Guerre de 1939-1945. Archives du Comité dhistoire de la Deuxième
Notamment camp de Compiègne-Royallieu. Relevé nominatif des témoignages effectué par l'Equipex Matrice pour le camp de. Compiègne.
EFFORT FINANCIER DE LÉTAT EN FAVEUR DES ASSOCIATIONS
associatif et la liste des dépenses fiscales relatives aux associations Mémorial de l'internement et de la déportation - Camp de Royallieu (n° ...
PA.TER.MONDI.
Mémoire et mémoriaux des camps français. Le cas du camp de l'internement et de la déportation de Royallieu Compiègne
Sports et pratiques corporelles chez les deportes prisonniers de
et pénètre à l'intérieur du camp de concentration pour servir de main d'œuvre. 102 Pour une biographie de Theodor Eicke voir : Olga Wormser-Migot
La résistance dans le giennois
Carrefour de la Résistance puis au camp du Ravoir (près de Blondeau a été emmené à Compiègne au camp de Royallieu
Leffet de levier dans la reconversion des friches militaires dans le
10-Nov-2017 De nombreux camps de tirs terrains d'entraînement ou zones ... La caserne Royallieu à Compiègne vendue à la commune de Compiègne pour la.
Nos prisonniers politiques en Province de Luxembourg
Alexander est fait prisonnier et incarcéré au camp de Dachau en Wikipédia : articles « Deutsches Afrikakorps » « 15e Panzergrenadier Division » et « ...
Les « Justes parmi les Nations »
plupart des notables juifs sont arrêtés et conduits au camp de Royallieu
Quest-ce quun préfet déporté? Destins contrastés des préfets de
08-Sept-2016 Elle est désormais associée à l'imaginaire du camp de ... l'analyse des notices publiées sur les préfets dans Wikipédia serait intéressant ...
Année 2012
THESE DE DOCTORAT EN SCIENCES ET TECHNIQUES DES ACTIVITES PHYSIQUES ET SPORTIVES Présentée devant l'Université Claude Bernard - Lyon I et l'Université de Stuttgart parDORIANE GOMET
SPORTS ET PRATIQUES CORPORELLES CHEZ LES DEPORTES, PRISONNIERS DE GUERRE ET REQUIS FRANÇAIS EN ALLEMAGNEDURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE (1940-1945)
VOLUME III
Directeurs de thèse
M. le Professeur Thierry Terret
M. le Professeur Wolfram Pyta
Membres du jury
Monsieur Yves Moralès, Maitre de conférences, Université Paul Sabatier Toulouse Monsieur Denis Peschanski, Directeur de recherche, Centre d'histoire sociale du XX e siècle,CNRS -Université Paris-1
Monsieur Wolfram Pyta, Professeur, Université de Stuttgart Monsieur Luc Robène, Professeur, Université européenne de Bretagne Monsieur Thierry Terret, Professeur, Université Claude Bernard Lyon-1 Monsieur Christian Vivier, Professeur, Université de Franche-Comté 809TROISIEME PARTIE
LES PRATIQUES CORPORELLES DES ENNEMIS
DUREICH DE 1940 A 1945:
SANCTIONS, REPRESSIONS, EXTERMINATION
810SOMMAIRE TOME III
TROISIEME PARTIE 809
LES PRATIQUES CORPORELLES DES ENNEMIS DU REICH DE 1940 A 1945: 809SANCTIONS, REPRESSIONS, EXTERMINATION 809
INTRODUCTION DE LA TROISIEME PARTIE 812
CHAPITRE I : 814
P LACE ET TRAITEMENT DES ENNEMIS DU REICH DANS LES DIX PREMIERES ANNEES DU REGIME (1933-1942) 814 INTRODUCTION 814
1.1LUTTER CONTRE LES ENNEMIS " DE L'INTERIEUR », UN OBJECTIF POLITIQUE, DES MOYENS REPRESSIFS (1933-1938)
8161.2
LE " MODELE DE DACHAU » : UNE BASE ELABOREE PAR T. EICKE LORS DE LA PREMIERE PHASE DE L'HISTOIRE DES
CAMPS 827C
ONCLUSION 861
CHAPITRE II : 863
L ES TRAITEMENTS SPECIFIQUES RESERVES AUX PRISONNIERS DE GUERRE " ENNEMIS DU REICH » 863 INTRODUCTION 863
2.1LE PERIPLE DES ASPIRANTS 864
CONCLUSION 893
2.2EVADES RECIDIVISTES ET AUTRES HOMMES DE TROUPE " ENNEMIS » DU REICH : DES KOMMANDOS DISCIPLINAIRES A
RAWA-RUSKA 895
CONCLUSION 911
2.3 LES REFRACTAIRES AU TRAVAIL, DES " ENNEMIS » A REEDUQUER 913 CONCLUSION 929
2.4 LES OFFICIERS " INDOMPTABLES » : DES PRISONNIERS ISOLES, MAIS TRAITES SANS EXACTION MAJEURE 931 CONCLUSION 950
