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Les recours à létat dexception sous le régime franquiste (1956-1975)

Cultures & Conflits

113 | printemps 2019

L'état

d'urgence en permanence (2) Les recours à l'état d'exception sous le régime franquiste (1956-1975) States of emergency during the Francoist regime (1956-75)

Emmanuel-Pierre

Guittet

Édition

électronique

URL : https://journals.openedition.org/conflits/20829

DOI : 10.4000/conflits.20829

ISSN : 1777-5345

Éditeur

CECLS - Centre d'études sur les conflits - Liberté et sécurité, L'Harmattan

Édition

imprimée

Date de publication : 19 août 2019

Pagination : 89-98

ISBN : 978-2-343-18320-6

ISSN : 1157-996X

Référence

électronique

Emmanuel-Pierre Guittet, "

Les recours à l'état d'exception sous le régime franquiste (1956-1975)

Cultures & Conflits

[En ligne], 113 printemps 2019, mis en ligne le 01 janvier 2022, consulté le 06 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/conflits/20829 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ conflits.20829

Creative Commons License

Les recours à l"état d"exception sous le régime franquiste (1956-1975)

Emmanuel-Pierre GUITTETEmmanuel-Pierre Guittet est chercheur qualifié à l"Université Catholique de

Louvain, chercheur associé au Centre d"Études sur les Conflits, Liberté et Sécurité (CCLS, France), directeur de la collection New Approaches to Conflict Analysis aux Presses de l"Université de Manchester et co-directeur de la collection Routledge

Studies in International Political Sociology.

L a nécessité qu"il y aurait à agir en raison d"une situation exceptionnelle mettant en péril la survie collective de la nation n"est pas le propre des régimes démocratiques. Les régimes autoritaires n"échappent pas à ces logiques d"énonciation d"une menace à l"ordre qui serait telle qu"elle justifie- rait l"emploi de moyens dérogeant à l"ordinaire. La qualité du régime mis à part, il convient de constater que le recours à l"état d"exception ne va pas de soi et que tout régime s"aventure sur les terrains de l"exception avec plus ou moins de précaution et de retenue. Le cas de l"Espagne franquiste (1939-1975) est à ce titre intéressant. En effet, le recours à l"état d"exception a constitué une des modalités clefs de ce régime autoritaire durant la période post-seconde Guerre Mondiale et ce jusqu"à la fin du régime avec la mort du CaudilloFrancisco Franco en 1975. Entre février 1956 et décembre 1975, ce ne sont pas moins de onze états d"ex- ception et/ou de prolongations qui ont été décrétés sur l"ensemble du terri- toire ou sur une partie (les régions de la Biscaye, du Guipúzcoa au Pays Basque et la région des Asturies dans le Nord-Ouest de l"Espagne), pour des périodes allant de quelques mois à deux années sans interruption. Pourquoi le régime franquiste, qui possédait déjà tout un ensemble de dispositifs visant à la répression de ses ennemis, a-t-il fait un si grand usage de l"état d"exception ? Cet article expose brièvement les différents contextes de promulgation de ces états d"exception pour ensuite en expliciter les ressorts puis les effets.

Agir et réprimer

Le premier recours à l"état d"exception est la réponse du régime aux pre- mières manifestations estudiantines qui secouent l"université madrilène et qui cherchent à ébranler le pouvoir du syndicat vertical mis en place par le régime

1. Franco, qui pensait avoir mis le monde universitaire en ordre afin

d"en faire l"école des cadres du parti

2, est surpris par ces manifestations étu-

diantes à Madrid : craignant que cette opposition de la jeunesse intellectuelle puisse se répandre dans les autres universités espagnoles et à d"autres secteurs, il décrète en février 1956 le premier état d"exception du régime sur l"ensemble du territoire national et pour une période de trois mois3. Les manifestations sont brutalement réprimées, les universités de tout le pays sont fermées et les étudiants arrêtés sont aussitôt jugés devant des cours militaires. Le second recours à l"état d"exception est prononcé en mars 1958 pour faire face aux toutes premières grèves massives qui éclatent dans la région des

