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Marianne Acquaviva

Corrigé du sujet Bordas p. 194

Dans quelle mesure l'identité des individus se transforme-t-elle lors de la socialisation secondaire ?

Introduction

: L'adolescence est une période où un individu se demande plus particulièrement qui il est et qui il souhaite être.

Autrement dit il va questionner son identité et valider, ou non, les normes et valeurs acquises durant l'enfance.

: La socialisation qui est le processus par lequel l'individu apprend et intériorise ces éléments socioculturels que sont

les normes et valeurs, mais aussi le langage, les codes culturels, la tradition.. de la société dans laquelle il vit, n'est pas limitée à

une seule période de la vie. Elle connait deux étapes : la socialisation primaire durant l'enfance et la socialisation secondaire

tout au long de l'âge adulte.

: Si l'enfance constitue bien un moment privilégié d'acquisition de normes, de valeurs, de dispositions qui

continueront de définir identitairement l'individu à l'âge adulte, cependant ce processus se poursuit tout au long de la vie

adulte : les expériences vécues dans les différents milieux rencontrés au cours du cycle de vie peuvent alors transformer plus

ou moins profondément l'identité de l'individu. Dans quelle mesure l'identité des individus se transforme-t-elle lors de la

socialisation secondaire ?

: Dans une première partie, nous verrons que la socialisation primaire façonne l'identité ; puis dans une deuxième

partie, nous montrerons que la socialisation secondaire permet de reconstruire l'identité. I- La socialisation primaire façonne durablement l'identité

A- Des normes et valeurs transmises par les instances de socialisation primaire, la famille et l'école....

Les instances de socialisation primaire principales, la famille et l'école, transmettent :

- des normes et valeurs, des codes culturels, un langage... = des éléments socio-culturels qui permettent à l'individu de

s'intégrer à une société et de s'y identifier. Ex : " je suis français », " je suis parisien », " je suis de la ville », " je suis un

Acquaviva », " je suis un élève »...

- aussi des capitaux définis par P. Bourdieu : capital culturel, économique et social qui va contribuer à définir l'individu. " Je suis

bourgeois », " je suis fils d'ouvrier » ou " je lis des romans », " je lis des BD ».

- la conscience de statuts (fille/fils, frère/soeur...) et des rôles. Ainsi la socialisation sexuée est une socialisation différente selon

le genre masculin ou féminin qui va inculquer aux petites filles et petits garçons leur statut de femme ou d'homme. Notions :

stéréotype. Cela incitera l'enfant via des sanctions positives (félicitation, récompense...) ou négatives (remarques

désobligeantes, punitions...) à se conformer à son rôle.

Exemple : L'importance des instances de socialisation que sont la famille et l'école se retrouve dans la socialisation politique.

Tout d'abord, " la famille conditionne assez étroitement les attitudes et les orientations idéologiques (gauche-droite, valeurs) »

selon Anne Muxel dans un article publié dans les Cahiers français en 2009 (doc. 1). La participation politique est aussi affaire de

famille : on accompagne ses parents dans le bureau de vote, on participe en famille à une soirée électorale.

De même, l'école participe fortement à la socialisation politique, via les élections de délégués ou à travers les valeurs de la

République démocratique française transmises dans les cours d'ECJS, de sciences politiques ou d'histoire. L'individu subit donc

des influences politiques importantes de la part de sa famille ou de l'école. B- ...Se retrouvent intériorisées et incorporées à l'âge adulte de façon durable a. Les dispositions inconscientes ou habitus sont durables

Marianne Acquaviva

Il y a alors fossilisation de certaines normes et valeurs à l'âge adulte. Ainsi pour Pierre Bourdieu, sociologue français, l'habitus 1

est un ensemble de dispositions profondément ancrées dans notre identité, au point qu'elles forment une seconde nature.

Déf : l'habitus est un système de dispositions durables (langage, goût, comportement, modes de vie...) acquises par l'individu

dans son milieu d'origine et qui vont orienter et structurer les pratiques et les représentations (= les façons d'agir ou de

penser) des individus.

