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UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE - PARIS 3

École doctorale 120 - Littérature française et comparée

UMR 7172 THALIM (PARIS 3/CNRS/ENS)

Théorie et Histoire des Arts et des Littératures de la Modernité Thèse de doctorat de Littérature française

Marie BONNOT

LE RÉCIT DE RÊVE

DES SURRÉALISTES À NOS JOURS

Thèse dirigée par Alain Schaffner

Soutenue le 24 janvier 2020

Jury :

Mme Marie-Paule BERRANGER (Professeure à l'Université Sorbonne Nouvelle -Paris 3) Mme Myriam BOUCHARENC (Professeure à l'Université Paris Nanterre) Mme Nathalie PIÉGAY (Professeure à l'Université de Genève) M. Jacques POIRIER (Professeur émérite à l'Université de Bourgogne) Mme Christelle REGGIANI (Professeure à Sorbonne Université) M. Alain SCHAFFNER (Professeur à l'Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) 2 3 4 5 Le récit de rêve des surréalistes à nos jours Le XX e siècle constitue un tournant épistémologique majeur dans l'histoire de la pensée

du rêve. De la Traumdeutung de Freud, qui ouvre le siècle, à la remise en cause des théories

psychanalytiques, notamment par les neurosciences, nombreux sont les discours qui se

développent sur cet objet énigmatique. Héritier d'une tradition savante et dialoguant volontiers

avec les autres disciplines, le récit de rêve littéraire observe, au tout début du XX e siècle, une mutation profonde qui lui permet de s'affranchir d'un cadre fictionnel plus large et de gagner son autonomie. Pendant nocturne du journal intime ou miscellanées de textes d'une

" inquiétante étrangeté », ces écrits, explicitement présentés comme issus de rêves authentiques,

se distinguent par leur position volontairement ambiguë, à la frontière de catégories formelles

poreuses, entre pure fiction et témoignage d'expérience, écriture intime et fantaisie débridée.

De Paulhan et des surréalistes (Breton, Desnos, Leiris) à des auteurs contemporains (Marcel Béalu, Frédérick Tristan) en passant par Yourcenar, Michaux ou encore Queneau et Perec, se dessine ainsi l'histoire d'un genre, celui du récit de rêve. Pour examiner les conditions qui permettent l'élaboration de ces productions oniriques

et en assurent la littérarité, l'étude de cette écriture du rêve adopte une double perspective.

D'une part, elle envisage le rapport de la littérature avec les discours de savoir. Elle examine

ainsi la difficile conciliation entre expérience du rêve, théorie du rêve et narration du rêve et

cherche à comprendre quelles réponses la littérature a pu opposer ou proposer aux divers

discours portés sur ce sujet. D'autre part, elle interroge le statut littéraire de ces textes et propose

une analyse esthétique plurielle de ces écrits à la marge de l'élaboration consciente et à la

rencontre des formes et des genres.

Mots clés : Littérature française du XX

e siècle ; Récit de rêve ; Littérature et psychanalyse ;

Littérature et sciences ; Écritures du moi ; Surréalisme ; Jean Paulhan ; André Breton ; Robert

Desnos ; Henri Michaux ; Michel Leiris ; Georges Perec ; Marcel Béalu ; Frédérick Tristan. 6

Narrating dreams from surrealism to the present

This dissertation aims to present a history of the literary genre of the dream narrative, as it unfolded within French writing throughout the 20 th century. The first part of the dissertation is dedicated to epistemology. It shows that in France theories of dreaming influenced literary theory, and vice versa, from the 1920s onwards. We first shed light on that dialectics by analysing the attitude of writers as self-proclaimed dream specialists, as compared with scientists. In doing so, we show the epistemic limitations of these accounts of dreams, as they struggle to qualify as scientific documents. We also delineate the ways in which writers try to assert their legitimacy in the face of scientific and psychoanalytic discourses. Finally, we suggest that literature does contribute to our understanding of dreams by proposing its own singular, specific approach to them. And in return, we show how writers focusing on dreams are led to conceive of their own art in a new way. The second part of the dissertation tackles the aesthetics of dream narratives. It highlights the wide variety of these texts, from surrealistic recollections of dreams by André Breton, Paul Eluard or Robert Desnos, to contemporary fictional short stories by Marcel Béalu