Asturies, dans le nord-ouest de l"Espagne

4. Ce ne sont pas les premières

grèves auxquelles le régime autoritaire doit faire face, mais il s"agit du premier mouvement social d"envergure

5. Le recours à l"état d"exception est limité à

une période de quatre mois et pour cette seule province où des mineurs ont, selon les termes du régime, " illégalement interrompu le travail », ce qui relève par conséquent de la sédition, selon l"article 222 du Code Pénal de 19446. Le troisième état d"exception est décrété en mai 1962, lorsque les ouvriers des Asturies, puis les métallurgistes des provinces basques, cessent le travail et réclament une revalorisation de leurs salaires 7.

Cultures & Conflits n°113 - printemps 201990

1 . Carrillo-Linares A. et M. Cardina, " Contra el Estado Novo y el Nuevo Estado. El movi-

miento estudiantil ibérico antifascista », Hispania,72(242), 2012, pp. 639-668 ; Cobelas J. Á.,

Envenenados de cuerpo y alma. La oposición universitaria al franquismo en Madrid (1939-

1970), Madrid, Siglo XXI, 2004 ; Lizcano P., La generación del 56. La Universidad contra

Franco, Barcelona, Grijalbo, 1981.

2 . Claret Miranda J., El atroz desmoche. La represión franquista en la universidad espaÒola,

1936-1945, Barcelona, Crítica, 2004.

3 . Decreto-Ley de 10 de Febrero de 1956 por el que, en uso de las atribuciones que confiere al

Gobierno el artículo 35 del Fuero de los EspaÒoles, se suspende por tiempo de tres meses la

vigencia de los artículos 14 y 18 del mismo.Décret-Loi publié au Journal Officiel le 12 février

1956 (Boletín Oficial del Estado, núm. 43, p. 987).

4 . Decreto-Ley de 14 de marzo de 1958 por el que, en uso de las atribuciones que confiere al

Gobierno el artículo 35 del Fuero de los EspaÒoles, se suspende por, tiempo de cuatro meses la vigencia de los artículos 14, 15 y 18 del mismo(B.O.E., núm. 64, p. 451).

5 . Sur les précédentes grèves et protestations ouvrières, voir Molinero C., Ysàs Solanes P.,

" Workers and Dictatorship: industrial growth, social control and labour protest under the Franco regime, 1939-76 », in Smith A. (ed.), Red Barcelona: Social Protest and Labour Mobilization in the Twentieth Century, London, Routledge, 2002, pp. 185-205 ; Richards M., " Falange, Autarky and Crisis: The Barcelona General Strike of 1951 », European History Quarterly, 29(4), 1999, pp. 543-585 ; Ferri L., Muixi J. et E. Sanjuan, Las huelgas contra

Franco (1939-1956), Barcelona, Planeta, 1978.

6 . Pérez Ferrer F., " La Literatura Sobre Derecho Penal Durante el Gobierno de Francisco

Franco: (1939-1975) », Revista de estudios histórico-jurídicos, 29, 2007, pp. 391-406.

7 . Decreto-Ley 13/1962, de 4 de mayo, por el que se declara el Estado de Excepción en algunas

zonas industriales(B.O.E., núm. 108, p. 5989).

Les recours à l"état d"exception sous le régime franquiste (1956-1975) - E.-P. GUITTET91La contestation ouvrière gagne rapidement les provinces du Léon et de

Jaén au sud du pays, mais aussi les villes de Barcelone en Catalogne et de Cordoue en Andalousie. Franco, convaincu qu"il s"agit de " campagnes menées depuis l"étranger pour nuire au crédit et au prestige de l"Espagne » (préambule du Décret-Loi 13/1962), étend l"état d"exception à l"ensemble du territoire national en juin 1962 pour une période de deux ans

