[PDF] Partie II. Un modèle émergent: la ville durable





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Partie II. Un modèle émergent: la ville durable

177 Sur les flottements et les incertitudes du vocable voir Christian Garnier

Partie II. Un modèle émergent: la ville durable Partie II. Un modèle émergent: la ville durable

PARTIE II.

UN MODELE EMERGENT: LA VILLE DURABLE

Nombreux sont les auteurs qui ont diagnostiqué la fin des modèles urbains. La diversité l'emporte

et les tentatives de définitiona priorides morphologies urbaines, de l'organisation générale de la

ville, semblent relever d'un dirigisme qui n'a plus cours. Le modèle proposé ici, en voie de

constitution, se démarque des modèles antérieurs en ce qu'il est spécifique à chaque lieu, ville,

collectivité humaine. Deux traits conditionnent en effet sa mise en oeuvre: l'organisation d'un

débat démocratique et d'une participation de la société civile tout au long de l'évolution du projet,

et la connaissance approfondie des situations locales que l'on tente de faire évoluer vers la durabilité.

Vers un autre modèle organisationnel

La durabilité est recherchée à toutes les échelles, locale, régionale, globale, en bousculant notre

vision hiérarchisée de l'espace. L'hypothèse que nous défendons ici est qu'il est possible de traiter

des questions de durabilité globale au niveau local (collectivités locales, individus) et qu'il est

d'autre part impossible de traiter ces mêmes questions sans les poser au niveau local. Différents

arguments appuient cette hypothèse: (1) Dans un premier temps, dans des sociétés démocratiques et individualistes, le citoyen,

l'individu, doivent être associés à la décision. Le développement durable ne peut être décrété par

quelques experts ou hommes politiques. La culture du développement durable ne peut pas s'imposer comme la culture républicaine s'est imposée. Elle introduit au contraire une

déhiérarchisation du pouvoir politique, porte des valeurs telles que la diversité, la créativité, la

participation, le pluralisme, et ne repose pas sur un ordre fixe, descendant, régi par paliers administratifs. 79
La ville durable: état des lieux en Europe et prospective

(2) L'économie globale fonctionne par réseaux souples en évolution constante. II est difficile

d'agir globalement sur un réseau. En revanche, il est possible d'agir localement car le réseau est le

produit de l'interaction globale de ses composants locaux. Le développement, les modes de

consommation, les pratiques et comportements se jouent aussi à l'échelle locale, et il existe là des

marges de manoeuvre. Il semble difficile de réorienter l'économie mondiale globalement sans

générer des situations de grande instabilité, mais l'économie peut évoluer si les gestes quotidiens

changent, si une infinité de petites impulsions traduit le refus de consommations qui détruisent

l'environnement, l'équité sociale et comportent trop de risques vis-à-vis des générations futures.

L'action locale modifie insensiblement une situation globale, mais sensiblement si elle est répétée

(exemple de la consommation de produits de l'agriculture biologique). Elle a aussi une valeur d'exemplarité et d'entraînement. Enfin, il paraît plus raisonnable d'agir en direction du consommateur, de la demande, plutôt qu'en direction de l'entreprise, de l'offre, car on peut imposer une norme à une entreprise mais difficilement lui insuffler l'esprit du développement durable. La norme est contournable, la demande est incontournable. L'attitude des

consommateurs est susceptible d'évoluer, à supposer que de réelles campagnes de sensibilisation

et d'information soient mises en oeuvre, tandis que celle des entreprises est soumise à un certain

type de concurrence. La pression de la demande est peut-être plus efficace que celle des pouvoirs publics, dans ce cas. (3) Le développement durable est d'autre part trop complexe pour pouvoir être appliqué

globalement et il ne peut être déterritorialisé161Ce développement considère en effet le contexte

géographique, culturel, qu'il valorise et auquel il s'adapte. II s'applique dans un premier temps à

l'échelon local et régional, avec une vision globale, avant de gagner éventuellement d'autres

lieux, d'autres échelles. Si le développement durable est un horizon global, sa mise en oeuvre est

locale, car elle respecte les différentes cultures, les spécificités et la diversité locale. On peut se

doter d'objectifs de développement durable à tous les échelons mais la réalisation de ces objectifs

est modulée, réorientée, réinterprétée par les niveaux sous-jacents. Un développement durable

peut être mis en oeuvre globalement au terme de démarches ascendantes, diversifiées.

161Sauf pour des questions très ciblées.

80
PartieII. Un modèle émergent: la ville durable

(4) Le développement durable est principalement à nos yeux une démarche éthique. Il ne s'agit

pas de développer un savoir, une technique, mais bien une vision du monde, qui, si elle n'est pas

partagée par les habitants, a peu d'avenir. L'Etat peut imposer quelques normes, à bon droit. Mais

quelques normes ne font pas le développement durable. Le développement durable a besoin du

concours de tous, car il affirme des valeurs, une éthique qui doivent être librement consenties.

