[PDF] LHomme 193 19 févr. 2010 courtoisie





Previous PDF Next PDF



F R A N Ç A I S

mort le lait de la tendresse humaine ou l'horreur



3èmeannée de lEnseignement Secondaire

Poète romancier et critique littéraire



fr3.pdf

humaine. LES NIVEAUX DE MAITRISE. CYCLE du monde et de l'activité humaine lait devenir écrivain et souhaitait ... mon père Roy Lewis



Baudelaire et le grotesque

Richard Claude Roy



ANALYSE RÉCEPTIONNELLE DES COLLOQUES CONSACRÉS À

5 sept. 2008 c'est mettre une marque humaine sur un paysage qui en sera modifié à jamais. (Marguerite YOURCENAR Mémoires d¶Hadrien



LHomme 193

19 févr. 2010 courtoisie Claude Lévi-Strauss lui recommande



INTRODUCTION GENERALE

contre la mort humaine l'existant rêve « de guérir réellement la mort



Page 1 couverture

su garder "intactes la même jeunesse



fr5.pdf

Jean-Claude Carrière La Controverse de Valladolid dans la grande comédie humaine]



LA THÉMATIQUE DE LEAU DANS LŒUVRE DE MARGUERITE

Cette étude fut présentée à la Faculté des Sciences Humaines de tendresse que la jeune fille a pour sa mère est merveilleusement illustré par cette.

Quelle est la dureté du laiton ?

Au-delà de 35%, c’est-à-dire, entre 35 à 45%, on dit qu’il est biphasé ? et ? et se trouve dans une phase intermétallique de dureté croissante et de grande fragilité. Compte tenu du fait qu’il contient une proportion plus importante de cuivre, le laiton est sensible à la corrosion atmosphérique qui affiche une couche vert-de-gris sur sa surface.

Quelle est la teneur du laiton ?

Le laiton de faible teneur (880 % de cuivre, 20 % de zinc, avec une couleur dorée, très ductile et utilisé pour la fabrication des soufflets et des tuyaux souples) peut facilement être assemblé par soudage oxyacétylénique.

Quelle est la teneur réelle d'un lait homogénéisé?

Cette expérience a été répétée sur divers laits homogénéisés et s'est trouvée confirmée. Nous avons voulu cependant voir ce qui se passe dans le cas d'un laitnon-homogénéisé(simplement pasteurisé) et voici ce que nous avons obtenu (cas d'un lait pasteurisé à 34 g de M.G. par litre) : (1) Correspondantàla teneur réelle de 34,7 (voir ci-après).

Quelle est la laitue qui résiste le mieux au froid?

La laitueReine de maiest une laitue précoce qui possède des feuilles légèrement marquées de rouge. Laitue Val d'Orge: Les feuilles sont lisses vertes et grandes. C'est la laitue qui résiste le mieux au froid.

LHomme 193

L'Homme

Revue française d'anthropologie

193 | 2010

Claude Lévi-Strauss (1908-2009)

Édition

électronique

URL : http://journals.openedition.org/lhomme/24341

DOI : 10.4000/lhomme.24341

ISSN : 1953-8103

Éditeur

Éditions de l'EHESS

Édition

imprimée

Date de publication : 19 février 2010

ISSN : 0439-4216

Référence

électronique

L'Homme

, 193

2010, "

Claude Lévi-Strauss (1908-2009)

» [En ligne], mis en ligne le , consulté le 14 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/lhomme/24341 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ lhomme.24341 Ce document a été généré automatiquement le 14 octobre 2020. © École des hautes études en sciences sociales

SOMMAIREHommageHommageFenêtre sur filesJean Jamin"De la tendresse humaine..."Françoise HéritierLa vision du monde de Claude Lévi-StraussEmmanuel TerrayDébatRéponse à Emmanuel DésveauxVincent DebaeneÉtudes & EssaisUn parcours semé de terrains. L'itinéraire scientifique de Denise PaulmeMarianne LemaireParenté et alliance en Europe occidentale. Un essai d'interprétation généraleGérard DelilleLe mussem de Meknès. Le déclin d'une tradition spirituelleMehdi NabtiEn questionL'art d'Alfred GellDe quelques raisons d'un désenchantementBrigitte Derlon et Monique Jeudy-BalliniÀ proposLe sorcier, à la manière d'un vampire...François Flahault