8. Le recours sui-

vant à l"état d"exception date d"avril 1967 et concerne la seule province de la

Biscaye pour une durée de trois mois

9. Chaque recours à l"état d"exception

met à profit un maillage serré de surveillance policière du territoire et s"accom- pagne d"une répression brutale et militaire : l"usage de la torture et de traite- ments dégradants précède le plus souvent le déferrement devant les cours mar- tiales qui prononcent des peines d"emprisonnement sévères. En août 1968, après l"assassinat par l"organisation indépendantiste armée ETA

10du commissaire Méliton Manzanas de la police secrète du régime11,

un nouvel état d"exception est décrété pour la seule province du Guipúzcoa durant trois mois

12, avant d"être prolongé en octobre de la même année sur

cette même région. En janvier 1969, face aux protestations étudiantes, qui sui- vent la mort du jeune militant antifranquiste Enrique Ruano alors qu"il était aux mains de la police secrète, Franco étend l"état d"exception à l"ensemble du territoire national

13. Les arrestations, l"usage de la torture, les assignations à

résidence, les peines de prison et les condamnations à l"exil se multiplient alors partout en Espagne14. En décembre 1970, alors que le régime entend juger devant une cour mar- tiale à Burgos, les responsables de l"assassinat du commissaire Manzanas, la province du Guipúzcoa est de nouveau soumise à l"état d"exception pour une 91

8 . Decreto-Ley 17/1962, de 8 de junio, por el que se suspende, en todo el territorio nacional y por

el plazo de dos aÒos, el artículo 14 del Fuero de los EspaÒoles(B.O.E., núm. 138, p. 7909).

9 . Decreto-Ley 4/1967, de 21 de abril, por el que se dispone que durante un plazo de tres meses

queden en suspenso de la provincia de Vizcaya los artículos 14, 15 y 18 de Fuero de los

EspaÒoles(B.O.E., núm. 96, p. 5279).

10. Euskadi Ta Askatasuna, Pays Basque et Liberté en basque (1952-2018). La genèse, l"évolu-

tion et la fin de cette organisation ont fait l"objet d"innombrables publications. Parmi les ouvrages les plus récents, voir Leonisio R., Molina F. et D. Muro (eds.), ETA"s Terrorist Campaign: From Violence to Politics, 1968-2015, London, Routledge, 2016 ; Whitfield T., Endgame for ETA. Elusive peace in the Basque country, London, Hurst Publishers, 2014.

11. La Brigada de Investigación Social, la BIS, connue aussi sous le nom de Brigada Político-

Social(BPS) était un corps de police spécialisé dans la lutte contre les opposants au fran- quisme qui fit grand usage de la torture dans le cadre de ses missions.

12. Decreto-ley 8/1968, de 3 de agosto, por el que se declara el estado de excepción en la provincia

de Guipúzcoa(B.O.E., núm.187, p. 11591).

13. Decreto-Ley 1/1969 de 24 de Enero, por el que se declara el estado de excepción en todo el ter-ritorio nacional.Décret-Loi publié au Journal Officiel le 25 janvier 1969 (B.O.E., núm. 22, p.

1175).

14. Martinez Foronda A., Baena Luque E. et I. García Escribano (eds.), La dictadura en la dicta-

dura: detenidos, deportados y torturados en Andalucía durante el estado de excepción de 1969, Córdoba, Fundación de Estudios Sindicales y Archivo Histórico de Comisiones Obreras de

Andalucía, 2011.

Cultures & Conflits n°113 - printemps 201992

15. Decreto-ley 14/1970, de 4 de diciembre, por el que se declara el estado de excepción en la pro-

vincia de Guipúzcoa (B.O.E., núm., 291, pp. 19830-1).

16. Decreto-ley 4/1975, de 25 de abril, por el que se declara el estado de excepción en las provin-

cias de Guipúzcoa y Vizcaya(B.O.E., núm., 100, p. 8870).

