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Lacquisition des modifieurs nominaux: le cas de ladjectif du français

3 Feb 2014 la même unité est susceptible d'être utilisée dans la position ... L'acquisition du lexique consiste plutôt en un apprentissage qui.



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la même unité est susceptible d'être utilisée dans la position alternative. Les données L'acquisition du lexique consiste plutôt en un apprentissage qui.



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Lacquisition des modifieurs nominaux : le cas de ladjectif du français

Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

École doctorale 268

Langage et langues : description, théorisation, transmission EA 1483 - Recherche sur le français contemporain

UMR 7528 - Mondes iranien et indien

Thèse de doctorat en Sciences du Langage

Gwendoline FOX

L"acquisition des modifieurs nominaux :

le cas de l"adjectif du français

Thèse co-dirigée par

Madame Anne SALAZAR ORVIG

et Madame Pollet SAMVELIAN

Soutenue le 4 Décembre 2012

Jury :

Madame Harriet JISA, Professeur, Université Lyon 2 (rapporteur) Madame Elena LIEVEN, Professeur, University of Manchester Max Planck Institue for Evolutionary Anthropology, Leipzig Madame Michèle NOAILLY, Professeur Émérite, Université de Bretagne (rapporteur) Madame Anne SALAZAR ORVIG, Professeur, Université Paris 3 (co-directrice de thèse) Madame Pollet SAMVELIAN, Professeur, Université Paris 3 (co-directrice de thèse)

Résumé :L"acquisition des modifieurs nominaux : le cas de l"adjectif du françaisAcquérir l"adjectif épithète pose deux problèmes majeurs en français. D"abord, l"adjectifdénote une propriété à propos d"un nom, les enfants doivent donc pouvoir concevoir unobjet comme un tout et comme un ensemble de propriétés pour manier un SN avecépithète. Ensuite, l"alternance est un trait définitoire de l"adjectif du français, mais sonplacement n"est pas aléatoire et les contraintes en jeu sont multiples et d"ordre tendanciel.De plus, bien que les locuteurs connaissent cette possibilité, ils optent plutôt pour unplacement fixe en usage. Ces faits nous ont amenée à nous demander si l"input permet àl"enfant de se construire la notion d"adjectif épithète sans avoir recours à des connaissanceslangagières innées.

Pour y répondre, nous proposons une étude comparant les usages de trois enfants à ceux de leur famille à deux temps de leur acquisition (T1 : 3;8, T2 : 4;6). Nous étudions quatre aspects de l"usage de l"épithète (lexique, placement, combinaison avec d"autres modifieurs ou un dépendant adjectival) et nous confrontons l"adjectif aux autres modifieurs nominaux. Ces phénomènes montrent tous la même évolution. À T1, les enfants emploient

la construction la plus fréquente des adultes, avec un fort degré de spécificité lexicale. À T2,

d"autres constructions émergent selon leur ordre de fréquence chez les adultes. Le lexique de la construction de T1 s"est en outre élargi dans le champ de la classe sémantique des usages de T1. Les enfants montrent ainsi une sensibilité aux informations quantitatives et une abstraction graduelle des structures par analogie sémantique, qui plaident pour une construction progressive de la notion d"adjectif épithète à partir de l"input. Mots-clés :Acquisition du Langage, Syntaxe, Adjectif, Input, Constructions, Fréquence ii

Abstract :The acquisition of nominal modifiers : the case of adjectives in FrenchThe acquisition of attributive adjectives is subject to two major difficulties in French.First, adjectives express a property of a larger unit : children must be able to conceivean object as a whole and as a set of properties to use a NP with an adjective. Second,adjectives in French may occur before or after the noun. Alternation is a defining featureof the category but it is not random, and the constraints at play are numerous andpreferential in nature. Also, although speakers are aware of this possibility, they tendto choose a fixed position in usage. These facts raise the question of whether the inputallows children to construct the notion of attributive adjectives without a resort to innatelinguistic knowledge.

