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Notions d"astrophysique
Bruno Sicardy
Universit´e Pierre et Marie Curie (Paris)
Maˆıtrise, Universit´e Pierre et Marie CurieNotes de cours
Date de mise `a jour: 12 mars 2005
Table des mati`eres
1 L"´etoffe de la mati`ere 1
1.1 L"histoire du monde en onze chapitres et demi . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2 Particules et m´ediateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.3 Les interactions fondamentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.4 Leptons contre hadrons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.4.1 Leptons. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.4.2 Quarks . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.4.3 Baryons et m´esons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.4.4 Saveur et interaction faible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.5 Fermions et bosons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.6 Effets macroscopiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.7 Les limites de la connaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.7.1 Des probl`emes ouverts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.7.2 L"unification des forces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2 Les ´etoiles: la gen`ese 15
2.1 Les nuages interstellaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.2 Effondrement d"un nuage interstellaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2.2.1 Masse de Jeans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.2.2 Rayon de Jeans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
i2.3 Temps de chute libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.4 La barri`ere rotationnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
3 Etoiles: la naissance 23
3.1 Etoiles, naines brunes et plan`etes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
3.2 Un probl`eme de poids . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
3.3 Le probl`eme de l"´energie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
3.3.1 Energie chimique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
3.3.2 Energie gravitationnelle: le temps de Kelvin-Helmholtz . . . . . . . 25
3.3.3 Energie nucl´eaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.4 Temp´erature interne d"une proto-´etoile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.5 La masse stellaire minimale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
3.6 La masse stellaire maximum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
4 Etoiles: l"ˆage adulte 33
4.1 Relation masse-luminosit´e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4.1.1 Diffusion des photons dans une ´etoile . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4.1.2 Dur´ee de vie d"une ´etoile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
4.2 Fusion de l"hydrog`ene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
4.2.1 Le cycle p-p . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
4.2.2 Le cycle CNO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
5 La fournaise stellaire 39
5.1 L"effet tunnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
5.2 Distribution maxwellienne des vitesses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
5.3 Taux de production nucl´eaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
6 La mort des ´etoiles 47
6.1 L"´epuisement des r´eserves nucl´eaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
6.2 La structure en couches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
6.3 G´eantes rouges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
6.4 Naines blanches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
6.5 Supernovae . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
6.5.1 La masse de Chandrashekhar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
6.5.2 L"explosion de la supernova . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
6.5.3 Luminosit´e d"une supernova . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
6.6 Etoile `a neutrons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
6.6.1 Rayon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
6.6.2 Pulsar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
6.7 Trou noir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
A La pression de d´eg´en´erescence 55
A.1 Cas classique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 A.2 Cas relativiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57B Le th´eor`eme du viriel 59
B.1 D´emonstration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 B.2 Validit´e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61Chapitre 1
L"´etoffe de la mati`ere
Les progr`es de la Physique, depuis un demi-
si`ecle, ont prouv´e aussi clairement qu"il est possible la nature atomique de la mati`ere. Dans l"´etat actuel de nos connaissances, il n"est plus gu`ere contest´e par aucun physicien, que la mati`ere ne soit form´ee par la combinaison de quelques ´el´ements primordiaux (probablement deux seulement, le proton et l"´electron) [...]Louis de Broglie,Ondes et mouvements,
1926.1.1 L"histoire du monde en onze chapitres et demi
Les ph´enom`enes naturels sont en g´en´eral tr`es compliqu´es. On ne sait pas comment vont
´evoluer les nuages, ni ce que fera le chat en se r´eveillant de sa sieste. En revanche, on sait
qu"il ne pourra pas sauter au-dessus d"une certaine hauteur, et on peut expliquer pourquoi la Terre a quelques milliers de kilom`etres de diam`etre.Ces ph´enom`enes sont profond´ement li´es `a la nature de la mati`ere qui nous constitue, et
aux forces qui la r´egissent. Nous allons passer en revue ici ce que nous avons pu apprendredans les derniers si`ecles, ou mˆeme les derni`eres ann´ees, sur "l"´etoffe de la mati`ere".