17. Espinosa Maestre F., Casanova J., Moreno Gómez F. et C. Mir, Morir, matar, sobrevivir: La

violencia en la dictadura de Franco, Barcelona, Crítica, 2002 ; Richards M., A Time of Silence. Civil War and the Culture of Repression in Franco"s Spain, 1936-1945, Cambridge, Cambridge University Press, 1998 ; Hernández Burgos C. [traduction Touboul Tardieu E.], " Les dynamiques locales et quotidiennes de la répression franquiste (1936-1950) », Vingtième Siècle. Revue d"histoire, 127, 2015, pp. 196-209 ; Del Arco Blanco M. Á., " El

secreto del consenso en el régimen franquista: cultura de la victoria, represión y hambre »,

Ayer, 2009, n° 76, pp. 245-268.

18. Ley de 9 de Febrero de 1939 de Responsabilidades Políticas(B.O.E., núm., 44, pp. 824-848).

19. Ley de 1 de Marzo de 1940 Sobre represión de la masonería y del comunismo(B.O.E., núm.,

62, pp.1537-1539).

20. Ley para la Seguridad del Estado de 29 de Marzo de 1940(B.O.E., núm., 101, pp. 2434-2444).

21. Giménez Martínez M. Á., El Estado franquista. Fundamentos ideológicos, bases legales y sis-

tema institucional, Madrid, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, 2014.période de trois mois

15, avant que celui-ci ne soit prolongé et étendu à l"en-

semble de l"Espagne pour une période de six mois. Finalement, et devant la multiplication des actions de l"organisation indépendantiste basque ETA, le dernier recours à l"état d"exception par le régime franquiste est prononcé en avril 1975 et concerne les seules provinces basques de la Biscaye et du

Guipúzcoa pour une période de trois mois

16. Ce bref rappel historique implique plusieurs précisions. Premièrement, le recours à l"état d"exception n"épuise pas l"ensemble des moyens que ce régime autoritaire a mis en place et utilisé entre 1939 et 1975 afin d"accomplir ses missions de pérennisation du " Nouvel État », d"exalta- tion et de soumission à un patriotisme exigeant et sans compromis pour une Espagne unie autour de son Caudillo17. Entre la fin de la guerre civile en 1939 et l"abrogation de l"état de guerre en avril 1948, l"Espagne est régie par la loi martiale de juillet 1936 et par toute une série de lois permettant l"usage de tri- bunaux militaires d"exception dans la répression de " l"ennemi intérieur » : loi sur les responsabilités politiques de 1939

18, loi de répression de la franc-

maçonnerie et du communisme de 1940

19et loi sur la sécurité de l"État de

1941

20. Ces différentes lois permettent de poursuivre, y compris de manière

rétroactive, tous ceux et celles qui, de près ou de loin, ont contribué au Front populaire de 1934, mais aussi de poursuivre quiconque développerait des idées contre la patrie, la religion, la paix sociale, ou fomenterait des actions suscep- tibles de mettre en péril l"harmonie sociale de l"État21. Deuxièmement, si ces représentations des cibles de la répression perdu- rent et structurent les cadres du régime jusqu"à sa fin, la nature et l"amplitude de la répression exercée par le régime franquiste doivent également être analy- sées en tenant compte de la pluralité de ses acteurs (forces armées et de sécu- rité essentiellement, mouvement phalangiste, puis groupuscules paramilitaires

Les recours à l"état d"exception sous le régime franquiste (1956-1975) - E.-P. GUITTET93à partir des années 1960), de ses aires géographiques (régions industrielles,

régions rurales et espaces urbains) et surtout de ses contextes historiques. L"amplitude et le nombre de victimes de la répression durant la période post- guerre civile, de la victoire de Franco en 1939 au milieu des années quarante, sont toujours l"objet de recherches et d"âpres débats tant il existe encore aujourd"hui de nombreuses fosses communes non inventoriées en Espagne 22.
Troisièmement, à partir du milieu des années 1950, au moment où la gué- rilla antifranquiste est militairement vaincue

