[PDF] De la pratique intertextuelle dans lœuvre romanesque dAlain





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DE LA PRATIQUE INTERTEXTUELLE DANS L"ŒUVRE ROMANESQUED"ALAIN MABANCKOU(Spine title: La pratique intertextuelle d"Alain Mabanckou)(Thesis format: Monograph)byServilienUkizeGraduate Program in French StudiesA thesis submitted in partial fulfillmentof the requirements for the degree ofDoctor of PhilosophyThe School of Graduate and Postdoctoral StudiesThe University of Western OntarioLondon, Ontario,CanadaJanuary 2013© Servilien Ukize, 2013

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THE UNIVERSITY OF WESTERN ONTARIOSchool of Graduate and Postdoctoral StudiesCERTIFICATE OF EXAMINATIONSupervisor______________________________Dr. Anthony PurdyCo-Supervisor______________________________Dr. Daniel Vaillancourt

Examiners______________________________Dr. Marilyn Randall______________________________Dr. Karin Schwerdtner______________________________Dr. Taiwo Adetunji Osinubi______________________________Dr. Josias SemujangaThe thesis byServilienUkizeentitled:DE LA PRATIQUE INTERTEXTUELLE DANS L"ŒUVRE ROMANESQUED"ALAIN MABANCKOUis accepted in partial fulfillment of therequirements for the degree ofDoctor of PhilosophyDate: January 25, 2013_______________________________Chair of the Thesis Examination Board

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ABSTRACTStudies on the contemporary African novel reveal the emergence of new themes ina narrative which, by breaking with the model of the pioneers of African literature, standsout by hybridization. Thus, orality and intertextuality are used to better express therealities of a socio-psychological world. This has led, on one hand, to an increasedpresence of the fantastic element and the mixture of different literary genres and, on theother hand, to the deconstruction of the traditional logic of fiction.Thiswork discusses the way in which the literary revival of a story and therepetition, conveyed through such various textual practices as quotation or allusion,parody or pastiche, constitute the basic tools for the readability of a modern novel. Basedon anintertextual reading of Alain Mabanckou"s novels, this work shows how thisauthor"s fiction, just like other modern African texts, participates in the aesthetics of acontemporary novel.Drawing on the Bakhtinian dialogic principle at the heart of the polyphonic theoryof enunciation as well as on Genette"s transtextuality, we can conclude that Mabanckou,through playful, comical and carnivalesque processes, plays with everything, desecratingthe serious by mixing it with the trivial, thus placing his work in the postmodernistaesthetics of fragmentation and heterogeneity.Key words:Alain Mabanckou, African literature, contemporary novel, hybridization,orality, polyphony, dialogism, postmodernism, intergenericity, autotextuality,intratextuality,intertextuality.

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RÉSUMÉDes études sur le roman africain contemporain dévoilent l"apparition de nouveauxthèmes dans une narration qui, marquant la rupture avec le modèle des pionniers de lalittérature africaine, se distingue par l"hybridation. Ainsi l"oralité et l"intertextualité sont-elles convoquées, pour mieux exprimer les réalités d"un univers socio-psychologique.D"où la présence accrue du merveilleux et du mélange des genres, ainsi que ladéconstruction de la logique romanesque traditionnelle.Ce travail rendcompte de la façon dont la reprise en littérature et la répétition, aumoyen de diverses pratiques textuelles dont la citation ou l"allusion, la parodie ou lepastiche, constituent des outils de base pour la lisibilité du roman moderne. Parunelecture intertextuelle de l"œuvre romanesque d"Alain Mabanckou, nous montrons en quoila fiction de cet auteur, comme les textes africains modernes dans leur ensemble, participede l"esthétique du roman contemporain.En nous inspirant, entre autres,du principe dialogique bakhtinien au cœur de lathéorie polyphonique de l"énonciation autant que de la transtextualité genettienne, nousaboutissons à l"idée que Mabanckou, par des procédés ludiques, comiques etcarnavalesques, se joue de tout, désacralise le sérieux en le mêlant au trivial, inscrivantainsi son œuvre dans le courant d'une esthétique de la fragmentation et de l'hétérogénéitéqu"est le postmodernisme.Mots-clés: Alain Mabanckou, littérature africaine, roman contemporain, hybridation,oralité, polyphonie, dialogisme, postmodernisme, intergénéricité, autotextualité,intratextualité, intertextualité.

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À Jeannette,Et à nos enfants.

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REMERCIEMENTSNous adressons nos vifs remerciements à Tony Purdyet Daniel Vaillancourt qui,en leur qualité de directeurs de thèse, ont fort contribué, par leurs observations, àl"achèvement de cette étude. C"est leur précieuse collaboration, animée du sens critiquedes œuvres, qui nous a permis de présenter ce travail dans les meilleurs délais.Qu"il nous soit permis aussi de rendre hommage à tous ceux qui, se joignant ànous, ont immensément aidé, par des conseils divers, à la rédaction de ce texte.Nous devons une pensée particulière pour toute notre famille, et principalementpour Jeannette, Hortense Destiny, Fanny Christelle, René Prince, Ange Paulette et LauraSylvette. Avec patience vous avez supporté notre absence; malgré la distance vous êtestoujours demeurés présents dans notre cœur.Que tous ceux qui ont collaboré, de diverses façons, à l"aboutissement de cettethèse trouvent ici la marque de notre profonde et très sincère gratitude.Servilien Ukize

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TABLE DES MATIÈRESCERTIFICATE OFEXAMINATION..........................................................iiAbstract................................................................................................iiiRésumé.................................................................................................ivDédicace................................................................................................vRemerciements.......................................................................................viTable des matières...................................................................................viiCHAPITRE PREMIERCONTEXTUALISATION DU SUJET ET PERSPECTIVES MÉTHODOLOGIQUES...11.1. De l"écriture africaine comme traversée des frontières..............................21.2. Sur les traces du postmodernisme......................................................61.3. Pour un nouveau regard critique surle roman africain.............................111.4. Alain Mabanckou dans l"univers de la pensée littéraire universelle..............201.5. Méthodologie et subdivision du travail..................................................27CHAPITRE DEUXIÈMEDE L"INTERTEXTUALITÉ AU CŒUR DE LA LECTURE,L"ÉCRITURE ET LACRITIQUE LITTÉRAIRE.........................................................................372.1. Aux origines de l"intertextualité: polyphonie et dialogisme.......................382.2. Un concept au cœur de la poétique...................................................432.3. De l"intertextualité comme principe de lecture et d"écriture......................452.4. Intertextualité et intratextualité........................................................632.5. De l"intertextualité à l"interdiscursivité..............................................662.6. L"intertextualité et l"intergénéricité...................................................67

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2.7. L"intertextualité dans l"univers littéraire francophone africain...................70CHAPITRE TROISIÈMEAUTOUR DE L"ŒUVRE DE MABANCKOU: TEXTES ET INTERTEXTES...........783.1. Hypertextualité et intertextualité......................................................793.2. Le calembour intertextuel............................................................114CHAPITRE QUATRIÈMEHISTOIRE ET INTERTEXTUALITÉ.........................................................1194.1. De l"histoire individuelle à l"histoire collective....................................1204.2. Des histoires à l"Histoire..............................................................123CHAPITRE CINQUIÈMEINTERTEXTE ET TRADITION ORALE......................................................1455.1.Une esthétique de la métamorphose................................................1465.2. Du roman au conte.....................................................................1495.3. De l"univers fantastique et merveilleux au réalisme magique...................1585.4. Le proverbe comme intertexte.......................................................1675.5. L"intertextualité musicale............................................................169CHAPITRE SIXIÈMEAUTOTEXTUALITÉ ET INTRATEXTUALITÉ............................................1806.1. De l"écrivain personnage au personnage de l"écrivain...........................1816.2. De la circularité du récit à la reproduction des scènes............................1916.3. Réflexion sur ce qu"est l"écriture et l"écrivain.....................................200EN GUISE DE CONCLUSION..................................................................205RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES.......................................................211CURRICULUM VITAE..........................................................................229