To answer this, I propose a comparative study of the productions of three children interacting with their family at two times of their development (T1 : 3;8, T2 : 4;6). I exa- mine four phenomena concerning attributive adjectives (lexicon, placement, combination with other modifiers or adjectival dependents), and I compare adjectives with other no- minal modifiers. All of these phenomena show the same evolution. At T1, the children use the most frequent construction in the adult data, with a high degree of lexical specificity. T2 shows the appearance of other constructions according to their order of frequency in the adult data. The construction from T1 is also used with a greater choice of lexical units, but within the same semantic classes. The children thus show sensitivity to quantitative information and a gradual abstraction of constructions by semantic analogy, which pleads for a progressive construction of the knowledge of adjectives based on the input data. Key-words :Language acquisition, Syntax, Adjective, Input, Constructions, Frequency iii

Remerciements :Je tiens tout d"abord à exprimer ma gratitude envers mes directrices de recherche, AnneSalazar Orvig et Pollet Samvelian, pour m"avoir encadrée lors de mon doctorat. J"ai dé-couvert à leur contact un domaine de travail qui est devenu une réelle passion.Merci de m"avoir formée à la recherche, pour votre expertise et vos conseils qui m"ontété si précieux. Merci aussi pour votre disponibilité, votre soutien et vos encouragements.Enfin, merci d"avoir eu confiance en moi.Je voudrais également exprimer mes vifs remerciements à Guillaume, Louise, Rayan etleurs parents, sans qui cette thèse n"aurait pas pu voir le jour. Un grand merci pourm"avoir accueillie si chaleureusement chez vous. Vous avez été des partenaires de jeuxformidables et j"ai été très heureuse de partager ces moments avec vous.Cette étude est en partie le résultat d"une collaboration avec Benoît Crabbé et JulietteThuilier. Grâce à eux j"ai pu me familiariser avec la linguistique de Corpus. Ils ont beau-coup contribué à mes choix de méthode pour l"ensemble de ce travail et je les en remercie.Un grand merci aussi pour nos discussions linguistiques et les fruits qu"elles ont apportés.J"ai aussi eu l"opportunité de faire un stage à l"université d"Amsterdam, sous la super-vision de Rens Bod, dane le cadre de mon doctorat. Malheureusement les données demon corpus ne m"ont pas permis d"appliquer les expérimentations auxquelles nous avionspensé. Je tiens néanmoins à le remercier, ainsi que ses doctorants Gideon Borenstaijn etFederico Sangati de m"avoir accueilli dans leur laboratoire (ILLC) et d"avoir pris le tempsde répondre à mes nombreuses questions.J"aimerai par ailleurs remercier toutes les personnes qui m"ont accompagnée, soutenue,supportée, encouragée tout au long de ce travail.Un grand merci à Nouria Aït-Atman pour sa gentillesse et son aide durant toute la pé-riode des enregistrements.Merci à mes collègues doctorants, en particulier Christine Da Silva, Maximilien Guérin etMarine Le Mené pour la relecture de ma thèse.Merci à mes parents et à mes frères.Merci à mes amis, Amandine, Nelio, Bruno, Naomi, Sarra, Samira, Inés, Stéphane, Em-manuel, Mathilde, Mélanie et à beaucoup d"autres.Enfin, je voudrais remercier les professeures Harriet Jisa, Elena Lieven et Michèle Noaillyd"avoir accepté d"évaluer mon travail et de faire partie de mon jury.

iv

Sommaire1 Introduction1

2 Les approches théoriques du langage et de son acquisition 9

3 L"acquisition dans le domaine nominal : état de l"art 33

4 La question du placement de l"adjectif épithète 53

5 Problématique et méthode de l"étude91

6 L"usage général de la modification nominale 125

7 L"usage de l"adjectif épithète149

8 Le placement de l"adjectif par rapport au nom 191

9 La constitution interne du SAdj257

10 La modification multiple impliquant des adjectifs 283

11 Les modifieurs épithètes313

12 Les numéraux et indéfinis337

13 Discussion Générale357

14 Conclusion générale401

A Sélection des SN analysés425

B Composés nominauxvscombinaisonsN+Modifieur431 v

SOMMAIRESOMMAIRE

vi

Chapitre 1Introduction

La présente thèse porte sur l"acquisition des modifieurs nominaux

1chez trois enfants

francophones (entre les âges de 3;8 et 4;6), avec une focalisation particulière sur l"adjec- tif épithète. Nous y proposons une étude qui consiste en la description de l"usage et de l"évolution de cette catégorie par le biais du développement du lexique adjectival en fonc-

tion épithète, mais aussi à travers divers phénomènes syntaxiques liés à cette fonction :

placement par rapport au nom, utilisation de dépendants adjectivaux, et co-occurrence de l"adjectif avec d"autres modifieurs dans le SN. Nous mettons également cette acquisi- tion en perspective avec le développement de l"usage d"autres modifieurs nominaux qui présentent des propriétés communes avec l"adjectif, à savoir les adverbes et les noms épithètes, et d"autres catégories telles que les numéraux (cardinaux et ordinaux) et les adjectifs indéfinis.

