Se raconter se représenter
IMAGE 1 : Gustave Courbet Le désespéré
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8. Montaigne pense-t-il être différent des autres hommes ? L'IMAGE. En quoi cet autoportrait de Gustave Courbet peut-il faire écho au texte de Montaigne ?
Gustave Courbet
S'il veut faire carrière à Paris il ne peut pourtant se défaire de son Courbet hisse dans cette œuvre un intime « contextualisé » à une histoire ...
Terre des lettres
Textes et images 2 Quel personnage cet autoportrait évoque-t-il ? ... L'entêtement du comte de Chateaubriand à faire coucher un enfant seul.
LA MISE EN SCÈNE DE LIMAGE William KENTRIDGE
Mais le goût du dessin et de l'art le pousse à entrer aux. Beaux-Arts de Johannesburg. Il étudie le mime dans une école à Paris mais aussi le théâtre devenant :
AUTOPORTRAIT
est cette altérité face aux autoportraits. Rien n'est figé d'autant que l'artiste a sans doute représenté plus de lui qu'il n'en savait jusqu'à faire écho
CYLE TERMINAL - Spécialité - PROGRAMME LIMITATIF - Le cycle
Claude Monet aurait peint cette toile en quelques heures de la chambre tableau de Gustave Courbet
Gustave Courbet
S' il veut faire carrière à Paris il ne peut pourtant se défaire de son Courbet hisse dans cette œuvre un intime « contextualisé » à une histoire ...
Confrontations artistiques et féministes aux hiérarchies du genre
19 oct. 2018 En quoi les œuvres d'individues classées comme femmes ... Il faudra
2019
1 avr. 2019 le peintre Gustave Courbet. Cet autoportrait reflète le parti pris réaliste12 de la peinture de Courbet entre-autre par le choix du sujet ...
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cet autoportrait de courbet peut faire écho au texte de Montaigne en ce qu'il exprime une inquiétude devant la tâche à accomplir : se représenter se peindre
Chercher à se connaitre - Lelivrescolairefr
En quoi cet autoportrait de Gustave Courbet peut-il faire écho au texte de Montaigne ?
Les « incipit » de Courbet et lautoportrait - OpenEdition Books
Cette posture d'auteur est transposée à la peinture par Gustave Courbet (1819-1877) par ses multiples autoportraits et par les textes qu'il écrit sur
Gustave Courbet Le Désespéré (1843-45) analyse doeuvre
21 jui 2016 · Le Désespéré est un des autoportraits les plus célèbres de l'artiste français Gustave Courbet peint vers 1845 alors qu'il avait 25 ans
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8 Montaigne pense-t-il être différent des autres hommes ? L'IMAGE En quoi cet autoportrait de Gustave Courbet peut-il faire écho au texte de Montaigne ?
Autoportrait - Cairn
est cette altérité face aux autoportraits Rien n'est figé d'autant que l'artiste a sans doute représenté plus de lui qu'il n'en savait jusqu'à faire écho
Gustave Courbet - Wikipédia
Cela ne me contrarie pas le moins du monde au point de vue de leur jugement mais pour se faire connaître il faut exposer et malheureusement il n'y a que cette
[PDF] Modalités de lautoportrait photographique contemporain
ses vertus et cacher- autant que faire se peut- ses défauts Le portrait d'un personnage célèbre doit donc répondre à cette double exigence : il faut
[PDF] Terre des lettres - Nathan enseignants
raconte ? Justifiez votre réponse en citant le texte b À quel genre littéraire cet extrait se rattache-t-il ?
Courbet PDF Peintures - Scribd
A) L 'engagement dans la peinture : de l'art et de l'artiste S'il est un peintre qui a suscité des polémiques au XIX ème siècle c'est bien Gustave Courbet!
Quel est l'intérêt de se raconter ?
Se raconter aide à prendre de la distance et à donner un sens à son existence. "L'intérêt de l'écriture est qu'on peut se relire, redécouvrir ce qu'on a écrit et s'étonner", fait remarquer Annemarie Trekker.Qu'est-ce qui pousse les artistes à se représenter quel rapprochement Pouvez-vous faire avec l'autobiographie ?
