[PDF] LHomme au singulier. Lapproche clinique en psychologie

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Introduction

à la psychologie clinique Retrouver ce titre sur Numilog.com

DES MÊMES AUTEURS

SYLVAIN BOUYER

Avec A. Gaffet [Eds], Anthropologie du tabac, L"Harmattan, 1997.

MARIE-CLAUDE MIETKIEWICZ

Pensée opératoire,

détérioration mentale et démence du grand âge, CNRS, 1981. Retrouver ce titre sur Numilog.com

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Avant-propos

En rédigeant cet ouvrage, nous avons d"abord pensé aux étudiants qui débutaient des études de psychologie avec l"intention d"exercer un jour, dans un domaine ou un autre, les fonctions de psychologues cliniciens. Notre expérience d"enseignants, en particulier auprès d"étudiants de premier cycle universitaire, nous a donné l"aune des difficultés qu"ils rencontrent lors de leur confrontation brutale à cette nouvelle discipline qu"est pour eux la psychologie (il n"y a pas proprement parler d"enseignement de psychologie dans le second cycle sco- laire) ; c"est à eux que s"adresse prioritairement ce manuel, conçu comme une introduction à la clinique en psychologie. Un mot pour expliquer le sous-titre de ce livre, qui s"est rapidement imposé à nous : l"homme renvoie au titre générique des premiers ouvrages psychologiques de la collection (L"homme en développement [HD],

L"homme psychopathologique [HP],

L"homme en société [HS],

L"homme cognitif

[HC], L"homme biologique [HB], L"homme qui rêve [HR], ... [Nous utiliserons les sigles inscrits entre crochets pour désigner ces volumes quand nous y ferons référence]). Nous ne nions pas qu"il existe une psychologie animale, ni que certains chercheurs s"intéressent à la " psychologie » des systèmes-experts ; mais, comme les autres auteurs de la série, nous nous consacrons à la psychologie de l"homme et à ce qui fait la spé- cificité humaine de ses comportements. L"homme au singulier se distingue de celui qu"on pourrait appeler l"homme au pluriel, l"homme de la loi générale, l"homme statistiquement " moyen ». Ce dernier n"existe pas dans la réalité quo- tidienne, car, homme abstrait, il présente(rait) des caractéristiques statisti- quement " moyennes» ; il serait la " synthèse » de tous les hommes concrets que tout un chacun peut côtoyer, et dont les particularités individuelles, qui consti- tuent

leurs différences, sont gommées. Ce n"est pas non plus l"homme singu- Retrouver ce titre sur Numilog.com

lier, qui, par son exception, renverrait plutôt à la personne " anormale », l"in- dividu pathologique. L"homme au singulier - et nous aurons l"occasion de le développer - est la personne qui est abordée dans son unicité, son individua- lité; c"est cet abord qui fait la spécificité de l"approche clinique. La rédaction de ce livre nous a amenés à une réflexion commune ; nous n"avons pas voulu commencer par découper le champ à couvrir en chapitres que nous aurions répartis entre nous a priori, réservant quelques heures à une arti- culation finale. La fréquence de nos rencontres, la richesse de nos échanges - les désaccords, peu nombreux, ont été l"objet de discussions sérieuses, parfois rudes -, la complicité certaine de nos points de vue font que ce livre est bien l"expression d"une communauté de pensée, et non le patchwork de réflexions individuelles. Seuls ceux qui nous connaissent bien pourront repérer çà ou là une marotte conceptuelle, une manie méthodologique ou un tic de langage, et encore !... Cette complicité est d"autant plus manifeste que Michèle et Michel ont bien contribué à la rédaction commune, eux qui, chacun à sa manière, ont relu notre texte, l"une rectifiant nos tournures de phases maladroites et nos accords hésitants, l"autre corrigeant nos accents fantaisistes et nos signes de ponctuation incongrus.