L'Homme, 193 | 20101

Comptes rendusComptes rendus

L'Homme, 193 | 20102

Hommage

L'Homme, 193 | 20103

Hommage

L'Homme, 193 | 20104

1 Cette lettre fait partie du fonds Michel Leiris - fonds dit " ethnographique » - déposé et

conservé à la bibliothèque du Laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France. Nous remercions Marion Abélès, sa directrice, de nous avoir autorisés à la reproduire. Leiris, semble-t-il, répondit assez vite et positivement à cet appel. Un an plus tard, à la date du 1 er juillet 1961, Jean Pouillon lui écrit pour lui demander s'il compte donner à L'Homme " sa note sur l'art africain » qui aurait été publiée dans le numéro 3 de la revue. Il l'envoie quelques jours plus tard. Mais, avec beaucoup de délicatesse et de courtoisie, Claude Lévi-Strauss lui recommande, le 0 juillet 1961, d'attendre la parution de son ouvrage sur l'art africain, qu'il a en chantier, pour la publier ; elle en serait comme une autocritique et aurait d'autant plus de force. Manière déguisée d'exprimer un refus ? Leiris, en tout cas, ne donnera pas de suite, t ne publiera jamais cette note que ce soit à L'Homme ou ailleurs ; elle ne paraîtra que posthumément, en 1996, dans Miroir de l'Afrique (Paris, Gallimard), comme " Préambule à une histoire des arts plastiques de l'Afrique noire ».

L'Homme, 193 | 20105

Fenêtre sur filesJean Jamin Le bureau de Claude Lévi-Strauss vu de la bibliothèque du Laboratoire d'anthropologie sociale (cl.J. Jamin)

1 C'EST AU MOMENT où la copie de ce numéro de L'Homme allait partir chez l'imprimeur que nous

avons appris la mort de Claude Lévi-Strauss, survenue à Paris le 30 octobre 2009.

2 Sur le plateau de son bureau, dans la pièce aux grandes baies vitrées surplombant d'au moins un

étage et demi la bibliothèque du Laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France, qui lui

avait été réservée à sa retraite et où il avait l'habitude de recevoir, deux fois par semaine, ses

visiteurs, ses collègues ou les membres dudit Laboratoire, était posé, la couverture lissée par un

L'Homme, 193 | 20106

bloc de quartz fumé qui lui avait servi de presse-papiers, le numéro 184 de L'Homme paru à l'automne 2007 - indice minime mais émouvant du temps de ses dernières venues à son bureau.

3 Entre ces deux dates - automne 2007, automne 2009 - il y eut la cérémonie, ou plutôt les

cérémonies célébrant son centenaire : les hommages, les éloges, les reconnaissances, sans omettre

- mais c'est la loi du genre - les affectations. Il y eut paradoxalement le détachement d'un

homme qui, comme le rappellent ici Françoise Héritier et Emmanuel Terray, ne fut guère amène

avec ce siècle de l'histoire de l'humanité, qui l'avait pourtant vu naître, fait penser, et l'avait

incité à oeuvrer sinon pour agir et, chemin faisant, pour peser concrètement sur lui, du moins

pour mieux en cerner les contours, fussent-ils devenus poreux, et en analyser les dérives terriblement humaines.

4 Il y eut surtout la grande lassitude d'un homme que la combinatoire hasardeuse des gènes avait

porté au-delà même du siècle, et qui, à ses interlocuteurs, ne dissimulait ni son épuisement ni son

propre embarras de l'avoir pour ainsi dire dépassé, manifestant par là un humour qu'on peut

penser noir : " Je me survis », avouait-il à Eva Kempinski, sa secrétaire. Comme si c'était le siècle

qui l'avait rattrapé et s'était imposé à lui, et assurément, malgré lui. Déjà, en 1999 - il venait

d'avoir quatre-vingt-dix ans - il confessait, devant ceux qui lui avaient rendu hommage dans un

numéro de la revue Critique, son sentiment " d'être comme un hologramme brisé », selon les

propos recueillis par Jean Pouillon.

