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Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (5)nombreuses et rapprochées. Dans notre cas nous étudierons les besoins en matière de planification familiale tels qu'ils sont ressentis par les populations rurales après une enquête dans ce milieu. Comme le dit si bien DEBORAH MAINE, "on a toujours pensé que les femmes des pays en voie de développement ont des familles nombreuses parce qu'elles le désirent". Pourtant ce n'est pas souvent le cas ; et même quand elle ne veut plus d'enfants, souvent la femme du tiers monde n'emploie pas de méthodes contraceptives modernes. La question reste à savoir pourquoi elle n'emploie pas de méthode contraceptive moderne ? En a-t-elle vraiment besoin ou qu'est ce qui l'empêche d'en utiliser ? Nous avons essayé d'y répondre par une étude menée dans un village.

II - LES OBJECTIFS

1 - Objectif général :

Déterminer les connaissances, les attitudes et les pratiques ainsi que les obstacles et les facteurs favorables en matière de planification familiale dans un village.

2 - Objectifs spécifiques :

- déterminer le niveau d'information en planification familiale - identifier les méthodes traditionnelles de planification familiale - identifier les obstacles de la planification familiale - déterminer s'il y a une différence de comportement selon le sexe, l'âge, l'éducation et la religion - formuler des propositions.

III - LA METHODOLOGIE

Le choix de cette étude a porté sur le milieu rural (86 % de la population burkinabè) parce qu'aucune recherche opéra-

tionnelle en matière de planification familiale n'a étéCONNAISSANCES - ATTITUDES - PRATIQUES

EN MATIERE DE PLANIFICATION FAMILIALE

DANS UN VILLAGE GOURMANTCHE AU BURKINA FASO

J. LANKOANDE* - F. TANKOANO - F. CANNONE - B. KONE* Dr. J. LANKOANDE - S/C de Monsieur le Doyen R.M. OUIMINGA -

Faculté des Sciences de la Santé - 03 B.P. 7192 - OUAGADOUGOU 03 (BURKINA FASO)I - INTRODUCTION Lorsqu'on évoque le besoin en planification familiale, on pense aux avortements illégaux clandestins et septiques, aux décès maternels et infantiles dûs aux grossessesRESUME Les auteurs rapportent les résultats d'une re c h e rc h e opérationnelle sur les connaissances, les attitudes, et pratiques en matière de planification familiale, réa- lisée dans un petit village de l'Est Burkina d'environ

2000 habitants.

L'objectif général de l'étude est de déterminer le com- p o rtement des individus gourmantchés du milieu rural vis à vis de la planification familiale. Le principal résultat porte sur l'unanimité des répon- ses en faveur de la planification familiale dans cette zone rurale où l'accès à l'information et aux services de planification familiale est très difficile. L'abstinence est pratiquée à 100 % et est re o rc é e par l'aménorrhée dûe à l'allaitement re c o m m a n d é e par l'OMS. L'étude a permis de mettre en évidence les 4 "tro p " classiques déterminant les grossesses à risque.

Trop d'enfants

Trop tôt

Trop rapprochées

Trop tard

L'accoucheuse villageoise est la source idéale d'in- formation et de sensibilisation en matière de plani- fication familiale car plus accessible et acceptée par sa communauté. Cette étude nous a montré que le besoin de planifi- cation familiale a toujours existé dans notre société traditionnelle.Nous devons donc généraliser la recherche opérationnel- le en matière de santé de la mère et de l'enfant afin de réduire le taux de la mortalité maternelle et infantile. Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (5)menée en zone rurale. La zone site de notre étude est un village d'environ 2000 habitants comportant comme structures sociales de déve- loppement - un poste de santé primaire - une case maternité pour l'accoucheuse villageoise - une école primaire. La population cible est représentée par 120 personnes, hommes et femmes d'au moins 15 ans et vivant dans ce village gourmantché.L'enquête s'est déroulée du 11 février au 5 mars 1989 ; et le temps moyen mis pour une interview était de 45 minutes.IV - RESULTATS

1 - Caractéristiques de l'échantillon :

On note 72 % de femmes mariées contre 43 % chez les hommes. Les hommes (43 % des cas) sont plus alphabétisés que les femmes (23 % des cas) ; 6 % seulement des animistes sont alphabétisées contre 54 % pour les protestants et 50 % des catholiques.

2 - Niveau d'information en planification familiale

Indépendamment du sexe, de la religion, de l'état d'alpha- bétisé ou non, le pourcentage d'individus ayant entendu parler de la contraception est relativement bas dans notre échantillon ; en effet 17 % seulement de la population étudiée a entendu parler de la contraception moderne. Une seule femme soit 0,8 % de la population utilisait une méthode contraceptive moderne au moment de l'enquête.

3 - Méthodes traditionnelles de planification familiale

3-1 L'abstinence sexuelle :

Elle constitue la principale et unique forme de contracep- tion efficace, reconnue par tous les hommes et femmes et pratiquée à 100 %.