(5) La hiérarchisation entre local et global, micro et macro, est en train de s'estomper, ou du moins est remise en question dans certaines branches des sciences contemporaines. Des

corrélations peuvent apparaître entre local et global. Nous allons développer ce dernier point.

Une déhiérarchisation s'opère lorsqu'une symétrie est retrouvée dans le regard que l'on porte sur

l'échelle des grandeurs: si la complexification d'un système, la formation de niveaux supérieurs

(communautés, nations, monde), conduit à l'émergence de caractères nouveaux, qui ne peuvent

être expliqués par les composants de niveaux inférieurs, symétriquement, des caractères

nouveaux apparaissent dans les niveaux inférieurs, qui ne peuvent être expliqués par le niveau

supérieur. C'est à notre avis la signification de la diversité. Il existe à la fois des continuum entre

micro et macro, local et global, et certains degrés d'autonomie aussi bien au niveau global qu'au niveau local.

La diversité n'apparaît que lorsqu'il y a une unité, un référent unitaire. Le système fonctionnalise

les composants des niveaux inférieurs, les diversifie en fonction d'une logique, la sienne. Mais

les éléments des niveaux inférieurs fluctuent et tendent à se diversifier aussi par eux-mêmes.

L'individu, par exemple, est pris dans une culture, sa matrice, mais il résiste à cette culture, soit

tout seul (on parle alors d'une inadaptation), soit en groupe, en réseau. Sa sensibilité en propre ne

tolère pas toujours l'imposition d'un ordre culturel, de normes, même si elle les a pour une grande

part intégrées. C'est grâce à l'existence d'un décalage, de fluctuations, que le devenir culturel,

sociétal, est possible. La culture est le produit de ces interactions permanentes, tout comme l'individu, qui évolue en regard de son environnement physique et culturel, dans ce dialogue. Des changements s'opèrent en continu, mais des changements globaux, visibles, n'adviennent que lorsque les fluctuations, les décalages entre l'ordre sociétal et les individus se multiplient

significativement, entrent en résonance d'une certaine façon. Les normes et l'ordre sociétal se

recomposent alors. Si le niveau sociétal résiste à ces fluctuations et qu'elles deviennent très

importantes, on est en présence d'une révolution: on observe à cet instant une non distinction

entre individu et société, micro et macro, caractérisant par ailleurs les structures physiques très

81
La ville durable: état des lieux en Europe et prospective instables, selon Prigogine162. Lorsque le niveau sociétal s'adapte, des évolutions adviennent.

L'état d'équilibre, souligne Prigogine, est dans l'ordre physique celui où les corrélations micro

-macro sont nulles. Mais cet état est une exception. On découvre dans l'ordre physique un certain continuum entre les deux paliers, micro et macro,

que l'on observe aussi dans l'ordre humain, entre individu et société. La grande souplesse, par

exemple, de l'économie actuelle, faite de réseaux en reconfiguration permanente, vient de ce continuum. L'individu est relié par mille et un trajets au collectif. Par ses consommations, ses

productions, les réseaux dans lesquels il se situe, il nourrit ce collectif, il est ce collectif, si l'on

veut. Nous avons vu aussi qu'il y résiste, au sein de collectifs plus petits.

Travailler à un développement durable à l'échelon local ne signifie pas que l'on travaille

uniquement pour l'échelon local, ce qui n'a plus trop de sens à l'heure actuelle. Le local donne

accès au global. L'individu est pris dans des réseaux, le local est inséré dans le global. Les

interactions entre les deux niveaux sont fortes, même si de nombreux relais et résonances sont

nécessaires pour passer de l'un à l'autre, pour qu'une innovation locale, par exemple, "perce" à

l'échelon global, c'est-à-dire qu'elle parvienne à recomposer autour d'elle un réseau qui la porte.

Certaines innovations ne percent jamais, d'autres sont fulgurantes parce qu'elles arrivent à relier

et à donner une cohérence à une série d'innovations éparses, en elles-mêmes trop fragmentaires.

Il existe donc des effets de confluence, comme le souligne Michel Serres, ou de "congruence". Le

développement durable met à notre avis en cohérence une série de préoccupations, de visions du

monde, de valeurs nouvelles. Est-il trop précoce? La réponse à cette question ne dispense pas d'y

travailler. Les hiérarchies, l'organisation par paliers sont en décalage avec le fonctionnement actuel du monde humain, qui innove, crée, par ses limbes et réseaux: économie, monde scientifique,

réseaux d'échanges informatiques, etc. Les pouvoirs publics sont appelés à déhiérarchiser leurs

modes d'organisation s'ils veulent être plus efficaces, plus adaptés à notre société, plus puissants

aussi. Une vision hiérarchisée du monde, par niveaux, par assiettes, devient impuissante face aux

réseaux qui contournent ces hiérarchies. Les réseaux produisent bien sûr d'autres hiérarchies, des

gradients entre les noeuds de réseaux et les zones d'exclusion, et ne constituent pas une organisation modèle. Ils sont simplement très efficaces.

