[PDF] La privation des droits civiques et politiques : lapport du droit pénal





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La privation des droits civiques et politiques

L'apport du droit pénal à une théorie de la citoyenneté

Camille Aynès

Thèse soumise au jury pour approbation en vue de l'obtention du grade de Docteur en Sciences juridiques de l'European University Institute

Florence, 21 septembre 2020

European University Institute

Département des Sciences juridiques

La privation des droits civiques et politiques

L'apport du droit pénal à une théorie de la citoyenneté

Camille Aynès

Thèse soumise au jury pour approbation en vue de l'obtention du grade de Docteur en Sciences juridiques de l'European University Institute

Membres du jury

Pr. Loïc Azoulai, Sciences-Po Paris (Directeur de thèse) Pr. Olivier Beaud, Université Paris II Panthéon-Assas (Co-directeur de thèse) Pr. Xavier Pin, Université Jean Moulin (Lyon 3)

© Camille Aynès, 2020

Aucune partie de cette thèse ne peut être copiée, reproduite ou distribuée sans la permission préalable de l'auteur Researcher declaration to accompany the submission of written work

Department of Law - Ph.D. Programme

I Camille Aynès certify that I am the author of the work La privation des droits civiques et politiques. L'apport du droit pénal à une théorie de la citoyenneté I have presented for examination for the Ph.D. at the European University Institute. I also certify that this is solely my own original work, other than where I have clearly indicated, in this declaration and in the thesis, that it is the work of others. I warrant that I have obtained all the permissions required for using any material from other copyrighted publications. I certify that this work complies with the Code of Ethics in Academic Research issued by the European University Institute (IUE 332/2/10 (CA 297). The copyright of this work rests with its author. Quotation from it is permitted, provided that full acknowledgement is made. This work may not be reproduced without my prior written consent. This authorisation does not, to the best of my knowledge, infringe the rights of any third party. I declare that this work consists of <263 489> words. I confirm that chapter 6 draws upon an earlier article I published "La privation des

droits politiques en France et aux États-Unis. L'apport du droit pénal à une théorie de la

citoyenneté", in Beaud (Olivier) et Saint-Bonnet (François), La citoyenneté comme appartenance au corps politique, Paris, Éd. Panthéon-Assas, 2020 (forthcoming). I confirm that the conclusion draws upon an earlier article I published "La citoyenneté politique dans l'Union européenne à l'épreuve de la sanction pénale de la privation des droits politiques", Revue trimestrielle de Droit européen, n° 3, juill.-sept. 2019, p. 603- 627.

31 december 2019

1

Résumé

Il est d'usage de considérer que la citoyenneté étatique, en tant qu'elle désigne une appartenance

statutaire, est un concept de clôture qui implique l'inclusion aussi bien que l'exclusion. À rebours de

la littér ature dominante sur la citoyenneté en droit qui privilégi e généralem ent sa dimension

inclusive, cette thèse entreprend un renversement de perspective : elle se propose de théoriser la

citoyenneté en creux, à partir de ses exclus, de définir autrement dit le citoyen par le non-citoyen.

L'exclu étudié en droit français n'est pas la figure paradigmat ique de l'étranger, mais celle du

criminel déchu de ses droi ts politiques à l a suite d'une condamna tion pénale. Nous faisons

l'hypothèse de la valeur heuristique d'une étude proprement juridique et non normative de la notion

constitutionnelle de citoyenneté à partir du droi t pénal e n général, et des sanctions privant le

condamné de ses droits de citoyen en particulier.

L'apport de cette recherche est double : il concerne à titre premier la citoyenneté dont on entend

examiner les bénéficiaires, la nature (les valeurs) et le contenu matériel (les droits et les devoirs).

Nous démontrons (1) que par différence avec la nationalité, la citoyenneté a historiquement une

dimension axiologique et qu'elle protège la moralité publique. Cette affirmation semble de prime

abord remise en cause aujourd'hui en raison de l'influence du droit des droits de l'homme sur la

matière. Plus qu'à la substitution d'un modèle de citoyenneté à un autre, nous établissons (2) que

l'on a affaire à une tension au coeur du régime actuel de la citoyenneté.