2.5 COMPRENDRE LES TRAITEMENTS RESERVES AUX PRISONNIERS DE GUERRE " ENNEMIS » DU REICH 951 CONCLUSION 959
CHAPITRE III 961
P UNIR ET EDUQUER LES TRAVAILLEURS CIVILS RECALCITRANTS DANS LES AEL 961 INTRODUCTION 961
3.1 LES ARBEITSERZIEHUNGSLAGER (AEL) DES CAMPS SPECIFIQUES POUR TRAVAILLEURS RECALCITRANTS 962 3.2 LES EXERCICES CORPORELS PUNITIFS ET LE TRAVAIL FORCE, BASE DES METHODES EMPLOYEES DANS LES AEL 970 CONCLUSION 987
CHAPITRE IV : 990
ENTRE EXECUTION ET DISTRACTIONS : LES PRATIQUES CORPORELLES DES DEPORTES FRANÇAIS DANS LES CAMPS DE
CONCENTRATION NAZIS
990I
NTRODUCTION 990
4.1 DEPORTES PAR MESURE DE REPRESSION, DEPORTES PAR MESURE DE PERSECUTION : DEUX DESTINS TRAGIQUES, MAISSINGULIERS
, DANS LE SYSTEME CONCENTRATIONNAIRE 992 4.2LES EXERCICES DU CORPS DES CAMPS DE TRANSIT A LA QUARANTAINE : DES MARQUEURS TRES SIGNIFICATIFS 1030
4.3LES PRATIQUES CORPORELLES IMPOSEES AUX DETENUS DANS LES CAMPS : DE L'AFFAIBLISSEMENT A LA MISE A MORT
1106811
CONCLUSION 1158
4.4DES LOISIRS DES PROEMINENTS AUX STRATEGIES DE PRESERVATION DE SOI DE LA PLEBE : LES ACTIVITES LIBREMENT
CONSENTIES DES DEPORTES PAR MESURE DE REPRESSION
11604.5. LES PRATIQUES SPORTIVES DES PROEMINENTS A L'OMBRE DES CREMATOIRES D'AUSCHWITZ 1179 4.6 COMPRENDRE LES PRATIQUES CORPORELLES DES DEPORTES FRANÇAIS DANS LES CAMPS DE CONCENTRATION 1198 E PILOGUE : LE GRAND " ABATTOIR » DES DERNIERS MOIS DE CAPTIVITE 1232 C
ONCLUSION 1241
CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE 1244
812INTRODUCTION DE LA TROISIEME PARTIE
En titrant un de ses ouvrages de référence Qu"est-ce que le nazisme, Ian Kershaw 1soulève toute la difficulté à définir à la fois un système politique, une idéologie, voire une
philosophie et l"ensemble des structures y étant associées. Pourtant, et malgré cet obstacle, les
historiens du III e Reich s"accordent tous sur au moins un point : le système répressif mis enplace par les nazis est l"incarnation-même de ce qui fonde la substantielle moelle du régime. Il
constitue tant à la fois le moyen permettant à l"État de prendre le pouvoir et de le garder, celui
lui octroyant les ressources économiques nécessaires à la concrétisation d"une politique de
conquête de territoire et celui lui donnant la possibilité de mener à bien le " nettoyage
ethnique » qu"impose la Weltanschauung nazie. Au coeur de celle-ci figure le Volk prédisposé
par sa pureté et sa supériorité à régner, mais devant, pour y parvenir, lutter sans merci contre
des ennemis pluriels. Etudier la genèse et le développement du système concentrationnaire est
donc une nécessité pour saisir les fondements sociaux et culturels sur lesquels reposent lescamps. Les exercices du corps ont-ils une place à l"intérieur même de ce système ? Sont-ils un
élément de la culture concentrationnaire ? Si oui, quelles fonctions leur attribue-t-on? Les prisonniers de guerre sont les premiers à pénétrer sur le sol allemand. La conventionde Genève est censée les protéger contre toute forme d"exaction. Les délits qu"ils peuvent
commettre sur le sol étranger ne dépendent pas de la justice civile mais de celle s"appliquant aux militaires. Qu"en est-il réellement ? Les Allemands ont-ils respecté leurs engagements ?Quel sort ont-ils réservé aux multirécidivistes de l"évasion, à ceux qui se refusaient à travailler
pour la puissance ennemie ? Existe-t-il des différences de traitement suivant les grades? Leur inflige-t-on des sanctions comprenant des exercices corporels ? Peuvent-ils toujours espérer profiter de distractions ? A partir de 1942, plus de 600 000 Français rejoignent l"Allemagne au titre du travailobligatoire. Aux prisonniers s"ajoutent les travailleurs " requis ». Gérés par la DAF, ces