Il se signale comme témoin de la scène mais, en se représentant lui-même, il revendique être l'auteur de l'œuvre, ce qui est encore rare pour l'époque. Ce geste n'est pas dénué d'une certaine ironie. En effet, l'artiste apparaît en effet minuscule au regard de ses commanditaires.Quel est le but de Montaigne dans les Essais ?
Les clés de l'art de vivre décrit par Montaigne dans les Essais est de cultiver à la fois l'ouverture au monde et l'attention à soi. Montaigne fait en particulier l'éloge du plaisir de la conversation, du voyage, mais aussi de la lecture.- Montaigne déclare qu'il veut donc limiter ses lecteurs à ses proches ("mes parents et amis"). Il donne une première justification à cette autobiographie : il veut lutter contre la mort. L'antithèse entre "perdu" et "retrouver" met en valeur sa justification. En quelque sorte l'écriture permettrait de survivre.
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École Doctorale Montaigne Humanités (ED 480) THÈSE DE DOCTORAT EN ARTS (histoire, théorie, pratique)Confrontations
artistiques et féministes aux hiérarchies du genre Présentée et soutenue publiquement le 18 juin 2018 parMagalie LATRY
Sous la direction de Pierre Sauvanet
Membres du jury
Christine BARD, Professeure d'histoire, Université d'Angers. Sabine FORERO-MENDOZA, Professeure d'esthétique et histoire de l'art contemporain,Université de Pau et des Pays de l'Adour.
Katalin KOVÁCS, Maîtresse de conférence HDR en Littérature et civilisation française,Université de Szeged (Hongrie).
Hélène MARQUIÉ, Maîtresse de conférence HDR en études de genre, Université Paris 8.
Pierre SAUVANET, Professeur d'esthétique et philosophie de l'art, Université BordeauxMontaigne.
Faire comme si un discours innocent pouvait être tenu contre l'idéologie revient à continuer de croire que le langage peut n'être que l'instrument neutre d'un contenu triomphant. En fait, il n'y a aujourd'hui aucun lieu de langage extérieur à l'idéologie bourgeoise : notre langage vient d'elle, y retourne, y reste enfermé. La seule riposte possible n'est ni l'affrontement ni la destruction, mais seulement le vol : fragmenter le texte ancien de la culture, de la science, de la littérature, et en disséminer les traits selon des formules méconnaissables, de la même façon qu'on maquille une marchandise volée.Roland Barthes, Sade Fourier Loyola,
Éditions du Seuil, 1971, p. 15.
L'écriture cyborg a trait au pouvoir de survivre, non pas sur la base de l'innocence originelle, mais en s'emparant des outils avec lesquels marquer le monde qui vous appose les marques de l'autre.Donna Haraway, " Manifeste Cyborg », in
Des singes, des cyborgs et des femmes. La réinvention de la nature, Éditions JacquelineChambon, 2009, p. 310.
- 2 -Merci,
Aux soutiens sans faille - familiaux, amoureux, amicaux - vous vous reconnaissez. Merci pour votre patience, et
l'humour distancié nécessaire au fait de côtoyer de près où de loin une doctorante.À Peyo. Tu rends tout plus facile.
À mes élèves. Si la ''transposition didactique'' permet de clarifier des idées pour vous, vos fulgurances, votre
créativité et vos enthousiasmes nourrissent la flamme en retour.À Valérie Molinié, du musée des Augustins de Toulouse, Danièle James-Raoul, Agnès Lhermitte et Charlotte
Maria, merci d'avoir accepté de partager vos documents et vos travaux. À mon relecteur et mes relectrices : Agnès, Anne-Marie, Guillaume, Fanny, Laetizia, Leslie. À Pierre Sauvanet. Sans vous, encore une fois, rien n'aurait pu se faire.Aux membres du jury du 18 juin 2018, Christine Bard, Hélène Marquié, Katalin Kovács, Sabine Forero-
Mendoza. Quel plaisir et quel honneur.