1 CHAPITRE PREMIERCONTEXTUALISATION DU SUJET ET PERSPECTIVESM"THODOLOGIQUES

21.1.De lŒÉcriture africaine comme traversÉe des frontiéresLa présente étude sur lapo"tique de l©intertextualit" dans l©‚uvre romanesqued©Alain Mabanckou vise ƒ embo"ter lepas au discours critique, soucieux d©inscrire lestextes africains dans le sillage de la littérature universelle, en établissant les liens qui setissent entre les ‚uvres, et cela ƒ travers l©"criture1. Et dans le vaste champ de lalitt"rature, elle se focalise sur la litt"rature francophone d©Afrique subsaharienne.Immerg" dans un bain d©"v"nements sociaux, l©homme demeure un acteurincontournable d©une litt"ratureancr"e dans une sorte d©imaginaire r"aliste. Car, en effet,rappelle Kristeva, l©histoire et la soci"t" sont ...envisag"es elles-mêmes comme textes quel©"crivain lit et dans lesquels il s©ins†re en les r"crivant‡ (Séméiôtikè, 83) . L©auteurs©att†le ainsi ƒpeindre le destin de l©individu dans une soci"t" en perp"tuelle mutation.D©oˆ le fait que les th†mes soulev"s dans le roman francophone africain de l©extr‰mecontemporain d"bordent les fronti†res africaines pour tenter de s©inscrire dans l©universel,et pour cause, car ...la litt"rature d©un pays particulier ne peut pas seulement se limiterhistoriquement et esthétiquement à celui-ci. L©"crivain est un homme de son "poque‡(Littérature et politique, 12). Ce propos de Koffi Anyinefa,qui se résume en une véritablequête de décloisonnement et de désenclavement du texte littéraire, rencontre pleinementceluid©Alain Mabanckou,pour quile livre de l©"crivain africain ne devrait pas ‰treappréhendé comme une simplephotographie de l©Afrique. Car,confie-t-ildansuneinterview,on ne peut pas être écrivain sans être curieux du monde. Cette posture, qui1Lire, entre autres, sur ce propos: Bisanswa,Roman africain contemporain; Semujanga,Dynamiques desgenres;Notre Librairie: "La critique littéraire»;Tangence: "Les formes transculturelles du romanfrancophone»;Présence francophone: "La réception critique des littératures francophones»;Étudesfrançaises:"La littérature africaine et ses discours critiques».

3consiste aussi en un plaidoyer pour l©ouverture vers d©autres horizons culturels, est siproche en tant de points de celui de Kossi Efoui, qui semble d"finir l©attitude de l©artisteafricain dans le monde littéraire actuel:"Il s©agit de ne plus ‰tre pr"sent lƒ oˆ on estattendu, mais systématiquement donner rendez-vous ailleurs, déplacer les questionsailleurs. En fait c©est [l©"crivain] qui invite ƒ d©autres rendez-vous, sur d©autres terrains,oˆ [il] peu[t] proposer d©autres masques».(cité par Albert, 79)Ainsi envisag"e, l©"criture africaine contemporaine se perŠoit alors comme unetravers"e des fronti†res: ce que note Guy Scarpetta, lorsqu©il remarque que l©"criture faitd"river des continents, survole des territoires, ne cesse de partir, de migrer, de s©exiler. Etil va sans dire que Mabanckou s©inscrit dans cette lign"e des "crivains sans fronti†res. Il...fait d"jƒ partie de ces jeunes "crivains [‹] qui ‚uvrentau renouveau de la littératureafricaine et dont les "crits ont jet" les pr"mices d©une nouvelle tendance po"tique etromanesque: la littérature de mouvement» (Moukoko, 204). Ses récits constituent en effetun incontestable renouvellement des thématiques,des personnages et des lieux.Afin d©analyser la pratique intertextuelle ƒ laquelle se pr‰teAlainMabanckou, nousavons opté pour la focalisation de notre étude sur son ‚uvre romanesque. Unchoixqui sejustifieavec le propos de Pierre N©Daselon lequel,le roman,par sa souplesse, sa capacitéd©adaptation et d©absorption d©autres genres, se veut le champ par excellenced©exp"rimentations formelles diverses et le lieu d©une "criture plurielle qui se pr‰te bienau jeu de l©intertextualit".Huit romans dont l©"criture se d"marque par sa profondeur intertextuelle constituentainsi le corpus principal de notre étude. Nous citons par ordre de parution:Bleu-Blanc-

6Tous les romans qui constituent notre corpus obéissent scrupuleusement à ce genrede jeu intertextuel. Ainsi plac"e dans le contexte de la postmodernit", l©"tude des ‚uvreschoisies, lues à la lumière des textes littéraires préexistants et des discours antérieurs,permettrait de mieux appréhender les stratégies par lesquelles la nouvelle générationlitt"raire d©"crivains africains, dont fait indiscutablement partie Mabanckou, tente des©"vader de l©africanit" r"ductrice, cheminant ainsi vers ...une litt"rature transnationale enmouvement» (Toro, 8).1.2. Sur les traces du postmodernismeDes "tudes sur le roman africain contemporain d"voilent, en effet, l©apparition denouveaux thèmes dans une narration qui, marquant la rupture avec le modèle despionniers dela litt"rature africaine, se distingue par l©hybridation. Ainsi l©oralit" etl©intertextualit" sont-elles convoqu"es, pour mieux exprimer les r"alit"s d©un universsocio-psychologique. D©oˆ la pr"sence accrue du merveilleux et du m"lange des genres,ainsique la déconstruction de la logique romanesque traditionnelle. Pareille esthétique enqu‰te d©une "criture novatrice trouve certes son fondement dans le postmodernisme, uncourant qui, par sa complexité, se prête à des interprétations multiples.Parue enFrance autour des années soixante-dix "avec cette volonté de revoir notremani†re de penser le monde ƒ partir d©un sch"ma impr"gn" de la r"alit" contemporainequi nous entoure» (Boisver t, 70),la notion de postmodernisme révèle, pour ce quiconcerne la critique et la théorie littéraire, "un retour critique sur la modernité dont lesd"voiements, pr"coces [‹] et cumul"s, ont fait de l©id"al philosophique des Lumi†res un

7rêve utopique» (Gonta rd, 66).Pour François Harvey,"la postmodernité se définitgrossièrement comme la fin des grands r"cits d©"mancipation et de l©id"ologieprogressiste et évolutionniste, et par le"retour"aux formes conventionnelles dereprésentation selon un point de vue soit pastichiel, soit critique» (11). Cette conceptiondoitbeaucoupàcelle de Jean-François Lyotard, pour qui le postmodernisme est uneremise en question des métarécits3, oˆ chaque auteur s©arroge le droit de d"finir sescritères de vérité, récusant ainsi les normes modernistes, telle la nouveauté oul©originalit". Pourl©auteur deLa Condition postmoderne, "[l]e grand récit a perdu sacr"dibilit", quel que soit le mode d©unification qui lui est assign": r"cit sp"culatif, r"cit del©"mancipation‡ (63). Unetelle crise, faut-il le rappeler, avait été prédite par NathalieSarraute dans sa défense des nouveaux romanciers. Ainsi émettait-elle, dansL'Ère dusoupçon, le constat selon lequel ...leurs ‚uvres, qui cherchent ƒ se d"gager de tout ce quiest imposé, conventionnel et mort, pour se tourner vers ce qui est libre, sincèreet vivant,seront forcément tôt ou tard des levains d'émancipation et de progrès» (154).De cepropos ressort indéniablement une forte volonté de peindre un nouveau paysage littéraire,qui récusel'ignoranceet l©obscurantisme dans lesquels se sont engouffrés les gens, dessiècles durant, et leur int"r‰t pour des ‚uvres litt"raires d"pourvues de toute vitalit",conŠues sur base de vieux proc"d"s d©un formalisme scl"ros".De cela, nous postulonsquel©esth"tique postmoderneincorpore simultanément ce qu'il conteste et ce dont ildérive. Étant à la fois une rupture avec le moderne et sa continuation, comme le noteLinda Hutcheon, le postmoderne rompt avec l'esth"tique moderne de l'‚uvre d'art, son3Il s©agirait des textes issus de la civilisation occidentale et qui ont "t" longtemps consid"r"s comme lesseuls détenteurs de vérité; "des formes narrativisées de savoir, des mythes conceptuels, qui assurent lacohérence idéologique du système-monde» (Gontard, 19). Citons, entre autres exemples, "histoire judéo-chrétienne, hégélianisme, positivisme, progressisme des Lumières, socialisme et marxisme, évolutionisme...qui tous pr"tendaient conduire l©humanit" vers un salut unique et assur"‡ (Hottois, 465).