derniers ont un statut de civil et, en cas de faute ou de manquement au règlement, tombentsous le joug de la justice nazie. Le système répressif crée pour venir à bout des résistances
allemandes s"applique-t-il aux étrangers ? Est-il renforcé ? Sont-ils transférés dans des camps
spécifiques ? Dans ce cas, subissent-ils des mauvais traitements basés sur des exercices
physiques ? Le Reich exige des pays lui ayant fait allégeance qu"ils participent activement à la luttecontre les " ennemis de l"intérieur ». En dehors des exécutions d"otages, les Allemands
1 Ian Kershaw, Qu"est-ce que le nazisme? Problèmes et perspectives d"interprétation, Paris, Gallimard, 1997.
813utilisent comme moyen répressif la déportation " vers l"est » des résistants. Quelles sont leurs
conditions de vie une fois parvenus dans les camps de concentration ? Les activités physiquessont-elles employées comme moyen de torture ? Existe-t-il des différences suivant les
camps ? Les femmes résistantes connaissent-elles un parcours semblable aux hommes ? Outre les opposants politiques, les Juifs de France sont, eux aussi, en vertu d"accords passés avec legouvernement de Laval, exposés à la déportation. Par contre, ce transfert possède une finalité
macabre: l"extermination. Si une majorité des déportés juifs perd la vie dans les chambres à
gaz quelques heures après leur arrivée dans le Reich, une petite minorité franchit la sélection
et pénètre à l"intérieur du camp de concentration pour servir de main d"oeuvre. Quel traitement
leur est-il réservé ? Leur extermination restant l"objectif prioritaire des nazis, quels sont les
moyens mis en oeuvre pour parvenir à cette fin ? Et parmi eux, qu"en est-il du sport ? L"enjeu de cette troisième partie consiste bien à étudier les conditions de vie que lesAllemands réservent à leurs " ennemis », et ce, suivant le statut même de ces derniers. Au
sein de ce projet figure une question centrale : le rôle et la fonction dévolus aux exercices corporels. 814CHAPITRE I :
P LACE ET TRAITEMENT DES ENNEMIS DU REICH DANS LES DIXPREMIERES ANNEES DU REGIME
(1933-1942)Introduction
Dès 1920, le programme du NSDAP annonçait clairement l"attitude à adopter envers toute personne jugée nuisible à la conduite du projet politique nazi. mit dem Tode zu bestrafen, ohne Rücksicht auf Konfession und Rasse 2. Comme le montre Olga Wormser-Migot, en promulguant les " lois d"exception », Hitlerdonne une existence officielle à un principe élaboré treize ans plus tôt. La Loi pour la
protection du peuple du 4 février 1933 signée par Hindenburg, complétée par le Décret du
Président du Reich pour la protection du peuple et de l"Etat3, ratifiée au lendemain de
l"incendie du Reichstag permet d"interner pour une période indéterminée toute personne
supposée représenter une menace de quelque ordre que ce soit à l"encontre de l"Etat 4. Quiconque incite ou provoque une infraction dangereuse pour l"ordre public sera passible de travaux forcés - avec circonstances atténuantes au minimum trois mois de détention 5.Ces textes rendent " légalement » possible la Schutzhaft, autrement dit la détention
préventive6 de tout adversaire potentiel du régime. Sa légitimité est par ailleurs renforcée par
la circulaire du ministre de l"Intérieur de Prusse du 14 octobre 1933, qui, d"après la même auteure, établit le " code d"internement dans les camps de concentration7». Le texte, daté du
2 Gottfried Feder, Das Programm der NSDAP, Nationalsozialistische Bibliothek/ Heft 1, Zentralverlag der
NSDAP, Franz Eher Nachf., München, 1935. (Nous exigeons une lutte sans merci contre ceux qui nuisent par
leur activité à l"intérêt général. Les délinquants de droit commun, les usuriers, les trafiquants etc. sont à punir
de la peine de mort, indépendamment de leur religion et de leur race).3 Décret du 28 février 1933.