À l'ensemble de l'équipe CLARE (EA 4593) pour l'ambiance particulièrement propice à des premiers pas de
chercheur.e.s.À mes camarades.
Je dédie ce travail à Sylviane (Guilhorre), et à la mémoire de Colette (Courtiade) et de Gilberte (Larrieu).
À défaut de nom, vous m'aurez transmis le reste. - 3 -Table des matières
I. Cadres - Histoire..................................................................................................17
I.A. Prémices. L'âge classique....................................................................................................17
I.A.1. Classer.......................................................................................................................................................................17
I.A.2. Un XVIIe siècle féministe ?...................................................................................................................................22
I.A.3. Femme et artiste......................................................................................................................................................27
I.A.4. Du genre en art, du genre de l'art.........................................................................................................................32
I.B. Première vague féministe. Premières avant-gardes artistiques. Les révolutions.................36
I.B.1. Le progrès.................................................................................................................................................................36
I.B.2. 1800...........................................................................................................................................................................43
I.B.2.a. Permanences....................................................................................................................................................43
I.B.2.b. Noire de peau..................................................................................................................................................46
I.B.2.c. Femmes en révolution....................................................................................................................................50
I.B.2.d. Écoles et Académie .......................................................................................................................................54
I.B.3. 1893...........................................................................................................................................................................61
I.B.3.a. Première vague................................................................................................................................................61
I.B.3.b. L'art mâle d'une demoiselle...........................................................................................................................65
I.B.3.c. Ce qu'il nous reste de Clotho........................................................................................................................66
I.B.3.d. " le seul génie féminin dans l'art où elle créa »............................................................................................70
I.B.4. 1928...........................................................................................................................................................................77
I.B.4.a. Politiques sélectives.........................................................................................................................................77
I.B.4.b. Y-a-t-il oeuvre ?................................................................................................................................................81
I.B.4.c. Images dialectiques.........................................................................................................................................84
I.B.4.d. Perspectives lesbiennes et féministes...........................................................................................................91
I.C. Deuxième vague féministe. Radicalisation des avant-gardes artistiques. ..........................96
I.C.1. Déferlante.................................................................................................................................................................96
I.C.2. 1961.........................................................................................................................................................................104
I.C.2.a. Impureté.........................................................................................................................................................104
I.C.2.b. Logique des avant-gardes............................................................................................................................108
I.C.2.c. Violence et féminisme..................................................................................................................................111
I.C.2.d. Une vie vouée à l'art.....................................................................................................................................117
I.C.3. 1973.........................................................................................................................................................................121
I.C.3.a. De l'action comme oeuvre d'art plastique..................................................................................................121
I.C.3.b. Engagement...................................................................................................................................................125
I.C.3.c. Le blanc et le rouge.......................................................................................................................................129
I.C.3.d. La formation, la transmission, la reconnaissance.....................................................................................133
- 4 -I.D. Troisième(s) vague(s). L'ère des " post- ».........................................................................137
I.D.1. " Postmodernisme », queer et féminisme intersectionnel...............................................................................137
I.D.2. 1997........................................................................................................................................................................144
I.D.2.a. Sophie/Maria................................................................................................................................................144
I.D.2.b. Calle/Auster..................................................................................................................................................146
I.D.2.c. Constellations des luttes..............................................................................................................................150
I.D.2.d. Dissolution des frontières...........................................................................................................................152
I.D.3. Cinq expositions...................................................................................................................................................157
I.D.3.a. 1995 : fémininmasculin................................................................................................................................157
I.D.3.b. 1997 : Vraiment. Féminisme et art............................................................................................................159
I.D.3.c. 2005 : Hors d'oeuvre.....................................................................................................................................162
I.D.3.d. 2009 : elles@centrepompidou....................................................................................................................164
I.D.3.e. 2013 : Les Papesses......................................................................................................................................167