Nous constatons que :

* 18 % la maintiennent à 36 mois * 36 % à plus de 24 mois * 54 % à plus de 12 mois L'abstinence sexuelle est renforcée par la présence d'autres femmes dans le foyer (la polygamie).3-2 L'allaitement maternel au sein : Il est pratiqué à 100 % dans la région pendant plus de 12 mois ;

79 % des femmes qui allaitent présente unea m é n o r r h é e

jusqu'à 12 mois.

3-3 Les autres formes traditionnelles de planification

familiale

Elles se résument en :

3-3-1 La séparation du couple : cette méthode ne se

pratique plus de nos jours.

3-3-2 Les interdits sexuels :

L'interdit sexuel est de rigueur chez la femme allaitante.

3-3-3 La pharmacopée :

Des recettes existent mais leur obtention est difficile, car elles revêtent souvent un aspect mystique (cordelettes, décoction...).

4 - Obstacles à la Planification Familiale

4-1 L'âge précoce du premier mariage :90 % des fem-

mes sont mariées à 20 ans contre seulement 10 % après

20 ans.4-2 Le désir de nombreux enfants :65 % des individus

désirent une famille nombreuse de 6 enfants et plus contre

35 % qui désirent moins de 6 enfants.

4-3 Le manque d'information :83 % n'ont jamais entendu

parler de méthodes contraceptives.

4-4 L'inexistence des services de la planification familiale.Les prestations en planification familiale sont l'objet d'en-

treprise individuelle ou émanant d'oeuvres humanitaires.

4-5 Le manque d'instruction

4-6 La condition de la femme :il ressort du propos des

femmes, qu'elles doivent être considérées comme des êtres humains ayant le droit de participer aux décisions concer- nant le foyer. Leur statut de femme soumise doit dis- paraître.

4-7 L'homme obstacle :16 % des hommes pensent que la

contraception moderne conduit à l'adultère.CONNAISSANCES - ATTITUDES - PRATIQUES

EN MATIERE DE PLANIFICATION FAMILIALE...355

• •o o

m mMédecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (5)5 - Facteurs favorables à la planification familiale

5-1 Les conditions de santé maternelle et infantile

5-1-1 La grande multiparité :les femmes de 30-45 ans ont

en moyenne en plus de 9 grossesses.

5-1-2 La grande fréquence des avortements spontanés

Le nombre d'avortements augmente avec l'âge (1,2 en moyenne entre 30 et 45 ans contre 0,3 entre 15 et 19 ans).

5-1-3 La mortalité infantile élevée :ceci dans le groupe de

femmes de 30 à 45 ans (4 à 5 enfants décédés).

5-1-4 Le nombre d'enfants survivants élevé : 5,9 enfants

survivants dans la tranche d'âge de 30-45 ans contre 0,6 entre 15 et 19 ans (Fig No 1).

5-2 Les attitudes favorables à la planification familiale

5-2-1 Désir d'espacer les naissances :83 % des personnes

interrogées souhaitent un intervalle intergénésique de 3 ans.5-2-2 Attitude par rapport aux grossesses rapprochées

71 % des femmes ayant au moins de 5 enfants ne désirent

plus d'enfants.

5-2-3 Désir exprimé en information et sensibilisation

97 % désirent disposer d'information en matière de planifi-

cation familiale et de sensibilisation du couple à l'arrêt des naissances en cas de besoin.

94 % désirent utiliser une méthode moderne de contracep-

tion.

5-2-4 La disponibilité financière est ressentie à l'unanimité5-2-5 Attitude religieuse favorable :76 % considèrent que

la religion ne peut pas être un frein à l'utilisation des méthodes modernes de contraception.

5-2-6 Opinion générale favorable à la planification

familiale

100 % des personnes interrogées sont favorables à la plani-

fication familiale.J. LANKOANDE - F. TANKOANO - F. CANNONE - B. KONE

356Figure 1 - Descendance des femmes selon l'âge

Age des femmesGrossesses

Enfants vivants

Enfants décédés

Avortements15-19 ans20-29 ans30 ans et +

Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (5)357

CONNAISSANCES - ATTITUDES - PRATIQUES

EN MATIERE DE PLANIFICATION FAMILIALE...6 - Les différences de comportement et d'opinion Les femmes désirent un espacement plus long des grosses- ses. Les hommes sont peu disposés à utiliser les moyens contraceptifs. Les jeunes alphabétisés et les chrétiens sont plus informés en matière de planification familiale et désirent peu d'en- fants. Les plus âgés, les analphabètes, les animistes sont moins informés, et désirent beaucoup d'enfants et sont moins favorables aux méthodes contraceptives modernes. Il ressort de cette étude, que l'accoucheuse villageoise reste la source idéale d'information et de sensibilisation en planification familiale, car plus accessible et plus acceptée par la communauté. En effet 93 % des femmes et 87 % des hommes la préfèrent aux autres sources d'information.