9Malgré les divergences évoquées, ilexiste une relative unanimit" autour d©unepo"tique postmoderne, qui s©articulerait autour des "l"ments suivants:autoréflexivité, intertextualité, mélange des genres, carnavalisation, polyphonie,pr"sence de l©h"t"rog†ne, impuret" des codes, ironie m"taphysique, déréalisation,destruction de l©illusion mim"tique, ind"termination, d"construction, remise enquestion de l©Histoire et des grandes utopies "mancipatrices, retour de lar"f"rentialit" et du sujet de l©"nonciation (sous une forme fragment"e et avec unesubjectivit" exacerb"e), refus de la scission entre le sujet et l©objet, participation dulecteur au sens de l©‚uvre, retour de l©"thique, discours narratif plus ...lisible‡,réactualisation des genres anciens et des contenus du passé, hybridation de laculture savante et de la culture de masse. ("Métatextualité postmoderne», 63)Il faudrait remarquer ici que l©observation de Lamontagnerejoint foncièrement le proposde Magnan et Morin que nous récapitulons avecMarie-Lyne Piccione qui, dans son étudesur lesLittératures francophones, souligne que les éléments caractéristiques du romanpostmoderne sont, entre autres, la pluralité des voix narratives, une thématique centrée surl©auto-repr"sentation, la m"tafiction et, surtout, l©"criture oˆ se remarque grandementl©importance allou"eƒ l©intertextualit". C©est ainsi que les pratiques telles quela citation,l©ironie, la parodie, le pastiche et l©imitation deviennent des proc"d"s artistiquesenvogue pour les artistes postmodernes.Dans lesMoments postmodernes dans le roman québécois, Janet M. Paterson"nonce aussi quelques traits distinctifs de l©esth"tique postmoderne que l©on pourraitfacilement appliquer à la fiction mabanckouienne. Parmi ceux-ci, la rupture des codesd©"criture, l©importance des jeux de langage et de l©intertextualité bien sûr. Au sujet de lanarration, remarque Paterson, le narrateur du roman postmoderne s©exprime g"n"ralementpar la voie d©un"je"narratif, contrairement au roman traditionnel où on a un narrateurimpersonnel et omniscient. Ainsi dans la plupart des romans de Mabanckou, le"je"dunarrateur permet à celui-ci d©incarner le rŒle de l©auteur. C©est, en un mot, un"je"auctorial qui interpelle sans cesse son lecteur.

11toute une pratique intertextuelle qui gouverne son "criture permettrait de situer son ‚uvredans le vaste champ des littératures postmodernes.Nous proposons, dans le pr"sent travail, d©"tudier le rapport de l©"crivain au mondepar le biaisdu signe. Comment Mabanckou inscrit-il son ‚uvre dans cette litt"rature demouvement? Comment contribue-t-il au renouvellement de l©art romanesque? En quoi lem"lange des genres et l©intertextualit" constituent-ils des éléments privilégiés pour lalisibilit" du roman africain de l©extr‰me contemporain? Autant de pr"occupationsauxquelles nous tentons d©apporter des "l"ments de r"ponse dans la suite de notre expos".Ainsi espérons-nous pouvoir démontrer, avec Janet Paterson,que"lire un roman à lalumièredu ph"nom†ne postmoderne, c©est implicitement le situer au sein d©uneproduction artistique internationale. C©est aussi y reconna"tre un ph"nom†ne temporel quiest soumis àla culture ambiante» (5). Tel para"t d©ailleurs ‰tre le slogan en vogue parmiles spécialistes de la littérature francophone contemporaine.1.3. Pour un nouveau regard critique sur le roman africainEn effet, la question de m"thodes dans l©analyse des textes africains, en l©occurrencele roman, n©a cess" de faire couler l©encre de la critique. Ainsi Josias Semujanga discute-t-il largement de cette probl"matique. Partant de l©hypoth†se que l©"criture littéraire est unphénomène transnational, et donc transculturel, cet auteur allègue que pour comprendre leroman africain, "il importe de le mettre en relation, non seulement avec le romaneuropéen et les récits oraux du champ culturel africain précolonialen général, dans leurévolution, mais aussi avec les autres genres[‹] et les autres espaces culturels‡

12(Dynamique, 191-192) . D† s l©incipitde son essai, Semujanga déplore le fait que lacritique persiste ƒ consid"rer les ‚uvres litt"raires sur base de postulats idéologiques etpropose une lecture transculturelle et transg"n"rique du roman, une approche qu©il estimela plus efficace pour rendre compte du caract†re universel des ‚uvres africaines. Troiséléments concourent, selon lui, à justifier le choix de sa m"thode. D©une part, latransculturalit", par sa capacit" ind"niable de mettre en rapport des ‚uvres litt"raires ouartistiques diff"rentes, s©"rige en v"ritable interpr†te des cultures d©horizons divers.D©autre part, l©approche transculturelle se pr‰te bien ƒ une analyse minutieuse des ‚uvresissues de la litt"rature dite traditionnelle, aussi bien qu©ƒ toute cette production hybride ethétéroclite de la postmodernité en perpétuelle mutation. Enfin, une telle poétiquecontribuerait ƒ mieux percer l©organisation narrative du texte, par une mise en relation desthèmes et motifs traditionnellement reconnus pour un genre donné.En guise d©illustration de sa th"orie, Semujanga s©appuie sur l©analyse d©un corpusreprésentatif aussi disparate sur le planformel que sur le plan chronologique  dequelques titres de la littérature africaine publiés entre les années trente et quatre-vingt-dix.Dans cette "tude transculturelle, le constat s©"tablit: tout roman se nourrit du patrimoinelittéraire mondial et del©imaginaire, ...toute cr"ation artistique ou litt"raire fonctionneselon ce principe de la transformation constante des modèles disponibles dont se saisitl©"crivain‡ (...Liminaire‡, 9).Dans une tentative de mieux situer le sujet, Semujanga rappelle au départl©existence de trois principales tendances dans le discours critique africain. Le premiermouvement, qui rassemble la critique afrocentriste, cherche ƒ d"montrer l©africanit" des‚uvres et l©originalit" de la litt"rature africaine. Celle-ci se présente, en effet, comme