or Frédérick Tristan. Conflicted definitions of dream narratives emphasise the non literariness

of the genre while others point to its poetic and literary quality. It then focuses on Michel Leiris's work and the formalistic approach developed by Georges Perec and Raymond Queneau in the 1960s ans 1970s, and eventually identifies Jean Paulhan's new manner of narrating dreams, which inspired Henri Michaux, Marcel Béalu and Frédérick Tristan. These later texts are not only inspired by true dreams but let us read as if they were. Overall, the thesis emphasises the social and artistic function of the dream, which we apprehend as a means of understanding the enigmatic state of consciousness that is sleep. Keywords : French Literature of XXth century ; Acounts of dream ; Literature and psychoanalysis ; Literature and sciences ; Self-writting ; Surréalisme ; Jean Paulhan ; André Breton ; Robert Desnos ; Henri Michaux ; Michel Leiris ; Georges Perec ; Marcel Béalu ;

Frédérick Tristan.

7

REMERCIEMENTS

Je souhaite remercier mon directeur de thèse, Alain Schaffner, qui m'a accompagnée

depuis mes débuts de chercheuse. Ses conseils, sa bienveillance et sa confiance m'ont aidée à

parcourir ce chemin. Ma vive reconnaissance va également à Marie-Paule Berranger, qui m'a toujours prêté une oreille attentive au sein du laboratoire Thalim, ainsi qu'à Myriam Boucharenc, Nathalie

Piégay, Jacques Poirier et Christelle Reggiani pour avoir accepté de faire partie de ce jury de

thèse. Je remercie Danièle Leclair et tous les collègues de l'IUT de Paris pour leur accueil chaleureux, leur enthousiasme et leur compréhension. Ils m'ont permis de terminer cette thèse dans les meilleures conditions. J'ai la plus grande gratitude envers mes parents et l'ensemble de ma famille, jusqu'aux plus petits, pour leur soutien sans faille depuis le début de mes études de lettres. Mon expérience du doctorat, enfin, n'aurait pas été ce qu'elle fut sans les rencontres,

amicales et scientifiques, et les amis, relecteurs et confidents, qui, depuis tant d'années,

rêvassent avec moi. Un merci tout à fait spécial à Aude Leblond qui a participé, par nos longues

conversations, à l'élaboration de ma pensée, à Marie Sorel pour son énergie et sa clairvoyance,

à Anaëlle Touboul avec qui je partage le goût des sciences de la psyché. Merci encore à Camille

Koskas et Ariane Mayer pour leurs utiles relectures. 8 9

L'encre somnambule va, vient, vibre. Dans ses

tentacules le trait noue son parcours au blanc du silence. Que raconte-t-elle au-delà du récit, cette main du rêve, dans l'inachèvement de sa promesse ?

Frédérick Tristan, Brèves de rêves

10 11

INTRODUCTION

12 13 la fin de sa vie, le philosophe Gaston Bachelard, dans une note de l'introduction à La Poétique de la rêverie, confie sa gêne à l'égard des récits de rêves : Bien souvent, je le confesse, le raconteur de rêve m'ennuie. Son rêve pourrait peut-être m'intéresser s'il était franchement oeuvré. Mais entendre un récit glorieux de son insanité ! Je n'ai pas encore tiré au clair, psychanalytiquement, cet ennui durant le récit des rêves des autres. J'ai peut- être conservé des raideurs de rationaliste. Je ne suis pas docilement un récit d'une incohérence revendiquée. Je soupçonne toujours qu'une part des sottises rapportées soient des sottises inventées 1 Pourtant grand gardien de la rêverie, l'auteur du Droit de rêver 2 décèle dans les récits de rêves