23et jusqu"à la fin du régime en

1975, la répression est de fait moins sanglante que durant les décennies précé-

dentes. Le régime, sûr de son succès militaire, privilégie alors une répression autoritaire " ordinaire » reposant sur des institutions policières et militaires quadrillant le pays, un système d"information et d"informateurs bien établi, une société mise au pas et une justice prompte et sévère prononçant à tour de bras l"enfermement des ennemis du régime dans les innombrables prisons et camps du pays 24.
Ces précisions étant établies, la question demeure. Pourquoi le régime franquiste fit-il alors un si grand usage de l"état d"exception à partir de la fin des années cinquante à l"encontre de séditions ouvrières, des protestations estudiantines ou indépendantistes, alors qu"il n"en fit nullement usage pendant la répression des foyers armés de la guérilla antifranquiste ? Qu"est-ce que l"état d"exception apporte comme moyen pratique que les autorités policières et militaires n"ont pas en temps ordinaire ? Peu de chose en définitive et c"est bien là l"étrangeté de ces recours à l"état d"exception par le régime franquiste. Les arrestations arbitraires, l"impunité et la brutalité des corps armés tout comme l"usage de la torture sont des pratiques courantes, avec certes des amplitudes à la fois historiques et géographiques, mais néanmoins ordinaires du régime franquiste. La réponse à la question est moins liée à des situations de violence et de désordre face auxquelles le régime n"aurait pas les moyens de riposter, mais bien plus dans le caractère symbolique de la promulgation d"un état d"excep- tion ; la réaffirmation de l"autorité souveraine d"un régime né d"un coup d"État et qui, dans une période de prospérité du libéralisme politique ouverte par la fin de la Seconde Guerre mondiale, non seulement souffre de l"isolement diplomatique et économique mais peine aussi à se faire reconnaitre comme

État de droit

25.

22. Juliá Díaz S. (dir.), Víctimas de la guerra civil, Madrid, temas de Hoy, 1999.

23. Aróstegui J. et J. Marco (dir.), El último frente: la resistencia armada antifranquista en

EspaÒa, 1939-1952, Madrid, Los libros de la Catarata, 2008 ; Martinez-Lopez F., Guérillero contre Franco: la guérilla antifranquiste du León, 1936-1951, Paris, Editions Syllepse, 2001.

24. Vinyes R., " L"univers carcéral sous le franquisme », Cultures & Conflits, 55, 2004, pp. 39-

65 ; Molinero C., Sala, M. et J. Sobrequés i Callicó, Una inmensa prisión. Los campos de

concentración y las prisiones durante la guerra civil y el franquismo, Barcelona, Crítica, 2003.

Cultures & Conflits n°113 - printemps 201994

C"est ce contexte politique international dans lequel le régime franquiste se trouve en 1945, qui va l"amener à un véritable effort de légitimation, sou- cieux de son image de marque à l"étranger, par la promulgation de lois garan- tissant un certain nombre de libertés civiles aux Espagnols d"une part, et éta- blissant les raisons souveraines de leurs suspensions d"autre part. Ces lois constituent l"armature idéologique et juridique du régime: Charte du travail (Fuero del Trabajo, 1938), Loi constitutive des Cortes(Ley Constitutiva de Cortes, 1942), Charte des Espagnols (Fuero de los EspaÒoles, 1945), Loi de Référendum national (Ley de Referéndum Nacional, 1945), Loi de succession (Ley de Sucesión a la Jefatura del Estado, 1947), Loi des principes du Mouvement National (Ley de Principios del Movimiento Nacional, 1958) et Loi organique de l"État (Ley Orgánica del Estado, 1967).