L"acquisition de l"adjectif épithète, et des modifieurs nominaux plus généralement, pré-

sente deux intérêts majeurs en français : leur rôle de dépendant nominal et le placement

de l"adjectif par rapport au nom. L"intérêt de la première caractéristique en acquisition

du langage a été mis en évidence par des travaux comme ceux de Bartlett (1976); Nel- son (1976); Taylor et Gelman (1988); Klibanoff et Waxman (2000); Mintz et Gleitman (2002); Ninio (2004); Blackwell (2005); Kilani-Schoch et Xanthos (2012) qui traitent de l"acquisition de l"adjectif, pour la plupart chez des enfants anglophones. Ils indiquent que

la difficulté principale de cette catégorie repose sur sa fonction générale de dépendant

nominal : l"adjectif est un mot dont le rôle est de dénoter une propriété particulière qui

permet d"apporter une information distinctive/restrictive/explicative à propos d"une unité conceptuelle plus importante auquel il se rapporte (entité, concept abstrait...). Cette dé-

1. Les divers dépendants nominaux que nous envisageons ne sont pas tous des modifieurs à proprement

parler. Les numéraux cardinaux et les adjectifs indéfinis sont généralement classés comme des quantifiants,

et certains SP peuvent être compléments du nom (ex. la construction du bâtiment). Ils ont cependant

tous en commun le fait de pouvoir être en co-occurrence avec un déterminant, c"est pourquoi nous les

désignons uniformément par le terme de modifieur. D"autre part, la distinction entre complément ou

modifieur n"a aucun impact sur la problématique de notre étude, nous ne la prenons donc pas en compte.

1

2Chapitre 1 : Introduction

pendance notionnelle a un impact sur différentes dimensions de l"usage des adjectif : en sémantique, ils ne prennent pleinement leur sens que lorsqu"ils sont en combinaison avec le nom (ex. un beau dessinvsun beau gâchis); en morphologie, ils s"accordent en genre et en nombre avec le nom (ex. une belle image). En syntaxe, la fonction à laquelle nous

nous intéressons est celle de l"épithète, soit une fonction où le rapport entre le nom et

l"adjectif est le même en syntaxe et en sémantique. Enfin, la fonction discursive générale

de l"adjectif en fait un élément non essentiel pour que la phrase de base soit bien formée :

il n"est pas toujours nécessaire d"apporter des informations complémentaires à propos du

concept désigné par le nom, en particulier en fonction épithète, ce qui a pour conséquence

que l"adjectif est bien moins utilisé que d"autres types de mots comme le nom, le verbe, ou encore le déterminant. Les enfants sont donc confrontés à une quantité moindre de données leur indiquant comment fonctionne la catégorie.

L"ensemble de ces propriétés semble faire de l"adjectif une catégorie difficile à appré-

hender par rapport à d"autres comme celle du nom pour les enfants. Elles sont notamment considérées comme responsables de l"apparition tardive des adjectifs au cours du dévelop- pement de leur lexique général (Nelson, 1976; Caselliet al., 1995; Ninio, 2004), ainsi que pour l"acquisition graduelle ou par étapes d"une représentation abstraite et en isolation de leur sens et de leur comportement syntaxique (Taylor et Gelman, 1988; Klibanoff et

Waxman, 2000; Mintz et Gleitman, 2002).