1621.Prigogine, I. Stengers, 1979. La nouvelle alliance. Gallimard.

82
Partie II. Un modèle émergent: la ville durable

IIest sûrement possible à la fois d'assouplir notre organisation sociétale et de veiller à ce qu'elle

n'exclue personne, en utilisant de concert différents types d'organisation: la redistribution de

proximité163,et non seulement la redistribution "par le haut", hiérarchique, le développement des

potentiels locaux, d'économies territorialisées en réseaux164,et non seulement la redistribution,

enfin, l'articulation entre les différents territoires et réseaux. C'est ce que nous tentons de

proposer dans la partie finale de cette recherche, en défendant un développement "topologique".

L'Etat, et l'Europe, peuvent encourager le développement en propre des zones exclues de

l'économie de marché, afin que chaque territoire soit le lieu d'un développement économique,

puis aider à la connexion des différentes économies et des différents territoires.

Le souci actuel de subsidiarité, en politique, qui tend lentement à se substituer à la délégation, à

créer des démarches ascendantes, symétriquement aux démarches descendantes, traduit un souci

de déhiérarchisation. La subsidiarité signifie que l'imposition d'un ordre n'est pas la meilleure

façon de gérer les sociétés, mais que lorsqu'un certain ordre politique est assimilé par tous les

niveaux, le besoin se fait sentir 'de recréer des espaces où puisse jouer la diversité, la créativité,

l'hétérogénéisation, capables de faire évoluer la société, qui sinon se sclérose. Les cultures se

construisent dans cette tension permanente, entre unification et diversification.

L'émergence de caractères nouveaux n'est donc pas seulement le fruit du passage à un niveau de

complexité supérieure, elle résulte aussi des processus de différenciation par rapport à l'ordre

global, elle résulte des perturbations en quelque sorte. On retrouve l'importance du "petit", du

local, de la diversité. La diversité, comme l'intégration, est la condition d'émergence de caractères

nouveaux, la condition d'un renouvellement, de l'évolution du système dans le temps. Pour garder

l'avenir ouvert, ne pas le surdéterminer, ne pas générer des impasses pour l'homme, une diversité

culturelle et naturelle doit être maintenue. La possibilité d'évolution, de résilience, de durabilité,

est fonction de cette diversité. La diversité qui s'exprime à l'échelon local est un capital pour

l'avenir de la société humaine, ou de la planète.

Une réelle déhiérarchisation s'opère ainsi dans notre vision du monde, entre grand et petit, entre

local et global. L'unité ne peut se maintenir que grâce à la diversité, et vice-versa. Si les éléments

divers perdent le lien avec leur unité, on assiste à des phénomènes de désintégration, que l'on

nomme guerres civiles, ethniques, religieuses, à l'échelle des sociétés, mort, à l'échelle du vivant,

163Par une refonte des communes, par l'élargissement de l'agglomération à la région urbaine et par une redistribution

financière entre régions urbaines et arrière-pays. 83
La ville durable: état des lieux en Europe et prospective

décomposition, à l'échelle des molécules ou radioactivité à celle de l'atome. Le lien global et la

fluctuation locale sont donc également importantes, ce que souligne Michel Serres dans différents ouvrages.

Dans certains cas précis, les courts-circuits entre local et global peuvent être fulgurants, quasi

immédiats, au point qu'on ne peut plus différencier un ordre local et un ordre global. Les

mathématiques du chaos, qui reposent sur l'idée d'hypersensibilité aux conditions initiales, nous

expliquent ainsi, par une image, que le battement d'aile d'un papillon peut provoquer un cyclone dans l'autre hémisphère. Des auteurs tels que Prigogine ont tenté une entreprise de

déhiérarchisation des causalités, en montrant par exemple qu'il n'est pas toujours possible de

distinguer micro et macro pour les systèmes loin de l'équilibre (météorologie, cerveau, etc.)16s

De manière plus générale, lorsque les relations verticales entre les différents niveaux hiérarchiques sont bidirectionnelles et aussi nombreuses que les relations horizontales, à

l'intérieur de ces niveaux, on peut douter de la pertinence de la notion de hiérarchie, et s'inquiéter

de son potentiel d'inertie. Les organisations par niveaux sont un fait. Les lire en termes de

hiérarchie, alors même que la connaissance des interactions progresse, serait plutôt une tentative

de légitimation du pouvoir et de son attachement à un certain ordre qu'un décryptage de la réalité166Une certaine pensée contemporaine remet en question à la fois la notion de

déterminisme linéaire et la notion de hiérarchie, deux outils ou deux grilles de lecture de la

réalité trop simplifiantes167

La question du déterminisme est celle du "qu'est-ce qui commandé?". Elle est dépassée à l'heure

actuelle par la découverte que tout commande et rétroagit, le grand, le petit, l'esprit, la matière,

non pas indistinctement, mais selon des interactions complexes. Elargir la "commande esprit" est sans doute une noble tâche pour l'homme et cette ambition a alimenté la hiérarchie et la

démarcation qu'il a établi entre le corps et l'esprit, lui-même et le monde. Les arbitrages sont en

effet nécessaires dans les sociétés humaines. Mais doivent-ils reposer pour autant sur une vision

simplifiée du monde? Les hiérarchies ou les priorités que nous établissons dans la conduite de