13...une vision t"l"ologique et essentialiste dont l©aspect pratique est la valorisation descultures et civilisations du monde noir» (Dynamique,15). Le deuxième courant se définitcomme une critique eurocentriste. Celle-ci apprécie le romanafricain en regard des‚uvres europ"ennes. Cette tendance va ƒ l©encontre de toute id"e de l©africanit" des‚uvres et, surtout, de l©originalit" des textes africains, en cela qu©elle vante l©existencedes canons littéraires, disons des règles ou prescriptions immuables, qui r"gissent l©artromanesque. Par cons"quent, tout auteur devrait s©y conformer pour hisser son nom aupanthéon de la littérature mondiale. Les deux courants, remarque Semujanga, contribuentainsi à fragiliser toute liberté créatrice de l©"crivain. Car, celui-ci se retrouve dans unesorte d©embrigadement litt"raire, ...dans une africanit" ou une europ"anit" dont les formessont r"pertori"es et fix"es ƒ l©avance‡ (21 ) . Une ent rave cer tes de tai ll e au projetambitieux de la critique, qui milite sans cesse pour l©inscription des ‚uvres africainesdans le contexte culturel du monde moderne, univers aux aspects génériques ettransculturels hétéromorphes.La critique scientifique, troisième courant de la pensée africaine dans laquelleSemujanga inscrit bien entendu la poétique de la transculturalité, se veut la plus appréciéedans l©"tude du roman.Pource chercheur, le propre de cette tendance réside dans sonint"r‰t ƒ l©application aux textes des m"thodes litt"raires, entre autres l©intertextualité etl©interdiscursivit", auxquelles il pr"f†re la transculturalit" et la transg"n"ricit"4. Celles-ci,estime l©auteur, seraient des outils efficaces pour d"montrer la faŠon par laquelle ...une4Semujanga justifie ainsi sa préférence du préfixetrans(transculturalité, transgénéricité, transtextualité,transdiscursivit") au profit de celui d©inter(interculturalité, intergénéricité, intertextualité, interdiscursivité)par le fait que les termes entransfont ressortir, entre autres, "le caractère transversal des productionsartistiques» (Dynamique, 28). Quant aux termes eninter, ils renvoient ƒ ...l©id"e de deux ensembles unis parune relation d©intersection, de partage et de cohabitation‡ (28). Sans aller ƒ l©encontre de la position deSemujanga, nous parlons d©intertextualit" comme relation transtextuelle, telle que la définit Genette danstoutes ses formes d©expression: copr"sence, hypertexte, m"tatexte, paratexte, etc.

14‚uvre artistique d"voile la culture de"Soi" et de l©"Autre"par des coupes transversalessur les genres artistiques et littéraires» (29). Et de cette façon, la poétique transculturelleque prŒne Semujanga s©inscrirait dans le sillage de ceux qui privil"gient le texte commeune galaxie de signifiants, ou simplement comme un système ouvert.Sur cette lancée, la revueÉtudes françaisesconsacre un dossier à une réflexion surle travail de la critique dont maints auteurs prônent sans cesse le renouvellement desmodèles. Sous le titre"La littérature africaine et sesdiscours critiques», les chercheurs sequestionnent essentiellement sur le rŒle de la critique au sein d©une institution litt"rairetelle que la littérature africaine. Josias Semujanga, dans une note de présentation de cenuméro, paraît revenir sur les grands courants de lacritique africaine, dont il a déjàrésumé la teneur dansDynamique des genres. En opposant la critique traditionnelle à lanouvelle critique du roman africain, l©auteur remarque que cette derni†re, plutŒt que dechercher la v"rit" objective des ‚uvres, ...privil"gie le texte, qu©il faut analyser, d"crire,explorer en tous sens sans prétendre décider de sa valeur littéraire» ("Présentation», 8).L©article intitul" ...De l©africanit" ƒ la transculturalit"‡ prolonge sa r"flexion, proposantainsi "une critique littéraire dépolitisée du roman»(133). Semujanga examine tour à tourles bases du discours afrocentriste et eurocentriste qu©il rejette en bloc, en faveur d©unepoétique susceptible de définir le roman africain comme lieu de "manifestations duprocessus transculturel de l©"criture, dont les manifestations vont de la simpleintertextualit" ƒ l©adaptation, en passant par la reprise de fragments d©autres textes‡ (...Del©africanit"‡, 143).Dans sa contribution au dossier, Pierre Halen, lui, souligne le rôle de lacritiquelittéraire,arguant ainsi que le critique n©est lƒ que pour consacrer l©existence ƒ l©‚uvre:

15...ce qu©il dit de l©objet, "crit-il, oriente la lecture: en plus de faire exister l©objet, il enconfigure la repr"sentation‡ (13). De lƒ, l©auteur soul†vela question du fondement del©existence des litt"ratures francophones comme objet scientifique, se demandant siréellement elles constitueraient un donné objectif sans le concours du critique. Mais detout cela, la question fondamentale pour Halen reste de savoir ce qui, en dehors del©‚uvre critique, contribue ƒ l©existence d©un tel donn".Tout au départ, Pierre Halen souligne le phénomène de la désignation identitaire,qui invite d"jƒ le critique ƒ accorder son int"r‰t ƒ telle ou telle ‚uvre, selon lacatégorieoˆ elle est rang"e: ...Il s©agit lƒ, bien entendu, d©une op"ration fondamentale, puisqu©elledétermine la première orientation de la lecture et, souvent même, des méthodologies ainsique des syst†mes de valorisation sp"cifiques‡ ( 14). Par tant de l©hypothèse que lar"ception participe de l©existence sociale des ‚uvres francophones comme de toute‚uvre culturelle, et m‰me ƒ leur cr"ation, l©auteur propose une analyse des limites de lavalorisation identitaire, en tant que condition de possibilité dans l©expansion deslitt"ratures francophones. Regrettant l©absence d©une approche v"ritablement critique‚uvrant ind"pendamment du centre, il rappelle que cette d"pendance ƒ l©"gard de lasuperstructure politique de la francophonie a été longtemps perçue comme "tant l©une desconditions de possibilit" d©"mergence du syst†me litt"raire francophone. Cependant, noteHalen, avec une analyse institutionnelle, le critique se garderait toujours de chercher àd"couvrir ce qui est cach" derri†re les ‚uvres, comme l©histoire qu©elles v"hiculent ouleurs sources d©influence. Car, en effet, cela constituerait le rejet du caract†re de ladiversité qui est reconnue aux textes littéraires. Aussi devrait-il mettre de côté desdualismes identitaires, qui n©ont plus de valeurdans notre appréhension et compréhension

16actuelles du monde, sans quoi le discours du dialogue interculturel en vogue dans lemonde francophone ne serait qu©une illusion.Cette démarche de Halen, faudrait-il le remarquer, rejoint en quelque sorte celle destenants duNew Criticism. Ce groupe de critiques, lisons-nous sous la plume des auteursduDictionnaire du littéraire, prône "une lecture détachée de tout ancrage historique»( 412). Ainsi décline-t-il des approches traditionnelles de l©analyse litt"rairebaséesnotamment sur la curiosité historico-biographique. Au fait, pour leNew Criticism, commeil en est autant pour le structuralisme d©ailleurs, ...l©‚uvre doit ‰tre perŠue dans saglobalité et elle est conçue comme une structure qui prescrit une réaction juste» (412).Quant aux dualismes identitaires, rappelons-le avec Pierre Halen, le phénomènereste un enjeu des débats littéraires à la périphérie. Au fait, le rejet de la norme littérairefranŠaise par la valorisation des diff"rences culturelles n©a d©autre intérêt que la quête dela simple reconnaissance de légitimité des littératures francophones, au même titre que lalittérature hexagonale. Une légitimité qui, néanmoins, ne devrait jamais conduire à lamarginalisation.En somme, le raisonnement de Halen invite le critique à repenser la littératurecomme plurielle. Il faudrait une critique littéraire qui, comme le propose Semujanga, sepr"occupe ...du caract†re universaliste de l©acte d©"crire‡ (Dynamique, 8). Ne serait-il pasici une invitation ouverteà porter un regard neuf sur les relations, combien complexes,pérennes et durables reliant la critique littéraire et la lecture des textes? Voilà une desinterrogations majeures que soulèveFictions africaines et postcolonialisme.