Les études sus-mentionnées ne portent que sur la catégorie adjectivale, parce que le statut de dépendant nominal (notionnel) est inhérent à cette catégorie, mais aussi parce que l"adjectif peut être vu comme le meilleur représentant de la fonction de modifieur nominal. Il existe cependant en français d"autres types de modifieurs nominaux, auxquels on peut attribuer des propriétés analogues. Le nom peut être modifié par : - un adjectif ou syntagme adjectival :un tout petit livre,un livre intéressant - un numéral cardinal :les deux livres - un numéral ordinal :un deuxième livre - un adjectif indéfini :les quelques livres - un nom :un livre jeunesse - un adverbe :un livre bien - un syntagme prépositionnel :un livre d"images - une proposition relative :un livre qui a du succès - une proposition complétive :l"envie que tu lises un livre - une proposition participiale :un livre parlant de magie Certains d"entre eux sont proches des adjectifs dans le fait que leur rôle principal est de dépendre du nom, même si leur rapport avec ce dernier n"est pas tout à fait du même ordre (numéraux cardinaux et ordinaux, adjectifs indéfinis, relatives). D"autres ne sont pas toujours des dépendants nominaux mais ils peuvent prendre une fonction très proche 2 3

de celle de l"adjectif épithète de façon plus secondaire (adverbes, noms, SP, complétives et

participiales). On peut ainsi penser que certaines des difficultés qui entraînent un dévelop-

pement tardif et graduel de l"adjectif sont également susceptibles d"influencer l"acquisition des autres modifieurs. En d"autres termes, il est possible que ces derniers présentent des

mécanismes d"acquisition semblables à ceux observés pour l"adjectif dans la mesure où ils

présentent des propriétés communes. L"adjectif se distingue néanmoins de tous les autres modifieurs par ses possibilités de placement par rapport au nom. Deux sites autour du nom sont susceptibles d"accueillir les

divers éléments. Le tableau 1.1 indique le patron général de la distribution des modifieurs

au sein du groupe. Il montre que la plupart d"entre eux ont une position attitrée qui peut

être pré- ou post-nominale selon leur nature spécifique. Celle-ci est généralement fixe pour

un modifieur donné, sauf pour la catégorie adjectivale qui peut apparaître indifféremment

dans les deux sites.

Syntagme Adjectival

Syntagme AdjectivalNom

DéterminantNuméral CardinalTête NominaleAdverbe

Numéral OrdinalSyntagme Prépositionnel

Adjectif IndéfiniProposition Relative

Proposition Complétive

Proposition Participiale

Table1.1 - Patron de la distribution des dépendants nominaux Il est également possible dans quelques cas rares que les numéraux apparaissent après le nom alors qu"ils lui sont normalement antéposés (ex. le livre second, le tome deux). Cependant, la catégorie adjectivale est la seule qui permet à ses membres d"apparaître de façon généralisée dans l"une ou l"autre position relative au nom. Comme le notent Wagner et Pinchon (1962), tout adjectif est susceptible d"être placé dans les deux positions par rapport au nom. En revanche, leur placement n"est pas nécessairement aléatoire : (1) a. un joli livre /??un livre jolivsune jolie femme / une femme jolie b. un livre difficile /??un difficile livre c. le plus difficile livre de Kant

2/ le livre le plus difficile de Kant

d. un énorme livre / un livre énorme Ce phénomène est bien connu des grammairiens et des chercheurs en linguistique française. Il a fait l"objet de multiples travaux qui ont montré qu"un grand nombre de contraintes sur des dimensions très variées de la langue peuvent jouer un rôle dans le placement des épithètes : syntaxe, sémantique, morpho-phonologie, pragmatique, fréquence d"usage

2. http ://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=212

3

4Chapitre 1 : Introduction

(Reiner (1968); Waugh (1977); Forsgren (1978); Wilmet (1981); Larsson (1994); Nølke (1996); Abeillé et Godard (1999) parmi de nombreux auteurs). Ces contraintes sont pour la plupart d"ordre préférentiel. Par exemple, Glatigny (1965); Forsgren (1978) observent que les combinaisonsNom + Adjectiftendent à être ordonnées en masse croissante, c"est-

à-dire que le mot le plus court précède le plus long. Les exemples en (1-a) et (1-d) indiquent

cependant que la contrainte n"est pas catégorique puisque l"antéposition dejoliet de énormene pose pas de problèmes d"acceptabilité malgré leur combinaison avec des noms

à une seule syllabe. D"autre part, les différentes contraintes interagissent entre elles. C"est

notamment ce qui explique les différences d"acceptabilités entre (1-b) et (1-c). En (1-b) l"adjectif est la seule composante de son syntagme, et le seul modifieur dans le SN. Il est alors préférentiellement placé en postposition. Son instanciation dans une construction superlative et sa co-occurrence avec un SP semblent par contre le rendre plus mobile puisque les deux ordres sont possibles en (1-c).