164Qui favorisent les échanges d'informations, de personnes, et non de biens matériels, ce qui permet de ne pas

délocaliser l'emploi.165I. Prigogine, I. Stengers, 1979. La nouvelle alliance, op. cité.166On peut penser que la hiérarchisation des niveaux physiques est issue des rapports de pouvoir qui structurent les

sociétés et qui se sont simultanément exprimés dans l'ordre des choses, dans la "nature même", selon l'idée de Michel

Foucault.

167Voir par exemple F. Varela, E. Thomson, E. Rosch, 1993, Imbodied mind, traduit par L'inscription corporelle de

l'ers frit, Seuil, 377 p. 84
Partie II. Un modèle émergent: la ville durable

notre vie et au sein de notre culture doivent-elles nécessairement être "objectivées" dans les

choses? Et légitimer leur soumission totale168? D'autant que l'esprit ne s'élargit que lorsqu'il se

connecte au monde...

Les contradictions relevées ici ou là entre la durabilité locale et globale relèvent d'un modèle

épistémologique, organisationnel, où les niveaux sont trop étanches, et résistent mal à nos yeux à

l'analyse. Nous avons par exemple montré comment les politiques globales de développement durable en milieu urbain impliquent une revalorisation du patrimoine local, naturel et culturel,

des écosystèmes locaux, du rôle et de la participation des habitants et acteurs de la ville169

Développement local et global sont couplés, se construisent mutuellement dans une acception

écologique, bien que chacun ait un degré d'autonomie. Des actions "à double dividende", local et

global, peuvent être entreprises. Des actions multiscalaires peuvent être conduites localement,

comme le souligne d'ailleurs le rapport européen sur les villes durables.

Les contradictions ne se jouent pas entre les intérêts locaux et globaux, mais entre les intérêts de

ceux qui défendent un modèle de développement durable, quelle que soit l'échelle où ils se

situent, et ceux qui défendent le modèle économique actuel, ou bien d'autres alternatives.

L'arbitrage qui demande à être réalisé met en face à face non pas la préservation de la planète et

le sacrifice des intérêts individuels, mais la globalisation économique, dont on peut se demander

combien d'intérêts individuels elle sacrifie, et un autre type de globalisation, écologique et

sociale, qui tente de refonder un intérêt collectif.

Dans une démarche de développement durable, les conséquences' d'aine action, d'une politique,

sont considérées à toutes les échelles et selon différents critères (écologiques, sociaux,

économiques, culturels), en fonction des connaissances disponibles. L'interaction local-global est

un souci central du développement durable et commande une de ses principales propositions:

cesser d'exporter les problèmes et les coûts de notre développement sur d'autres générations,

d'autres pays, d'autres populations, d'autres écosystèmes, d'autres échelles d'espace et de temps.

Toute action locale a des incidences à différentes échelles, mais on peut tenter de faire en sorte

que ces incidences ne soient pas négatives pour les niveaux en question: c'est l'ambition d'une

gestion globale du développement humain, de son ou de ses économies, cherchant à infléchir ses

choix en fonction de l'état delaplanète, de l'état des différentes sociétés et individus.

168"Plus est abaissée la nature, plus se trouve glorifié celui qui y échappe",I. Prigogine, I. Stengers, 1979. La

nouvelle alliance, op. cité. 85
La ville durable: état des lieux en Europe et prospective

Un modèle utopique?

IIest important de souligner que le développement durable ne cherche pas un point d'équilibre,

une situation idéale et illusoire, mais plutôt une orientation, une vision capable de mettre en

cohérence et d'intégrer les différentes politiques publiques. IIdonne un sens au développement

des collectivités, quelles que soient leurs tailles, en réaffirmant des enjeux éthiques. La

préservation de la planète n'est pas un objectif scientifique, comme les développements de la

science l'ont prouvé, mais un objectif éthique. Un modèle urbain se constitue actuellement au

nom du développement durable, que l'on peut nommer "modèle" à cause de sa cohérence, de sa

lisibilité, mais qui reste très souple, pragmatique, expérimental, contextuel, un modèle par

définition toujours inachevé, vers lequel on peut tendre. Ce modèle est un horizon et fait du lieu,

du contexte, son point de référence, d'ancrage, d'intérêt, à la différence des modèles u-topiques,

décontextualisés. Comment nommer utopique la réflexion qui part de l'existant et réclame une attention vigilante au local, au topos, aux habitants des lieux? Comme l'indique l'ouvrage de l'OCDE consacré au développement urbain durable:"l'option qui consisterait à construire des villes entièrement nouvelles pour répondre aux besoins sociaux et environnementaux futurs des individus est