4 Olga Wormser- Migot, Le système concentrationnaire nazi, Paris, PUF, 1968, p. 68-70.
5 Ibid., p. 69.
6 Appelée aussi " détention de protection du peuple et de l"Etat ».
7 Ibid., p. 93. Martin Broszat développe aussi ce fait. (Martin Broszat, " Nationalsozialistische
Konzentrationslager 1933- 1945", op.cit., p. 338). 81526 avril 1934 et promulgué par le ministre de l"Intérieur du Reich, étend les mesures prises en
Prusse au Reich et officialise le statut de
8. Sur ces bases, Heinrich Himmler et Reinhard Heydrich construisent progressivementun système répressif appelé à devenir tentaculaire. Quels en sont les fondements ? Quelles
formes prend cette lutte contre les " ennemis de l"intérieur » ? Bien que les structures ainsiérigées soient des lieux d"inhumanité et de sévices sans pareil, existe-t-il une " culture »
concentrationnaire entendue comme un ensemble de règles, de coutumes, de codes, de" valeurs » qui organisent le quotidien de ceux qui y vivent, geôliers et détenus ? Si tel est le
cas, quelle est la place accordée aux exercices du corps ? Possèdent-ils une mission
particulière ? L"enjeu de ce chapitre consiste à faire émerger les bases sur lesquelles s"établit lesystème concentrationnaire, afin de repérer d"éventuelles filiations avec les situations vécues
par les Français lorsqu"ils se retrouvent emprisonnés en tant qu"ennemis de l"Etat allemand durant la Seconde Guerre mondiale.8 Martin Broszat," Nationalsozialistische Konzentrationslager 1933-1945", in Hans Buchheim, Martin Broszat,
Hans-Adolf Jacobsen, Helmut Krausnick, Anatomie des SS- Staates, München, Deutscher Taschenbuch Verlag,
2005, p. 346.
8161.1 Lutter contre les ennemis " de l"intérieur », un objectif politique, des moyens
répressifs (1933-1938)1.1.1 Les ennemis de l"intérieur
1.1.1.1 Des " ennemis » politiques et sociaux
Les partis politiques de la République de Weimar, notamment les socio-démocrates et lescentristes, sont, dès les premiers jours de 1933, largement stigmatisés même s"ils ne sont pas
immédiatement attaqués. S"adressant à la foule au palais des sports de Berlin, A. Hitler
dénonce leurs agissements. Pendant quatorze ans, les partis du délabrement, de la révolution de novembre ont séduitet maltraité le peuple allemand ; pendant quatorze ans, ils ont détruit, désagrégé et
démembré 9.L"incendie du Reichstag10 offre aux nazis le prétexte idéal pour enclencher une large
campagne de répression à l"égard de leurs adversaires politiques. Ennemis héréditaires
11, les
communistes payent immédiatement un lourd tribut12. Pourchassés quelques heures après
l"incendie, quatre mille d"entre eux sont arrêtés et enfermés dans des prisons, des caves, des
camps bâtis à la hâte tant par la SS que par la SA13. Durant les mois qui suivent, les nazis s"en
prennent aux syndicalistes qui, à leur tour, sont massivement arrêtés et emprisonnés 14. Apartir de juin 1933, le parti social-démocrate est, lui aussi, placé au ban du nouveau régime.