5 D'une des baies vitrées de son bureau auquel on accédait en gravissant, non sans précaution, les

27 marches d'un escalier en colimaçon, le regard plonge d'emblée sur les armoires - les

compactus - où sont rangées les Human Relations Area Files : des millions de fiches sur des

sociétés et cultures du monde entier ; une base de données ethnographiques exceptionnelle qui,

sous l'égide de l'anthropologue américain George Peter Murdock et avec le concours de

l'Université Yale, s'était constituée à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dès sa création en

1960, et à l'instigation de son fondateur, le Laboratoire d'anthropologie sociale en était devenu,

dans la version papier intégrale et constamment mise à jour, le seul dépositaire européen.

Traces, archives, les files apparaissaient aussi comme des vestiges de la diversité culturelle que

Claude Lévi-Strauss a non seulement cherché à étudier, opiniâtrement, ici comme ailleurs, mais

voulu défendre contre les coups de boutoir d'un siècle - décidément - qui ne cessait, et ne cesse

de la faner.

L'Homme, 193 | 20107

Bureau de Claude Lévi-Strauss. Accrochée au mur, une sérigraphie de Bill Reid :"L'Oiseau-Tonnerre",offerte par l'artiste haida et sa femme en 1981 (cl. J. Jamin)

L'Homme, 193 | 20108

Bureau de Claude Lévi-Strauss. Sur l'étagère, un portrait de Maurice Merleau-Ponty (cl. J. Jamin)

Vues de la baie vitrée intérieure. À droite, collée sur la vitre, une photographie, d'un jeune Indien

Nambikwara (cl. J. Jamin)

L'Homme, 193 | 20109

Vues de la bibliothèque du Laboratoire d'anthropologie sociale (cl. J. Jamin)

L'Homme, 193 | 201010

6 Les photographies présentées dans ce cahier ont été prises le mercredi 4 novembre 2009, quelques

jours après la disparition de Claude Lévi-Strauss. Elles entendent porter témoignage d'un regard

- le sien - qui n'était pas si éloigné que cela, lui qui exigea que fût préservée l'architecture

intérieure de cet ancien amphithéâtre de l'École polytechnique où devaient être logées les files et

la bibliothèque du Laboratoire. Au moment de l'emménagement de celui-ci, au début des années

1980, dans les locaux adjacents, il s'installa dans la pièce que, du fait de sa structure panoptique,

il qualifiait alors, avec un malin plaisir, de " bureau de contremaître », ou, parfois, de " bureau

de chef magasinier ».

Désormais absent, le regard ne s'est pas éloigné davantage. Claude Lévi-Strauss savait très bien

que si c'est dans la pierre que s'inscrivent durablement les oeuvres des hommes, c'est dans son

L'Homme, 193 | 201011

ombre portée qu'elles fleurissent, et dans le vivant qu'elles prennent racine ou se renouvellent -

éclosion et transformation qu'aux ethnologues il avait fixé pour tâche de révéler, d'analyser et de

faire comprendre.

AUTEUR

JEAN JAMIN

EHESSLaboratoire d'anthropologie et d'histoire de l'institution de la culture, Charenton-le-Pont

L'Homme, 193 | 201012

"De la tendresse humaine..."Françoise Héritier

1 CLAUDE LÉVI-STRAUSS n'est plus de ce monde, ce monde qu'il n'aimait pas et où il ne se

reconnaissait plus de longue date, qu'il avait délibérément quitté depuis ses deux

accidents à intervalle d'un an qui le laissèrent diminué physiquement et le cloîtrèrent

chez lui. Il allait avoir 101 ans. Il a réussi, malgré ce grand âge, cet âge qu'il n'aurait pas

dû avoir selon la formule délicieusement ironique qu'il utilisait parfois à son endroit, à

nous surprendre, à mourir alors que nous regardions ailleurs, pris dans l'obsédante

frénésie du quotidien. Il nous a quittés sur la pointe des pieds, avec la délicatesse et la

discrétion qui étaient sa marque de fabrique, car il n'aurait pas aimé être accompagné

des pompes de l'État ou même d'institutions universitaires ou académiques, bien qu'il sût que sa disparition entraînerait un séisme mondial. C'est vrai que l'annonce de son

décès a provoqué une sorte de vague géante d'intérêt journalistique, un tsunami vite

monté et aussi vite retombé, laissant place pour plus tard à des réflexions reposées sur

l'homme et sur son oeuvre. Par son choix, il a protégé sa famille, l'idée qu'il se faisait de

lui-même, et même ses collègues et amis, anthropologues en premier, dont il savait

quelle serait l'émotion. Et il est resté fidèle jusqu'au bout à ses convictions sur l'être au

monde et à sa détestation du " mondain ».

