et, en fin de compte, assez prudent, qui pouvait s'accommoder facilement, certains diraient trop facilement, av ec les approches déjà en place. Dans le domaine des études de sécurité, ce constructivisme dominant a produit quelques études intéressantes, mais qui reflètent

1. Sur les débuts du " troisième débat », voir Lapid Y., " The Third Debate

: On the Prospects of International Theory in a Post-positivist Era », International Studies Quarterly, 33, 3, 1989, pp. 235-254. Pour une excellente analyse des enjeux de ce débat, voir Waever O., " Figures of international thought : introducing persons instead of paradig ms », in Neumann I.B. et Waever O. (dir.), The Future of International Relations. Masters in the Making, Londres et New York,

Routledge, 1997, pp. 2-37.

2. Voir Waever O., op cit., pp. 18-20.

3. Voir notamment Katzenstein P.J., Keohane R.O. et Krasner S.D., " International Organization

and the Study of World Politics », in Katzenstein P.J., Keohane R.O et Krasner S.D. (dir.), Exploration and Contestation in the Study of World Politics, Cambridge, Mass., The MIT Pr ess,

1999, p. 6 ; Smith S., " The Increasing Insecurity of Security Studies: Conceptualizing Security

in the Last Twenty Years », in Croft S., Terrif T. (dir.), Critical Reflections on Security Studies,

Londres, Frank Cass Publishers, 2000, p. 76.

13

ALEX MACLEOD

toutes cette prudence existentielle, autant sur le plan épistémologique 4 que sur celui de l'ontologie. Et pourtant, plusieurs auteurs ont trouvé dans le constructivisme suffisamment d'éléments potentiellement novateurs pour les convaincre d'engager le dialogue à l'intérieur d'un cadre constructiviste, et de créer les bases d'une approche, encore assez hétéroclite, que nous qualifions de constructivisme critique et qui commence à proposer des pistes de réflexion intéressantes pour les

études de sécurité.

Même aujourd'hui, toute remise en cause des approches traditionnelles envers la sécurité prend pour point de départ la critique du néoréalisme, avec, comme cible préférée, le livre Theory of International Politics de Kenneth Waltz, paru en 1979. La conception néoréaliste de la sécurité, si bien articulée par Waltz, est très simple : il faut assurer la survie de l'Etat 5 . La sécurité se réduit donc, chez les néoréalistes à la défense militaire et les études de sécurité se confondent avec les études stratégiques 6 . Même si, dans les années

1980, on commençait à questionner cette vision étroite de la sécurité

7 ce n'est qu'après la fin de la guerre froide que l'on peut parler d'un renouveau de la pensée sécuritaire. Le but principal de cet article sera de définir ce que l'on veut dire exactement par constructivisme critique et d'évaluer sa contribution aux études de sécurité. Pour ce faire, nous commencerons par nous interroger sur ce qui distingue ce type de constructivisme du courant dominant. Ensuite, nous tenterons de faire ressortir les traits des études de sécurité que proposent les constructivistes critiques. Nous aborderons cette démonstration en deux étapes. En premier lieu, nous examinerons deux tentatives importantes de concevoir autrement

4. La notion d'épistémologie est utilisée dans cet article dans son sens anglo-saxon d'étude des

fondements de la connaissance.

5. " Dans l'anarchie, la sécurité est le but le plus élevé. C'est seulement si la survie est assurée

que les Etats peuvent poursuivre en sécurité d'autres objectifs tels que la tranquillité, le profit, et

la puissance », Waltz K.N., Theory of International Politics, New York, Random House, 1979, p. 126. Toutes les traductions sont de l'auteur.

6. Notons que l'institutionnalisme néolibéral ne s'est jamais beaucoup intéressé aux questions de

sécurité.