II. Transversales - Stigmates.................................................................................172
II.A. Toutes des.........................................................................................................................172
II.A.1.... folles..................................................................................................................................................................172
II.A.2.... cuisinières.........................................................................................................................................................186
II.A.3.... coquettes..........................................................................................................................................................200
II.A.4.... médiocres.........................................................................................................................................................210
II.A.5.... sorcières............................................................................................................................................................223
II.B. Toutes en leur sexe...........................................................................................................237
II.B.1. Être un sexe (et rien qu'un sexe).......................................................................................................................237
II.B.2. Être gouvernée par son sexe..............................................................................................................................246
II.B.3. Se retrouver entre personnes du même sexe...................................................................................................250
II.B.4. Figurer son sexe...................................................................................................................................................254
II.C. Hiérarchies.......................................................................................................................259
II.C.1. Étymologie d'une classification.........................................................................................................................260
II.C.2. Regards constructivistes......................................................................................................................................266
II.C.3. Vanité des limites.................................................................................................................................................275
III. Contournements - Possibles...........................................................................284
III.A. Textes..............................................................................................................................284
III.A.1. Le texte accompagne l'oeuvre...........................................................................................................................286
III.A.1.a. Titres............................................................................................................................................................286
III.A.1.b. Traces..........................................................................................................................................................292
III.A.1.c. Livres...........................................................................................................................................................295
III.A.2. Le texte explique l'oeuvre..................................................................................................................................298
III.A.3. Le texte est l'oeuvre............................................................................................................................................300
III.B. Corps...............................................................................................................................303
III.B.1. Corps représentés...............................................................................................................................................303
III.B.2. Corps des images................................................................................................................................................309
- 5 -III.B.2.a. Approche sémiotique................................................................................................................................309
-Louise Moillon.....................................................................................................................................................310
-Marie-Guillemine Benoist..................................................................................................................................313
-Camille Claudel....................................................................................................................................................316
-Claude Cahun.......................................................................................................................................................318
-Niki de Saint Phalle.............................................................................................................................................321
-Gina Pane..............................................................................................................................................................323
-Sophie Calle..........................................................................................................................................................325
III.B.2.b. Incarnat.......................................................................................................................................................328
III.B.3. Corps des artistes...............................................................................................................................................335
III.C. Plasticités........................................................................................................................346
Index des noms cités.............................................................................................400
- 6 -Avertissements
Les termes de ce travail sont " féminisés ».La littérature féministe, qu'elle soit scientifique ou militante, s'est penchée tôt sur un problème de
la langue française, qui prend le masculin pour un neutre. Cette convention n'est pas exempte d'un fond
idéologique misogyne. Afin de pallier l' " invibilisation » des femmes que cette convention suppose, voire
érige en principe, il est devenu d'usage de " féminiser » les textes. Il faut noter que les marques
grammaticales du genre féminin n'y remplacent pourtant pas celles du masculin - comme Monique Wittig
aura pu le faire dans certains romans - mais les complètent ; les textes ne sont pas à proprement parler
féminisés, mais rendus mixtes. Plusieurs conventions typographiques ont cours, l'usage, comme pour tous
les faits linguistiques, fera le tri dans les années qui viennent. Mais pour l'heure, il a fallu faire un choix. Ce
choix a été guidé par un souci de fluidité de lecture (à ne pas entraver par des slash, tirets ou majuscules
qui " marquent » trop le texte, car ils y font généralement exception), par le goût (certaines solutions
paraissant subjectivement plus élégantes que d'autres), par une envie de ne pas alourdir par des répétitions
(" présents et présentes »), et enfin par une nécessité de ne pas mettre cette question entre parenthèses
(" les écrivain(e)s »).Les deux solutions adoptées sont le point suivi de la marque féminine (dont l'expérience m'a
convaincue qu'il est aisé de l'adopter lorsqu'on le lit), et l'énumération. Quand cela est possible, la marque
du féminin suit un point, éventuellement suivi de la marque du pluriel : les écrivain.e.s, quelqu'un.e.