Ainsi nos goûts et dégouts sont liés, non pas à notre nature, mais à notre socialisation primaire. Et notamment à notre

socialisation de classe, différentielle selon que l'on est fils d'ouvrier ou de bourgeois. Ainsi un fils d'ouvrier préférera plus tard

les sorties au cinéma et un fils de bourgeois préférera une sortie au théâtre, car les habitus acquis dans l'enfance perdurent à

l'âge adulte.

Exemple : Sébastien (doc 3) " continue à lire des BD et à jouer à des jeux vidéos », ce qui peut s'expliquer par une socialisation

primaire, familiale et scolaire, qui lui a transmis ces pratiques culturelles. Ainsi selon Bernard Lahire dans Portraits

sociologiques, publié en 2001, " ses goûts et dégoûts culturels sont liés à sa distance à la culture classique légitime (dont il ne

maîtrise pas les codes) ». Exemple : Doc 2 p. 186 sur les habitudes de lecture prise durant l'enfance

Exemple : les gagnants au loto conservent leur habitude malgré leur richesse soudaine (étude des Pinçon et Pinçon-Charlot)

Donc les éléments identitaires acquis pendant l'enfance persistent dans l'identité de l'adulte. L'habitus transmis par la

socialisation dans un milieu d'origine correspond à des dispositions durablement intériorisées et incorporées.

b- La socialisation sexuée perdure Ainsi on observe que la socialisation sexuée pendant l'enfance entraîne à l'âge adulte une répartition très inégalitaire des

tâches domestiques dans le couple, voire des carrières très différentes (congé parental pris essentiellement par les femmes par

exemple)...

Exemple : on observe que la caisse automatique offerte aux petites filles et le sabre laser ont fait leurs effets : 99% des

assistants maternels étaient des femmes en 2002 selon l'INSEE tandis que le taux de féminisation des effectifs militaires est de

seulement 9,5% en 2000 selon le Ministère de la Défense.

Au final, les normes et valeurs sexuées transmises à tous par la socialisation primaire peuvent expliquer la persistance

d'inégalités homme/femme et des discriminations sexistes dans notre société. Autrement dit, l'identité de l'individu adulte ne

contredit pas les normes et valeurs transmises par la socialisation primaire, voire même découle de celle-ci.

c- Les transfuges et immigrés conservent leur identité d'origine

Ceci émerge de façon flagrante dans le cas des transfuges (boursier, parvenus) = individus nés dans une classe sociale et qui vit,

adulte, dans un tout autre milieu social. Malgré la mobilité sociale vécue, notamment ascendante dans le cas des boursiers ou

des parvenus, il leur manque certains codes culturels pour être totalement intégré dans leur classe d'accueil et ils conserveront

toujours des résidus de façon d'agir et de penser, un habitus de leur classe d'origine. Ces façons d'agir et de penser les

" dénonceront » sans cesse comme issus de la classe populaire (" vulgaire », manque d'aisance, mauvais goût selon les

individus ayant eu une socialisation primaire de la classe bourgeoise).

De même un immigré pourra vivre des années dans un pays d'accueil et conserver certaines façons de faire de son pays

d'origine. Son identité sera certes plurielle, multiculturelle, mais sera définitivement marquée par sa socialisation primaire.

d- La reproduction sociale est très forte dans notre société

Ce phénomène de résilience de la socialisation primaire explique l'importance de la reproduction sociale dans notre société,

càd le maintien des positions sociales dans la hiérarchie d'une génération à l'autre (idée de déterminisme : les individus sont

déterminés par leur origine sociale).

Exemple : Myriam (doc. 4) " a choisi de suivre les traces de son père » : les sociologues peuvent questionner ici l'idée de choix,

à l'image des sociologues A. Rieu et S. Dahache qui publient un article en 2008 intitulé " s'installer comme agricultrice » : elles

1 L'habitus est " l'histoire faite nature » selon Pierre Bourdieu dans Ce que parler veut dire (1982)

Marianne Acquaviva

soulignent que Myriam " a reçu une socialisation familiale résolument tournée vers l'agriculture ». Individualisme (=libre choix

de ses normes et valeurs) ou déterminisme social ?