plus d'une difficulté de lecture et source d'inconfort. Il perçoit d'abord que ceux-ci requièrent

un effort de décentrement de la part du lecteur pour porter son attention sur un objet non

seulement étranger mais encore éminemment trivial ; s'intéresser aux rêves des autres est

toujours moins intéressant que d'ausculter les siens propres. Il y soupçonne ensuite quelque

supercherie : dans un système où l'une des prémisses voudrait que la valeur d'un récit de rêve

soit indexée sur la fiabilité de son témoignage, il récuse le rêve non authentique, et donc

doublement inventé. Il craint enfin de voir sa lecture achopper sur le non-sens : lieu par

excellence de l'incongru, du fragmentaire et l'illogisme, le rêve se prête mal à la narration.

Textes sans intérêt, fallacieux et illisibles, les récits de rêves semblent ainsi promis à l'échec de

l'expression, au ratage de la transmission, à l'ennui. " Que les rêves soient intéressants n'est

pas donné 3 », pourrait-on commencer par remarquer, avec Pierre Pachet 4 1

Gaston Bachelard, La Poétique de la rêverie (1960), PUF, coll. " Quadriges », 2016, note p. 10.

2 Gaston Bachelard, Le Droit de rêver (1970), PUF, coll. " Quadriges », 2013. 3

Pierre Pachet, Nuits étroitement surveillées. Études psychologiques, Gallimard, coll. " Le Chemin », 1980, p. 14.

4

Plus récemment, ce constat est encore partagé par Emmanuel Carrère qui, dans sa préface à 82 rêves pendant la

guerre 1939-1945 d'Emil Szittya, écrit : " Il n'empêche qu'en racontant un rêve, dans la vie ou dans un livre, on

est à peu près sûr d'exposer son public à un ennui massif. Henry James, sur ce point, était formel : "Tell a dream,

14

" Si le rêveur avait "du métier", avec sa rêverie il ferait une oeuvre. Et cette oeuvre serait

grandiose puisque le monde rêvé est automatiquement grandiose 5

», continue Bachelard. On

entend, dans les mots du philosophe, la discordance entre une représentation du rêve comme

phénomène extraordinaire et la réalité médiocre des textes. Le songe, étincelant ou terrifiant,

pourvoyeur de merveilleux, de fantastique ou de romanesque n'avorterait que de récits inaboutis, absurdes ou ternes, et qui ne renderaient rien de la grandeur de l'expérience. Mais la rêverie n'est pas le rêve 6 , et s'il faut " du métier » à l'auteur qui se donnerait pour tâche de faire

oeuvre de la première, on ne doute pas qu'il faille plus de travail encore à celui qui s'attacherait

à partager le second.

Le rêve, une notion labile entre savoirs et expérience Ces quelques lignes de Bachelard font saisir la difficile adéquation entre l'expérience,

le récit et le savoir du rêve, trois aspects particulièrement intriqués dans l'appréhension de la

notion. Le rêve est aujourd'hui défini par les spécialistes de la cognition, comme Jacques

Montangero.

Le rêve est un ensemble de représentations pendant le sommeil donnant lieu à un phénomène d'hallucination, relevant souvent de la modalité visuelle ou imagée. Tout en étant conscientes, ces représentations ne sont pas contrôlées intentionnellement. Elles mettent souvent en scène la personne qui rêve, et constituent un enchaînement de contenus originaux qui a des aspects narratifs. Ces représentations peuvent comporter des bizarreries et être accompagnées d'émotion 7 Plus couramment, le terme désigne aussi bien l'" activité psychique pendant le sommeil 8

» que

l'ensemble des représentations (images du rêve) et des souvenirs que le dormeur en garde.