Qualifiés " d"ennemis du peuple et de l"Etat », ses adhérents sont arrêtés tandis que le parti est
dissous. Goering ne se cache pas des intentions qui animent les nazis en 1934. Contre les ennemis de l"Etat, nous devons agir sans pitié... C"est pour cela que nous avons créé les camps de concentration, où nous avons tout d"abord envoyé des milliers de fonctionnaires communistes et socio-démocrates 15.9 Extrait du discours de Hitler daté du 10 février 1933 à Berlin, cité dans : Richard J. Evans, Le Troisième Reich,
Tome 1 : l"avènement, Paris, Flammarion, 2009, p. 396.10 Sur l"interprétation de cet évènement par les historiens, voir : Hans Mommsen, Le national-socialisme et la
société allemande. Dix essais d"histoire sociale et politique, Paris, Editions de la Maison des sciences de
l"homme, p. 101-178.11 Richard J. Evans, Le Troisième Reich, Tome 1 : l"avènement, Paris, Flammarion, 2009, p. 398 : " De tous
leurs adversaires, c"étaient les communistes que les nazis craignaient et détestaient le plus. »
Konzentrationslager, Hamburg, Hoffmann und Campe Verlag, 1978, p. 23-30.13 Olga Wormser-Migot, Le système concentrationnaire nazi, op.cit., p. 70.
14 Richard J. Evans, Le Troisième Reich, Tome 1, op.cit., p. 429-430.
15 TMI, Vol. II, exposé du commandant Wallis le 22 novembre 1945 traduisant la pièce une partie de l"ouvrage
817A côté des ennemis politiques, les nazis s"attaquent aussi rapidement à tous ceux qui représentent, selon eux, une menace sociale
16 : les " Gemeinschaftsfremder »17. A partir de la
loi du 24 novembre 1933, les criminels récidivistes18 (ou ayant encouru deux condamnations)
peuvent faire l"objet d"un internement préventif dans les camps19. Les détenus en prison pour
divers méfaits ne sont pas exempts d"être placés en camp de concentration. Ils appartiennent
alors à la catégorie des criminels en détention de sécurité ou Sicherungsverwahrte (SV)
20.L"absence de procréation étant aux yeux du régime une atteinte à l"État, les homosexuels sont
eux aussi pourchassés en vertu du paragraphe 175 du code pénal allemand qui interdit
l"homosexualité bien avant l"arrivée au pouvoir de Hitler. Les mesures à leur encontre se durcissent en 1935 lorsque la peine encourue passe de cinq à dix ans ans d"emprisonnement 21.Les propos de Himmler permettent de comprendre la fonction de " prophylaxie »
22 que les
camps sont censés jouer. L"homosexualité fait échouer tout rendement, tout système fondé sur le rendement; elle détruit l"État dans ses fondements. À cela s"ajoute le fait que l"homosexuel est un homme radicalement malade sur le plan psychique. Il est faible et se montre lâche dans tous lescas décisifs... Nous devons comprendre que si ce vice continue à se répandre en
Allemagne sans que nous puissions le combattre, ce sera la fin de l"Allemagne, la fin du monde germanique 23.Refusant de porter les armes, de faire le salut hitlérien ou encore d"envoyer leurs enfants dans l
a Hitlerjungend, les témoins de Jéhovah sont, eux aussi, persécutés dès 1933 avant d"être
16 Le processus aboutissant à l'extension des catégories d"individus internés dans les camps de concentration est
"Schutzhaft" und Konzentrationslager in der Konzeption der Gestapo-Führung 1933-1939", in Ulrich Herbert,
Wallstein Verlag, 1998, p. 60-86.
17 Terme utilisé pour qualifier les personnes qui sont conduites à Dachau courant 1937. Wolfgang Benz, Barbara
Distel, Der Ort des Terrors, Geschichte der nationalsozialistischen Konzentrationslager, Band 2. Frühe Lager,
Dachau, Emslandlager, München, C. H. Beck, 2005, p. 247. devient ensuite " criminels professionnels »soit Berufsverbrecher (d"où les initiales B.V).19 Fabrice Fabréguet, " Développement et mutations des fonctions du système concentrationnaire national-
socialiste (1933-1945) » in Gilbert Krebs, Gérard Schneilin, Etat et société en Allemagne sous le III
e Reich, Paris, Publications de l"institut d"Allemand, 1997, p. 270 Martin Broszat, "Nationalsozialistische Konzentrationslager 1933-1945", op.cit., p. 379-380.20 Eugen Kogon, L"Etat SS. Le système des camps de concentration allemands, Paris, Editions de la Jeune
Parque, 1947, p. 38.