totalement exclue"170.Les écotopies, écocités caractérisent davantage les débuts de l'écologie que

le développement durable, plus mature. II ne s'agit pas à l'autre extrême de figer le temps, de

conserver la ville telle qu'elle est, car la ville actuelle n'est pas durable et il convient au contraire

de la transformer. Un modèle de ville durable s'appuie sur l'existant et tente d'ouvrir les politiques urbaines aux dimensions globales et à long terme du développement. Cette double ouverture, au temps et à l'espace, n'est ni utopique ni uchronique puisque la globalisation et les changements globaux sont

déjà en marche, et que le projet des villes durables tente précisément de prendre en compte les

multiples dimensions du temps et de l'espace. En revanche, la volonté de maîtriser ces

changements, de réorienter l'économie, d'affirmer une éthique, peut être considérée comme

utopique: dans ce cas tout projet politique est utopique, dès lors qu'il s'écarte de l'économie

169C. Emelianoff, 1994.L'émergence de nouvelles temporalités dans de vieux espaces urbains,Ecologie politique

n° 13, pp 37-58.

10OCDE, 1996, op. cité.

86
Partie II. Un modèle émergent: la ville durable

néolibérale. Le mot utopie est souvent utilisé de nos jours pour disqualifier une démarche qui

gêne certains intérêts plutôt que pour qualifier le contenu d'une proposition171

Ecarter les irréversibilités dangereuses pour l'homme, préserver les ressources planétaires afin de

maintenir l'avenir ouvert, renforcer les capacités d'adaptation des milieux urbains, comme le préconise l'OCDE après d'autres pays (l'Australie notamment), ne constituent pas un projet utopique. L'intégration de la gestion du long terme dans une époque caractérisée par des mutations très rapides, des innovations technologiques quotidiennes, n'est pas plus paradoxale

que la prise en compte du développement local dans un contexte de mondialisation accélérée. On

peut même penser que ces prises de conscience surviennent comme des garde-fous, des repères

spatio-temporels destinés à encadrer et maîtriser les mutations technologiques et économiques.

Les difficultés que génèrent ces nouvelles bornes ne peuvent être confondues avec des paradoxes.

Autrefois, la longue durée, les inerties et les lieux commandaient les rapports humains.

Aujourd'hui, la mondialisation et le très court terme les déterminent. Le développement durable

profile des lieux globaux, des lieux ayant intégré une gestion écologique du globe, et un développement humain couplé au devenir terrestre, à ses temporalités.

Un modèle normatif?

Si le modèle n'est pas utopique, doit-il être normatif, contraignant? On peut aussi renverser la

question et demander: le développement durable permet-il de se libérer de certaines contraintes?

Lesquelles? Quelques contraintes fortes semblent gouverner actuellement la vie urbaine, sans compter le chômage et la captivité des populations inactives:

(1) la mobilité subie: en sus des heures perdues dans les transports pendulaires, la fatigue et le

stress occasionnés par ces trajets, l'accroissement des distances domicile-travail172rend difficile

l'aménagement de l'espace, mité par le pavillonnaire, et coûte cher en infrastructures. En

proposant une planification fondée sur le rapprochement des lieux d'activités et d'habitat, les

politiques de développement durable souhaitent limiter les déplacements subis et laisser place à

une mobilité choisie.

171Discussion développée dans C. Emelianoff, H. Regnauld, P. Lafon, 1997.Le délit d'utopie: la ville durable et la

bâtiment ministériel,Villes et Territoires, à paraître. 87
La ville durable: état des lieux en Europe et prospective

(2) les déménagements contraints: en raison des fortes nuisances qui affectent les centres villes,

le bruit et la pollution atmosphérique en premier lieu, et de leur inadaptation aux besoins des

enfants, les familles n'ont pas d'autre choix que de s'installer en milieu suburbain, lorsqu'elles le

peuvent. La ville n'est adaptée ni aux enfants, ni aux personnes fragiles (agressions multiples), ni

aux piétons. Une politique de développement durable travaille à offrir une qualité de vie

comparable dans les centres villes et à leurs périphéries, même si ces deux espaces gardent des

caractéristiques différentes. La mobilité résidentielle doit être l'objet d'un choix, tout comme la

mobilité quotidienne. (3) la consommation passive: la consommation urbaine qui correspond aux effets de mode, à l'affichage social, à l'attrait pour le changement est une consommation aveugle en raison de la

méconnaissance des coûts environnementaux et sociaux des produits consommés. II n'est guère

réaliste de demander aux consommateurs une attitude de responsabilité individuelle lorsque les

médias, les journaux d'informations télévisés, affichent une publicité sans relâche pour l'achat de

voitures, par exemple, en présentant les nouveaux prototypes et les symboles qu'ils véhiculent.