La gravitation.La premi`ere interaction physique fondamentale a ´et´e d´ecouverte parIsaac Newton, et a ´et´e baptis´ee gravitation universelle. Elle explique aussi bien la chute
des corps `a la surface de la Terre que le mouvement de la Lune autour de notre globe, ou que le mouvement des plan`etes autour du Soleil. Paradoxalement, cette force est de loin la plus faible parmi les quatre interactions que nous connaissons actuellement (voir la Table I). Elle est caract´eris´ee par une constante de couplage tr`es petite,G= 6.67×10-11m3s-2kg-1. 12CHAPITRE 1. L"´ETOFFE DE LA MATI`EREL"´electromagn´etisme.D"autres forces ont ´et´e ´etudi´ees au 19`emesi`ecle, `a savoir les inter-
actions ´electriques et magn´etiques. Elles expliquent la circulation d"un courant dans un´eclair, la d´echarge ´electrostatique que l"on ressent par temps sec apr`es friction d"un objet,
la d´eviation d"une boussole ou les aurores bor´eales. C"est James Clerk Mawxell qui a unifi´e ces deux types de forces dans un formal- isme appel´e ´electromagn´etisme. Ce formalisme explique le fonctionnement des moteurs ´electriques, les communications sans fil, la propagation de la lumi`ere, etc... Les interactions´electromagn´etiques font apparaˆıtre comme constante la vitesse de la lumi`ere,c= 3×108
m sec -1. La relativit´e.Ce formalisme est vite entr´e en conflit avec la m´ecanique classique deGalil´ee et Newton. Soit cette derni`ere ´etait correcte, et la lumi`ere aurait dˆu se propager
dans un milieu baptis´e "´ether", etcn"´etait pas une constante, soit l"´electromagn´etisme
´etait valide, et nos notions classiques de temps et d"espace ´etaient en partie erron´ees. Les exp´eriences d"Albert Michelson et Edward Morley ont montr´e en 1887 que l"´ethern"existe pas. L"´electromagn´etisme a donc "gagn´e" et la vitesse de la lumi`ere est apparue
comme une constante universelle, au mˆeme titre queG. Ceci a conduit Albert Einstein`a reformuler les changements de rep`eres galil´eens dans le cadre de la relativit´e restreinte.
En 1915, il a abouti `a une th´eorie qui inclut la gravit´e, `a savoir la relativit´e g´en´erale.
L"apport fondamental de cette th´eorie est de montrer que nous vivons en fait dans un espace de dimension quatre (trois dimensions d"espace et une de temps) qui est courb´e par la mati`ereviala gravitation universelle. Son postulat de base est que la vitesse de la lumi`ere dans le vide ne d´ependpasde la vitesse de l"observateur, ce qui est ´evidemment contraire `a notre intuition. Cette th´eorie explique bien sˆur le mouvement des plan`etes autour du Soleil, mais ´egalement la propagation de la lumi`ere pr`es d"un trou noir, le d´ecalage vers le rouge des spectres d"une naine blanche, ou le d´esaccord entre des horloges qui se d´eplacent `a des vitesses diff´erentes. Les "effets relativistes" n"apparaissent cependant que pour des vitesses proches dec, ce qui fait que l"on peut aller acheter son pain sans connaˆıtre la relativit´e. Une autre contribution fondamentale de la relativit´e est l"´equivalence masse-´energie,E=mc2.