21 Christian Bachelier, " La population des camps de concentration nazis », in François Bédarida, Laurent
Gervereau, La déportation. Le système concentrationnaire nazi, Publications de la BDIC, 1995, p. 85.
22 Terme employé par Olga Wormser-Migot et qui recouvre plus généralement les criminels parmi lesquels sont
classés les homosexuels (Olga Wormser-Migot, Le système concentrationnaire nazi, op.cit., p. 467).
818systématiquement internés à partir de l"été 1937
24. Etant considérés comme des parasites
inutiles à la société, les mendiants, les chômeurs, les ivrognes sont assez rapidement victimes
d"arrestations arbitraires. Dès 1934, le Ministère de l"Intérieur bavarois ordonne de les
pourchasser. En août 1936, la police de cette même région procède de nouveau à de multiples
internements25. Les criminels professionnels potentiels sont visés par une action d"ampleur au
début de l"année 1937 quand Himmler orchestre une opération " coup de poing » visant à
arrêter deux mille personnes26. Le décret du 14 décembre 1937 sur la prévention contre la
criminalité accélère de façon décisive la lutte contre tous les prétendus " asociaux »
27. Le
décret gouvernemental du 26 janvier 193828 facilite l"internement dans un camp de
concentration de toute personne accusée de fainéantise ou de refus de travail. L"attitude des" réfractaires » au travail est en effet jugée criminelle au regard de la communauté du peuple.
Au printemps 1938, est déclenchée l"Aktion Arbeitsscheu Reich qui conduit vers Buchenwald environ deux mille personnes29. Ces dernières sont censées être rééduquées par le travail
forcé, et leur libération n"est prononcée que s"ils parviennent à fournir la preuve de leur
amendement 30.De manière à repérer très rapidement les raisons ayant conduit à l"internement d"un détenu, un système d"identification est élaboré courant 1936
31. Il repose sur le port d"un
écusson distinctif
32 : les criminels reçoivent ainsi un triangle vert, les détenus asociaux un
noir, les homosexuels se voient attribuer un triangle rose, les Tsiganes initialement un brun,les émigrés un bleu, les Bibelforscher d"un violet. Au départ, les politiques n"avaient pas de
triangle33, avant qu"il ne leur soit attribué un rouge. Dans le cas où le détenu est incarcéré
pour la seconde fois, son triangle est barré à son extrémité supérieure. Les Juifs ont sous le
premier triangle un autre triangle à l"envers, jaune. Enfin, les " souilleurs de races » sont24 Olga Wormser-Migot, Le système concentrationnaire, op.cit., p. 74-75; Eugen Kogon, L"Etat SS, op. cit., p.
41 ; Martin Broszat, "Nationalsozialistische Konzentrationslager 1933-1945", op.cit., p. 385.
25 Martin Broszat" Nationalsozialistische Konzentrationslager 1933-1945", op.cit., p. 382.
Konzentrationslager, Hamburg, Hoffmann und Campe Verlag, 1978, p. 70.27 Wolfgang Ayaβ, Asoziale im Nationalsozialismus, Klett- Cotta, Stuttgart, 1995.
28 Le décret gouvernemental attribue le qualificatif d"" Arbeitsscheu » (" rétif au travail ») à tous les hommes
sans emploi et aptes au travail après refus de deux propositions successives d"embauche ou abandon de deux
postes même inadaptés à leur qualification. Voir à ce titre : Martin Broszat, "Nationalsozialistische
Konzentrationslager 1933-1945", op. cit., p. 383.
29 Wolfgang Ayaβ, " Asoziale » im Nationalsozialismus, op.cit., p. 138. Ulrich Herbert, "Von der
der Gestapo-Führung 1933-1939", op., cit., p. 80.30 Olga Wormser-Migot, Le système concentrationnaire nazi (1933-1945), Paris, PUF, 1968, p. 465.