2 Cet homme austère, ce grand anthropologue reconnu et admiré, avait donc peu de goût

pour l'humanité. On l'a souvent accusé de misanthropie. Lui-même met en avant son amertume et ses désillusions. Elles transparaissaient déjà dans Tristes Tropiques en 1955,

où il parle de cette " civilisation proliférante et surexcitée » qui laisse derrière elle

" des terrains vagues grands comme des provinces [...] et un relief meurtri », ou un milieu urbain fait d'ordures, de ruines, de suintements. Dans Le Magazine littéraire de juin 1993, il dit : " Je suis pénétré d'une sorte de morale ultime : "rien n'est". Naturellement, pour vivre, il faut faire comme si les choses avaient un sens ; c'est une morale provisoire pour la vie, mais une morale de deuxième ordre »

1. Et ailleurs, dans

Jeune Afrique en 1983, il s'exprime sur la différence entre " le caractère pernicieux de la doctrine raciste » et le peu de sympathie que des gens peuvent éprouver les uns pour les autres dans des contextes culturels différents : " Ce qui me semble actuellement

dangereux, c'est, bien sûr, l'homogénéisation de la planète à laquelle on assiste mais,

plus encore, la vertu doctrinale qu'on lui prête. Pourquoi faudrait-il que tout le monde

L'Homme, 193 | 201013

aime tout le monde ? Ce serait nocif... et c'est impossible », et il ajoute, pour expliquer

le peu d'intérêt qu'il a porté aux sociétés africaines, qu'il s'était toujours senti

" l'homme des tropiques vides »

2. A-t-il su, avant de mourir, que l'Afrique venait

d'atteindre le milliard d'hommes ?

3 Paradoxalement, cet homme pudique, réservé, peu enclin aux épanchements, nous abeaucoup dit sur lui-même et c'est une des raisons, je crois, qui rendent son oeuvre à la

fois intellectuellement excitante et si attachante. Il l'a fait aussi bien dans ses ouvrages que dans son enseignement (dont une grande et mémorable partie a été dispensée dans le cadre de la VI e section de l'EPHE, devenue ensuite l'EHESS) et dans les nombreux entretiens qu'il a accordés. Au-delà de ce pessimisme fondamental dont j'ai fait état (" Le monde a commencé sans l'homme et s'achèvera sans lui », Tristes Tropiques), nous savons qu'il aurait aimé être peintre ou architecte de théâtre, qu'il aimait et savait bricoler le bois et aller à la cueillette des champignons, qu'il n'aimait pas l'écriture, tâche exténuante, que la musique l'accompagnait au quotidien au point qu'il a construit certains de ses ouvrages selon des conceptions musicales, qu'il n'avait pas apprécié les événements de 1968, qu'il préférait le shintoïsme (" qui ne trace pas de lignes de

démarcation entre le végétal et l'animal, ni entre l'homme et l'animal ») au

bouddhisme, qu'il était séduit par le Japon où il alla pour la première fois en 1977, qu'il

préférait Rousseau à Diderot, et bien d'autres choses encore que je ne peux toutes énumérer. Tout cela circonscrivait une figure, fermement dessinée, impérieuse même, avec laquelle on pouvait ne pas être d'accord mais qui en imposait. Avant son départ à la retraite, lorsqu'il prenait la parole lors des assemblées de l'École, certains de ses contemporains se souviendront de l'impressionnant silence dans lequel il était écouté. Car sa voix, un peu voilée mais pourtant fermement timbrée, était de celles qu'on n'oublie pas, et son discours, tendu comme un arc, économe d'effets, avait l'art, malgré l'agencement complexe des phrases, de toujours retomber impeccablement sur ses pieds.