On s"´etait aper¸cu auparavant de la profonde unit´e de la notion d"´energie, qu"elle soit
thermique, ´electrique, chimique, m´ecanique, lumineuse, etc... On peut ainsi transformer de la chaleur en lumi`ere, de la lumi`ere en courant ´electrique, du courant ´electrique en mouvement, et ainsi de suite. Cependant, il existait une autre loi de conservation, celle de la masse. Cette notion a disparu avec la relativit´e puisque masse et ´energie peuvent se transformer l"un dans l"autreviala c´el`ebre formule ci-dessus. En fait la masseestune forme d"´energie et l"´energieaune masse. Les atomes.D`es le 19`emesi`ecle, on a soup¸conn´e la nature atomique de la mati`ere. La chimie ne peut se comprendre de mani`ere coh´erente que si des "grains" ´el´ementaires, ou atomes, se combinent entre eux pour former les diff´erentes substances chimiques.1.1. L"HISTOIRE DU MONDE EN ONZE CHAPITRES ET DEMI3Joseph John Thomson et Robert Millikan mettent pour la premi`ere fois en ´evidence au
tournant du si`ecle une particule ´el´ementaire: l"´electron. Ils mesurent ´egalement sa charge
(n´egative):e=-1.6×10-19Coulomb. La structure des atomes est quant `a elle r´ev´el´ee par Ernest Rutherford et Frederick Soddy qui ont montr´e en 1911 que les atomes sont en fait compos´es d"un noyau minuscule (10 -15m), charg´e positivement, autour duquel gravitent les ´electrons. La taille des atomes est de l"ordre de 10 -10m.Le noyau met donc en ´evidence une nouvelle particule ´el´ementaire charg´ee positivement:
le proton. Il est beaucoup plus massif que l"´electron (d"un facteur 2000 environ), ce qui fait que l"essentiel de la masse de l"atome r´eside dans le noyau. L"essentiel? Pas tout `a fait, car en 1932 une nouvelle particule ´el´ementaire est d´ecouverte par James Chadwick: le neutron. Il a `a peu pr`es la mˆeme masse que le proton, mais il ne poss`ede pas de charge ´electrique, comme son nom l"indique. Les neutrons se trouvent ´egalement dans les noyaux atomiques, et on a pu montrer que protons et neutrons sont approximativement en nombres ´egaux dans les noyaux. La m´ecanique quantique.Cette vision de l"atome est rapidement entr´ee en conflit avec l"´electromagn´etisme. En effet, un ´electron qui tourne `a grande vitesse autour d"un noyau devrait rayonner, d"apr`es les ´equations de Maxwell, une telle puissance qu"il devrait s"effondrer sur le noyau en une fraction infime de seconde: les atomes ne sont pas stables dans le monde de Maxwell! Un autre conflit de mˆeme type ´etait apparu quelques ann´ees auparavant au sujet du rayonnement de la mati`ere en ´equilibre thermodynamique (dit "rayonnement du corps noir"). D"apr`es les ´equations de Maxwell, le spectre d"un corps noir devrait diverger dans le bleu, et le four du boulanger du coin devrait exploser en feu d"artifice! Max Planck avait r´esolu le probl`eme de mani`eread hocen 1900 en supposant que la lumi`ere, jusqu"alors consid´er´ee comme ondulatoire, avaitaussiune comportement corpus-culaire. Il baptise "quantas" les paquets d"´energie ´el´ementaires que transporte la lumi`ere
et ´etablit une autre c´el`ebre formule,E=hν,
o`uEest l"´energie transport´ee par un quanta de fr´equenceν. La constante de propor- tionnalit´e est maintenant appel´ee constante de Planck, et vaut 6.63×10-34kg m2sec-1, ou J sec. De nouveau, cette formule est loin d"ˆetre intuitive. En effet, une onde comme celle qui se propage sur une corde vibrante peut avoirn"importe quelle´energie de mani`ere continue: il n"y a aucun besoin de la quantifier! L"existence des quantas de lumi`ere est confirm´ee en 1905 par Einstein, qui explique grˆace `a cette nouvelle notion l"effet photo´electrique. On appellera plus tard ces quantas des "photons". Niels Bohr va poursuivre cette oeuvre de quantification en supposant en 1913 (toujours de mani`eread hoc) que les niveaux d"´energie des ´electrons autour du noyau atomique sont aussi quantifi´es: tant qu"ils se trouvent sur un de ces niveaux, ils ne rayonnent pas, et s"ils d´ecident de passer `a un autre niveau, ils ´emettent ou absorbent un photon de fr´equenceν= ΔE/h.
La m´ecanique quantique ´etait n´ee, mais demandait une formalisation math´ematique4CHAPITRE 1. L"´ETOFFE DE LA MATI`EREplus pouss´ee. Physiquement, cette nouvelle m´ecanique est bas´ee sur le fait que toute onde
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