31 Date précisée par Wolfgang Sofsky, L"organisation de la terreur, op.cit., p. 148.
32 Voir annexe n ° 41: Triangles dans les camps de concentration.
33 Précision donnée par Wolfgang Sofsky, L"organisation de la terreur, op.cit., p. 148.
819identifiés par un symbole noir sur leur triangle. Pour les étrangers, l"initiale de leur pays d"origine est imprimée à l"intérieur de l"écusson. Les femmes allemandes ne sont pas épargnées par la répression qui s"abat sur les opposant(e)s. Communistes, adhérentes du SPD, femmes otages (mariées à des hommes recherchés) sont les premières à être pourchassées puis internées
34. Quelques trois cents à
quatre cents d"entre elles sont victimes d"une arrestation entre février et avril 193335. Très vite
suivent les Bibelforscherinnen et les " asociales » (prostituées, femmes sans travail, mendiantes). Toutefois, des différences vis-à-vis de la population concentrationnaire masculine sont à souligner ici. Comparativement aux hommes, le nombre de femmes internées dans un camp reste significativement plus faible jusqu"au début de la guerre. Si Sybil Milton évalue entre six et huit mille le nombre de femmes à être passées par une prison entre 1933 et 193936, B.
Strebel considère, de son côté, qu"elles seraient environ trois mille cinq cents à avoir été
internées dans les camps pendant la même période37. Pour ce dernier, ces faibles effectifs
s"expliquent de plusieurs façons : leur faible représentation dans les partis politiques, le fait
que les femmes homosexuelles ne soient pas systématiquement persécutées à la différence des
hommes38 et que le nombre de femmes criminelles soit moins important39. Il indique
également qu"elles sont moins visées par les mesures touchant les " Arbeitsscheue », les nazis
recherchant surtout par ce biais de la main-d"oeuvre masculine. Par contre, la tendances"inverse après 1936, les femmes " asociales » représentant 40% des captives à la veille de la
guerre.1.1.1.2 Les ennemis " raciaux » des parias à exclure de la Volksgemeinschaft
Par-dessus tout, je charge les chefs de la nation et leurs subordonnés d"observer scrupuleusement les lois raciales et de s"opposer impitoyablement à l"empoisonneuse de tous les peuples, la juiverie internationale.34 Klaus Drobisch, " Frauenkonzentrationslager im Schloss Lichtenburg », Dachauer Hefte 3, Frauen
Verfolgung und Widerstand, München, Deutscher Taschenbuch Verlag, 1993, p. 102; Jutta von Freyberg, Ursula
Krause-Schmitt, Moringen. Lichtenburg. Ravensbrück. Frauen im Konzentrationslager 1933-1945. Lesebuch zur
Ausstellung, VAS, Frankfurt, 1997, p. 16.
35 Bernhard Strebel, Ravensbrück. Un complexe concentrationnaire, Paris, Fayard, 2005, p. 33.
36 Sybil Milton, "Deutsche und deutsch-jüdische Frauen als Verfolgte der NS-Staats", in Barbara Distel,
Wolfgang Benz, Dachauer Hefte 3, Frauen Verfolgung und Widerstand, München, Deutscher TaschenbuchVerlag, 1993, p. 5.
37 Bernhard Strebel, Ravensbrück. Un complexe concentrationnaire, op. cit., p. 39.
38 Celles-ci entrent dans la catégorie des asociales, comme le note Sybil Milton.
39 B. Strebel estime qu"elles ne sont que 4% des 2 000 personnes à être arrêtées suite à l"opération lancée par
Himmler au début de l"année 1937.