Significativement, Le Grand Robert de la langue française laisse percevoir cette pluralité dans

la définition qu'il en donne : " suite de phénomènes psychiques se produisant pendant le

sommeil (images, représentations ; activité automatique excluant généralement la volonté

9

Aussi, le récit de rêve devrait-il avoir pour charge de concentrer dans ses mots ces trois

dimensions (l'activité cognitive, son produit onirique et son souvenir) et le XX e siècle, plus que

lose a reader." » Emmanuel Carrère, " préface », Emil Szittya, 82 rêves pendant la guerre 1939-1945, Allary

éditions, 2019, p. 7.

5 Gaston Bachelard, La Poétique de la rêverie, op. cit., p. 11. 6

Nous reviendrons plus loin sur cette distinction.

7 Jacques Montangero, Rêve et cognition, Margada, 1999, p. 7. 8

Article " rêve », Le Grand Robert de la langue française : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue

française, dir. Alain Rey, Le Robert, 2001. 9 Idem. 15

tout autre, a voulu les saisir ensemble en plaçant l'écriture au plus près du moment du rêve

efficient.

On prendra le terme " rêve » dans son sens le plus strict, laissant de côté les acceptions

métaphoriques ou secondaires du mot : le " rêve » sur lequel on se penchera, et dont les textes

que l'on étudiera sont chargés de faire le récit, sera le rêve-songe. Si parfois ils viendront le

seconder, on ne s'attardera ni sur le rêve-désir, ni sur le rêve comme échappatoire à la réalité.

Le rêve n'est pas non plus à confondre avec des expériences proches de conscience altérée

10 il n'est ni la rêverie 11 , ni le fantasme, produits d'une conscience encore éveillée ; il n'est pas

non plus l'hallucination, la folie ou le délire, fonctionnements pathologiques de la psyché. Bien

sûr, ni la littérature ni le réel des expériences psychiques n'étant si hermétiques et tranchés que

la rigueur des études pourrait le souhaiter, nous serons parfois contrainte à envisager ces états

dans un continuum plus que dans le départ de catégories discrètes. Dans les textes, le rêve

voisine avec d'autres états seconds, ce qui nous amènera à examiner les effets de contamination,

de rapprochement, d'analogie mais aussi de distinction.

Le terme " rêver » est un mot récent, qui ne date que de la deuxième moitié du

XVII e siècle 12 . Il est précédé, dans l'histoire de la langue française, des verbes " songer » et " pantaisier 13 ». En usage chez Descartes et Pascal, il coïncide avec la naissance du sujet

moderne. D'origine incertaine, l'étymologie du mot renvoie à des sèmes divers selon les

hypothèses : il est pour les uns associé à l'errance (resver aurait voulu dire " aller deçà delà »,

physiquement), pour les autres à la folie (resver viendrait plutôt du sens de " déraisonner »,

" tenir des propos extravagants », dans une acception plus abstraite). L'évolution du mot est en

outre marquée par un mouvement de restriction du sens ; le verbe, puis le nom qui en est issu,

désigne d'abord toute l'expérience du sommeil de façon très large (endormissement et réveil

nébuleux compris), puis une partie seulement de cette période, jusqu'aux débats récents sur

10

Sur ces points de définition, on se reportera à notre ouvrage : Marie Bonnot et Aude Leblond (dir.), Les Contours

du rêve, Hermann, 2017. 11

Sur la distinction entre rêve et rêverie, Bachelard est particulièrement éclairant : " Et voici, entre rêve nocturne

et rêverie, la différence radicale, une différence relevant de la phénoménologie : alors que le rêveur de rêve

nocturne est une ombre qui a perdu son moi, le rêveur de la rêverie, s'il est un peu philosophe, peut, au centre de

son moi rêveur, formuler un cogito. Autrement dit, la rêverie est une activité onirique dans laquelle une lueur de

conscience subsiste. Le rêveur de rêverie est présent à sa rêverie. » Gaston Bachelard, La Poétique de la rêverie,

op. cit., p. 129. 12

Pour l'histoire du mot, on se reportera à l'article de Daniel Fabre, " Rêver. Le mot, la chose, l'histoire », Terrain,

n° 26, 1996, p. 69-82. 13

Songer vient du latin " somniare » : " rêver » ou " voir quelque chose en rêve ». Le verbe signifie " rêver »,