Au nom de l"ordre public

L"article 12 de la Charte des Espagnols (Fuero de los EspaÒoles) de 1945 précise que " tous les Espagnols ont le droit d"exprimer librement leurs idées tant que cela ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux de l"État espa- gnol » et l"article 33 de rappeler que " l"exercice de ces droits reconnus dans la Charte ne peut porter préjudice à l"unité spirituelle, nationale et sociale de l"Espagne

26».C"est dans le cadre de cette Charte des Espagnols que le recours

à l"état d"exception est rendu possible. En effet, l"article 35 de la Charte per- met au régime de suspendre de manière provisoire ou totale les articles concer- nant la liberté d"opinion (article 12), le droit à la liberté et au secret de la cor- respondance (article 13), les droits à la liberté de résidence (article 14) et à l"in- violabilité du domicile (article 15), les droits d"association et de réunion (arti- cle 16) et la garantie contre des arrestations arbitraires (article 18)27. C"est la Loi d"Ordre Public de juillet 1959 (LOP) qui précise que " dans le cas de l"existence d"une quelconque menace à la Loi et à l"Ordre qui ne peut

être résolue par les moyens ordinaires », l"état d"exception peut être déclaré et,

par conséquent, confère à l"autorité administrative des pouvoirs extraordi- naires

28. L"article 2 de la LOP énumère longuement l"ensemble des actes

contraires à l"ordre public, avant de préciser que sont inclus aussi tous les actes qui n"auraient pas été cités précédemment, mais qui " altéreraient la paix

25. Sesma Landrín N., " Franquismo, ¿Estado de Derecho? Notas sobre la renovación del len-

guaje político de la dictadura de los aÒos 60 », Pasado y Memoria. Revista Historia

Contemporánea, 5, 2006, pp. 45-58 ; González Cuevas P. C., " Gonzalo Fernández de la Mora y la "legitimación" del franquismo », Sistema, 91, 1989, pp. 83-105.

26. Fuero de los EspaÒoles, 18 juillet 1945 (B.O.E., núm. 199, pp. 358-360).

27. Artículo 35: La vigencia de los Artículos doce, trece, catorce, quince, dieciséis y dieciocho podrá

ser temporalmente suspendida por el Gobierno total o parcialmente mediante Decreto-Ley, que taxativamente determine el alcance y duración de la medida.

28. Ley 45/1959, de 30 de julio de Orden Público(B.O.E., núm., 182, pp. 10365-10370). La Loi

d"Ordre Public sera modifiée à la marge en 1971. Ley 36/1971, de 21 de julio, sobre modifica- ción de determinados artículos de la Ley de Orden Público de 30 de julio de 1959(B.O.E., núm., 175, pp. 12092-12094). Les recours à l"état d"exception sous le régime franquiste (1956-1975) - E.-P. GUITTET95

29. Ballbé M., Orden público y militarismo en la EspaÒa contemporánea (1812-1983), Madrid,

Siglo

XXI, 1983.

30. Ley 154/1963, de 2 de diciembre, sobre creación del Juzgado y Tribunales de Orden Público

(B.O.E., núm., 291, pp. 16985 a 16987). Sur l"importance du TOP dans la répression fran- quiste, voir Del Aguila J., El TOP: la represión de la libertad, 1963-1977, Barcelone, Planeta,

2001 ; NuÒez de Prado Clavel S. et R. Ramirez Ruiz, " La oposición al franquismo en las sen-

tencias del TOP: organizaciones políticas y movimientos sociales », Cuadernos de Historia

Contemporánea, 35, 2013, pp. 263-285.

31. Decreto-ley 9/1968, de 16 de agosto, sobre represión del bandidaje y terrorismo(B.O.E. núm.,

198, p. 12192).

32. Decreto-ley 14/1970, de 4 de diciembre, op. cit.

33. Tahmassian L., " Carl Schmitt and the Basque conflict: from the design of Francoism to

Spanish Democracy », Journal of Spanish Cultural Studies, 13(1), 2012, pp. 59-81 ; López

García J. A., " La presencia de Carl Schmitt en EspaÒa », Revista de Estu dios Políticos (Nueva

Época), (91), 1996, pp. 139-168.

publique ou la coexistence sociale ». De manière non surprenante pour un régime autoritaire tel que le régime franquiste, tout acte attentatoire à l"ordre relève donc, à la fois et de manière concomitante de l"illicite et du subversif, du violent et du séditieux