Certains masculins, et notamment ceux en -teur, sont problématiques. Des protagonistes important.e.s du
rapport esthétique sont concerné.e.s. La solution du point semble ici moins fluide (les " spectateur.trice.s »,
les " sculpteur.trice.s »). L'énumération a alors été privilégiée : " les spectateurs et spectatrices ». L'usage
n'étant pas fixé, j'ai décidé d'utiliser la solution du point pour les " auteur.e.s » lorsqu'il y a mixité, mais
" autrices » lorsque le terme ne concerne que les femmes. D'autres principes de ce qu'on appelle désormais
" écriture inclusive » ne marquent pas le texte et ne nécessitent donc pas de développer plus avant1.
Précision quant à deux prénoms d'auteurs
Deux auteurs de la bibliographie ont changé de prénom. Afin de répondre aux exigencesuniversitaires et à une des fonctions d'une bibliographie - qui doit permettre aux lecteurs et lectrices de
retrouver les ouvrages utilisés - c'est le prénom présent sur la couverture au moment de l'édition du livre
qui est cité en note et en bibliographie. Mais comme il n'est en revanche pas question pour moi de nier ou
d'occulter leurs prénoms et leur genre, je souhaite écrire dès cet avertissement que j'identifierai Sam
Bourcier et Paul B. Preciado au masculin et que j'utiliserai leurs prénoms actuels dans le corps du texte.
1On se reportera aux recommandations du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, dans la brochureGuide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe.
- 7 -INTRODUCTION
Dans les années 1620, une jeune fille, Louise Moillon, produit ses premiers tableaux, des natures mortes. En 1997, Sophie Calle suit un " régime chromatique » retrouvant, sur bien despoints, ce qui se nouait et se jouait trois siècles et demi plus tôt. Entre temps, la hiérarchie des
genres artistiques a été mise à mal, sa formulation claire sitôt faite qu'elle fut battue en brèche, de
sorte que manger et photographier ce que l'on mange est aujourd'hui de l'art autant, sinon plus,que de peindre des aliments à l'huile sur bois. De la classification des genres d'André Félibien, qui
plaçait la nature morte en bas de l'échelle en 1667, aux pratiques transdisciplinaires actuelles, un
processus est à l'oeuvre qui abolit la classification des genres en peinture, jusqu'à mêler par la suite
les arts entre eux, par exemple les " arts de l'espace » et les " arts du temps », pour reprendre une
autre classification.Il se trouve qu'en même temps que l'idée d'une hiérarchie des arts, puis celle de frontières
entre les arts, déclinaient en Europe, avançait l'idée relativement neuve que les femmes sont des
êtres à part entière, qui en s'émancipant pouvaient viser à une égalité entre elles et les hommes -
nous parlerons ici d'égalité entre individu.e.s plutôt qu'entre les sexes, l' " égalité des sexes » étant,
si on s'y penche un peu, au moins incongrue dans la forme. Cette égalité entre femmes et hommes concerne bien évidemment les artistes : il seraintéressant d'observer que Moillon était une exception au XVIIe siècle. Si les artistes femmes sont
d'une manière certaine encore extra-ordinaires aujourd'hui, car l'ordinaire est encore le masculin
réputé neutre, elles sont toutefois plus nombreuses, et émancipées - au moins en principe - d'un
lien obligatoire au père artiste ou au mari artiste, ce qui n'était pas le cas des pionnières. Au
panthéon de l'histoire de l'art féministe, les artistes sous tutelle, reconnues du bout des lèvres et
uniquement car " filles de » ou " femmes de » sont légion, ce qui est socialement logique jusqu'à la
deuxième vague du féminisme, dans la seconde moitié du XXe siècle. En effet, l'autodétermination, qui peut comprendre le choix d'un métier, l'autorisation de travailler sans la permission d'un tuteur masculin1 ou celle de disposer de l'argent gagné en son nom propre a concerné toutes les femmes, les artistes ne font pas exception : c'est un des conquis2 des féministes que de voir des femmes reconnues en tant qu'artistes ; c'est une de leursbatailles futures qu'elles le soient pleinement - que ce soit sous la forme d'une lutte spécifique,
comme celle menée sur le terrain de l'art par les Guerilla Girls, ou un conquis indirect d'avancées
plus générales.1Père ou mari, en vertu du Code civil jusqu'à la réforme des régimes matrimoniaux de 1965.2Nous préférons parler de conquis sociaux plutôt que d'acquis, suivant une recommandation attribuée au ministrecommuniste du travail et de la sécurité sociale Ambroise Croizat : " Ne parlez pas d'acquis sociaux, mais de conquissociaux, parce que le patronat ne désarme jamais. » De même que le patriarcat : les " acquis » semblent pérennes etofferts à un public passif, les " conquis » sont fragiles et ont été arrachés par la lutte de peuples actifs.