7. Voir notamment Ullman R.H., " Redefining Security », International Security, 8, 1, 1983, pp.

129-153 ; Buzan B., People, States and Fear : An Agenda for International Security Studies in

the Post-Cold War Era, Brighton, Harvester Wheatsheaf, 1991 (1983), 393 p. ; Nye J. et Lynn-

Jones S., " International Security Studies : A Report on a Conference on the State of the Field »,

International Security, 12, 4, 1988, pp. 5-27 ; Tuchman Matthews J., " Redefining Security », Foreign Affairs, 68, 2, Council on Foreign Relations, 1989, pp. 162-177. 14 Du constructivisme dominant au constructivisme critique

Cultures & Conflits - n° 54 - 2004

la sécurité, les études critiques de sécurité et le postmodernisme, avec lesquelles on confond trop facilement le constructivisme critique. La deuxième étape se concentrera plus spécifiquement sur une comparaison entre les études de sécurité proposées par le constructivisme dominant et celles qu'offre le constructivisme critique. A la recherche d'une définition du constructivisme Définir le constructivisme n'est pas tâche facile. Il est probablement plus simple de commencer par dire ce qu'il n'est pas. En premier lieu, il ne faut pas le confondre avec la Théorie Critique 8 et le postmodernisme, même si ces deux derniers partagent avec le premier une vision d'un monde qui serait essentiellement " socialement construit ». Il est important d'établir cette distinction, car partisans et adversaires tendent, avec plus ou moins de bonne foi, à les amalgamer sous l'étiquette générale de " théorie critique ». C'est le cas, notamment, du néoréaliste John Mearsheimer 9 , et de la réaliste Jennifer Sterling-Folker, qui parle du postmodernisme, " ou ce que l'on appelle plus communément la théorie critique », comme un des prédécesseurs du constructivisme sur le plan théorique 10 . Comme nous le verrons, il y a des différences fondamentales entre les trois approches qui sont irréconciliables, même si, à des degrés divers, elles adoptent des positions critiques à l'égard des théories positivistes.

Les deux grands courants constructivistes

Il n'est pas aisé de faire totalement justice à toutes les approches théoriques qui se réclament du constructivisme 11 . Au risque

8. Nous adoptons les majuscules pour distinguer la Théorie Critique, liée au néogramscisme et à

l'École de Francfort, des autres théories dites critiques.

9. Mearsheimer J., " The False Promise of International Institutions », International Security, 19,

3, 1994/1995, pp. 37-47.

10. Sterling-Folker J., " Competing Paradigms or Birds of a Feather? Constructivism and

Neoliberal Institutionalism Compared », International Studies Quarterly, 44, 1, 2000, p. 98.

11. John Ruggie parle d'un " constructivisme postmoderne ». Voir Ruggie J.G, Constructing the

World Polity. Essays on International Institutionalism, Londres et New York: Routledge, 1998, p. 35. Ronald Jepperson, Alexander Wendt et Peter Katzenstein font allusion à une " position constructiviste radicale » adoptée par la " théorie poststructurelle des relations internationales », voir Jepperson R.L, Wendt A. et Katzenstein P.J., " Norms, Identity and Culture in National Security », in Katzenstein P.J. (dir.) The Culture of National Security : Norms and Identity in World Politics, New York, Columbia University Press, 1996, p. 46. Enfin, 15

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de commettre une simplification grossière de la situation, nous pensons que l'on assiste essentiellement à l'émergence de deux grands courants constructivistes, qui comprennent bien sûr des nuances significatives, voire des divergences de vue, à l'intérieur de chacun d'entre eux. On pourrait qualifier le premier de " dominant » 12 . Il s'inspire largement des travaux d'Alexander Wendt, et nous donnons au deuxième l'étiquette de " critique ». Celle-ci a une signification beaucoup plus précise que celle proposée par Ted Hopf, qui se contente de distinguer le constructivisme " dominant » et le " constructivisme critique », ou tout simplement la " théorie critique », qui " rejette l'idée qu'un fondationnalisme minimal ou contingent soit possible ou désirable» 13 . La distinction de Hopf revient donc à assimiler le constructivisme critique au postmodernisme, ce qui serait une grave erreur, malheureusement assez répandue. Comme nous le verrons, ce constructivisme critique a des caractéristiques qui lui sont propres et que partagent plusieurs auteurs, qui ne se retrouvent ni dans le constructivisme dominant, ni dans le postmodernisme Deuxièmement, et là-dessus il y a un accord quasi-général, le constructivisme ne constitue pas encore un véritable paradigme au sens khunien du terme. On l'a décrit comme une " approche » 14 , une " approche ou un style » 15 , une " méthode plus que toute autre chose » 16 , une " approche de portée théorique envers l'étude des relations internationales » 17 , ou tout simplement comme un " ensemble d'approches interliées, plutôt qu'une approche complètement cohérente » 18 un des protagonistes les plus en vue du constructivisme dominant, Alexander Wendt, accroît la confusion en divisant le constructivisme en trois courants principaux, moderniste, postmoderniste et féministe. Voir Wendt A., Social Theory of International Politics, Cambridge,

Cambridge University Press, 1999, pp. 3-4.