À titre second, nous contribuons en filigrane à une lecture de la démocratie en soutenant (1) que la

lutte pour les droits politiques des derniers exclus de la nation (les condamnés et les " aliénés »)

correspond moins à une revendic ation de participation politique qu'à un e demande d 'inclusion

sociale ; (2) que le citoyen, dans cette lutte, tend à disparaître derrière le sujet de droit doté de

droits opposables.

Mots clés : citoyenneté - droit pénal - droits civiques et politiques - dignité - suffrage universel -

non-citoyen - Conseil constitutionnel - Souveraineté - contrat social - moralité publique - infraction

politique - droits fondamentaux - démocratie - Révolution française.

Abstract

It is generally considered that State citizenship, as a designation of statutory membership, is a

concept of enclosure that implies inclusion as well as exclusion. Contrary to the dominant literature

on citizenship in law, which traditionally favours its inclusive dimension, this thesis undertakes a change of perspective: it proposes to theorize citizenship in terms of its exclusions, to define in other words the citizen by the non-citizen. The Excluded as studied in French law is not th e

paradigmatic figure of the foreigner, but that of the criminal who has been disenfranchised following

a criminal conviction. We hypothesize the heuristic value of a strictly legal and non-normative study

of the constitutional notion of citizenship based on criminal law in general, and on the sanctions depriving the convicted person of his or her rights as a citizen in particular.

The contribu tion of this research is twofold: firstly, it co ncerns citiz enship, whose ben eficiaries,

nature (values) and material content (rights and duties) are to be examined. We demonstrate (1)

that, unlike nationality, citizenship historically has an axiological dimension and that it protects public

morality. This statement seems at first sight to be questioned today because of the influence of human rights law on the matter. More than the substitution of one model of citizenship for another,

we establish (2) that we are dealing with a tension at the heart of the current regime of citizenship.

Second, we contribute to a reinterpretation of democracy by arguing (1) that the struggle for the political rights of the nation 's re maining excluded categories (the criminals and the "insane"

persons) is less a demand for political participation but for social inclusion; (2) that the citizen, in this

struggle, tends to disappear behind the subject of law endowed with opposable rights.

Keywords: citizenship - criminal disenfranchisement - civil and political rights - dignity - universal

suffrage - non-citizen - Constitutional Council - Sovereignty - social contract - public morality - political offense - fundamental rights - democracy - French Revolution. 2 3

À Christophe,

À mes parents,

4 5

REMERCIEMENTS

Ma reconnais sance la plus sincère va tout d'abord à mes deux direc teurs de thèse , les

Professeurs Loïc Azoulai et Olivier Beaud, sans lesquels ce travail n'aurait pu être mené à

terme. Leur engagement, le urs conseils e t leur soutien ont été constants. Ils ont dirigé ces

recherches avec soin, rigueur et bienveill ance. Qu 'ils trouvent ici l'expression de ma plus profonde gratitude. Je tiens ensuite à adresser mes remerciements aux membres du jury qui ont accepté de lire ce manuscrit et me font l'honneur de participer à la soutenance.

Cette thèse, qui a été financée par un c ontrat doctoral, a bénéficié des incomparabl es

moyens humains, matériels et financiers que l'Institut Universitaire Européen de Florence met à

la disposit ion de ses chercheurs. J'ai égaleme nt été accueillie chaleureus ement pendant ces

années florentines a u sein de l'équipe de l'Institut Michel Villey. Les discus sions avec le Professeur Saint-Bonnet en particulier ont alimenté mes réflexions. Enfin, Vincent Bouhier m'a

fait confiance pour que j'achève ma thèse en tant qu'A.T.E.R. en droit public dans sa faculté de

droit, à l'Université d'Évry-Val-d'Essonne. J'ai bénéfici é de l'aide, aux Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, de Caroline

Piketty qui m'a graci eusement aidée à formuler des demandes d'accès à des documents du

ministère de la Justice et du Conseil constitutionnel encore inaccessibles au public. La Sous-

direction de la statistique et des études du ministère de la Justice et le Pôle d'évaluation des

politiques pénales de la Direction des affaires criminelles et des grâces m'ont de leur côté donné

accès à de précieux renseignements statistiques. Je ne saurais enfin trop remercier mes parents, mes frères et soeurs, Christophe ainsi que Reyniers, Antonio Marcacci, Keiva Carr, Janine Silga, et Katia Soboul. 6 7

PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

Act. Jur. Actualités juridiques

Aff. Affaire

AJ Actualité jurisprudentielle

AJDA Actualité juridique Droit administratif

AJ Pénal Actualité juridique Pénal

Al. Alinéa

Art. Article

Ass. Assemblée

Ass. Nat. Assemblée Nationale

Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation Bull. crim. Bulletin de la chambre criminelle de la Cour de cassation

CA Cour d'appel

CAA Cour administrative d'appel

Cah. dr. eur. Cahiers du droit européen

Cass. Cour de cassation

CE Conseil d'État

CEDH Cour européenne des droits de l'homme

CJCE Cour de justice des communautés européennes

CJUE Cour de justice de l'Union européenne

Comm. EDH Commission européenne des droits de l'homme

Cons. const. Conseil constitutionnel

Conv. EDH Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Crim. Cour de cassation, chambre criminelle

D. Recueil Dalloz

Déc. Décision

D.P. Dalloz périodique

D. jur. gén. Dalloz jurisprudence générale

Dr. pén. Droit pénal

Dr. ad. Droit administratif

DUDH Déclaration universelle des droits de l'homme

Gaz. Pal. Gazette du palais

Ibid. Au même endroit

JCl. JurisClasseur

JCP A La Semaine juridique édition administrative JCP G La Semaine juridique édition générale JORF Journal officiel de la République française

JOUE Journal officiel de l'Union européenne

Lebon Recueil Lebon des décisions du Conseil d'État

LPA Les Petites Affiches

Op. cit. Même référence déjà citée dans le chapitre

Préc. Précité

RDP Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger

RFDA Revue française de droit administratif

RFDC Revue française de droit constitutionnel 8

RFSP Revue française de science politique

RSC Revue de science criminelle et de droit pénal comparé

RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTD Eur. Revue trimestrielle de droit européen

RTDH Revue trimestrielle des droits de l'homme

S. Recueil Sirey

s. Suivant spéc. Spécialement t. Tome

TA. Tribunal administratif

Trib. Tribunal

V. Voir

Vol. Volume

Abréviation spéciale

A.P. Archives Parlementaires de 1787 à 1860 (1

ère

série de 1787 à 1799, 2

ème

série de 1800 à 1860). 9

SOMMAIRE

PARTIE 1.

LES BÉNÉFICIAIRES DE LA CITOYENNETÉ :

LES CONTOURS DU CORPS POLITIQUE TRACÉS PAR LA LOI PÉNALE

Chapitre 1 - Droit pénal et nationalité : esquisse d'une généalogie des contours externes

du corps politique

Chapitre 2 - Droit pénal et citoyenneté : la dernière forme d'exclusion à l'intérieur des

frontières de la nation

PARTIE 2.

LA NATURE DE LA CITOYENNETÉ :

LA SUBSTANCE DU CORPS POLITIQUE DESSINÉ PAR LA LOI PÉNALE Chapitre 3 - Les justifications traditionnelles de la déchéance des droits politiques Chapitre 4 - Les valeurs protégées par la déchéance des droits politiques

PARTIE 3.

LE CONTENU DE LA CITOYENNETÉ :

L'ÉVOLUTION DE LA CONCEPTION DES DROITS POLITIQUES À L'ÉPREUVE DU DROIT PÉNAL

Chapitre 5 - Des droits appartenant au Souverain

Chapitre 6 - Des droits fondamentaux individuels appartenant au citoyen 10 11

INTRODUCTION

Dans son étude magistrale sur " L'institution de la majesté » 1 , Yan Thomas a démontré

comment, dans l'histoire de l'État romain, la construction de quelque chose d'équivalent à la

souveraineté est passé par le détour de l'histoire du crime de lèse-majesté. Entreprenant une

longue analyse de la majesté et du crime qui, lui étant associé, la définit en creux, l'auteur a

mis en évidence l'introduction, par la sanction, d'un substitut à la souveraineté qui explique la

réutilisation du terme de majesté par Jean Bodin. La criminalisation de l'atteinte à la majesté a

fait entrer le concept dans le domaine proprement juridique et l'a institutionnalisé. Il convient

de rappeler qu'à Rome, un système dans lequel on aurait eu affaire à une conception unitaire