4 Tout aussi paradoxalement, cet homme distant en apparence était aussi un homme

attentif, fidèle et fondamentalement sensible, qui prenait à coeur les problèmes de ses proches quels qu'ils fussent et les aidait discrètement à les résoudre, et qui ressentait avec émotion les attentions qu'on lui témoignait. Le nombre de personnes qui, ayant croisé sa route, en ont tiré un grand bénéfice dans l'orientation de leur vie est plus grand qu'on ne l'imagine. J'en ai connu moi aussi les effets : si je ne l'avais pas rencontré en 1955 et si je n'avais pas toujours trouvé un appui intellectuel auprès de lui, je ne serais pas ethnologue ni ce que je suis devenue. Pourtant, il n'a jamais voulu faire école ; il n'a jamais dicté sa loi. Ceux qui se ressentent tels peuvent se dire son disciple, mais il n'y a pas eu d'école structuraliste ou lévi-straussienne de pensée organisée par lui volontairement. Il a vu d'ailleurs avec déplaisir se faire des amalgames dans la presse entre la méthode structurale qu'il mettait au point en anthropologie et des " applications » (ou ce qui était perçu ainsi) par d'autres auteurs ou dans d'autres disciplines : Lacan, Foucault, Derrida...

5 Il y a de plus deux structuralismes chez Lévi-Strauss. On pense le plus souvent à celui

des Mythologiques, cette tâche immense à laquelle il s'est astreint jour après jour pendant des années où, sur un ensemble restreint de variantes de mythes indiens (Amérique du Nord et du Sud), il met en application une méthode complexe où ce qui compte, ce sont les relations qu'entretiennent entre eux les objets et non les objets eux- mêmes, en utilisant pour les décrypter des codes - dont l'existence est universelle si les

L'Homme, 193 | 201014

ordonnancements internes et les focalisations sont particuliers : codes alimentaires, culinaires, sexuels, animaliers, spatiaux ou temporels, etc. Il met ainsi en évidence le mouvement de la pensée qui conduit à l'élaboration culturelle du mythe dans ses variantes comme " pâte feuilletée »

3 ; ce qu'il explique, eu égard aux catégorisations

binaires qu'il fait apparaître comme majeures, par le fonctionnement du cerveau, lequel non seulement fonctionne de la même manière partout et dès les origines (ce qui est indubitable), mais encore travaillerait de façon structurelle comme un ordinateur, en mode binaire, imposant ainsi cette marque de fabrique à la création mythique en particulier (ce qui est aujourd'hui totalement controuvé).

6 Le structuralisme à l'oeuvre dans les Structures élémentaires de la parenté est de nature

différente. Il s'agit de retrouver un ordre sous-jacent dans le désordre et le fouillis apparents des usages des sociétés étudiées par l'histoire et par l'ethnologie. Il y parvient, au moins pour les structures élémentaires de l'alliance, en découvrant des lois qui gouvernent les choix matrimoniaux, grâce à la mise en évidence de composantes discrètes en nombre limité dont les combinatoires, bien qu'offrant toutes sortes d'adaptations locales, sont elles aussi en nombre limité. C'est, on le voit, une approche d'une autre nature que celle des mythes, dans son dessein et dans ses modes de réalisation.

7 Naturellement les théories de Claude Lévi-Strauss n'ont pas été approuvées sansréserve. Dans certains cas - je pense à l'atome de parenté ou à la formule canonique des

mythes -, il put y avoir des débats fort abscons. Sur la question de l'alliance matrimoniale, il y a toujours débat entre ceux qui récusent la notion d'échange et les autres, ou entre ceux qui postulent l'existence de stratégies collectives obéissant à la norme et ceux qui ne voient que le simple effet cumulatif de choix individuels. Dans la Conférence Marc Bloch qu'il prononça en 1984, Claude Lévi-Strauss exposait le débat en ces termes : " Ce que nous prenons pour une structure sociale d'un type particulier ne se réduit-il pas à une moyenne statistique résultant de choix faits en toute liberté ou échappant au moins à toute détermination externe ? [...] Cette critique, qui traîne un peu partout, s'inspire d'un spontanéisme et d'un subjectivisme à la mode. Faudrait-il donc renoncer à découvrir dans la vie des sociétés humaines quelques principes organisateurs, n'y plus voir qu'un immense chaos d'actes créateurs surgissant tous à

l'échelon individuel et assurant la fécondité d'un désordre permanent ? » Nous

connaissons sa réponse à la question.