29. La Loi du 2 décembre 1963 instituant un Tribunal

d"Ordre Public (TOP) rend encore plus explicite cette conception à la fois martiale, extensive et obsessionnelle de la défense de l"ordre, en stipulant que ce tribunal a compétence pour traiter tout type d"acte qui vise et/ou viserait " à subvertir les principes de base de l"État, perturber l"ordre public ou semer une vive inquiétude dans la conscience nationale30». Le recours à l"état d"exception illustre parfaitement la logique d"un régime mu par une conception martiale de l"ordre et de l"unité de la patrie. Le recours à l"état d"exception comme logique de maintien de l"ordre contre toute forme de sédition ouvrière, de protestations estudiantines ou autres velléités indé- pendantistes, est plus qu"un objectif pragmatique du régime autoritaire, c"est aussi sa raison d"être. Le préambule du décret sur la répression du banditisme et du terrorisme de 1968 - qui renvoie les cas de terrorisme devant les tribu- naux militaires - exprime de manière explicite cette conception autoritaire et extensive de l"ordre comme moyen et fin en soi : " la défense de l"unité et de l"intégrité nationale et le maintien de l"ordre public et de la paix sociale recom- mandent l"usage à chaque instant des moyens nécessaires pour sauvegarder ces valeurs

31». Les termes du préambule du décret-loi 14/1970 du 4 décembre

décrétant l"état d"exception sur la province du Guipúzcoa se lisent de manière identique : " le maintien de l"ordre public constitue l"une des taches fonda- mentales du gouvernement, qui doit utiliser à cette fin non seulement les pou- voirs qui lui sont normalement conférés, mais également les pouvoirs extraor- dinaires que la loi l"autorise à assumer32». La parenté avec la conception théologique schmittienne du politique et des pouvoirs d"exception n"est pas que sémantique

33. Les juristes du régime

franquiste ont lu les ouvrages de Carl Schmitt et s"en sont inspirés pour construire l"édifice franquiste, à la fois dans la quête de légitimité du régime,

Cultures & Conflits n°113 - printemps 201996

mais aussi dans l"exercice des pouvoirs de crise et d"exception. Les travaux du juriste allemand de l"entre-deux-guerres ont constitué un rôle pivot dans la théorisation politique du régime franquiste surtout lorsqu"il s"agissait de légi- timer le coup d"État originel du franquisme

34. Rien d"exceptionnel à ce qu"un

régime autoritaire, tel que le régime franquiste, puise sa conception du poli- tique, de l"inimitié et de la décision sur les travaux de ce conservateur antisé- mite allemand

35. Entre Carl Schmitt et les juristes franquistes, il y a non seu-

lement une communauté d"esprit autour de la crainte de la décadence et des dérives de la démocratie et du libéralisme en politique, mais aussi une vérita- ble croyance dans les vertus de l"autorité, du dictateur et de la décision sans compromis. Il y a aussi toute cette pensée conservatrice et contre-révolution- naire espagnole sur laquelle Schmitt établit ses principes directeurs et qui est bien connue des thuriféraires du régime franquiste 36.
Exception, brutalité et effets non désirés Entre 1940 et 1975, le régime franquiste s"est donc doté, progressivement mais sûrement, d"un droit répressif, qu"accompagne un arsenal de textes contre ceux qui mettraient en péril l"unité de la nation et la concorde sociale promue par le régime. La mise au pas brutale de la société espagnole s"est faite par le biais d"un ordonnancement juridique de la normalisation d"une violence d"État (usant de la contrainte physique et du contrôle social) autour d"une conception maximaliste de l"ordre pour l"ordre et de ses corollaires : l"abomi- nation du désordre et la crainte du délitement du régime. Le recours à l"état d"exception n"est donc qu"un des moyens que le régime franquiste a employé

afin de faire face à des situations jugées périlleuses où la nécessité d"écraser

toute forme de sédition pour retrouver ainsi " l"ordre naturel » des choses - " la pax franquista» - passait par un emploi exorbitant de la force. La bruta- lité du régime franquiste n"est plus à démontrer

37. Dans le sillage de la Loi sur

la mémoire historique de 2007, de l"ouverture des archives interdites du fran- quisme et de la récupération des témoignages des victimes ou de leurs proches, la connaissance de l"amplitude et des moyens de la répression s"est largement affinée

38. Ce que ces travaux s"employant à qualifier avec plus de précision

34. de la Rasilla del Moral I. " The Fascist Mimesis of Spanish International Law and Its Vitorian

Aftermath, 1939-1953», The Journal of the History of International Law, 14, 2012, pp. 207- 236.