12. C'est la traduction que nous donnons aux termes " conventional » et " mainstream » que l'on

retrouve constamment dans la littérature de langue anglaise.

13. Hopf T., " The Promise of Constructivism in International Relations Theory », International

Security, 23, 1, 1998, p. 182

14. Ibid., p. 196.

15. Jervis R., " Realism in the Study of World Politics », in Katzenstein, Keohane, et Krasner,

op. cit., p. 356.

16. Checkel J.T., " The Constructivist Turn in International Relations Theory », World Politics,

50, 2, 1998, p. 325.

17. Ruggie J., op. cit., p. 34.

18. Rengger N.J., International Relations, Political Theory and the Problem of Order. Beyond

International Relations Theory?, Londres et New York, Routledge, 2000, p. 80. Adjectif 16 Du constructivisme dominant au constructivisme critique

Cultures & Conflits - n° 54 - 2004

Enfin, il faut placer le constructivisme dans le contexte plus général de la théorie des Relations Internationales. Cet exercice devient difficile, puisqu'il s'agit d'essayer de définir les lignes de division dans la discipline, telle que celle-ci a évolué depuis les vingt dernières années. Par exemple, on distingue souvent, du moins dans la littérature américaine, le " positivisme » du " postpositivisme », ou le " rationalisme » du " réflectivisme » 19 . En agissant ainsi, on crée l'impression d'une division profonde et symétrique entre deux camps cohérents et bien organisés, qui ne correspond nullement à une réalité beaucoup plus complexe. Si l'on peut démontrer sans difficulté la cohérence assez forte des théories qui se réclament aujourd'hui du positivisme, il n'en va pas de même des approches dites postpositivistes. Par exemple, les partisans de la Théorie Critique mettent en avant des positions fondationnalistes 20 que tous les postmodernistes rejettent du revers de la main. Il existe néanmoins une ligne de démarcation assez nette entre les divers types de théorie. D'un côté on retrouve ceux qui mettent l'accent sur la nécessité d'adopter une approche " scientifique » pour l'étude d'un monde essentiellement matériel, fondée sur une épistémologie empiriste, sur la séparation entre faits et valeurs, et sur la recherche de régularités dans le comportement d'acteurs (Etats) autonomes. Et de l'autre, on rencontre ceux qui font preuve de scepticisme à l'égard de l'" objectivité » à laquelle aspirent les premiers, et qui considèrent qu'il importe de savoir non seulement pourquoi des acteurs se comportent d'une certaine façon mais aussi comment ils en sont arrivés là. Pour rendre compte de cette souligné dans le texte.

19. Steve Smith propose une bonne définition du positivisme, que nous adoptons ici, et qu'il

décrit comme une " position méthodologique qui dépend d'une épistémologie empiriste qui

fonde notre connaissance du monde sur la justification par l'expérience (...) et accepte la

méthodologie et l'ontologie dans la mesure où elles sont empiriquement justifiées ». Voir

Smith S., " Positivism and beyond », in Smith S., Booth K. et Zalewski M., (dir.), International Theory : positivism and beyond, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 17. En théorie des Relations Internationales, le " postpositivisme » ne signifie pas une progression chronologique du positivisme à un stade supérieur, mais plutôt le refus de toute approche positiviste dans les sciences sociales. Pour la distinction entre " rationalisme » et " réflectivisme », voir Keohane R.O., " International Institutions : Two Approaches », International Studies Quarterly, 32, 4, 1988, pp. 379-396.