" laisser errer sa penser », puis " penser, réfléchir ». Pantaisier vient de " phantasia » (image) et a donné

" phantasme » et " fantasme ». 16 l'occurrence et la qualité du " sommeil paradoxal 14

Dès la fin du XIX

e siècle, le récit de rêve est pris dans un débat entre science et

littérature. " Le littérateur et les philosophes-psychologues divergent sur la manière de rendre

compte des rêves 15 », explique Jacqueline Carroy. Alors que Jacques Le Lorrain en tire des récits esthétisés, Marcel Foucault 16 ou Victor Egger cherchent à rendre le phénomène de la façon la plus objective 17 . Egger réclame ainsi pour la narration des rêves la plus grande application, distinctes des manières des " psychologues d'occasion » comme de celles des romanciers : Un psychologue d'occasion racontera ses rêves comme autant d'anecdotes ; le récit en sera rapide et vivant, mais trompeur ; lorsqu'un psychologue exercé raconte les siens, il ressemble au critique d'art expliquant laborieusement un tableau dont nous saisirions en trois regards et le sens et l'effet ; il a soin de distinguer ce qui est image, ce qui est idée, ce qui est sentiment, c'est-à-dire ce que l'on voit ou entend, ce que l'on se dit, sans paroles, à propos des images, la nuance d'émotion qui accompagne les images et les pensées ; parmi les images il distingue non seulement les visuelles, les auditives et les autres, s'il s'en présente, mais encore celles qui sont ou paraissent pâles et vagues, celles qui simulent des sensations et celles qui sont interprétées comme des souvenirs, etc., etc. ; bref il s'intéresse bien moins à l'histoire racontée par le rêve qu'au moi dissocié, déséquilibré, anormal, qui a été l'auteur et le dupe de cette histoire. À procéder autrement il risquerait de transformer un fait psychologique en un mauvais conte fantastique. Autre est l'oeuvre du romancier, autre celle du psychologue ; le romancier imite l'histoire vraie, la vie réelle ; le rêve, que le psychologue doit décrire tel qu'il est, le rêve a ses lois propres, différentes de celles de la vie réelle 18 Le philosophe souligne l'incompatibilité entre la posture du psychologue et celle du romancier

et, plus largement, de l'homme de lettres. La différence entre le savant et le littérateur se situe

pour lui dans l'approche du fait onirique : le savant note ses rêves au réveil, sans effort de style,

tandis que l'écrivain y voit une source d'inspiration. 14

Michel Jouvet avait cru découvrir, dans les années 1950, que la phase de sommeil paradoxal constituait, au sein

du cycle de sommeil, la période privilégiée de surgissement des rêves. Cette hypothèse est aujourd'hui remise en

cause par les chercheurs qui ont établi que les rêves peuvent survenir dans toutes les phases du cycle, avec une

fréquence tout de même supérieure durant la phase de sommeil paradoxal. 15

Jacqueline Carroy, Nuits savantes. Une histoire des rêves (1800-1945), Éditions EHESS, 2012, p. 265.

16

Marcel Foucault (1865 - 1947) est un philosophe et psychologue français. Il a notamment enseigné à l'université

de Montpellier et fondé un laboratoire de psychologie expérimentale. Il est, entre autres, l'auteur de Le rêve :

études et observations (Alcan, 1906).