IV - DISCUSSIONS ET COMMENTAIRES

La contraception moderne, comme l'a souligné Kathyl et al

1986, n'est presque pas connue dans le milieu rural "l'igno-

rance de certains pays d'Afrique en matière de planification familiale est encore beaucoup accentuée". Le taux très faible d'utilisateur de la contraception dans notre série 0,8 %, se retrouve dans d'autres pays africains. - Kenya "moins d'un tiers des femmes ont utilisé une méthode de contraception" MAINE - D (11). - Bénin 19 % des femmes utilisent la contraception moder- ne (ALAN GUTTMACHER INSTITUTE - 1984) (2). Le problème d'information en matière de contraception moderne surtout d'utilisation de méthodes contraceptives semble général en Afrique surtout sub-saharienne. L'abstinence sexuelle, principale forme de contraception est retrouvée dans la majorité des cas :

20 % des femmes maliennes s'abstiennent de tout rapport

sexuel pendant plus de 24 mois (ALAN GUTTMACHER

INSTITUTE 1984) (2).

Le fait que toutes les femmes allaitent leurs enfants pen- dant plus de 12 mois est une pratique positive qui va dans le sens des recommandations de l'OMS ; en pays lobi la durée de l'allaitement est de 21 mois selon HAGAMAN (9), au Mali 95 % des femmes allaitent pendant 18 mois (ALAN-GUTTMACHER INSTITUTE 1984) (2).Si l'allaitement est très pratiqué par les femmes comme moyen contraceptif c'est grâce à l'aménorrhée liée à la lactation. L'allaitement et l'abstinence constituent deux moyens efficaces de contraception. Notre étude montre, que toutes les conditions de grossesses à risques élevés se trouvent réunis dans cette zone rurale. - la procréation vécue jeune - la grande multiparité - les grossesses rapprochées - les grossesses tardives à 35 ans C'est ce qu'on appelle classiquement les "4 trop". - trop d'enfants - trop tôt - trop rapprochées - trop tard. La planification familiale est donc nécessaire dans ces zones rurales. Il se dégage deux types d'attitudes à l'égard de la contra- ception moderne : - les hommes sont mieux informés et désirent avoir une famille moins grande, un espacement plus court entre les

naissances. Les femmes désirent un espacement plus long.- les illettrés, les animistes et les personnes âgées préfèrent

une durée de l'abstinence plus longue, désirent une famille plus grande, connaissent moins les méthodes modernes de contraception et leur sont moins favorables.

PROPOSITIONS

Notre étude nous a permis de faire les propositions sui- vantes dans le but de réduire la mortalité tant maternelle que foetale par le biais de l'utilisation des méthodes contra- ceptives modernes. a) Généraliser la recherche opérationnelle en matière de Santé Maternelle et Infantile - Planification familiale en vue de mieux connaître les vrais obstacles à la planification familiale et surtout spécifiques aux différentes commu- nautés du pays. b) Améliorer le taux de scolarisation et d'alphabétisation dans les zones rurales surtout au niveau des filles tout en relevant l'âge de mariage chez les filles. Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (5)CONNAISSANCES - ATTITUDES - PRATIQUES

EN MATIERE DE PLANIFICATION FAMILIALE...902c) Améliorer la qualité des soins médicaux en milieu rural

et intégrer les activités de planification familiale dans les services de santé. d) Elaborer une stratégie de sensibilisation en planification familiale utilisant les agents de santé communautaire.

CONCLUSION

Le besoin de planification familiale a toujours existé dansnotre société traditionnelle. Les hommes du milieu rural adhèrent aux méthodes moder- nes de contraception si elles s'attachent à résoudre les problèmes de santé maternelle et infantile et à procurer un mieux-être social. La participation des populations des zones rurales à l'éla- boration des programmes de planification familiale est indispensable.BIBLIOGRAPHIE

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2 - ALAN GUTTMACHER INSTITUTE (A.G.I.), 1984

Perspectives internationales du Planning Familial No spécial de la conférence internationale sur la population. New-York. 66.3 - ALAN GUTTMACHER INSTITUTE (A.G.I.), 1985

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Special Issue : Birthspacing. Vol.12, No 3 New-York pp.79, 90.

5 - BAKUTUWIDI M., NIWENDO K.L. et al. 1985

Planification Familiale Fécondité et Santé Familiale au Zaïre

1982-1984 I.N.S.D. Zaïre 210 p.

6 - CARTRY M.

1966 Clans, lignages et groupements familiaux chez les gourmantchés dela région de Diapage.

L'Homme Revue Française d'anthropologie. No 2 pp 53-81.

7 - ECO. MONDE AFRIQUE 1986

"La famille africaine" Peuples - Vol.13 No 3 pp 2-24.

8 - F.N.U.A.P., 1989

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9 - HAGAMAN B., 1985

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10 - KATY A. et al.

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