Les propriétés de l"alternance adjectivale ne sont propres ni à l"adjectif, ni à la langue

française. Elles s"apparentent notamment à celles d"autres phénomènes comme par exemple l"alternance dative en anglais (Arnold et Wasow (2000); Wasow (2002); Bresnan (2007)) : il est possible de réaliser les argument du verbe dans une structure [V + SN-bénéficiaire + SN-thème](2-a), ou[V + SN-thème + SP-bénéficiaire](2-b). (2) a. John gave Mary a book on English grammar b. John gave a book on English grammar to Mary De même que le placement de l"adjectif, ces phénomènes d"alternance ont fait l"objet de nombreuses études qui ont mis en avant le fait que le choix parmi les deux structures est régi par des contraintes multiples d"ordre préférentiel. Ce constat a conduit les travaux sus-mentionnés à remettre en question la conception traditionnelle de la connaissance linguistique (ou compétence) en syntaxe formelle, qui correspond à une vision absolue ou catégorique distinguant la compétence, qui comporte les règles de bonne formation de la langue, de la performance, qui renvoie à l"usage effectif de la langue : les règles grammaticales ont pour rôle de permettre au locuteur de déterminer si une séquence est grammaticale ou non. Les contraintes préférentielles n"autorisant pas les locuteurs à de

telles décisions, elles sont traditionnellement écartées de la compétence. Elles font donc

partie des contraintes de performance qui sont censées n"avoir aucune incidence sur la connaissance linguistique. À l"instar de Arnold et Wasow (2000); Wasow (2002); Bresnan (2007), nous pensons que les conséquences d"une vision de ce type sont problématiques. Nous verrons dans le chapitre 4, où nous décrivons le phénomène du placement de l"adjectif, qu"une approche formelle traditionnelle ne peut finalement proposer qu"un traitement extrêmement ré-

duit du phénomène en termes de règles syntaxiques catégoriques étant donné leur faible

nombre en comparaison aux contraintes préférentielles. L"adoption d"une telle perspective 4 5 implique alors que l"on considère que les locuteurs sont en théorie très permissifs dans les différents ordres possibles pour les diverses combinaisonsNom + Adjectif. Ceci ne paraît cependant pas correspondre à la connaissance que les locuteurs ont du phénomène. Ils semblent notamment avoir des préférences très importantes pour une position donnée en fonction de l"adjectif spécifique employé, et ce malgré leur connaissance du fait que

la même unité est susceptible d"être utilisée dans la position alternative. Les données

plaident ainsi plutôt en faveur d"une approche qui intègre ce type de contraintes dans la connaissance linguistique et considère que l"usage joue un rôle dans la constitution du savoir linguistique des locuteurs. Dans ce travail, nous nous plaçons du point de vue de l"enfant qui acquiert sa langue. L"adoption d"une perspective développementale pour la question de l"ordre de l"adjectif

épithète semble particulièrement intéressante car elle donne un accès à la façon dont se

construit la connaissance linguistique, et permet ainsi de voir quel rôle peut effectivement

être attribué à l"expérience et aux contraintes préférentielles dans l"acquisition du phéno-

mène. En des termes plus spécifiques à l"alternance adjectivale, il est possible de voir si

les enfants placent leurs épithètes selon des contraintes préférentielles observées en usage,

comme par exemple celle de la préférence de chaque adjectif pour une position donnée,

s"ils optent pour une stratégie générale correspondant à la position par défaut de la classe

ou encore s"ils placent leurs adjectifs de façon plutôt aléatoire, ce qui correspondrait à une

connaissance plus proche de ce que l"on peut prédire à l"aide des règles catégoriques. Toutefois, envisager le phénomène du placement chez l"enfant ne peut se faire sans

l"englober dans l"étude de l"acquisition de l"adjectif épithète, et de la modification nominale

plus généralement. Comme nous l"avons dit ci-dessus, l"alternance de position touche la catégorie adjectivale dans son ensemble, mais seulement la catégorie adjectivale parmi tous

les modifieurs possibles. Elle constitue un des critères d"adjectivité centraux d"après Goes