de la souveraineté aurait été dépourvu de sens dans la mesure où chaque organe tirait son

pouvoir d'une source autonome. Il ne pouvait exister de souveraineté d'imputation - de toutes

les décisions politiques à un centre unique. La souveraineté ne pouvait être pensée d'une

manière positive. Une forme d'unité et d'indivisibilité de pouvoir et l'instauration d'une notion de grandeur ont pu être imaginées, mais par la voie négative. Le crimen maiestatis a

introduit l'idée d'une plénit ude sinon de la puissance, du moins du pér imètre où la loi

l'enclave. Ce n'était pas encore la plénitude en acte d'une somme de compétences, telle que devait la concevoir le droit monarchique à la fin du Moyen-Âge et au début de l'époque moderne. C'était une plénitude af firmée seulement comme intransgre ssible, à travers l'interdit. Le crimen maiestatis, pendant une très longue durée, est resté le rempart d'une

grandeur constituée en droit par son inviolabilité même. La souveraineté ne s'est définie donc

vraiment en toute rigueur que de façon négative, à la faveur de l'infraction pénale qui la

mettait en cause. Au-delà des riches enseignements que toute personne qui s'intéresse à la souveraineté

peut en tirer, l'analyse de Yan Thomas a le mérite de souligner la fécondité d'une étude d'une

notion relevant du droit constitutionnel à travers le prisme du droit pénal. Nous réclamant de

son autori té, nous nous proposons d'analyser la notion constitut ionnelle de c itoyenneté à

partir des sanctions pénales qui privent le condamné sinon de sa qualité de citoyen, du moins

de certains de ses droits politiques ou civiques. Là où Yan Thomas interprète la souveraineté à

partir de l'infraction - à partir autrement dit de la violation -, nous entendons mener une 1

THOMAS (Yan), " L'institution de la majesté », Revue de synthèse, n° 3-4, juill-déc. 1991, p. 331-386.

12

enquête sur la citoyenneté à partir de la sanction - à partir autrement dit de la privation. Nous

faisons l'hypothèse que, d'un point de vue proprement juridique, la citoyenneté se donnerait

peut-être (aussi) à voir en arrière-plan, dans la privation de tout ou partie des droits civiques.

Que ce serait peut-être aussi dans l'exclusion ou la restriction des droits de citoyen résultant

d'une condamnation pénale et dans les justifications qui en sont proposées que se lirait la substance de la citoyenneté 2 . Le rapprochem ent avec Yan Thomas connaît toutefois une limite. Dans l'Antiquité et au Moyen-Âge, la souveraineté qui n'existait pas encore en tant

que pouvoir suprême unitaire ne pouvait être pensée que négativement. Tel n'est pas le cas de

la citoyenneté que l'on peut définir positivement. N'était cette différence, il apparaît que le

concept d'exclusion - qu'on le regrette ou le déplore - est tout autant inhérent à la citoyenneté

étatique que ne l'est celui d'inclusion. Il est ent endu que cette affirmation - comme la

position adoptée plus généralement dans cette thèse - ne se veut pas normative (au sens où

l'on approuverait une telle exclusion), mais descriptive. Si une approche consistant à étudier

la notion de citoyenneté en creux à partir de ses exclus n'est pas la seule possible, elle semble

donc se prêter fort bien à son objet. l'histoire de la citoyenneté aux XX e et XXI e siècles dans différents pays d'Europe. Ce dernier

souligne que la citoyenneté (étatique) " était et est tout d'abord une appartenance statutaire,

constitutivement orientée en fonction d'un intérieur et d'un extérieur, de l'inclusion aussi

bien que de l'exclusion » 3 . Comme il est généralement admis, sinon expressément, du moins

implicitement, la citoyenneté est un concept de " "clôture sociale" déterminant les limites à

(ou l'exclusion de) la participation de certains extérieurs à certaines interactions » 4 . Cette

notion de clôtur e est intrinsèque à la dé finition mê me de la citoyenneté qui dési gne

classiquement l'appartenance à une communauté politique e t le droit qu'elle confère de participer directement ou indirectement à l'exercice du pouvoir politique. La citoyenneté est 2

VINCENT (Jean-Yves), " Citoyenneté et dignité : les exclus de la citoyenneté par décision de justice », in