Ce travail a

été pour nous une occasion de clarifier nos idées. Les enfants, en posant à leurs parents des questions naïves - sur l"origine de l"homme, la mort, le mouvement des nuages, l"amour, etc. -, les amènent à revoir leurs conceptions fondamentales sur

la vie. C"est en revenant aux notions élémen- taires qu"on peut approfondir une idée. Nous avons ainsi découvert que certains

concepts, régulièrement employés par des enseignants ou des praticiens - la plupart des spécialistes faisant comme si tout le monde était d"accord sur leur signification -,

s"avéraient en fait très difficiles à Il en va ainsi mmmAjpÊ exemple, du terme même de " psychologie clinique ».

Ce livre s"adresse également aux étudiants d"autres formations qui type="BWD"par la profession à laquelle ils se destinent, sont appelés à côtoyer des psychologues cliniciens: assistants sociaux, infirmiers, éducateurs, médecins. Sans rien faire des spécialistes - la formation d"un psychologue requiert cinq années d"études universitaires nous souhaitons que la lecture type="BWD" parler avec les praticiens qui seront leurs collègues et de les comprendre (dans - le chapitre relatif à l"entretien, nous rappelons que l"interaction ne peut être efficace

et utile que si elle repose sur un minimum de matériau type="BWD" Ce livre ne s"adresse " évidemment » pas à, nos collègues, surtout type="BWD"

éminents ; ils ne trouveront pas dans les ,pages qui suivent des type="BWD" leur curiosité : ce manuel n"est pas une p,ublication scientifique qui type="BWD" les dernières avancées théoriques ou méthodologiques dans le ,type="BWD" concepts font défaut, y compris certains que le type="BWD" Retrouver ce titre sur Numilog.com

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I / Des représentations communes...

Qu"on s"en plaigne

ou qu"on s"en réjouisse, force est de consta- ter que le " discours » psy est omniprésent. Certains déplorent cet

état

de fait ; parmi eux se situent ceux qui dénoncent le " pouvoir psy» mais aussi ceux qui regrettent que la "psychologisation» induise certaines confusions préjudiciables. C"est un fin psychologue », dit-on du boucher qui prend soin d"avoir un petit mot personnel pour chaque cliente ; il demande à l"une si son fils est content d"être en vacances, à la deuxième si le rôti de veau était tendre, à la troisième si son petit chien va mieux. C"est un bon psychologue », dit-on d"un professionnel que l"on recommande à un ami qui n"est pas trop bien dans sa peau : " Tu peux aller le voir ; pour un psy, il n"est pas trop fou ! », ajoute-t-on. Nous allons tenter, à partir de différents supports, des conversa- tions, mais aussi de divers types d"écrits, d"illustrer ces ambiguïtés de l"image du psychologue et de comprendre leurs significations.

Les psy sont partout »

Dans les conversations Le premier constat que nous pouvons formuler serait : on peut

être psychologue

sans être psychologue... Être psychologue serait une

qualité que certains présentent comme d"autres sont bricoleurs Retrouver ce titre sur Numilog.com