Transition : les enfants subissent donc une socialisation primaire qui portera ses effets tout le long de la vie, dans leur vie de

couple, leur vie professionnelle, leur loisir. Pierre Bourdieu souligne ainsi le déterminisme social qui agit sur tout individu : il

est déterminé en quelque sorte par son milieu d'origine.

Néanmoins certains sociologues des courants de pensée interactionnistes ou individualistes soulignent que les enfants ne sont

pas totalement passifs mais interagissent dans le processus de socialisation. Ils sont acteurs et participent à la construction de

leurs propres normes et valeurs. Pour Jean Piaget, la socialisation est négociée par les enfants dans leurs interactions avec les

adultes. Ceci s'accentue à l'âge adulte, notamment au contact d'autres milieux sociaux, sous l'influence d'autres instances de

socialisations, à l'issu d'autres expériences sociales que celles que l'enfant connaissait dans son monde familial. Ce monde, qui

représentait LE monde pour l'enfant, peut donc être remis en cause à l'âge adulte.

Autrement dit la socialisation primaire donne plusieurs cartes en main / la socialisation secondaire nous permet de choisir les

cartes qui nous sont propres, qui nous conviennent le mieux, voire d'autres cartes complètement différentes.

II- Cependant, la socialisation secondaire entraîne une reconstruction de l'identité des individus

A- Des instances de socialisation ultérieures complètent notre identité....

a- La sphère professionnelle L'individu adulte s'identifie profondément à son métier : " je suis boulanger », " je suis juge »... En effet, son métier va lui

inculquer de nouvelles normes et valeurs qui peuvent modifier ou simplement compléter, complexifier son identité. L'accès au

monde professionnel constitue donc une autre phase d'acquisition de normes et de valeurs particulières au cours de laquelle

l'individu apprend l'ensemble des codes et des pratiques qui constituent l'image sociale d'une profession.

Exemple : 40% des individus interrogés se définissent par le métier ou sa situation professionnelle ou ses études en 2003,

selon l'INSEE (doc. 2).

Exemple : Robert K. Merton étudie les étudiants en médecine et l'acquisition de leur rôle au contact des patients et de leurs

pairs. Pour intégrer un emploi particulier, par exemple, l'individu n'aura pas seulement besoin de diplômes et de

connaissances, mais aussi de tout un ensemble de savoir-être et de savoir-faire spécifiques : être en blouse blanche, être attentif

et compatissant avec le patient, avoir un air assuré... Selon la formulation de Robert K. Merton, les individus sont ainsi conduits

à se projeter dans leur futur métier en adoptant " les valeurs, les attitudes, les intérêts, les habiletés et savoirs qui sont ceux des

groupes dont ils souhaitent devenir membres ».

b- Le groupe des pairs Par ailleurs, le groupe de pair participe à la recomposition de l'identité de l'individu qui confronte au jugement de ses pairs et

valide (ou non) alors ce qu'il a appris dans sa famille. Certes l'origine sociale des pairs, du fait de la ségrégation sociale dans

l'espace géographique (centre-ville/banlieue, ville/campagne), ressemble souvent au milieu social de l'individu ; cependant il

arrive de rencontrer des individus de milieux sociaux très différents, ce qui peut enrichir l'identité d'un individu.

Exemple : Anne Muxel, dans un article des Cahiers français publié en 2009, explique l'importance de l'influence des pairs " sur

les comportements et la participation politique (participation électorale et protestations) ». Ainsi la participation à l'action

collective (grève, manifestation, blocus lycéen) est davantage déterminée par le groupe de pairs que par la famille ; alors cette

participation peut fossiliser, ou " cristalliser » une opinion selon les termes d'Anne Muxel. En allant plus loin, certains

évènements fondateurs propres à une génération va socialiser durablement cette génération. Ils contribuent à " forger des

identités générationnelles spécifiques », selon Anne Muxel, différentes donc de celles de leurs parents qui sont d'une autre

génération (doc. 1).