18pastiche, de parodie et de redoublement» (cité parDrndarska,280). De ce propos deMoura,Drndarska-Rétysignale ainsi la difficult" qu©il y a ƒ envisager, dans uneperspective postcoloniale, une "tude sans ...s©efforcer de rendre justice aux conditions deproduction et aux contextes socioculturels dans lesquels s©ancrent ces litt"ratures‡ (283).Dans la foul"e de l©analyse du discours critique du roman africain, la revuePrésence francophoneouvre largement ses colonnes à un vif débat autour de ce sujet. Eneffet, Justin Bisanswa, entre autres, reproche aux chercheurs d©avoir souvent interpr"t" leslitt"ratures africaines sur base d©un discours identitaire. De cela r"sulte que les litt"raturesafricaines ont été longtemps perçues comme le reflet des cultures africaines. Une telledémarche, constate l©auteur, est d"nu"e de tout sens. Car, le texte romanesque ne faitjamais partie des signes et des formes de la vérité6. Ce que semblait noter d©ailleursTodorov en soutenant que"ce qui existe, d'abord, c'est le texte, et rien que lui; ce n'estqu'en le soumettant à un type particulier de lecture que nous construisons, à partir de lui,un univers imaginaire. Le roman n'imite pas la réalité, il la crée»("La lecture commeconstruction‡, 417). De plus, le concept d©identit" sur lequel se basent certaines étudesn©est qu©un leurre, d©autant plus que les Africains baignent actuellement dans un universmouvant, un monde polymorphe, en proie à de mutations complexes. Ainsi le romanafricain contemporain se veut-il transculturel et transgénérique. Certes, il englobeplusieurs genres litt"raires, mais aussi l©histoire et les personnages transcendent lesfrontières africaines.

6Cette formule qui veut défendre la polyvalence des valeurs de vérité de la fiction demeure contestable, ausens où le texte fictionnel peut s©inscrire dans un rapport ƒ des r"gimes de v"rit".

19Beaucoup plus int"ressant alors, dans l©analyse de Bisanswa, serait une nuance dediff"rence qu©il rel†ve au sujet de la pratiquede l©intertextualit", dans les litt"raturesafricaines et d©autres litt"ratures, notamment occidentales. Pour ces derni†res,l©intertextualit" renvoie ƒ la fois ƒ l©absorption et la transformation des "l"mentsexternes.Autrement dit, "tout texte puise à d©autres, mais il se r"alise ƒ chaque reprise untravail d©int"gration transformationnelle tel que la reprise devient corps int"gr" ƒ lanouvelle coh"rence significative‡ (...L©aventure du discours‡, 26).Dans le cas du romanafricain, précise le critique, laparticularité réside essentiellement dans la création denouveaux vocables ou dans le jeu sur les mots. De cette façon, les écrivains réussissent às©approprier ais"ment le langage qu©ils manipulent ƒ souhait. Bref, ...ils d"tournent etsubvertissent à travers leurs langages la pr"tendue certitude des savoirs qu©ils convoquentet révoquent du même geste» (26). Comme l©art d©"crire consiste g"n"ralement en unepratique d©appropriation du discours d©autrui  cela sur le mode de différenciation et dedistinction , le romancier africain oriente son esthétique vers la rupture7, voire lareprise des modèles ou des éléments divers ouvrant ainsi à une esthétique del©intertextualit", qui se manifeste entre autres par un jeu citatif. Et Bisanswa de soulignerencore:Comme le peintre ou le musicien, l©"crivain africain travaille, par et dans lelangage, un mat"riau hybride qui n©est autre que son Moi (biologique,psychologique, langagier social et autres). L©"criture, probablement, constitue pourlui la seule utopie grâce à laquelle il peut raccommoder son existence à elle, fût-cedans le désenchantement moqueur. (30)De cela, Bisanswa conclut que le texte africain mérite un nouveau regard de la part de lacritique. Celle-ci, plutôt que de se contenter des classifications d"su†tes, devrait s©appuyer7Le mot serait entendu au sens de Georges Ngal, pour qui "rupture indique que le maniement du langage enlittérature procède non par"révolution formelle"mais par"évolution"» (7).

20sur le concept de généricité en tant que fonction textuelle. En allant ainsi du texte augenre, l©on pourrait ...saisir comment s©articulent fiction et critique pour parvenir ƒl©"tablissement de nouvelles valeurs en mati†rede texte littéraire et de théorie de lalittérature, et analyser comment des formes nouvelles se sont imposées» (31).En définitive, nous dirons, au regard de tout ce qui précède, que la réflexion deBisanswa rejoint à bien des égards celle de ses pairs Brière,Drndarska-Réty, Halen etSemujanga, entre autres, en ce sens que le débat de ces auteurs tourne, en général, sur lanotion m‰me de discours critique. Aussi, pour eux, l©important dans l©analyse des textesest-il de démontrer dequelle manière les conditions de production"africaines parexemple"sont inscrites dans le texte et quel rôle ces conditions jouent dans sonfonctionnement. Telle est notre préoccupation majeure dans la lecture intertextuelle del©‚uvre mabanckouiennequi, comme dirait Kristeva, se veut "un dialogue constant avecle corpus litt"raire pr"c"dent, une contestation perp"tuelle de l©"criture pr"c"dente‡(Séméiôtikè,89).1.4. Alain Mabanckou dans lŒunivers de la pensÉe littÉraireuniverselleMabanckou estné le 24 février 1966 dans la ville de Pointe-Noire, en Républiquedu Congo. Apr†s l©"cole primaire de Voungou dans sa ville natale, il poursuit sonparcours scolaire au Collège Les Trois-Glorieuses et au Lycée Karl Marx de Pointe-Noirede 1979 à 1986. Après son baccalauréat en Lettres et Philosophie, il entreprend des étudesde Droit ƒ l©Universit" Marien-Ngouabi de Brazzaville. L©ann"e 1989 voit son d"part enFrance pour ses "tudes sup"rieures d©abord ƒ Nantes, puis ƒ l©Universit" de Paris-

22intituléeSix po"tes d€Afrique francophone. Les auteurs présentés dans ce bref volume serangent tous parmi les fervents défenseurs de la négritude. Il s©agit de L"opold S"darSenghor, Birago Diop, Jacques Rabemananjara, Bernard Dadi", Tchicaya U Tam©si etJean-Baptiste Tati Loutard.Mabanckou explore aussi les voies du genre romanesque. En 1998, il fait sortirBleu-Blanc-Rouge. Celui-ci est salué par la critique comme un roman de formation. Celivre, dira Alpha Malonga, est une peinture des immigrés africains pris au piège par lemirage de Paris où ils vivent, dans une précarité et une promiscuité souventindescriptibles, de besognes avilissantes qui masquent à peine la déliquescence del©Africain. Quant ƒ Lydie Moudileno,Bleu-Blanc-Rougedénonce non seulement les actes et discours qui participent dumythe parisien, mais également le silence complice des migrants sur certainsaspects de leur exp"rience. [‹] La fiction qu©il propose raconte la mis†re desconditions de logement, les d"lits, la forgerie d©identit"s: elle dit, publiquement, ce"tout» que le narrateur hésite à dévoiler. (129)Ce premier roman de Mabanckou est donc une invitation à la jeunesse africaine à penserun meilleur monde pour le continent noir, plutŒt que d©"taler sa d"ch"ance en Occident.Ainsi défini,Bleu-Blanc-Rougerejoint le rang de romans africains qui s©emploient àd"mystifier des illusions sur l©Eldorado des m"tropoles occidentales, et ƒ d"noncer letraitement dégradant infligé aux immigrés. Édité aux Éditions Présence Africaine, celivre, dont l©intrigue repose effectivement sur les difficult"s de l©immigration, a étéauréolé, en 1999, du Grand Prix Littéraire d'Afrique Noire.Ce th†me de l©immigration constitue l©une des pr"occupations majeures de l©"crituremabanckouienne. En effet, en 2001, l©auteur revient sur cette question dans un autre r"cit