20. Une approche fondationnaliste prétend qu'il existe des bases sur lesquelles il est possible de

justifier la connaissance, tandis que l'antifondationnalisme prétend le contraire et nie toute possibilité d'élaborer une grande théorie qui expliquerait le monde et qui permettrait de démontrer par le fait même la supériorité d'une théorie par rapport à une autre. 17

ALEX MACLEOD

distinction, Steve Smith préfère parler de la différence entre théories " explicatives » et théories " constitutives » ou " interprétatives », qu'il définit de la façon suivante : " une théorie explicative voit le monde comme quelque chose d'extérieur à nos théories à son sujet ; par contre, une théorie constitutive croit que nos théories participent

à la construction du monde »

21
. Aborder les approches de cette façon présente plusieurs avantages. Premièrement, elle ne postule pas une cohérence artificielle, ni d'un côté ni de l'autre. Ensuite, cela évite l'idée, implicite dans les deux premières classifications, que l'on appartient forcément entièrement à l'un ou l'autre camp. Enfin, cela permet une plus grande souplesse dans la caractérisation des diverses approches. Mais avant d'essayer de catégoriser le constructivisme selon le schéma proposé par Smith, nous devons tenter d'identifier les traits principaux de cette approche. A la base, pour reprendre les termes de celui qui a lancé cette approche en théorie des Relations Internationales, le constructivisme " prétend que les gens font la société, et la société fait les gens » 22
Plus spécifiquement en Relations Internationales, cette idée se fonde sur quelques prémisses, qu'Alexander Wendt résume de la façon suivante : " (1) que les structures de l'association humaine sont déterminées principalement par des idées partagées plutôt que par des forces matérielles, et (2) que les identités et les intérêts d'acteurs réfléchis sont construits par ces idées plutôt que donnés par la nature » 23
Selon cette vision des relations internationales, les acteurs ou les agents ont des identités qui participent à la création de leurs intérêts, qui, eux, influent sur leur comportement et leur relation avec d'autres acteurs ou d'autres agents. Bien que Wendt mette l'accent sur les " idées partagées » et sur l'" intersubjectivité », les constructivistes ne prétendent pas que les facteurs matériels soient sans importance, mais, contrairement aux néoréalistes, ils croient que les idées comptent et que les identités, et donc les intérêts, ne peuvent être

21. Smith S., " New Approaches to International Theories », in Bayliss J. et Smith S. (dir.), The

Globalization of World Politics, 2

e édition, New York, Oxford University Press, 2001, p. 226.

Pour une discussion plus détaillée de ces distinctions, voir Hollis M. et Smith S., Explaining and

Understanding International Relations, Oxford, Clarendon Press, 1990, pp. 45-91.

22. Onuf N., " Constructivism: A User's Manual », in Kubálková V., Onuf N.et Kowert P. (dir.),

International Relations in a Constructed World, Armonk, New York, M. E. Sharpe, 1998, p. 59.

23. Wendt A., op. cit., p. 1.

18 Du constructivisme dominant au constructivisme critique

Cultures & Conflits - n° 54 - 2004

traités comme de simples données immuables. Les relations entre acteurs internationaux, c'est-à-dire les Etats, ne seraient pas régies uniquement par la recherche de la sécurité, mais comprendraient aussi la création, le respect et la mise en vigueur de normes, qui sont souvent intériorisées pour faire partie de l'identité des acteurs. Au coeur du projet constructiviste se trouve la question des rapports entre agence et structure. Selon Smith, " dans le débat entre agence et structure, on se demande si les explications du comportement social humain doivent être fondées sur les intentions des acteurs et leur définition de la situation, ou sur un modèle des sciences naturelles, dans lequel on n'aurait besoin d'aucune agence consciente » 24
. En fait, si la plupart des constructivistes, du moins chez les partisans du constructivisme dominant, prétendent que l'agence et la structure se constituent réciproquement, qu'elles se " co- constituent », ils penchent tout de même du côté de la structure, au point où Wendt décrit le constructivisme comme une sorte d'" idéalisme structurel » 25
et avoue que son objectif n'est pas d'" expliquer les identités et les intérêts des Etats » 26
Partisans et adversaires du constructivisme s'entendent sur ses apports nouveaux sur le plan de l'ontologie et sa prudence sur celui de l'épistémologie. Sur ce dernier point, il existe un consensus général selon lequel le constructivisme dominant ne s'est pas trop éloigné des approches positivistes 27
. Et malgré ses prétentions à renouveler l'ontologie des Relations Internationales, le constructivisme dominant reste très traditionnel sur un point fondamental. Il met toujours l'Etat au centre de ses analyses, même s'il refuse le modèle de l'Etat " unitaire et rationnel » du néoréalisme et du néolibéralisme. On ne doit pas s'étonner de cette position, compte tenu de l'importance que cette forme de constructivisme accorde aux concepts d'identité nationale et d'intérêt national. Cette préoccupation vis-à-vis du " national » et du rôle de l'Etat a eu un effet décisif sur les approches constructivistes dans le domaine de la sécurité. Il semble donc tout à