La désinformation sur les conditions de fabrication des produits, sur leurs incidences écologiques

et sociales, leurs possibilités de recyclage, est manifeste. Le développement durable demande un

type de consommation éclairé, conscient, averti des tenants et des aboutissants de ses choix, en

un mot, responsable. Il est difficile d'affirmer que les modes de consommation actuels ne sont pas normatifs, que

l'économie de marché ne repose pas sur une normalisation des comportements. La diversité des

produits consommés ne tient pas lieu de diversité comportementale. La question initiale, visant à

examiner le normativité d'uni modèle de développement durable s'est donc déplacée. La question

est plutôt de savoir si le développement durable substitue certaines normes à d'autres et s'il est

plus normatif que le développement économique actuel. II paraît impossible de nier que la durabilité introduise de nouvelles normes. Ces normes sont

des limites, des seuils à ne pas franchir, pour éviter des dégradations écologiques et sociales, ou

des risques majeurs: il existe des limites d'utilisation des ressources, correspondant à la possibilité de leur renouvellement, des limites de destruction des milieux et des espèces,

172M-H. Massot, J-P. Orfeuil,1995. La mobilité, une alternative à la densification du centre. Les relations

88
Partie II. Un modèle émergent: la ville durable

susceptible de menacer les écosystèmes terrestres et d'entamer le capital transmis aux générations

futures, des limites de capacités de charge et de rejets polluants, visant à éviter la saturation des

milieux, portant atteinte à notre santé, des limites au non partage des ressources, si l'on souhaite

endiguer la pauvreté et l'exclusion au Nord et au Sud, des limites au pouvoir sans partage des

gouvernements centraux ou des puissances économiques transnationales, des limites à la violence

sous ses très nombreuses manifestations.

A l'intérieur de ces limites, le développement durable défend l'idée d'une grande diversité de

solutions, d'une pluralité d'approches, l'essentiel étant que les politiques soient choisies et mises

en oeuvre avec la participation des populations locales, une condition de leur réussite. Une

comparaison avec la situation actuelle, en termes de normes, diagnostiquerait une perte de liberté

dans le domaine de la consommation, sur la base de restrictions volontaires, internalisées,

éthiques, et un gain très net de liberté dans le domaine politique. Les citadins auraient le pouvoir

d'orienter le développement de leur ville et perdraient la liberté de consommer aveuglément. Il y

a donc bien substitution de normes, les normes écologiques remplaçant les normes économiques.

Le modèle n'est à notre avis ni plus ni moins normatif que le modèle actuel mais les normes sont

désormais visibles, elles ne se dissimulent pas derrière la liberté de consommation.

Qu'entend-on par norme et par liberté? La liberté de circulation ou la liberté de conduire sa vie en

fonction de choix propres et d'une réflexion mûrie? La norme la plus dangereuse, sur un plan

démocratique, est-elle celle qui s'expose clairement comme une règle de conduite destinée à

protéger un intérêt collectif, et à être débattue publiquement, ou bien celle qui s'introduit par

mille et un canaux, produits, médias, tous chargés du même message ("consommez-moi") et du même fard ("je vous plais"), une norme séduisante, sachant se faire oublier? Que dire de la

liberté de consommation? Il est par ailleurs très révélateur que l'on décrive souvent le

développement durable comme un "effet de mode", comme si toute innovation, toute alternative n'était actuellement qu'un effet de mode...

Les approches de développement durable cherchent principalement à convaincre, à être relayées.

Les méthodes participatives ont un effet d'entraînement. Une réglementation non comprise suscite au contraire des blocages et des inerties. La réglementation est un instrument

d'accompagnement mais reste en elle-même un outil fragile et partiel. Si des réglementations sont

domicile-travail,Les Annales de la recherche urbaine n° 67, pp 22-31. 89
La ville durable: état des lieux en Europe et prospective

mises en place dans un milieu d'accueil hostile, elles sont contestées et contournées. E importe

d'abord de créer les conditions d'accueil, d'acceptation, de compréhension des nouvelles normes.

Dans ces conditions, les normes résultent de choix collectifs, de principes éthiques, qui ne sont

pas improbables puisque certaines avancées ont déjà été réalisées dans ce sens. Il est important de se demander aussi comment se décide la réglementation. Dans le domaine des nitrates, par exemple, les grands groupes de distribution et de traitement des eaux sont présents

dans les comités qui fixent les normes. En fonction des technologies disponibles, de l'opportunité

de les lancer sur le marché, des seuils limites de nitrates sont déterminés pour les eaux potables.

Les normes, dans ce cas, sont élaborées en fonction des stratégies d'entreprises, du marché de la

dénitrification173, lorsque les incertitudes scientifiques sont par ailleurs trop grandes pour fixer un

seuil de nocivité.

Les normes sont souvent liées aux écotechnologies: elles les anticipent et elles les encouragent.

Elles sont déjà la traduction, le résultat d'une prise de conscience et un des moyens de l'exprimer.