(1999). Autrement dit, les propriétés de placement font partie des caractéristiques qui rassemblent les adjectifs entre eux et les différencient des autres types de modifieurs. Elles sont donc très fortement liées à la notion même d"adjectif en termes abstraits, ce qui n"est par exemple pas le cas en soi pour le déterminant dans la mesure où sa position relative au nom est toujours la même et coïncide avec celle d"autres catégories, comme notamment les numéraux qui partagent avec les déterminants leurs propriétés de linéarisation par rapport au nom, mais aussi le caractère fixe de leur placement. Or, les

observations des études sur l"acquisition de l"adjectifs mentionnées ci-dessus suggèrent que

cette connaissance ne va pas de soi puisqu"elles montrent 1) que les adjectifs apparaissent tard dans les productions enfantines, 2) que le fonctionnement de la catégorie est acquis progressivement. Autrement dit, nous n"avons aucune garantie que les enfants de notre étude ont conscience de la catégorie adjectivale de façon abstraite. Cela signifie donc que pour pouvoir pleinement évaluer le degré de maîtrise des enfants concernant la question 5

6Chapitre 1 : Introduction

du placement, nous devons être en mesure de déterminer quel est leur état de connaissance de l"adjectif épithète. Ceci passe par deux types d"informations différentes. D"abord, la notion d"adjectif épi-

thète se définit au niveau interne. Les unités pouvant apparaître dans cette fonction sont

susceptibles d"appartenir à des classes lexicales variées qui présentent des caractéristiques

qui leur sont propres, notamment le type de propriété qu"elles dénotent (dimension, cou- leur, forme...). Mais elles présentent également des propriétés communes qui permettent de les regrouper en un ensemble plus important et plus abstrait : leur fonction d"épithète, la question du placement, la possibilité de prendre des dépendants au sein du SAdj... Ainsi, pour déterminer quelle connaissance les enfants ont de la catégorie, il nous faut pouvoir établir s"ils sont capables de produire des unités appartenants à des classes lexicales va- riées au sein de la catégorie adjectivale, et si celles-ci ont un comportement semblable à l"égard des diverses propriétés portées par la catégorie dans son ensemble. Ensuite, l"adjectif épithète se définit par son rôle de modifieur nominal. Or, comme nous l"avons vu ci-dessus, ce n"est pas une caractéristique propre à l"adjectif puisque d"autres types de mots peuvent remplir la même fonction. De même qu"au niveau interne de la catégorie adjectivale, cela signifie que les divers modifieurs nominaux présentent des similitudes dans leur comportement, mais ils présentent également des propriétés qui leurs sont spécifiques. Un élargissement à l"usage de la modification nominale nous per- met ainsi d"établir ce qui caractérise la fonction en acquisition du langage, en dégageant les ressemblances dans l"évolution des différents types de modifieurs possibles. Nous pou-

vons aussi déterminer si les caractéristiques propres à l"adjectif, notamment la possibilité

d"alternance de position, ne sont bien retrouvées que dans les cas d"usage de la catégorie adjectivale. La thèse est organisée de la façon suivante. Les trois chapitres qui suivent cette in- troduction sont consacrés aux questions théoriques et empiriques qui nous ont servi de base pour l"élaboration de notre étude. Dans le premier, nous présentons les courants théoriques majeurs qui existent pour rendre compte de la connaissance linguistique des locuteurs (enfants et adultes). Nous y indiquons les raisons qui nous ont poussée à nous placer dans la lignée des approches basées sur l"usage et ce que cela implique sur notre vision du langage et de son acquisition. Dans le second, nous faisons une revue critique des travaux en l"acquisition du langage au sein du domaine nominal, en particulier celles qui portent sur l"adjectif et la modification nominale. Enfin, le troisième est consacré au

phénomène de l"alternance en français. Nous abordons le phénomène par plusieurs angles :

nous nous intéressons d"abord aux contraintes et possibilités liées à la langue, nous nous

penchons ensuite sur le type de connaissance que nous pouvons attribuer aux locuteurs, enfin nous présentons la recherche que nous avons menée en collaboration avec Juliette Thuilier et Benoît Crabbé sur les usages effectifs des locuteurs. 6 7

Le reste de la thèse est entièrement consacré à notre étude en acquisition du langage.