820Bien qu"arrêtés, torturés, maltraités, les asociaux et les politiques restent des citoyens
allemands que l"État entend "ré-éduquer ». Tel n"est pas le cas des Tsiganes et encore moins
celui des Juifs considérés par les nazis comme des ennemis " raciaux » indignes d"appartenir
au Volk. La persécution des Tziganes est complexe à appréhender car elle s"inscrit à la fois dans une logique de lutte contre les fléaux sociaux et dans une perspective de protection du sang et de la race40, point de vue que mettent en exergue les études engagées au " Centre de recherche
en hygiène raciale et biologie des populations » en 193641. Inquiétés dès 1933, fréquemment
chassés de leurs lieux de vie, ils perdent avec les lois de Nuremberg le statut de citoyen allemand42. Leur regroupement dans des camps et leur surveillance s"accentuent au cours de
l"été 193643 spécialement au moment des Jeux Olympiques de Berlin : la plupart des grandes
villes créent dans leur périphérie des camps fonctionnant sur un régime de semi-liberté pour
les interner. Les décrets de Himmler sur la répression du fléau tsigane (de mai 1938 puis surtout du 8 décembre44 de la même année) engagent une nouvelle étape dans la
stigmatisation de cette population. Il leur est demandé de se faire recenser tandis que
l"administration nazie procède à leur classement en plusieurs catégories45. Une fois fichés, les
Tsiganes obtiennent une carte d"identité spécifique nécessaire pour avoir un travail ou
demander des aides sociales. Dans le cas des Juifs, les mesures ne se comprennent qu"à travers le prisme de la luttecontre une " race inférieure » dangereuse pour l"équilibre de la nation allemande. Si le
programme de 1920 prévoyait de distinguer le citoyen allemand des non-citoyens, dont lesJuifs font automatiquement partie
40 Concernant l"extermination des Tsiganes par les nazis, voir : Michael Zimmermann, Rassenutopie und
41 Pierre Jautée, " Dossier spécial Tsiganes », Mémoire vivante n° 53, juin 2007 p. 4.
42 François Bédarida, Laurent Gervereau (dir.), Le système concentrationnaire nazi, op. cit., p. 81.
43 Les Tsiganes sont regroupés dans des camps insalubres dont ils peuvent toutefois sortir.
44 Stanislav Zámecník, C"était ça Dachau, 1933-1945, Paris, Le cherche- midi, 2003, p. 251 ; François Bédarida,
Laurent Gervereau (dir.), Le système concentrationnaire nazi, op.cit., p. 81 ; Richard J. Evans, Le Troisième
Reich, Tome 1, op. cit., p. 592-594.
45 Trois catégories sont identifiées : Tsigane pur, Tsigane métissé, mais avec sang tsigane prédominant, et, enfin
Tsigane métissé avec sang allemand prédominant.46 Gottfried Feder, Das Programm der NSDAP, op.cit. : Staatsbürger kann nur sein, wer Volksgenosse ist.
Volksgenosse kann nur sein, wer deutschen Blutes ist, ohne Rücksichtnahme auf Konfession. Kein Jude kann
daher deutscher Volksgenosse sein". 821cette question
47, l"attitude de Hitler vis à vis de la population juive apparaît dès 1925 dans
Mein Kampf
d"une violence sans pareil 48.La lutte contre la " race juive » est pour lui la seule solution permettant de juguler
définitivement la décadence du peuple allemand49. Parvenu au pouvoir, il érige de ce combat
l"un des axes prioritaires de sa politique et fait, à ce titre, voter des lois ségrégatives tout en
incitant fortement les Juifs à émigrer. Les premiers textes (lois des 7 et 11 avril 1933) 50servent à définir de manière claire et exhaustive ce qu"est un Juif, point sur lequel les
antisémites buttent depuis des décennies51. Les mesures discriminantes ne tardent pas : dès le
7 avril, les fonctionnaires juifs sont renvoyés. Quelques jours plus tôt, les métiers de l"armée
et de la police leur sont interdits. Les lois de Nuremberg du 15 septembre 1935 autrement nommées " Lois pour la protection du sang et de l"honneur allemands » en sont l"apogée. Leur internement en camp de concentration n"est toutefois pas immédiat. Même si des Juifssont arrêtés dès les premiers jours du régime, la première véritable vague d"internement fait
suite à la Nuit de cristal : 11 199 Juifs sont amenés à Dachau suite au pogrom, tandis que9 828 sont envoyés à Buchenwald
52.1.1.2 Les camps de concentration de 1933 à 1938 : un moyen de répression utilisé
contre les " ennemis » politiques et sociaux.1.1.2.1 Mise en place progressive d"un système répressif dans les mains de la SS
Pour lutter contre les opposants politiques, SA, SS et Gestapo tissent une toile derépression sur l"ensemble du territoire multipliant les camps et les prisons de fortune
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