Certains pays qui ont pu mettre en place une réglementation écologique sévère sont parmi ceux

qui avaient le plus détruit leur environnement (Pays-Bas, Danemark, Allemagne). L'adoption de

normes n'est pas forcément un gage de sérieux écologique. En revanche, la formation, l'adoption

d'une culture écologique par les populations crée une demande qui ne peut être contournée.

Cette évolution est amorcée dans certains pays. La constitution du territoire européen peut

favoriser sa diffusion, mais on ne sait pas à quelle vitesse. Les délais de l'action politique en

matière d'environnement se comptent jusqu'ici en décennies, souligne Jacques Theys174. Or le

développement urbain durable est une notion récente, donnant déjà lieu à une réflexion

structurée, mais qui ne connaît pas de relais politique important à ce jour. Le développement urbain durable constitue encore un corps de réflexions et de pratiques émergentes, parallèle aux politiques de la ville. Nous nous proposons de relater d'abord son

histoire, de rechercher ses racines, d'examiner ses premières propositions, avant de présenter dans

un second temps les expériences réalisées en son nom et les réflexions qu'elles suscitent.

173C. Emelianoff, 1996,Nitrazur,in:Lyonnaise des Eaux-Dumez. Une entreprise face à ses innovations: politique,

technique, environnement. Partie II, Centre de Sociologie de l'Innovation, Ecole Nationale Supérieure des Mines de

Paris, pp 105-136.

174Mai 1997.Entre "gouvernance" et "ingouvernabilité". Quelle forme de "gouvernement" pour les changements

globaux?,36p. 90
Partie II. Un modèle émergent: la ville durable

1. De la ville écologique à la ville durable

Le développement urbain durable reprend une partie des thèmes abordés par l'écologie urbaine. Il

s'enracine dans l'écologie urbaine, mais ses propositions vont au-delà de cette première approche,

abordent plus franchement le champ culturel et humain, tout en affirmant un changement

d'échelles dans la portée des problèmes écologiques. La notion de développement durable se

positionne d'emblée dans le champ sociétal, et ouvre sur la dimension planétaire et prospective

des problèmes urbains. "L'impératif écologique" peut céder la place à un art de vivre écologique,

le mouvement protestataire, à la prise de conscience généralisée que nos modes de

développement doivent être infléchis s'ils prétendent bénéficier à une longue postérité'7s

1. 1. Les apports de l'écologie urbaine: pratiques immémoriales et récentes.

On ne saurait confondre, à notre avis, le nom d'écologie urbaine, tardif, avec le contenu, la

pratique, fort ancienne. L'écologie urbaine est une science qui s'est institutionnalisée à partir des

années 30, désignant d'abord une recherche d'ordre sociologique avant d'acquérir une dimension

proprement écologique dans les années cinquante. Mais son savoir pratique s'est constitué dès les

premières concentrations urbaines. Les premiers citadins ont. affronté des problèmes de pollutions hydriques, olfactives, sonores, puis des problèmes de circulation et de congestion,

qu'ils ont partiellement résolus par des politiques municipales relevant de l'écologie urbaine. Les

villes ont longtemps été des mouroirs, les rues, des cloaques. Des politiques d'assainissement ont

été menées plus ou moins efficacement jusqu'à l'avènement de l'hygiénisme. Nous évoquerons

cette histoire avant d'aborder l'écologie comme vocable, ébauche d'une science et naissance d'une

politique plus systématique. Ces pratiques, propres à chaque culture et assez peu connues, nous

sont livrées surtout par les historiens et les géographes.

L'écologie urbaine ne naît pas à partir du moment où on la nomme. Son histoire ne commence

pas avec l'école de Chicago, dans les années 1920. L'écologie urbaine de Chicago, qui associe

pour la première fois le mot écologie et le mot ville, est d'une toute autre nature que l'écologie

urbaine ancienne et contemporaine. Elle prend à l'écologie scientifique un nom, et, croit-elle, une

175Une prétention nommée "progrès"...

91
La ville durable: état des lieux en Europe et prospective

méthode, pour habiller des pratiques et analyses sociologiques. Faire démarrer son histoire à ce

moment précis peut même la desservir car l'école de Chicago a établi des analogies fort

critiquables entre les écosystèmes naturels et urbains, la répartition des plantes dans l'espace et la

répartition des hommes dans la ville. Dans son prolongement, l'écologie urbaine scientifique a

parfois transposé des modèles issus de l'écologie scientifique aux sociétés humaines, ce qui lui a

valu des critiques méritées. Nous avons donc tenu à écarter cette origine et à chercher, au-delà du

vocable, de la naissance du terme, son histoire.