Dans le chapitre 5, nous exposons plus en détails la problématique liée à l"acquisition des

adjectifs épithètes et des modifieurs nominaux, puis nous donnons la méthode que nous avons employée pour nos analyse : nous y présentons le corpus que nous avons constitué et

notre démarche pour la description des données. Le chapitre 6 est réservé à la présentation

générale des données. Il a pour objectif de situer les emplois des modifieurs sur l"ensemble

des productions nominales chez les enfants et les adultes, et d"examiner quels types de modifieurs ils utilisent.

Les quatre chapitres suivants sont consacrés à l"étude de l"adjectif épithète. Il s"agit

dans un premier temps de comparer la distribution des adjectifs chez les enfants et les adultes pour déterminer si les enfants en produisent dans des proportions analogues à leurs interlocuteurs et si leurs usages sont aussi diversifiés. Les chapitres 8, 9 et 10 portent sur les phénomènes syntaxiques du placement, de la présence de dépendants adjectivaux

(ex. un tout petit bébé, un carré grand comme ça) et de la co-occurrence de l"adjectif avec

d"autres modifieurs nominaux (ex. un gentil petit garçon, le feutre vert de mon frère). La

comparaison de ces phénomènes à la distribution des adjectifs en général nous donne la

possibilité de voir si les enfants sont capables d"attribuer à n"importe quel adjectif employé

une propriété normalement portée par la catégorie dans son ensemble. Leur comparaison entre eux nous autorise à évaluer si leurs manifestations respectives nous permettent d"envisager le même degré de connaissance pour chacun d"entre eux. Nous avons ensuite deux chapitres dans lesquels nous décrivons l"acquisition des autres modifieurs étudiés. Il est à noter que les modifieurs comportant obligatoirement plusieurs

mots ne sont pas intégrés (SP, propositions relatives, complétives et participiales). Ceux-ci

sont en effet très différents de l"adjectif par leur forme, mais aussi par la relation qu"ils entretiennent avec le nom. Le chapitre 11 est réservé aux adverbes et aux noms. Ces

catégories partagent avec l"adjectif le fait d"avoir une fonction d"épithète lorsqu"ils sont

utilisés comme modifieurs nominaux. Ils s"en démarquent par contre dans la mesure où leur rôle de dépendant nominal est secondaire. Les adverbes sont avant tout des modifieurs verbaux, et les noms constituent normalement la tête (ou entité) dont l"adjectif dépend. Le chapitre 12 concerne les numéraux cardinaux et ordinaux, ainsi que les adjectifs indéfinis. Ces catégories ont en commun avec l"adjectif leur statut de dépendant nominal de façon inhérente. Celui-ci est en revanche de nature quelque peu différente puisque les trois catégories semblent se situer à l"intermédiaire entre les déterminants et les adjectifs. Enfin, nous proposons un chapitre consacré à la discussion générale où nous mettons

en perspective les résultats de nos analyses pour les divers phénomènes afin de dégager les

éléments de ressemblance et les disparités dans leurs manifestations et les mécanismes de

leur acquisition. Nous répondons également aux questions adressées lors de la présentation

de la problématique en interprétant les données dans une perspective plus théorique. 7

8Chapitre 1 : Introduction

8 Chapitre 2Les approches théoriques du langage etde son acquisition

Ce chapitre est consacré à la présentation des courants théoriques majeurs qui s"inté-

ressent à la question de la constitution de la connaissance linguistique des locuteurs et à son acquisition. Les distinctions que l"on peut faire entre les diverses approches ne sont pas tout à fait les mêmes selon que l"on se place au niveau des adultes ou des enfants. Ceci est dû au fait que l"on ne se pose pas les mêmes questions concernant la connaissance linguistique. Lorsque l"on s"intéresse à la constitution de la connaissance chez les adultes, on cherche à établir de quoi elle est faite, c"est-à-dire sa nature et son fonctionnement. Quand on se place dans une perspective d"acquisition, il s"agit de déterminer par quels mécanismes le locuteur apprenant arrive à cette connaissance. Autrement dit, on cherche