8 Ces critiques, que j'ai privilégiées ici, s'en prennent au coeur même du système de

pensée lévi-straussien : il existe un ordre sous-jacent au désordre empirique et le social, construit par l'homme, n'est pas différent sur ce plan des champs des sciences physiques, de la nature et du vivant. Ces critiques toujours actuelles sont exactement de même nature que toutes celles qui, au cours des décennies précédentes, ont opposé la pensée de Sartre à celle de Lévi-Strauss, ou opposé l'attitude historienne qui privilégie le changement à une attitude anthropologique qui privilégierait l'immuabilité de la structure, ou encore les tenants de la diversité à ceux de l'universalisme. C'est un jeu de gigogne sur des attendus et des niveaux différents mais où s'incarnent toujours d'un côté l'individu (ou l'événement), de l'autre la norme collective (ou la structure). Les débats, qui ont fait rage parfois, ont culminé, me semble-t-il, dans l'incompréhension de bien des lecteurs de ce qui leur a paru être une contradiction ou un virement de bord de la pensée de Lévi-Strauss lorsqu'il publia à l'Unesco, Race et Culture après avoir publié Race et Histoire : on l'accusait en gros de

L'Homme, 193 | 201015

passer de l'universalisme au relativisme. Il n'en était rien, mais dans cette dichotomie forcée on oubliait que le postulat majeur (dialectique ?) de Lévi-Strauss est celui-ci, du moins tel que je le conçois : il ne peut y avoir de recherche d'un universalisme sous différentes formes (lois, invariants, c'est-à-dire questions qui se posent à l'humanité)

que s'il existe une diversité et une hétérogénéité - soit une différentiation culturelle

reconnaissable, évidemment respectable, mais aussi transformable et mobile - entre sociétés. L'anthropologie structurale se doit de tenir comme nécessaires les deux bouts de la chaîne. Il n'est pas possible, dans le cadre de cet article, de faire le tour des apports de Claude Lévi-Strauss et des questionnements parfois acerbes qu'il a suscités. Je voudrais néanmoins insister sur le fait que la plupart sont d'une très grande importance, tant intellectuelle que politique, à l'heure actuelle. Il est d'autres questions, plus clairement anthropologiques, qui restent à mes yeux en suspens : pourquoi n'a-t-il pas voulu étendre la capacité explicative de la méthode structurale d'analyse des mythes à d'autres régions du monde que le continent américain ? Ou comment se fait-il que, dans son modèle théorique de la construction du social à partir de la prohibition de l'inceste

- seule loi universelle à ses yeux -, il n'ait pas vu qu'il fallait qu'existât et fonctionnât

simultanément une " valence différentielle des sexes » (que j'ai mise en évidence par la suite), dont l'existence est absolument nécessaire pour que les hommes aient eu le droit de disposer de leurs filles et de leurs soeurs pour les échanger contre celles d'autres hommes - loi également universelle mais qui fut considérée longtemps comme étant un fait de nature alors qu'elle relève de l'interprétation cognitive de quelques faits " butoirs pour la pensée », et qui peut changer puisqu'elle fut agencée par l'esprit des humains. L'oeuvre de Claude Lévi-Strauss nous surplombe. Elle est, pour tous les intellectuels, d'une richesse et d'une force telles que, nonobstant les critiques fondées sur des lectures parfois trop rapides ou sur des incompréhensions fondamentales qui ne peuvent disparaître qu'après illumination, nous ne pouvons, nous anthropologues, que l'avoir à l'horizon de nos propres démarches, obligés que nous sommes, à un moment ou à un autre, de nous confronter à elle. Mais l'homme aussi demeure, avec ses troublantes ambiguïtés face au monde dans lequel il vivait. Celui que je préférerai toujours, ce n'est pas l'homme courtois au regard perspicace dont l'abord impressionnait toujours, c'est celui qui, devant un petit groupe de Nambikwara nus, entassés et endormis sous un pauvre abri de feuilles contre des pluies torrentielles, ressent un sentiment profond de compassion à l'égard de cette " humanité si totalement démunie » où se retrouve cependant " quelque chose comme l'expression la plus émouvante et la plus véridique de la tendresse humaine » (Tristes

Tropiques).

Où l'on voit que la froideur et l'insensibilité mythiques de Claude Lévi-Strauss sont vraiment des légendes, et son amertume à mettre au compte de son déchirement entre l'image solitaire de la tendresse dans le dénuement et celle, globale, de la corruption organisée.