ou cordons bleus... en amateurs. En effet, dans le langage conversa- tionnel, il est assez habituel de relever l"usage ambigu de ce terme et l"oreille attentive peut surprendre des propos comme ceux-ci : C"est là que tu vois qu"il est psychologue ; au lieu de la prendre en défaut, ce qui l"aurait vexée, il lui a simplement demandé si elle savait où étaient ses lunettes... » ou, au contraire, cette réflexion : Il manque complètement de psychologie ; c"est certainement un bon prof, mais il ne sait vraiment pas les prendre et, quelles que soient ses compétences, ça ne passe pas... » Etre psychologue serait, dans ces contextes, faire preuve de diplomatie, veiller à ne pas heurter des susceptibilités, user de stratégies habiles ou tout simple- ment savoir s"y prendre. Cette capacité acquise (ou cette intuition) permet à celui qui est fin psychologue de prononcer la bonne phrase au bon moment et d"obtenir ainsi, en douceur, ce qu"il veut de ses interlocuteurs. P. Fraisse relevait que les termes de psychologie et de psycho- logue étaient ambigus. Pour illustrer son propos, il notait : " D"un très jeune enfant qui joue de la diversité des conduites de son père et de sa mère, ne dit-on pas qu"il est déjà psychologue ? » P. Fraisse propose alors d"appeler " psychologie naturelle » cette psychologie de tout le monde, qu"il distingue de la psychologie philosophique et de la psychologie scientifique. " Cette psychologie naturelle est celle que tout un chacun utilise tous les jours dans ses rapports avec autrui » ; elle a une fonction adaptative. La psychologie naturelle est implicite quand elle détermine des attitudes et des postures en fonction des personnes rencontrées (on abandonne vite l"air renfro- gné ou pensif quand on croise un ami) ; elle est explicite avec le lan- gage qui permet d"exprimer des goûts, des attraits, des besoins, dans un système symbolique qui tient compte de l"interlocuteur (le ton qu"on adopte au téléphone après avoir pris connaissance de l"identité de son interlocuteur en témoigne). J.-L. Beauvois s"attaque à " la psychologie de Monsieur-tout-le- monde » ; il en dénonce, dans une étude critique de la psychologie quotidienne, la fonction de résistance idéologique au changement. Nous retiendrons l"introduction de son travail pour comprendre comment nous sommes tous, au quotidien, et avec plus ou moins de bonheur, psychologues : " L"objet de cet ouvrage est l"activité de "psychologue" à laquelle se livre l"homme banal dans son existence sociale, cette activité qui nous fait quelquefois dire de certaines per- sonnes qu"elles sont "psychologues" et ont une connaissance pro- fonde de la nature humaine ou, au contraire, qu"elles manquent Retrouver ce titre sur Numilog.com Parfois, et toute l"ambiguïté de l"attitude commune à l"égard des " psy » se retrouve ici, le recours au psychologue est une straté- gie du dernier espoir : on adresse au psy un patient après que toutes les autres possibilités thérapeutiques ont été essayées et se sont sol- dées par des échecs répétés. Quand les techniques médicales ont été inefficaces pour soulager un patient, il arrive qu"on l"adresse au psy (en désespoir de cause ?) comme on pourrait lui conseiller d"aller voir le rebouteux ou le gourou. Il n"est pas rare que l"un d"entre nous reçoive un enfant énurétique, ou présentant des troubles du sommeil ou des difficultés scolaires, après que les parents et les médecins ont tenté en vain de résoudre ses difficultés. Ainsi ce médecin qui, dans un courrier, précise : "Je vous adresse le jeune

Claude

qui présente d"importantes difficultés d"endormissement. Les trai- tements médicaux classiques se sont révélés inopérants, et les quelques séances de psychothérapie (? !) que j"ai menées avec lui n"ont rien donné... Voyez ce que vous pouvez faire pour lui... » Ces représentations auraient en commun un côté mystérieux, caché, comme dans le texte-annonce d"un spectacle de café-théâtre affiché récemment, où l"on pouvait lire : " Soirée psychologique : avec le magicien mentaliste L..., venez participer à des expériences dignes de la troisième dimension. Des sensations inattendues, une ambiance fascinante. Une expérience troublante... » Quant à l"abréviation (de quel terme ?) très fréquemment uti- lisée, "psy», elle est largement polysémique: elle désigne indif- féremment le psy-chologue, le psy-chothérapeute, le psy-chiatre, le psy-chanalyste, de telle manière que l"on peut aller chez son psy, parfois même sans savoir chez lequel de ces " psy » on se rend, et dans l"ignorance des spécificités de chacun de ces profes- sionnels. Le pire, c"est encore quand le " psy » est un peu " psy », c"est-à- dire en fait un peu dérangé, ce que d"aucuns considèrent d"ailleurs comme parfaitement normal, pour un psy ! Les histoires dites de fous sont volontiers, dans le registre des histoires drôles, des histoires de " psy », qui occupent le dernier étage de l"établissement psychia- trique quand la hauteur des étages de résidence est une représenta- tion de la gravité des atteintes pathologiques. Ne raconte-t-on pas que les névrosés construisent des châteaux en Espagne, que les psy- chotiques les habitent et que les psy touchent les loyers ? Et que penser de ce psy qui laisse sortir l"homme qui prend sa brosse à dent

pour un chien à la simple condition qu"il cesse de l"appeler Médor ? Retrouver ce titre sur Numilog.com