Exemple : 37% des individus interrogés se définissent par ses amis en 2003, selon l'INSEE (doc. 2).

c- Le couple (socialisation par frottement) Le fait de vivre avec d'autres (couple, collocation) entraîne des modifications de l'identité de l'individu : la socialisation par

frottement continue à construire les individus adultes. Ils vont alors ajuster leur façon de faire et de penser pour s'adapter au

proche.

Exemple : le colocataire va faire attention à ne pas faire de bruit trop tard, à ranger ses affaires, à éviter de fumer s'il y a des

non-fumeurs, etc.

Marianne Acquaviva

Exemple : dans le couple, passer de la situation de célibataire à celle d'époux(se), puis de parent... suppose une véritable

socialisation : c'est une nouvelle expérience de vie sociale que traverse l'individu qui peut le conduire à une modification

profonde de son identité.

Par ces nouvelles expériences, se constitue une identité plurielle : ainsi Bernard Lahire dans l'Homme pluriel (2006) montre

que l'individu possède plusieurs identités. Il doit alors souvent adopter des rôles différents selon le moment.

Exemple : cas des transfuges qui vont cumuler plusieurs identités : " ils peuvent reprendre un accent populaire lorsqu'ils sont

avec des membres de leur famille d'origine » (doc. 4 p . 203) et adopter un langage châtié au contact d'un milieu aisé dans

lequel il souhaite s'intégrer. B- ..., voire nous font adopter une identité qui s'oppose à celle de notre milieu d'origine

a- La socialisation anticipatrice L'individu peut vouloir intégrer un autre groupe que son groupe d'appartenance = groupe auquel l'individu appartient compte

tenu de son statut. Ainsi par un effort de volonté, l'individu intériorise les N&V d'un groupe de référence auquel il souhaite

appartenir et qui forme un modèle pour lui : il subit alors une socialisation anticipatrice.

Exemple : cas de migrants qui adoptent la culture du pays d'accueil et connaissent une acculturation, voire une assimilation

Exemple : cas de l'autodidacte selon Richard Hoggard qui rejette sa culture d'origine : " l'autodidacte perd ses attaches de

classe dans son effort de promotion culturelle [...] Il est devenu incapable d'échanges avec les membres des classes populaires

dont il est issu »

2. Il est même tellement opposé à sa culture d'origine qu'il peut en avoir honte.

b- La déviance Certains individus ont reçu une socialisation primaire qui va échouer à les rendre conformistes. Ils seront alors déviants pour la

société, càd qu'ils ne respecteront pas les normes et valeurs sociales. Il faut alors parfois beaucoup de courage pour braver des

normes et valeurs qui sont fortement intériorisées, voire incorporées par les autres individus de la société.

Exemple : les homosexuels qui transgressent les N&V féminines et masculines imposées depuis la naissance par la société.

Exemple : la femme qui mène une carrière professionnelle rapide sans fonder de famille. Myriam qui choisit un métier

masculin (doc. 3).

Exemple : le fils de cadre qui se fait embaucher à l'usine après une expérience de politisation d'extrême-gauche lors de mai 68.

L'établi de R. Linhart.

Conclusion

En conclusion, la socialisation secondaire peut aussi bien renforcer le processus à l'oeuvre lors de la socialisation primaire par

consolidation des normes et valeurs précédemment acquises qu'aboutir à une transformation radicale de l'identité sociale

(assimilable à la conversion religieuse). Entre ces deux situations extrêmes, on a le plus souvent à faire à une " socialisation de

transformation » limitée à une période de temps réduite ou à un domaine d'activité circonscrit. Source : Eduscol

2 Richard Hoggard, La culture du pauvre, 1957.

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