Il est nécessaire de remonter à notre avis aux premières cités pour trouver les rudiments d'une

écologie urbaine, pratiques qui s'affinent peu à peu lorsque la taille des villes grossit. Cet héritage

est souvent passé sous silence et fait partie des non-dit de l'écologie urbaine. La filiation avec

l'hygiénisme n'est pas davantage explicitée, peut-être parce que l'écologie se démarque de

l'hygiénisme par une approche moins anthropocentrique. La canalisation de la Seine, qui était par

exemple préconisée par les hygiénistes parisiens pour éviter la stagnation des eaux176, est

condamnée aujourd'hui par les écologistes en raison de l'érosion en aval et de l'amputation de la

biodiversité des berges. Ces dits et ces non-dit, ces silences et parfois ces malentendus s'expliquent par le fait que l'écologie urbaine n'est pas un domaine de connaissance et de recherche établi, disposant pour

cela de trop peu de moyens. La sémantique n'est pas stabilisée, les débats portant sur le fait de

savoir si l'écologie urbaine est une science ou non, une discipline définie ou embryonnaire, une

politique réelle ou bien publicitaire. A la croisée des connaissances scientifiques, des évolutions

culturelles et des engagements politiques, l'écologie urbaine n'a pas présentement trouvé sa place,

ce qui lui interdit de construire son passe177.

176B. Fortier, 1977. La maîtrise de l'eau. XVIII°s.

177Sur les flottements et les incertitudes du vocable, voir Christian Garnier, 1994,Ecologie urbaine ou

environnement urbain?, op.cité. 92
Partie II. Un modèle émergent: la ville durable

L'écologie des anciens

D'après les sources dont nous disposons, les grecs avaient une conscience de la salubrité qui les a

conduit à défendre quelques principes d'urbanisme. Aristote, dans sa Politique178, préconise par

exemple une exposition des maisons au soleil et au vent, la différenciation des usages de l'eau

selon sa provenance, l'alignement des rues sur le modèle du plan d'Hippodamos, la séparation de

la place publique, vouée à la vie politique, et de la place du marché, encombrée de détritus.

Hippocrate, Oribase et Vitruve, tour à tour, préfigurent l'architecture bioclimatique et

l'hygiénisme en insistant sur l'adaptation des bâtiments aux climats locaux et sur la ventilation

des rues, fonction de leur orientation179. Pour résoudre les problèmes de déchets, les grecs

avaient mis en place un système municipal de collecte des déchets, par les "éboueurs", qui les

portaient à 10 stades des fortifications. Les villes romaines, qui connaîtront des concentrations humaines beaucoup plus élevées,

prendront de nombreuses mesures pour épurer les milieux urbains. Les plus connues ont trait à la

gestion de l'eau. La qualité des eaux potables était assurée par le captage de l'eau en montagne,

acheminée jusqu'aux villes grâce à de longs aqueducs. A Rome, sous le règne de Nerva, les

réseaux deviennent séparatifs, l'eau captée à proximité, dans l'Anio, servant aux usages

quotidiens, l'eau de source étant réservée à la boisson180. La construction d'égouts -lescloacae-,

ouverts puis fermés, et de latrines publiques, le nettoyage, le pavage et la réparation des rues par

les services de la voirie assurent une relative hygiène publique.' L'hygiène corporelle est encouragée par la fréquentation des thermes, des nombreux jardins et promenades publiques,

dont Vitruve disait qu'elles étaient d'une grande salubrité181. Ainsi, malgré le manque d'espace, la

pression foncière, la ceinture verte de la Rome antique ne sera pas entamée. Des mesures moins connues ont également régenté la circulation des charrettes, qui

occasionnaient une forte congestion à Rome et qui furent interdites durant le jour à partir de la loi

de Jules César, dite"LexJuliaMunicipalis",en 45 avant JC. Du lever du soleil à la dixième heure, seuls les piétons avaient le droit de circuler dans les rues, ainsi que les chariots

municipaux transportant des matériaux de construction, décombres, déchets, et les chariots des

célébrations. La loi sera reprise et étendue par d'autres empereurs, comme Claude, qui interdit

178Livre VIII (IV), 10.

179L. Homo, 1971. Rome impériale et l'urbanisme dans l'antiquité, Alban Michel, 665 p.180L. Homo, 1971, op. cité, p 267.

93
La ville durable: état des lieux en Europe et prospective

aux voyageurs la traversée des villes italiennes en charrette, Hadrien, qui ferme l'accès de Rome

aux voitures lourdement chargées, Marc Aurèle, qui défend de pénétrer en voiture ou à cheval en

ville182. Ces interdictions s'exerceront jusqu'à la fin de l'époque impériale mais souffriront de plus

en plus de dérogations. Cette politique de restriction de la circulation s'est accompagnée aussi

d'une séparation des circulations, avec la construction de voies réservées aux piétons, de

portiques et de trottoirs.

La ville médiévale oubliera ces principes d'assainissement, notamment celui des égouts, peu ou

mal développés jusqu'à Haussmann, mais découvrira d'autres modes de gestion écologique,

analysés par André Guillerme183. Les cours d'eau qui entourent les villes, pour les besoins

énergétiques et hydriques de l'artisanat, recueillent les eaux usées et les épurent naturellementl8a

Les métiers du textile participent même à cette épuration: l'alun et le tartre utilisés comme

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