23Et Dieu seulsait comment je dors, publi" aussi chez Pr"sence Africaine. D©apr†s D"sir"-Clitandre Dzonteu, ce roman, présenté dans un humour corrosif et sous une formecaricaturale, est un appel implicite ƒ la jeunesse africaine ƒ s©assumer pleinement. Car,sous la fascination de l©Occident, les jeunes Africains cherchent ƒ s©"vader de leurcontinent esp"rant obtenir le salut ailleurs. Chose que r"cuse cat"goriquement l©auteur.Pour lui, l©Occident ne saurait constituer une th"rapie face aux maux qui les guettent.Poursuivant son activité littéraire, Mabanckou publie, en 2002, chez Le Serpent àPlumes,Les Petits-fils nègres de Vercingétorix. Ce roman situe son intrigue dans un paysfictif qu©est le Vi"tongo, dont la description g"ographique et politique, en liminaire dur"cit, dans une note de l©"diteur (certes aussi fictif), laisse entendre qu©il s©agit bien duCongo-Brazzaville.L©auteurrevient sur les guerres civiles déclenchées par lesprotagonistes politiques, qui déchirent le Congo des années quatre-vingt-dix.HortenseIloki, une des victimes de ces tragédies à qui Mabanckou prête sa parole, décrit avecminutie dans son journal les événements macabres de cette guerre entre Sudistes sous lahoulette de Pascal Lissouba  celui qu©on découvre dans le roman sous lenom de SonExcellence Lebou Kabouya , et Nordistes sous le commandement de Denis SassouN©Guesso  le général Edou dans le récit, en lutte pour le pouvoir. Certes,à traverscette histoire, le lecteur voit non seulement la destruction du Congo-Brazzaville dès 1992,mais aussi, dans une certaine mesure, l©effondrement des soci"t"s africaines. Ainsi lemessage de l©auteur, pour le continent en proie ƒ la crise en g"n"ral et le Congo enparticulier, se veut un cri d©alarme pour un prompt retour ƒ une coexistence pacifique.DansAfrican Psycho, paru également aux Éditions Le Serpent à Plumes en 2003,Mabanckou retrace l©itin"raire de son personnage Gr"goire Nakobomayo. Celui-ci est un

24criminel rat", qui s©emploie ƒ r"aliser ƒ tout prix son premier grandcrime pour égaler leterrible Angoualima, son idole et Grand Maître, le plus célèbre tueur en série du pays.PlutŒt que de s©attendre ƒ une violence qui suinte de chacune des pages de ce roman,comme ce serait le cas dansAmerican Psychode Bret Easton Ellis auquel il fait écho,African Psychose veut, par contre, sous la plume ironique de l©"crivain, un regardcritique sur le système politique du Congo-Brazzaville et les m‚urs de ses habitants.Encourag" certes par le Grand Prix Litt"raire d©Afrique Noire décerné à son premierroman, Alain Mabanckou n©a cess" de publier coup sur coup. Mais c©est surtoutVerreCassé, unanimement salué par le lectorat et la critique, qui le révèle au grand public. Ceroman, publié en 2005 aux Éditions du Seuil, est une véritable satire sociale. Un simpleroman, diraient certains, écrit dans un langage ordinaire et racontant une histoireordinaire, qui met en sc†ne les m"saventures d©un soûlard invétéré dans un bar Le Crédita voyagé. Il se lit au fait dansVerre Cassél©unedes caractéristiques constantes quiconstituent l©univers esth"tique d©Alain Mabanckou: son style. L©auteur enveloppe defaŠon tr†s particuli†re le langage courant du quotidien d©un voile d©humour permanent.Ainsi donne-t-il une légitimité très actuelle auroman satirique, comme mode de critiqueet de d"nonciation sociale. Ce texte s©inscrit dans la tradition de la plaisanterie cocasse, dela phrase non ponctu"e, de l©adage moqueur.Autant letravail del©auteurn'a cessé de croîtreen réputation, autant le succès deVerre Cassén©a cess" de s©"tendre d†s sa parution. Sa fortune est "norme. Objet deplusieurs traductions et adaptations théâtrales,Verre Casséest aussi couronné du Prix desCinq Continentsde la Francophonie, du Prix Ouest-France / Étonnants Voyageurs et duPrix RFO du livre. Sélectionné par le jury du Prix Femina et finaliste au Prix Renaudot

252005, ce roman s©est vu encore honor", en 2009, du Prix Franco-Israélien RaymondWallier.Bénéficiant d©une r"sidence d©"criture aux Žtats-Unis, Mabanckou obtient, en2001, un poste de professeur de litt"ratures francophones ƒ l©Universit" du Michigan. D†s2006, il entre ƒ l©Universit" de Californie ƒ Los Angeles (UCLA) comme professeur audépartement d©"tudes francophones et de litt"rature compar"e. La m‰me ann"e, il publiechez Seuil son autre romanMémoires de porc-épic, pour lequel le Prix Renaudot, le Prixde la Rentr"e litt"raire franŠaise et le Prix Ali"nor d©Aquitaine lui sont attribu"s. Aussi en2007, il est lauréat du Prix Créateurs sans Frontières pour ce même roman qui,selonl©auteur, se d"finit comme "tant une r"flexion sur l©homme et sa place dans le monde.Dans ce livre,l©auteurrecourt à la fable et accorde la parole à un porc-épic. Celui-cis©exprimant au"je"s©adresse imm"diatement ƒ un arbre, un baobab sous lequel il a "lurefuge. L©animal est manifestement le double d©un homme.Se dessine ici l©univers duconte africain dans lequelle romancierplonge son lecteur, par le détournement des loistraditionnelles de l©"criture romanesque.Cette"narration du récit par un animalse posecommele moyen qui permet ƒ l©"crivaind©aiguiser son maniement de l©humour et del©ironie qui rendent gaie la lecture des‚uvresde Mabanckou» (Malonga,127).DansBlack Bazar, sorti des Éditions du Seuil en 2009,l©auteurs©en prendouvertement à la communauté africaine de Paris pour son exacerbation du racisme. Eneffet, les Noirs de France sont loin de constituer un groupe homog†ne. N©ayant pas tousatterri sur le sol des "Lumières» dans les circonstances similaires,ils divergent ainsi dansleur discours sur la colonisation et l©esclavage. ...Il ne faut pas croire que le racisme etl©esclavage c©est seulement entre les Blancs et les Noirs!‡ (DJV, 64), s©exclame un des

26narrateurs de Mabanckou. Le romancierrévèle aussi des injustices sociales auxquellesfont face les ressortissants des anciennes colonies qui élisent domicile en France, dans lebut d©"chapper ƒ la mis†re chronique qui accable cette population. S©exprimant dans lescolonnes deLa Libre Belgique, Guy Duplatémet le constat selon lequelce récitest unecharge corrosive contre le racisme larv" de nos soci"t"s qui n©int†grent pas les migrants,contre les malheurs de l©Afrique et l©incapacit" de ses dirigeants. R"flexion sur lacondition humaine, poursuit le critique,Black Bazarcomporte aussi une philosophieuniverselle qui met en cause un monde mal foutu dont on aurait tort de croire qu©iln©existe que chez les Africains.Demain j€aurai vingt ans, lauréat du Prix Georges Brassens, est un romanautobiographique paru dans la Collection Blanche deGallimard en août 2010. Ce livrerestitue les souvenirs d©enfance de l©auteur dans le Congo communiste de la fin desannées soixante-dix et quatre-vingt.Mabanckoule décrit comme étant une synthèse desprécédents. Car, à ses dires, il regroupe la plupart des thèmes qui lui étaient obsessionnelsaussi bien dansVerre Cassé,Black BazarouLes Petits-fils nègres de Vercingétorix.D©apr†s Alain Kiyindou,l©auteur deDemain j€aurai vingt ansfait de son ‚uvre ...untremplin pour toujours vivre et faire revivre son jardin d©enfance qui en m‰me temps luioffre des sujets qu©il brasse dans l©humour, parce que le rire, l©humour et l©ironie litt"rairesont cristallisation de la parfaite lucidit" de l©"crivain‡ (286).Alain Mabanckou, il a été longuement démontré ci-haut, est récompensé parplusieurs prix et distinctions pour sa production littéraire. En juin 2012, il est couronnépar l©Acad"mie FranŠaise, pour l©ensemble de son ‚uvre, du Grand Prix de litt"ratureHenri Gal de l©Institut de France. En septembrede la même année, il publieaux Éditions