Geneviève KOUBI (dir.), De la citoyenneté, Lexis Nexis, 1995. Dans cet article, l'auteur évoque la nécessité

d'adopter une " méthode négative et non plus positive, fractionnelle et non plus globale, qui se construit autour

des exclus du droit de suffrage » pour penser la citoyenneté. 3

GOSEWINKEL (Dieter), Schutz und Freiheit. Staatbürgerschaft im 20. und 21. Jahrhundert, Berlin, Suhrkamp

Verlag, 2016, p. 611 (nous soulignons). Traduit et cité p ar COLLIOT-THELENE (Catherine), " Le citoyen et

l'étranger », in O livier BEAUD, Fr ançois SAINT-BONNET (dir.), La citoye nneté comme appartenance à la

communauté politique, Paris, Éditions Panthéon-Assas, 2020 (à paraître). 4

BRUBAKER (William Rogers), " Citizenship as Social Closure », in Citizenship and Nationhood in France and

Germany, Harvard University Press, 1992, p. 21-34 ; voir également LECA (Jean), " La citoyenneté entre la

nation et la société civile », in Dominique COLAS, Claude EMERI et Jacques ZYLBERBERG (dir.), Citoyenneté et

nationalité : perspectives en France et au Québec, Paris, PUF, 1991, p. 479. 13 autrement dit le lien qui manifeste l'appartenance des individus à la communauté politique, appartenance entraînant la possessi on d'un ens emble de droits et de devoir s, d'un stat ut

juridique qui fait de celui qui en bénéficie un citoyen. La citoyenneté ne saurait ainsi être

conçue en droit indépendamment d'une communa uté et d'une instance de référence 5

lesquelles correspondent, dans la tradition républicaine, à l'État-nation. La ligne démarquant

le citoyen du non-citoyen est celle-là même qui oppose au national l'étranger, celle de la

nationalité. Dans la mesure en effet où la possession de la qualité de citoyen confère à son

titulaire un droit de participer à l'expression de la souveraineté nationale, seuls les membres

de la nation peuvent en être titulaires. Dans cette perspective, l'exclusion de l'étranger ne doit

pas être c onsidérée comme " la limite (inévitable, mais regre ttable) de la dynamique d'inclusion qui distingue la citoyenneté démocratique de ses formes antérieures, mais comme

une détermination constitutive de la citoyenneté en général. Parce que la citoyenneté est une

requiert et produit nécessa irement, c omme son double inver sé, le non citoy en » 6

L'universalisation du suffrage résultant de l'abolition des critères de l'argent, du sexe, de la

race et de l'incapacité, la démocratisation autrement dit de la citoyenneté n'a pas fait tomber

l'ultime barrière. Un peuple qui prétend s'autodéterminer a besoin de frontières : " les lois

démocratiques requièrent la clôture [...] parce que la représentation démocratique doit être

responsable devant un peuple spécifique » 7

L'" imaginaire néo-westphalien »

8 constitué par une juxtaposition d'États-nations a tenté

de contourner cette difficulté en présumant que chaque étranger jouit dans le pays dont il est

le national des droits attachés au statut de citoyen. En ce sens serait garanti un droit universel

à la citoyenneté que chacun exerce toutefois strictement dans l'État dont il est le ressortissant.

Forts du constat que cette présomption reste, dans le monde actuel, une fiction, d'aucuns, à 5

Certains auteurs tentent toute fois de penser une for me démocratique dans laquelle le citoyen n'aurait

précisément plus à être considéré comme l'objet d'un statut d'appartenance communautaire. C'est ce que se

propose de démontrer la philosophe Catherine Colliot-Thélène dans La démocratie sans demos (PUF, 2011).