24. Smith S., " Foreign Policy Theory and the New Europe », in Carlsnaes W. et Smith S. (dir.),

European Foreign Policy. The EC and Changing Perspectives in Europe, Londres, Sage

Publications, 1994, p. 16.

25. Wendt A., op.cit. p. 1.

26. Ibid., p. 11.

27. Voir Hopf T., op. cit., p. 182 ; Checkel J.T., op. cit., p. 327 ; Wendt A., op. cit., pp 39-40 ; et

Kubálková V., Onuf N. et Kowert P., " Constructing Constructivism », in Kubálková V., Onuf

N. et Kowert P., op. cit., pp. 19-20.

19

ALEX MACLEOD

fait normal que le texte constructiviste sur la sécurité le plus cité porte le titre de The Culture of National Security 28
Les adeptes du constructivisme dominant se servent de leur proximité avec le positivisme sur le plan épistémologique et de leurs innovations ontologiques pour proclamer qu'ils peuvent faire le pont entre positivisme et postpositivisme. Wendt a déclaré son espoir de trouver une " voie moyenne fondée sur des principes philosophiques » 29
, tandis qu'Emanuel Adler parle de " saisir le milieu du terrain » 30
. Sans aller aussi loin, Martha Finnemore et Kathryn Sikkink ont conclu que l'opposition entre rationalistes et constructivistes sur les questions clés de normes et d'identités constitue une ligne de faille qui ne peut être défendue " ni sur le plan empirique ni sur le plan théorique » 31
. Bill McSweeney a ironisé sur ce " consensus grandissant parmi les constructivistes » selon lequel ils sont lancés dans une " entreprise irénique capable d'apporter l'harmonie intellectuelle à une discipline menacée par les critiques dissidents de son courant majoritaire positiviste » 32
. Pour sa part, Steve Smith applaudit l'effort, mais condamne sa futilité parce que Wendt, et donc les tenants du constructivisme dominant en général, ont défini le constructivisme " d'une manière étroite, qui est acceptable pour les rationalistes, mais qui ne serait pas acceptée par les réflectivistes » 33
. Cette évaluation a été confirmée par trois auteurs, un constructiviste (du courant dominant), un néolibéral et un réaliste, qui ont plaidé en faveur d'une convergence entre le constructivisme et les approches positivistes : Les deux perspectives analytiques se concentrent d'une façon ou d'une autre sur la connaissance commune - le constructivisme sur la manière dont elle est créée, le

28 . Katzenstein P.J., The Culture of National Security. Norms and Identity in World Politics,

New York, Columbia University Press, 1996.

29. Wendt A., op. cit., p. 2.

30. Adler E., " Seizing the Middle Ground: Constructivism in World Politics », European

Journal of International Relations, 3, 3, London, Sage Publications, 1997, pp. 319-363.

31. Finnemore M. et Sikkink K., " International Norm Dynamics and Political Change », in

Katzenstein P.J., Keohane R.O., et Krasner S.D, op. cit., p. 269.

32. McSweeney B., Security, Identity and Interests. A Sociology of International Relations,

Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 203.

33. Smith S., " New Approaches to International Theories », op.cit., p. 187. On peut assimiler

" rationalistes » et " réflectivistes » aux positivistes et postpositivistes. 20 Du constructivisme dominant au constructivisme critique

Cultures & Conflits - n° 54 - 2004

rationalisme [c'est-à-dire le positivisme, nda] sur la manière dont elle affecte la prise de décisions stratégiques. Au coeur du projet constructiviste on trouve l'explication des variations dans les préférences, les stratégies disponibles, et la nature des acteurs à travers l'espace et le temps. Au coeur du projet rationaliste on trouve l'explication des stratégies, des préférences données, l'information et la connaissance commune. Aucun des deux projets ne peut être complet sans l'autrequotesdbs_dbs8.pdfusesText_14
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