35. Balakrishnan G., The Enemy: An Intellectual Portrait of Carl Schmitt, London, Verso, 2000.

36. Menendez A. J., " From Republicanism to Fascist Ideology under the Early Franquismo », in

Joerges C. et N. Singh Ghaleigh (eds.), Darker Legacies of Law in Europe: The Shadow of National Socialism and Fascism over Europe and its Legal Traditions, Oxford, Hart, 2003, pp. 337-360 ; López García J. A., Estado y derecho en el franquismo. El nacionalsindicalismo: F. J. Conde y Luis Legaz Lacambra, Madrid, Centro de Estudios Políticos y

Constitucionales, 1996.

37. Arostegui Sanchez J. (ed.), Franco: la represión como sistema, Barcelona, Flor del Viento,

2012 ; Sartorius N. et J. Alfaya, La memoria insumisa: sobre la dictadura de Franco,

Barcelona, Crítica, 2002.

38. Sánchez Recio G., " Dictadura franquista e historiografía del franquismo», Bulletin

d"Histoire Contemporaine de l"Espagne, 52, 2017, pp. 71-82.

Les recours à l"état d"exception sous le régime franquiste (1956-1975) - E.-P. GUITTET97l"étendue de la répression, de l"usage de la violence et des formes du contrôle

social montrent aussi, c"est que ces recours à l"état d"exception ont produit leurs lots d"effets contraires. La répression brutale des grèves en 1958, mais aussi en 1962, tout comme la répression de la sédition estudiantine, ont eu un impact majeur sur la consti- tution progressive d"une opposition antifranquiste beaucoup plus structu- rée

39. Alors que le régime s"évertuait à présenter des signes d"ouverture éco-

nomiques et politiques, les recours à l"état d"exception ont aussi largement affaibli l"image de l"Espagne

40. Par ailleurs, l"emploi d"une force sans retenue

dans le cadre de ces états d"exception a aussi eu un impact sur l"évolution de l"organisation indépendantiste basque ETA. Lorsque la toute nouvelle orga- nisation présente son projet en 1959 au " Congrès mondial basque », le prin- cipe avancé de la nécessité de la lutte armée est d"abord une affirmation volon- tariste ne reposant sur aucune capacité d"action réelle et faisant encore l"enjeu de discussions houleuses. En revanche, à partir du moment où ces membres d"ETA découvrent, avec une certaine stupéfaction, la force et la détermination du militantisme ouvrier lors des grèves des métallurgistes en 1962-1963 et la répression qui s"ensuit, un pas est franchi. L"intégration des registres de la lutte armée au sein d"ETA ne peut être dissociée, d"une part, de la multiplica- tion du recours à l"état d"exception sur les seules provinces basques du Guipúzcoa et de la Biscaye et, d"autre part, d"une répression qui se déploie et cesse d"être le seul fait des appareils de sécurité de l"État pour devenir de plus en plus celle d"organisations antiterroristes paraétatiques41. ETA redoublera ses actions, entrant ainsi dans un cycle de violence dont elle ne sortira que quarante ans plus tard 42.
Si les recours à l"état d"exception étaient pensés et perçus par le régime franquiste comme une solution recevable pour juguler des dissidences insup- portables qui compromettaient tout à la fois l"ordre et la paix sociale, ainsi que la quête d"une reconnaissance internationale du régime, ce sont ces mêmes recours qui ont signé le début de la fin du régime en créant les possibilités d"une opposition solide et démocratique. En revanche, la fin du franquisme en

1975 et l"avènement progressif d"une société espagnole démocratique libérale

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