17

" Si tous les protagonistes prennent acte, d'une manière ou d'une autre, du caractère presque indicible du rêve,

ils en tirent des conclusions différentes, voire opposées. Faut-il écrire des récits recréant les rêves ou au contraire

mener des narrations critiques ? Faut-il, plus radicalement, renoncer à raconter visions et voix nocturnes à des fins

scientifiques ou se tourner vers des approches censées être plus " objectives » de l'homme qui dort ? Faut-il au

contraire ne pas accorder trop d'importance à ces questions et faire confiance à l'introspection ? Cette polémique

a un grand retentissement aussi bien en France qu'en Europe. Elle prélude et participe à une reconfiguration des

savoirs et des pratiques scientifiques sur le sommeil et les rêves. » Jacqueline Carroy, ibid., p. 265.

18

Victor Egger, " La durée apparente des rêves », Revue philosophique, vol. 40, 1895, p. 45. Cité par Jacqueline

Carroy, op. cit., p. 273.

17 Comme le souligne Florence Dumora, la pensée du rêve et sa narration sont indissociables. La première informe la seconde, mais celle-ci conditionne aussi celle-là. Le rêve est lié à une expérience doublement inaccessible : d'abord parce qu'elle n'est saisissable qu'à travers la conception qu'en ont ou les récits qu'en font les hommes éveillés, auxquels déjà les onirocrites de l'Antiquité reconnaissent un caractère pleinement historique, au sens où ils sont déterminés par une culture et configurés par un savoir particulier [...] ; en deçà même de la question de son identification comme rêve, acquise et culturelle, le saisissement onirique est déjà inaccessible comme tel au rêveur, représentable seulement dans l'après-coup et n'ayant d'autre existence sensible qu'en tant que souvenir conscient. Il échappe a fortiori à l'historien, qui n'atteint que des représentations au second degré (récits, à la rigueur images) d'une expérience engloutie 19

Le récit de rêve est tributaire du système de croyance dans lequel il est fait, système auquel le

critique littéraire, comme l'écrivain avant lui, n'échappe pas. Si le rêve est un " fait tout

court 20

», comme le revendique Paul Valéry, alors il peut être appréhendé par plusieurs

approches et ce n'est pas la bibliographie récente sur le sujet qui nous démentira. L'organisation

d'événements scientifiques et les publications témoignent de la vivacité de la réflexion dans les

disciplines les plus diverses. Aussi bien en sciences humaines et sociales (sociologie 21
psychologie et psychanalyse 22
, histoire 23
, philosophie 24
) qu'en sciences expérimentales (neurosciences et psychologie cognitive 25
), le rêve participe incontestablement de l'actualité scientifique de ce début de XXI e siècle. Les expositions 26
, émissions ou événements de 19 Florence Dumora, L'oeuvre nocturne. Songe et représentation au XVII e siècle, Honoré Champion, 2005, p. 8-9. 20

" Le rêve fut d'abord un fait religieux. Le rêve-présage ; le rêve-inspiration ; le rêve-remords. Puis ce fut un fait

philosophique. C'est enfin un fait tout court. » Paul Valéry, Cahiers, Gallimard, coll. " Bibliothèque de la

Pléiade », vol. 2, 1974, p. 75.

21

Bernard Lahire, L'Interprétation sociologique des rêves, La Découverte, coll. " Laboratoire des sciences sociales

», 2017.

22
Tobie Nathan, La nouvelle interprétation des rêves, Odile Jacob, 2011. 23

Jacqueline Carroy, Nuits savantes, op. cit.

24

Ludwig Crespin, Redécouvrir la conscience par le rêve : le débat entre théories cognitives et théories non

cognitives de la conscience à l'épreuve de la recherche sur le rêve, thèse de doctorat, sous la direction de Sébastien

Gandon, Université Clermont-Ferrand 2, 2016.