28Cette affirmation est ƒ mettre en relation avec celle d©Andr" Lamontagne qui all†gue que...le texte de fiction contemporain se d"finit et s©affiche comme transformation d©"nonc"stextuels antérieurs» (Les Mots, 1).Au-delà de ce premier constat, Semujanga soutient pour sa part que le romanafricain, privil"giant l©esth"tique de l©hybridit" g"n"rique, entretient des connexionsintertextuelles avec des textes d©horizons divers. D©oˆ la n"cessit" de sa mise en relationavec d©autres espaces culturels, en vue de mieux en d"gager la quintessence. Selon cetauteur, ...il est imp"ratif de repenser la signification des ‚uvres africaines dans uneperspective polymorphe et transculturelle‡ (...De l©africanit"‡, 155).Dans sesromans, en effet, Mabanckou recourt à la transgression de la norme parl©hybridation. Aussi prŒne-t-il l©engagement par l©"criture ainsi que la libert" de l©artistedans sa création, par le décloisonnement et le désenclavement en matière littéraire.Disons, pour reprendre le mot d©Eco, qu©il puise dans son"encyclopédie personnelle"; ceque la critique explique comme étant un ensemble des savoirs et des référencesm"moris"es que le lecteur s©emploie ƒ d"coder sur base de ses propres connaissances,pour mieux appr"hender l©int"gralit" du r"cit. D©oˆ l©importance d©une herm"neutique dela transculturalit", comme strat"gie d©interpr"tation qui int†gre diverses cat"goriescritiques modernes incluant l©analyse intertextuelle, afin de montrer en quoi la fictionmabanckouienne participe de l©esth"tique du roman contemporain.Qu©il nous soit permis ici de rappeler que l©intertextualit", en tant qu©ensemble derelations qu©entretient un texte avec d©autres qui lui pr"existent, est dot"e d©une doublecomposante, c'est-à-dire relationnelle et transformationnelle. La composante relationnelle

29consiste alors en une mise en relation d©un texte avec d©autres textes que le lecteurretrouve dans sa m"moire ƒ la lecture d©un passage donn". Sous cet angle, l©intertextualit"renvoie ƒ tout ce qui met un texte en relation, manifeste ou secr†te, avec d©autres "crits;relation consid"r"e, selon Freddie Plassard, sur le mode de l©"vocation, du rappel ƒ lamémoire. Fondement de toute textualité, ce concept franchit les bornes du champde lalitt"rature et conquiert le discours social et scientifique, ...oˆ l©abondant appareil de notes,de références bibliographiques, de citations, signale le texte lu comme le lieu decirculation d©une infinit" de sens en provenance de sources textuellesdiverses» (155).Nous abordons alors la notion d©intertextualit" comme proc"d" qui ouvre la voie ƒ uneesthétique transgénérique et transculturelle dans le processus cr"atif d©Alain Mabanckou.À en croire Semujanga, la poétique transculturelle consiste enl©art de lire et dereconna"tre les proc"d"s litt"raires des ‚uvres participant de plusieurs cultures. Elleexamine comment "des éléments puisés dans telle ou telle culture"entendue ici commeune stratification de mémoires"sont retravaillés et fusionn"s de faŠon ƒ ce qu©en soienteffacées les traces dans la culture nouvelle» ("La mémoire transculturelle», 19). Et pourle roman africain, une telle poétique pourrait être abordée sous trois aspects. Il y ad©abord les liens que tisse l©‚uvre avec les sous-genres romanesques, notamment leroman policier ou le roman historique. Vient ensuite le rapport de l©‚uvre et d©autresgenres, desquels le roman a du mal ƒ s©accommoder. Car, en effet, d©après Bakhtine, leroman"combat pour sa suprématie en littérature,et lƒ oˆ il l©emporte, les autres genres sedésagrègent» (Esthétique et théorie, 442). Le roman est un genre ...qui s©av†re imp"rialisteet multiforme, finissant par absorber les autres ou par s©immiscer en eux‡ (Tonnet-Lacroix, 7). Que l©on pense ici, parexemple, aux traits propres au théâtre ou au conte que

30l©on peut d"celer dans le roman, dans sa capacit" ind"niable de phagocyter d©autresgenres littéraires. Et Bakhtine de renchérir: "Le roman parodie les autres genres(justement, en tant que genres); ildénonce leurs formes et leur langage conventionnels,"limine les uns, en int†gre d©autres dans sa propre structure en les r"interpr"tant, en leurdonnant une autre résonance» (Esthétique et théorie, 443) . Enf in, l a relationtransculturelle concernera la convocation des motifs spécifiques à une sphèreculturelledonnée, comme par exemple le rapport entre le roman et la légende oul©"criture et l©oralit". Ainsi l©‚uvre de Mabanckou nous permettra-t-elle d©illustrer cettepoétique transculturelle et transgénérique qui r"git l©univers romanesque.Notre analyse prendappui sur l©approche intertextuelle dans l©"tude du corpus. Lechoix de la m"thode tient essentiellement de la f"condit" du concept. L©intertextualité seveut, à notre avis, une synth†se d©autres pratiques. Car, en effet, dans l©"dification del©espace litt"raire, d©autres perspectives pourraient ais"ment se combiner avec cettem"thode. Ce qui, d©ailleurs, lui restitue tout son sens et sa fonction critiques. Pour ne citerque quelques combinaisons possibles8: la sociocritique associ"e ƒ l©intertextualit"permettrait de rep"rer l©origine des "nonc"s, dans une vis"e de mieux "valuer le textecomme harmonisation des voix qui constituent la texture du discours social. Avec lath"orie de la r"ception, l©intertextualit" permettrait d©appr"cier ...la faŠon dont les textesportent de v"ritables sc"nographies de la lecture‡ (Samoyaul t, 112). L©intertextualit"comme m"thode pourrait aussi ‰tre d©un grand secours pour la critique g"n"tique, dans lesens oˆ l©on s©applique ƒ d"m‰ler le processus d©assimilation ou d©absorption des

31mat"riaux externes. Combin"e avec l©analyse stylistique des textes, la m"thodeintertextuelle serait alors beaucoup plus utile dans le dépistage des éléments hétéroclites.Somme toute,dans notre analyse, l©intertextualit" devrait s©entendre au sens global,c'est-à-dire comme un ensemble des relations que tout texte litt"raire "tablit avec d©autres,par divers proc"d"s d©appropriation et de transformation des sources pr"existantes. Cettem"thode, que privil"gie la nouvelle critique dans l©examen des textes litt"raires,permettrait de dégager les liens existant entre le roman de Mabanckou et les autres textes,si nous souscrivons avec Semujanga ƒ l©id"e selon laquelle ...toute ‚uvre [litt"raire] esttravers"e et d"termin"e par des relations avec d©autres ‚uvres, tant sur le plan formel quesur le plan thématique» (Dynamique, 7). L©intertextualit" nous aiderait, dans ce sens, ƒmieux comprendreles diff"rentes transformations qu©op†re l©auteur, en convoquantd©autres textes dans l©"dification de son ‚uvre litt"raire.Au fait, Mabanckou prouve par la pratique de la citation, la parodie, l©imitation, latransformation ou la transposition textuelle, que son savoir scientifique demeure sansfronti†res. Ainsi le regard subtil jet" sur d©"minentes productions litt"raires, reste l©unedes grandes originalit"s de l©‚uvre de cet auteur. En voici, pour illustration, un passagedeVerre Casséauquel nous reviendrons un peu loin pour une analyse détaillée:je me souviendrai toujours de ma premi†re travers"e d©un pays d©Afrique, c©"tait laGuin"e, j©"tais l©enfant noir, j©"tais fascin" par le labeur des forgerons, j©"taisintrigu" par la reptation d©un serpent mystique qui avalait un roseau que je croyaistenir réellement entre les mains, et très vite je retournais au pays natal, je goûtaisaux fruits si doux de l©arbre ƒ pain, j©habitais dans une chambre de l©hŒtelLa Vie etdemiequi n©existe plus de nos jours et oˆ, chaque soir, entre jazz et vin de palme,mon père aurait exulté de joie, et je me réchauffais au feu des origines, pourtant ilfallait aussitŒt repartir, ne pas s©enfermer dans la chaleur de la terre natale, sillonnerle reste du continent pour "couter les "l"gies majeures, les chants d©ombres, il fallaittraverser les villes cruelles dans l©espoir de rencontrer un dernier survivant de la