à définir quels sont les éléments dont l"enfant dispose au préalable de son acquisition,

quelles ressources lui sont utiles, et dans quelle mesure il s"appuie sur ces dernières. Il y a entre les deux perspectives des recoupements qui ont une incidence sur la problé- matique qui nous intéresse ici puisque notre positionnement théorique en acquisition du langage est en partie dû à nos observations sur la question de l"alternance de l"adjectif chez les adultes, et à notre placement par rapport aux études en syntaxe formelle concernant

le phénomène. Ainsi, avant de passer à la présentation des courants que nous envisageons,

nous faisons un point sur les questions adressées dans chacune de ces perspectives et sur la façon dont nous avons regroupé les diverses approches. Lorsque l"on s"intéresse à la connaissance linguistique chez les adultes, les théories du langage peuvent être divisées selon les deux groupes suivants : les approches qui envisagent la connaissance linguistique comme un système catégorique de règles abstraites et celles qui considèrent que c"est un réseau continu de représentations mentales. Les premières sont appelées grammaires génératives et correspondent globalement à tous les cadres de syntaxe formelle qui font suite à Chomsky (1957), qu"ils se placent dans sa lignée, ou qu"ils se présentent comme d"autres alternatives formelles, comme HPSG par exemple (Pollard 9

10Chapitre 2 : Les approches théoriques du langage et de son acquisition

et Sag, 1994). Les approches génératives peuvent être grossièrement caractérisées par

le fait qu"elles envisagent la connaissance linguistique comme un système indépendant de l"expérience langagière. Ce système consiste en un ensemble de règles abstraites et catégoriques qui permettent aux locuteurs de produire n"importe quelle phrase possible de leur langue et de déterminer si une combinaison de mots entendue ou produite est bien formée ou non. Les secondes sont appelées approches fonctionnelles, ou basées sur l"usage. Elles re- groupent tous les cadres théoriques qui considèrent que la connaissance linguistique est indissociable de l"expérience des locuteurs, que celle-ci soit envisagée principalement en termes de fonctions communicatives (par exemple, Halliday (1973)), ou qu"il s"agisse d"autres caractéristiques d"usage comme les informations quantitatives (par exemple, By- bee et McClelland (2005)). Elles définissent la connaissance linguistique comme la repré-

sentation mentale que les locuteurs se font de la langue à partir de leur expérience effective.

Elles n"envisagent pas la connaissance comme un système de règles et considèrent plutôt que celle-ci est un inventaire hiérarchisé de paires forme/fonction (sémantique et discur-

sive) qui peuvent être spécifiques, abstraites ou entre les deux (constructions semi-figées).

Quand on adopte la perspective de l"acquisition du langage, la question principale qui est adressée est celle des connaissances dont l"enfant dispose à la naissance concer- nant le langage. Ici, la séparation peut être faite entre les approches qui considèrent que les humains ont des connaissances spécifiques au langage qui sont innées et celles qui n"admettent pas de telles connaissances. En fonction de comment elles répondent à cette question, les diverses approches ne perçoivent pas l"acquisition du langage de la même façon. La terminologie utilisée par Hirsh-Pasek et Golinkoff (1999) nous semble très bien

illustrer cette différence. Les approches innéistes sont qualifiées deInside-Out: elles consi-

dèrent que les enfants possèdent une connaissance universelle latente qui est découverte et spécifiée pour leur langue lorsqu"ils sont exposés aux productions linguistiques de leur entourage. Il s"agit donc d"activer et d"ajuster un système interne à l"individu par une impulsion de l"environnement. Les approches non-innéistes sont quant à elles qualifiées deOutside-In: puisqu"il

n"existe pas de connaissances langagières innées, celles-ci doivent être apprises. Elles le sont

par des mécanismes semblables à ceux qui permettent d"autres types d"apprentissage, et n"ont donc rien de spécifique au langage. D"autre part, la ressource principale des enfants provient de leur entourage. Autrement dit, les enfants intériorisent des connaissances

linguistiques à partir de données qui leurs viennent de l"extérieur, c"est-à-dire de leur

expérience en situation avec les usages des locuteurs de leur environnement. Naturellement, les approches basées sur l"usage évoquées chez les adultes ci-dessus ont toutes une vision non-innéiste de l"acquisition du langage. Quel que soit le degré de connaissance linguistique du locuteur (apprenant ou expert), elles accordent un rôle 10

2.1 : Les approches génératives11

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