25

De nombreux centres de recherche ou associations de recherche consacrent leurs travaux au rêve, en France

comme à l'étranger. Citons par exemple le Centre des Pathologies du sommeil au CHU Pitié-Salpêtrière, l'équipe

DyCog (Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon), la société française de recherche et médecine du

sommeil, l'institut national du sommeil et de la vigilance, l'association NeuroPsychoanalysis, l'Internation

Association for the study of Dreams, la Belgian association for sleep research and sleep medicine, la European

sleep research society, l'American Academy of Sleep Medicine, la World association of sleep medicine.

26

Dreams 1900-2000 : science, art, and the unconscious mind, New York, Vienne, 2000 ; From Neurology to

Psychoanalysis : Sigmund Freud's Neurological Drawings and Diagrams of the Mind, New York, 2006 ;

Trajectoires du rêve, du romantisme au surréalisme, Le Pavillon des arts, Paris, 2003 ; El surrealismo y el sueno,

Musée Thyssen, Madrid, 2013 ; La Renaissance et le rêve, Musée du Luxembourg, Paris, octobre 2013-février

2014 ; La Cime du rêve. Les surréalistes et Victor Hugo, Maison Victor Hugo, Paris, octobre 2013-février 2014 ;

Nocturnes. Le rêve dans la bande dessinée, Festival de la bande dessinée d'Angoulême, 2013. L'Ombilic du rêve,

Centre Wallonie-Bruxelles, Paris, septembre 2014-janvier 2015 ; Le Rêve, Musée Cantini, Marseille, 2016.

18 vulgarisation scientifique 27
attirent de nombreux visiteurs, et montrent que le rêve n'est plus l'apanage d'aucune discipline, même si les neurosciences semblent jouir d'une autorité en la

matière que les approches moins expérimentales n'égalent pas. Il serait à la fois prétentieux et

naïf de croire que le XX e siècle révolutionne tout de son approche et que la critique des périodes

antérieures n'en a rien dit qui vaille la peine qu'on s'y attarde. Ces quinze dernières années ont

vu paraître des synthèses sur le rêve dans toutes les grandes périodes de l'histoire littéraire

française 28
, et cette thèse espère combler un manque sur le XX e siècle. Jusqu'à présent, les travaux menés sur le rêve dans la littérature française du XX e siècle

ont adopté des empans chronologiques soit élargis à la première Modernité, soit resserrés sur

un auteur. Jean-Daniel Gollut dans son ouvrage Conter les rêves 29
, comme Fanny Déchanet- Platz dans L'Écrivain, le sommeil et les rêves (1800-1945) 30
, envisagent la question de la narration du rêve en synchronie, sur une période de cent cinquante ou deux cents ans. Jean- Daniel Gollut choisit une approche résolument poéticienne et linguistique (empruntant à la

pragmatique du discours et à la stylistique), et porte son attention non tant sur le rêve que sur

" les voies de sa restitution 31
». Il " s'attache au récit, au discours qui le porte, pour la raison qu'il y va assurément d'un défi : comment ressaisir le contenu onirique ? comment rendre

compte verbalement de cette expérience étrange, et si peu faite apparemment pour être pliée

aux formes du langage clair 32
? » Le critique prend le parti d'évacuer la question de

l'authenticité des rêves racontés et mêle dans ses exemples les rêves de personnages, épisodes

oniriques de fictions plus larges, et les récits de nature plus autobiographique, confessions 27
La 17 e

édition du forum des sciences cognitives à la Cité des sciences en 2018 s'intitulait " Explorer le cerveau

les yeux fermés : sommeil, rêve, méditation ». 28

Sur le Moyen Âge : Mireille Demaules, La Corne et l'ivoire : étude sur le récit de rêve dans la littérature

romanesque des XII e et XIII e siècles, Honoré Champion, 2010 ; sur la Renaissance : Sylviane Bokdam,

Métamorphoses de Morphée : théorie du rêve et songes poétiques à la Renaissance en France, Honoré Champion,

2012 ; sur le XVII

e siècle : Florence Dumora, L'OEuvre nocturne : songe et représentation au XVII e siècle, Honoré

Champion, 2005. Sur le XVIII

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