- 8 - Les termes d'avancées, d'évolution et d'avants-gardes, dont il sera largement question, nedoivent pas laisser croire que nous nous livrerons ici à une lecture positiviste de l'histoire - qu'elle
soit artistique, politique ou événementielle. Nous ne connaissons que trop les limites d'une telle
grille de pensée. C'est avec Walter Benjamin, notamment, que nous userons des notions deprogrès et d'histoire : son travail conceptuel permet de constater des progrès historiques sans
adhérer à la croyance d'un Progrès de l'Histoire. Car, avec le recul que nous nous offrons, de quelque quatre siècles, il semble clair que des progrès se constatent concernant l'émancipation des femmes par elles-mêmes, puisque cette émancipation est neuve dans sa valence collective. Il semble également clair que les arts,indéniablement, ont évolué ; il ne sera pas question ici d'un jugement de valeur ou des antiennes
sur la fin de l'art ou le règne du n'importe quoi, de dire que l'art contemporain est bel et bon dans
son ensemble ou au contraire qu'il n'est plus de l'art : l'élargissement du spectre, et les occasions
multipliées d'y trouver son compte en tant que spectateur ou spectatrice nous semblent un constat suffisant et un postulat acceptable. La méthode pour interroger cette évolution conjointe de l'histoire des arts et de l'histoiredes féminismes au point que ces histoires soient susceptibles d'être pensées comme mutuellement
réciproques sera une investigation avec et à travers les oeuvres. Il ne sera pas question ici d'un
catalogue avec un souci d'exhaustivité, qui semble devoir être toujours déçu, ni, encore moins,
d'une recherche d'illustration par l'art d'une thèse préexistante. Ayant constaté des coïncidences
chronologiques et sémantiques dans l'histoire du genre artistique et celle du genre en tant quesexe social, c'est l'étude des oeuvres qui permettra de vérifier l'hypothèse que ces coïncidences ne
sont pas fortuites, et qu'elles peuvent s'expliquer par une co-incidence, au sens fort, à savoir :
nourris les uns par les autres, les féminismes et les arts contemporains tendent à la mise en crise
des hiérarchies impliquées par la classification en genres. La méthode pour travailler cette hypothèse est directement issue de son objet : le corpusthéorique, les outils conceptuels seront pour une très grande part féministes, que le féminisme en
question soit militant ou universitaire, le corpus étudié est un ensemble de sept oeuvres d'art
produites par des artistes assignées femmes. La réciproque sera également effective : les oeuvres
d'art aideront à penser et pourraient tout aussi bien être considérées comme appartenant au
corpus théorique qui aiderait à penser l'objet d'étude que serait le féminisme. En quoi les oeuvres d'individues classées comme femmes, et la lecture historique ettransversale de ces oeuvres permettent-elles de mettre en crise les assignations et les catégories,
qu'elles soient artistiques ou sociales ? Cette question s'étendra à celle, théorique, des différents
mouvements féministes. On l'aura sans doute compris, il ne s'agira pas pour nous d'évoquer unehypothétique " nature féminine », le féminisme dit essentialiste ne sera pas convoqué comme
outil d'analyse. Cependant, le champ des possibles féminismes est encore large une fois - 9 -l'essentialisme évacué : le constructivisme, le concept de genre, le féminisme matérialiste, le queer,
le post-colonialisme, l'intersectionnalité, l'affirmation trans, le séparatisme lesbien seront autant
de focales pour penser avec les oeuvres. L'anachronisme sera revendiqué : on ne craindra pas de lire des oeuvres patrimoniales avec des outils conceptuels qui ne leur sont pas contemporains. Outre les co-incidenceshistoriques entre avancées féministes et évolutions artistiques, c'est ici et maintenant, dans une
esthétique de la réception, que nous affirmerons la possibilité de penser le monde avec les oeuvres. Les catégories, classements, hiérarchies, domaines, frontières artistiques sont devenues poreuses ; peut-on penser, dans un mouvement similaire, que la frontière entre les sexes pourraitêtre abolie ? Il faudra, pour ce faire, prendre de front le paradoxe féministe qui suppose que les
femmes s'organisent entre elles afin de faire disparaître la catégorie de femme ou que des trans,
en passant d'un " sexe » ou d'un " genre » à l'autre1, mettent en crise les catégories plutôt que de
les confirmer. Le paradoxe n'est qu'apparent et c'est, aussi, ce que nous ouvriront les oeuvresétudiées.