Fig. 2 - Le plus fou des deux n"est pas celui qu"on pense (Dessin de Jiho édité en carte postale par " Le lien social ») Dans la presse " féminine » et les " guides de poche » La plupart des titres de la presse dite féminine ont une rubrique "psycho» : on y trouve, par exemple, des articles intitulés "Com- ment vivre un secret de famille ?» ; " Gaffes : quand l"inconscient fait surface » ; " L"été, la saison de la passion » ; " La force de chan- ger les choses»; "Le b.a ba de la morphopsychologie » ; "Est-il naturel d"avoir un chouchou ?» ; " Surmonter le choc d"un divorce» ; "Notre prénom nous influence-t-il ? »... entre une fiche- cuisine et un mot fléché géant, avant l"horoscope et après le dossier sur les nouvelles déductions fiscales, dans la succession rythmée d"articles brefs aux titres accrocheurs. La plupart des articles que nous avons rencontrés dans une rapide recension concernent la vie familiale ; les deux domaines de prédilection de la psychologie de ces magazines paraissent être la vie du couple et l"éducation. Le plus surprenant est sans doute la rapidité avec laquelle la question est abordée et quasi simultanément résolue, puisqu"il suffit d"une double page abondamment illustrée pour faire le point sur d"aussi vastes questions que " L"instinct paternel existe-t-il ? », " Le journal intime : ami, biographe ou thérapeute ? » ou " Pourquoi a-t-on envie d"être infidèle ? » Cette capacité à répondre avec autant de facilité à des questions ardues renforce l"aspect magique de la discipline pour laquelle aucune question n"est trop difficile. Retrouver ce titre sur Numilog.com D"une revue à l"autre, la mise en forme de ces articles est identique et repose sur trois ingrédients subtilement imbriqués : un tiers de témoi- gnages habilement résumés, un tiers de commentaires explicatifs et un tiers de conseils pour affronter des situations similaires. La mise en œuvre de cette recette éprouvée donne ceci. L"article débute par " Quand la maî- tresse de Kévin nous a convoqués pour nous parler de son comportement en classe, nous avons été inquiets... » Suivent alors quelques propos géné- ralisateurs comme " Le désarroi des parents est compréhensible, mais, dans la grande majorité des cas, les difficultés sont en partie induites par... » Enfin se profilent de "judicieuses» propositions permettant de répondre au problème de Kévin et au désarroi de ses parents, mais aussi aux problèmes (analogues ?) de tous les Kévin et au désarroi (identique ?) de tous leurs parents : " Les solutions sont simples, comme le dit le D" Machinchose : en premier lieu, parlez le plus possible avec votre enfant, mettez-le en confiance... » Cet éminent spécialiste, le D" Machinchose, ayant toute l"autorité nécessaire pour donner au propos son assise scienti- fique, seul l"esprit chagrin s"étonnera de lire que le remède est prescrit sans même prendre soin de croiser le patient...

La formule fait

certainement recette, puisque des livres entiers fonctionnent selon ce modèle ; il s"agit de quelques " guides » dont le prix et le titre prometteur sont attrayants. On y apprend à faire face de manière performante à toutes sortes de situations, à vaincre ses peurs, à développer sa mémoire, à interpréter ses rêves, à avoir confiance en soi, à se faire des amis, à renoncer à l"alcool, etc. Tout y est exposé de manière limpide, chacun peut se reconnaître et bénéficier des conseils dispensés. A chaque difficulté correspondent des solutions simples et validées qui paraissent aussi faciles à s"auto- administrer qu"un comprimé d"antalgique en automédication. Les prescriptions sont souvent teintées d"autoritarisme ; ainsi " vous serez à même d"y faire face et de ne pas vous y attacher », " per- sonne d"autre que vous ne peut subvenir à vos besoins » ou " le jeu en vaut bien la chandelle, car chacun est avant tout responsable de lui-même » sont quelques phrases qui clôturent les articles et don- nentquotesdbs_dbs10.pdfusesText_16

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