Selon l'auteur, la " pluralisation du kratos » - c'est-à-dire la multiplication des foyers de production de normes

impliquée par la mondialisation - aurait rendu " le demos inassignable » (ibid., p. 21). Comme dépossédé du

" monopole de la contr ainte physique légitim e », l'Ét at serait devenu inca pable de revendiquer à son pr ofit

l'allégeance exclusive de ses ressortissants. De son côté, le citoyen ne pourrait plus se définir sur la base d'une

quelconque forme d'appartenance politique à l'exception de celles, circonstancielles et mouvantes, qui surgissent

à l'occasion des différents mouvements de revendication de droits. Dans ce contexte, la démocratie n'est pas

incarnée par le peuple auto-législateur - un " mythe » - mais par le sujet en situation de revendiquer des droits

face aux différentes autorités auxquelles il est soumis. 6 COLLIOT-THELENE (Catherine), " Le citoyen et l'étranger », op. cit. 7 Cf. BENHABIB (Seyla), The Rights of Others, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 219. 8

Nous reprenons cette expression à COLLIOT-THELENE (Catherine), " Le citoyen et l'étranger », op. cit.

14 l'instar de Luigi Ferraj oli, appe llent à la formati on d'un cons titutionnalisme global qui impliquerait la création d'une citoyenneté mondiale 9 . Dans la mesure où nous entendons

théoriser la citoyenneté à partir de ce qu'elle est et non pas de ce qu'elle devrait ou pourrait

être, nous nous limit erons à mentionner dans notre thèse sans la développer plus avant

l'existence d'une vaste littérature relative à la citoyenneté mondiale, universelle ou encore

cosmopolitique. À l'exception notable de deux thès es portant respect ivement sur l'étranger 10 et sur l' " indigène » 11 et d'un ouvrage issu d'un colloque dont une partie porte sur le " mauvais citoyen » 12 , les travaux consacrés à la citoye nneté en droit privilégient d'ordinaire sa dimension inclusive 13 . Ils favorisent cette dimension, " y compris lorsqu'ils traitent des droits de l'étranger, en s'interrogeant avant tout sur les possibilit és d'ouverture de la politeia démocratique, qu'ils souhaitent gé néralement aussi généreuse s que possible » 14 . Notre démarche représente de ce point de vue un renversement de perspective. Partant du constat 9

FERRAJOLI (Luigi), " La contradiction entre l'égalité des droits fondamentaux et la citoyenneté comme statut

d'exclusion », in Olivier BEAUD, Catherine COLLIOT-THELENE et Jean-François KERVEGAN (dir), Droits

subjectifs et citoyenneté, Paris, Classique Garnier, 2019, p. 167-183. L. Ferrajoli ne nie pas l'existence d'une

tension entre l'universalité proclamée des droits fondamentaux et les conditions restrictives de la citoyenneté

dans un monde organisé en États-nations. Face à l'impossibilité de garantir dans ce cadre le jus migrandi -

lequel figure pourtant au nombre des " droits de l'homme » dans toutes les Déclarations, y compris dans celle,

" universelle », de 1948 -, celui-ci appelle soit à l'abolition de la citoyenneté, soit à sa recréation sous forme

d'une citoyenneté mondiale. 10

SLAMA (Serge), Le privilège du national : étude historique de la condition civique des étrangers en France, th.

dactyl., Université Paris X Nanterre, 2003. 11 URBAN (Yerri), L'indigène dans le droit colonial français (1865-1955), Paris, LGDJ, 2011. 12

BEAUD (Olivier), SAINT-BONNET (François) (dir.), La citoyen neté comme appartenance à la communauté

politique, op. cit. Au se in de cet ouvrage, v. pl us spécifique ment les cont ributions de COLLIOT-THELENE

(Catherine), " Le citoyen et l'étranger » ; de SAFI (Farah), " Réprimer des actes ou punir des citoyens ? » ; de

ZEDNER (Lucia), " Policing civility in public space and the exclusion of "uncivil" citizens », et de GRANGE

(Ninon), " Du mauvais citoyen à l'ennemi public. Une histoire court e, tendue et négative ». Que l'on nous

permette également de renvoyer à notre article, AYNES (Camille), " La privation des droits politiques en France

et aux États-Unis. L'apport du droit pénal à une théorie de la citoyenneté », in ibid.