L'approche esthétique, dont l'origine et l'étymologie devrait nous rappeler qu'il y est toujours question du sensible, est celle d'une spectatrice. C'est le coeur de la méthode de cetravail : l'expérience de la confrontation à l'oeuvre d'art. Le reste est contexte, ce qui informe le
regard au sens plein, c'est-à-dire, en définitive, ce qui le forme, ce qui lui permet d'apprécier, au
sens fort, les oeuvres. La contextualisation et les questionnements qui en naissent enrichissent le rapport à l'oeuvre, mais c'est lui, et lui seul, qui est notre moteur. Ce travail n'est pas un jeu intellectuel, ou une recherche d'érudition, la question qui nous occupe ici me préoccupe en tant que spectatrice et en tant qu'individue. Cette affirmation del'intimité nécessaire avec les oeuvres pour pouvoir penser avec elles expliquerait assez bien leur
choix. Au-delà de toutes justifications conceptuelles, historiques, logiques - et elles sont nombreuses, on le verra - ce sont elles qui ont impulsé la recherche, avant tout parce qu'ellesm'ont surprise, amusée, émue, parce qu'elles m'ont plongée dans des abîmes de réflexion, parce
que je voulais en savoir plus sur elles et sur celles qui les avaient créées, parce que, simplement, je
les aime. Les oeuvres des deux artistes déjà citées, Moillon et Calle seront les bornes du corpus étudié : des oeuvres d'arts plastiques produites par des artistes classées comme femmes, enFrance, reconnues socialement par les institutions artistiques (présentes dans des centres d'art ou
des musées, reproduites dans les histoires de l'art éditées, enseignées en classe), créées lors d'une
1Ce qui n'est pas le cas de toutes les personnes trans.
- 10 -période courant du XVIIe siècle à nos jours. Le regard que nous leur porterons peut être qualifié
de féministe matérialiste, tel que le définit Christine Delphy : À mon sens, le matérialisme n'est pas un outil possible parmi d'autres, pour les groupesopprimés : c'est l'outil même, précisément dans la mesure où c'est la seule théorie de l'histoire
pour laquelle l'oppression est la réalité fondamentale, le point de départ1.Cette conviction partagée sera le " point de départ » de notre travail. Si nous avons choisi
le XVIIe siècle comme borne ouvrant la période étudiée ici, c'est parce que ce siècle est à la fois
un aboutissement des théories des genres artistiques, siècle des énonciations aussi claires que
celles de Félibien, mais aussi le début d'une brèche ouverte dans ces théories. Remonter au XVIIe
siècle permet de penser, avec Linda Nochlin2, un soubassement matérialiste à la sous-
représentation des femmes dans le rang des artistes, avant que celles-ci finissent par émerger. Ce
n'est pas seulement lorsque le mouvement de mise en crise du genre - artistique, sexué - est enclenché qu'il faut nous placer, nous tenterions alors de comprendre les aboutissants sansmaîtriser les tenants. Tenants théoriques qu'il faudrait suivre - et nous le ferons - jusqu'à
l'Antiquité voire la Préhistoire, mais en pratique, c'est en commençant avec l'oeuvre classique de
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