32caravane, il fallait vraiment partir, remonter vers le nord du continent, vivre la plushaute des solitudes, voir le fleuve détourné, résider dans la grande maison illuminéepar un été africain9(VC, 210-211)Nous avons pu d"celer treize titres d©ouvrages dans cet extrait qui, dirait-on,s©annoncecomme une brève anthologie de la littérature africaine:L€Enfant noirde Camara Laye,Cahier d€un retour au pays natald©Aim" C"saire,Ces fruits si doux de l€arbre ... paindeTchicaya U Tam'si,La Vie et demiede Sony Labou Tansi,Jazz et vin de palmeetLe feudes originesd©Emmanuel Dongala,Élégies majeuresetChants d€ombrede Senghor,Ville cruelled©Eza Boto (MongoBeti),Le dernier Survivant de la Caravaned©EtienneGoyémidé,La plus haute des Solitudesde Tahar Ben Jelloun,Le Fleuve détournédeRachid MimounietUnété africainde Mohammed Dib.Ainsi dans notre "tude, nous t“chons d©identifier non seulementles textes en amontde l©‚uvre de Mabanckou, mais surtout nous analysons de quelle faŠon il s©en approprie.Car, comme le souligne Peter Dembowski, l©important avant tout dans les approchesintertextuelles, c©est moins que le texte ait telle origine, quece qu©il est devenu, maisplutôt la manière dont il a été transformé par un processus évolutif. Emboîtant le pas àDembowski, Justin Bisanswa, parlant des métamorphoses de l©"criture, estime poursapart que ...l©important n©est pas que le roman africain emprunte à la tradition dite orale ouaux litt"ratures et formes occidentales, mais plutŒt d©examiner les diff"rentes modalit"sd©absorption et d©int"gration de l©intertexte‡ (Roman africain, 17).

9La ponctuation finale étant complètement absente dansVerre CasséetMémoires de porc-épic, nousjugeons mieux reproduire, dans la mesure du possible (du moins pour les citations mises en retrait), lesextraits de ces textes tels qu©ils sont (sans signe de ponctuation ƒ la fin) par respect de la volont" del©auteur.

33Cela dit, il ne serait pas sans int"r‰t de souligner qu©aucune analyse ayant pour objetsp"cifique les pratiques intertextuelles des textes de fiction de Mabanckou n©a "t"proposée à ce jour. Sophie Lavigne met en parallèleLes Petits-fils nègres deVercingétorixet le romanAgoniesde Daniel Biyaoula, pour démontrer que les conflitsethniques sont constitutifs des représentations imaginaires. De cette analyse sociologiquedu roman africain, la d"duction de l©auteure en est que, dans un monde imagin", lesconflits migrent avec les individus; ils se transforment maisils restent opérants dans ladéfinition identitaire. Régina-Marciale Mengue-Nguema questionne la vérité dansEtDieu seul sait comment je dors. La construction di"g"tique du secret qu©elle propose aud"part conduit ƒ s©interroger, au bout de son "tude, ...sur le choix de ce secret et sur laparticularité que le secret peut imprimer au genre romanesque» ("Que dit la vérité»,132).Philip Amangoua Atcha, lui, explore certaines des pratiques postmodernes dansVerreCassé; il mène cette étude en confrontant le roman de Mabanckou avecLe jeune hommede sablede Williams Sassine.Dans une perspective proche de celle du présent travail, Marie-Claire DurandGuiziou "tudie l©effet palimpseste dans l©"criture de Mabanckou, mais elle attire sonintérêt surVerre Casséet escamote largement la dimension transculturelle ettransg"n"rique de ce roman. Adama Coulibaly, pour sa part, d"montre la sp"cificit" d©uneesth"tique de l©intertextualit" postmoderne dans le roman africain francophone.Cependant, sans "tendre l©"tude sur l©ensemble de l©‚uvre romanesque d©AlainMabanckou, il citeVerre Cassécomme un exemple d©emploi de l©intertextualit", der"utilisation / recyclage de l©intertexte et ses nouvelles manifestations et enjeux.

34Dans la foulée de larelecture de l©‚uvre, Abel Kouvouama relève dansVerre Casséles figures de la transgression, comme objet d©inspiration musicale ƒ la productionlittéraire. Quant à Yves Mbama-Ngankoua, il aborde l©‚uvre de Mabanckou enconfrontation avec celle d©Emmanuel Dongala, dans le contexte de ce qu©il appellel'écriture de la guerre, où il étudie la façon dont les acteurs et leurs victimes parlent desconflits armés. Une analyse qui rejoint en cela celle de Régina-Marciale Mengue-Nguema, qui établit un parallélisme entre Mabanckou et Kourouma, dans leur esthétiquede la représentation de la guerre.Cet inventaire, non exhaustif certes, fait ressortir le fait que l©analyse syst"matiquedu travail intertextuel dans la fiction romanesque de Mabanckou reste à faire, en vue dedéterminer lesmultiples fonctions de cette pratique dansl©univers mabanckouien, et parlà même dansle discours littéraire africain.Cette recherche se déploie ainsi selon deuxaxes principaux. Nous nous employons, dans un premier temps, à situer le cadre théoriquedela notion d©intertextualit" comme, pour reprendre l©expression de Semujanga, ...unepratique de mise en relation entre les textes et discours antérieurs et récits nouveaux» (LeGénocide, 24). Ou encore, comme "mécanisme tout entier qui fait signe vers le monde,son geste autant que son r"sultat‡ (Samoyault, 87). Cette section, qui, pour l©essentiel, seveut une synth†se des diff"rents courants de l©intertextualit", nous para"t incontournable,en cela qu©elle permet effectivement une int"ressante lecture de l©‚uvre mabanckouienne.En rappelant ainsi la proximité du concept développé par Kristeva et ledialogismedeBakhtine qu©explicite clairement Todorov dans sonPrincipe dialogique, ou encore enconvoquant la taxinomie de Genette dansPalimpsestes, nous espérons mieux appréhender

35le fonctionnement de cette intertextualité, quoique la finalité de ces quelques théoriciensne soit pas de même nature.Cette approche s©"largit, dans un second temps, aux chapitres qui suivent, oˆ nousnous penchons sur l©"tude des pratiques de l©intertextualit" chez Mabanckou. Il s©agitd©une analyse crois"e des pratiques intertextuelles et de leurs fonctions dans chacun desromans du corpus. Nous posons alors la question de l©insertion et de la manifestation del©intertextualit"qui, dans l©‚uvre de l©auteur, se d"finit entre autres comme une qu‰te delibert", une sorte d©"vasion litt"raire, ...un voyage ƒ travers le texte et les textes‡ (Corb"S•ez, 15); ou mieux, un "talage d©"rudition savante oˆ Mabanckoujoue notamment avecla signifiance des mots. Ce qui génèreipso factoun glissement sémantique, und"placement permanent de sens. Dans cette appropriation du discours d©autrui,Mabanckou nourrit sa r"flexion critique sur ce qu©est l©"criture et l©"crivain dans lemonde moderne. Et comme une quête de décloisonnement et de désenclavement du textelittéraire, il se livre ainsi à un jeu sur le genre romanesque.Laquestion de l©appartenance g"n"rique des textes d©Alain Mabanckou est bien srabordée dans cette étude,oˆ nous interrogeons le syst†me architextuel en vue d©"valuer ler"sultat d©un travail de transformation des genres auquel s©adonne cet auteur. Ainsitraitons-nous par exemple de l©appropriation de l©univers de l©oralit" folklorique dans son‚uvre prot"iforme. Il est ici encore question d©"tudier, comme le propose Yves Chemla,la façon dont le romancier déplacquotesdbs_dbs45.pdfusesText_45

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