13

On citera entre autres, en langue française, les ouvrages de BEAUD (Olivier), COLLIOT-THELENE (Catherine),

KERVEGAN (Jean-François) (dir), Droits subjectifs et citoyenneté, op. cit. ; COLAS (Dominique), EMERI (Claude),

ZYLBERBERG (Jacques) (dir.), Citoyenneté et nationalité : perspec tives en France et au Québec, op. cit. ;

MAGNETTE (Paul), La citoyenneté. Une histoire de l'idée de participation civique, Bruxelles, Bruylant, 2001 ;

DUBOIS (Jean-Pierre), GONOD (Pascale) (dir.), Citoyenneté, souveraineté, société civile, Paris, Dalloz, 2003 ;

KOUBI (Geneviève) (dir.), De la citoyenneté, Litec, 1995. Du côté des thèses de doctorat, on se réfèrera aux

travaux de HERISSON (Bertrand), L'évolution de la citoyenneté en dro it public francais, Pari s, th. dactyl.,

Université Paris I, 1995 et de MICHON-TRAVERSAC (Anne-Sophie), La cito yenneté en droit publ ic français,

Paris, LDGJ, 2009. Pour une approche plus théorique dans laquelle l'auteur propose " une interprétation post-

moderne et post-nationale de la citoyenneté com me acc ès pluriv oque à la création, l'interprétat ion et

l'application des normes juridiques », on se rapportera à LEROY-FORGEOT (Flora), La citoyenneté juridique, th.

dactyl., Université Paris II, 1999. Concernant des aspects plus spécifiques ou non-étatiques de la citoyenneté, v.

DUMONT (Gilles), La citoyenneté administrative, th. dactyl., Université Paris II, 2002 et BENLOLO-CARABOT

(Myriam), Les fondements juridiques de la citoyenneté européenne, Bruxelles, Bruylant, 2006. 14

COLLIOT-THELENE (Catherine), " Le citoyen et l'étranger », op. cit. C'est notamment l'approche retenue par

BENHABIB (Seyla), The Rights of Others, op. cit.

15

partagé par Anicet le Pors selon lequel " la citoyenneté se définit souvent en creux, le citoyen

par le non-citoyen, c'est-à-dire par celui qui ne détient pas les droits politiques que l'on dit

civiques » 15 , nous nous proposons de réfléchir à la citoyenneté à partir de ses exclus. L'exclu

que nous étudierons n'est pas, cependant, la figure paradigmatique de l'étranger, mais celle du

condamné. Il est en effet une autre forme de relégation qui, quand bien même elle ne serait plus que partielle, témoigne encore aujourd'hui de l'existence d'autres " frontières de la citoyenneté » 16 que celle de la nationalité. Nous nous référons ici à la privation des droits

civiques et politiques résultant d'une condamnation pénale, à ces criminels qui, déchus de

leurs droits de citoyen, " témoignent à leur façon d'exemple limite que la frontière entre le

dedans et le dehors reste malgré tout compliquée par la superposition possible de la figure de l'ennemi social avec celle de l'étranger » 17 . C'est d'ailleurs la métaphore de l'" étranger » que les juges de la Cour suprême de l'Illinois, entre autres, emploient de façon non anodine en

1913 pour qualifier la situation d'un criminel privé de ses droits civiques et politiques : celui-

ci devient " un étranger dans son pays, et pire encore », car il ne peut être rétabli dans ses

droits que par la grâce, tandis qu'un étranger peut acquérir la citoyenneté de plein droit par les

voies de la naturalisation 18 . Et d'ajouter : " un homme ne pourrait pas perdre plus » 19

À la même époque, en France, et jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal en

1994, il n'y a pratiquement pas d'infractions qui ne soient susceptibles d'entraîner également

une déchéa nce définitive des droits c iviques et politiques, faisant en quelque sor te du

condamné un étranger. Dans le code pénal de 1810, la dégradation civique, peine criminelle

dite infamante qui consiste dans la privation du droit de vote, d'éligibilité, et en général de

tous les droi ts civiques et politiques, dans la destitution et l'exclusion des condamnés de toutes fonctions, emplois ou offices publics, dans la privation du droit de port d'armes, du droit de faire partie de la garde nationale, de se rvir dans les armées franç aises, dans

l'incapacité d'être juré et entraînant, en outre, la perte de certains droits civils et de famille

15

LE PORS (Anicet), Le nouvel âge de la citoyenneté, Éditions de l'Atelier, Paris, 1997, p. 58.

16

Nous empruntons la formule à BERTOSSI (Christophe), Les frontière s de la citoyenneté en Europe :

nationalité, résidence, appartenance, Paris, L'Harmattan, 2001. 17quotesdbs_dbs45.pdfusesText_45
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