L'Homme, 193 | 201016

NOTES1. Cf. Catherine Clément, " Leçon de structuralisme appliqué », Le Magazine littéraire,

1993, 311 : 22-26.

2. Cf. Jeune Afrique, 15 juin 1983, 1171 : 51-53.

3. Cf. "Marcel Detienne, par-delà l'hellénisme : expérimenter et comparer » (entretien

avec Charles Illouz & Alexandre Tourraix), Genèses, 2008, 73 : 97-114.

AUTEUR

FRANÇOISE HÉRITIER

Collège de FranceLaboratoire d'anthropologie sociale, Parisfrancoise.heritier@college-de- france.fr

L'Homme, 193 | 201017

La vision du monde de Claude Lévi-StraussEmmanuel Terray

1 À CÔTÉ DE SES OEUVRES proprement scientifiques consacrées à la parenté et aux mythes,

Claude Lévi-Strauss nous propose non pas une philosophie - il a plusieurs fois vigoureusement récusé le terme - mais une vision du monde accompagnée d'une vision de l'histoire du monde. Celles-ci procèdent de ses recherches, mais elles ne s'en déduisent pas, du moins pas entièrement ; elles contiennent des éléments originaux qui appellent de notre part une attention particulière.

2 La vision du monde de Lévi-Strauss découle, à mon avis, de deux propositions qui ont

en quelque sorte valeur d'axiomes. Première proposition : l'être humain est partie intégrante de la nature, et il ne saurait en être dissocié que de façon artificielle et illusoire. Deuxième proposition : la diversité des cultures est à l'origine de toute création et de tout progrès ; bien plus, dira Lévi-Strauss dans Myth and Meaning, " je ne vois pas comment le genre humain pourrait réellement vivre sans quelque diversité interne » (1978 : 16). Examinons ces deux propositions tour à tour.

3 L'être humain est partie intégrante de la nature. Tout d'abord, il est un être vivant, il a

un corps, un organisme, et comme tel il est soumis aux lois de la biologie. La nature le nourrit ; elle peut aussi le rendre malade ; elle gouverne le cours de sa vie, de la naissance et de l'enfance à la vieillesse et à la mort. Mais Lévi-Strauss va beaucoup plus loin que ce constat banal. À ses yeux, l'esprit lui-même et la pensée, au moyen desquels on creuse d'ordinaire un abîme entre l'être humain et la nature, sont en fait partie intégrante de celle-ci : " L'esprit aussi est une chose », lisons-nous dans La Pensée

sauvage (1962 : 328, note). Dans Tristes Tropiques, Lévi-Strauss écrivait déjà : "Ma pensée

est elle-même un objet. Étant "de ce monde", elle participe de la même nature que lui » (1955 : 47). Il reprendra le même propos dans L'Homme nu : " La pensée et le monde qui

l'englobe et qu'elle englobe sont deux manifestations corrélatives d'une même réalité »

(1971 : 605).

4 C'est précisément parce que l'être humain et son esprit font partie de la nature qu'ils

peuvent la penser et la connaître : " L'esprit ne peut comprendre le monde que parce

L'Homme, 193 | 201018

qu'il est un produit et une partie de ce monde », est-il affirmé dans Le Regard éloigné

(1983 : 163). La portée de ces formules est considérable : si on les prend au sérieux, c'est

l'antique et célèbre " problème de la connaissance » qui se dissout tout entier et d'unquotesdbs_dbs29.pdfusesText_35
[PDF] j'aime j'aime pas liste

[PDF] j aime je n aime pas perec

[PDF] j'aime j'aime pas texte

[PDF] autoportrait par l'objet

[PDF] le roman épistolaire definition

[PDF] roman épistolaire caractéristiques

[PDF] roman épistolaire seconde guerre mondiale

[PDF] roman épistolaire exemple

[PDF] roman épistolaire moderne

[PDF] roman épistolaire polyphonique

[PDF] roman épistolaire 4ème

[PDF] les droits de l'enseignant en algérie

[PDF] droits et devoirs de lenseignant du primaire

[PDF] droits et devoirs de lenseignant du primaire en algerie

[PDF] devoirs des enseignants envers les élèves