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BO 226-227 Septembre-octobre 2013

Mme Catherine Collau ingénieure des services Vu le Code du cinéma et de l'image animée



RECUEIL DES ACTES ADMINISTRATIFS

RESPONSABLE ADMINISTRATIVE A LA SOCIETE TOUPARGEL A SAINT MARTIN AU LAERT. - DAVID DEHOVE à SOLESMES CADRE DE L ANIMATION A LA MJC DE LAMBRES LEZ DOUAI.



00-Couverture CA 2016 annexe 4

24 juil. 2019 20 RUE DES ECLUSES ST MARTIN ... CENTRE ANIMATION JEUNESSE-PROMOSPOR 75 BD SOULT. PARIS 12 ... 2 PL MARCHE SAINTE CATHERINE PARIS.



LINSTITUT ARCHÉOLOGIQUE

ecclésiastique de Grâce Saint-Martin soit à la suite d'une DELATTE



LINSTITUT ARCHÉOLOGIQUE

au gisement de la Quina (Martin 1907-1910



Généalogie et origine de quelques familles vivant au 20 siècle à

Blehen 15/11/1819 Marie Catherine Joseph HALLET fille de Mathieu et Marie Catherine A eux deux



Bulletin officiel

3 févr. 2011 89 MARTIN Elisabeth. 90 MAUREL Alice ... Vu le Code du cinéma et de l'image animée ... partenariats dans le domaine de l'animation et de.



Archives de Michel Debré correspondance (1951-1996).

BLOCH-LAINÉ Catherine ; 77 p. ; 1973-1994. DELATTE Charles ; 2 p. ; 1978-1982. ... GERMAIN-MARTIN Henry Victor Émile ; 5 p. ; 1979-1989.

BULLETIN DE L'INSTITUT ARCHÉOLOGIQUE LIÉGEOIS TOME LXXXIV 1972 Édité avec l'appui du Ministère de l'Éducation Nationale et de la Culture LIEGE MAISON CURTIUS

BULLETIN DE L'INSTITUT ARCHÉOLOGIQUE LIÉGEOIS

BULLETIN DE L'INSTITUT ARCHÉOLOGIQUE LIÉGEOIS TOME LXXXIV 1972 Édité avec l'appui du Ministère de l'Éducation Nationale et de la Culture LIÈGE MAISON CURTIUS

LE PALÉOLITHIQUE MOYEN DANS LE BASSIN DE LA VESDRE par Marguerite ULR1X-CLOSSET Dans le cadre d'un programme de recherches consacré au Paléoli-thique moyen dans le bassin mosan ('), j'ai été amenée à étudier l'ensemble des documents archéologiques provenant des régions drainées par la Vesdre et ses affluents et à m'interroger sur les raisons qui pouvaient expliquer la richesse de certains gisements préhisto-riques comme celui des grottes des Fonds de Forêt. L'occupation du bassin de la Vesdre par les hommes du Paléoli-thique moyen semble liée, d'une part, à la possibilité d'un approvi-sionnement local en silex et, d'autre part, à l'existence de grottes et de voies de communications naturelles. Il existe, en effet, tant sur le plateau de Herve que sur le plateau des Hautes Fagnes, des conglomérats de silet provenant de l'altération des dépôts crétacés du Maestrichtien (2), où l'homme préhistorique a pu se procurer la matière première indispensable à la réalisation de son outillage. Par ailleurs, la Vesdre et ses affluents sont, en maints endroits, bordés d'affleurements calcaires dans lesquels s'ouvrent de nombreuses grottes qui ont constitué, durant les périodes froides de la glaciation wurmienne, des abris naturels spécialement recherchés par les popu-lations primitives. Enfin, la topographie régionale est marquée par la présence de lignes de crête, approximativement parallèles au sillon de la Vesdre, qui constituent des voies de passage tout indiquées (pl. I). Parmi les grottes du bassin de la Vesdre qui ont livré des vestiges archéologiques et paléontologiques attribuables au Paléolithique moyen, nous signalerons les grottes des Fonds de Forêt, le " Chan-(') Ces recherches ont fait l'objet d'un mémoire de doctorat, défendu en 1970 à la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège. La publication en est prévue pour 1974. (2) Etage supérieur du Crétacé marin.

PLANCHE I. Le bassin de la Vesdre : localisation des gisements et des trouvailles attribuables au Paléolithique moyen. (I. Grottes des Fonds de Forêt; 2. Chantoire d'Olne; 3. "Trou des Sottais » à Andrimont; 4. Grotte de Drolenval; 5. Hockai; 6. Ster-Francorchamps). Lignes de crête marquées en zigzags.

- 3 -toire de la Falise », à Olne, le " Trou des Sottais », à Andrimont et l'abri-sous-roche des Chaffours, à Drolenval. Les deux grottes des Fonds de Forêt, connues sous le nom de " Cavernes du Bay Bonnet », sont creusées dans un massif de cal-caire viséen (') qui se dresse sur le flanc gauche du vallon de la Magne, ou " ruisseau des Fonds de Forêt », à environ 150 mètres en amont du chemin qui relie le village de Forêt à la route de Prayon à Fléron (pl. I, n° 1). Le " Chantoire de la Falise » appartient au complexe souterrain qui est creusé dans les calcaires viséens et tournaisiens du bassin de rOlne, petit affluent septentrional de la Vesdre qui se jette dans celle-ci à Nessonvaux. Cet aiguigeois s'ouvre, non loin du centre du village d'Olne, dans un affleurement calcaire bordant une prairie transformée en terrain de sports (pl. I, n° 2). Le " Trou des Sottais », ou " grotte de la Chantoire », est creusé dans le flanc sud d'un massif de calcaire givetien (2) qui borde la rive droite de la Vesdre; il s'ouvre à environ deux kilomètres à vol d'oiseau au sud-est de l'église d'Andrimont (pl. I, n° 3). L'abri-sous-roche des Chaffours, aussi appelé " Grotte de Dro-lenval», est situé sur le territoire de l'ancienne commune de Cornesse, actuellement rattachée à Pepinster. Cet abri est creusé dans le banc de calcaire givetien qui longe la rive droite de la Vesdre, à un kilo-mètre en aval de son confluent avec la Hoëgne (pl. I, n° 4). Jusqu'à présent, la région des Hautes-Fagnes, située en bordure méridionale du bassin de la Vesdre, n'a livré que de rares vestiges attribuables au Paléolithique moyen; cela tient vraisemblablement à une prospection de la région beaucoup plus difficile et par consé-quent encore peu développée. Les deux trouvailles connues se situent toutes deux à proximité de la ligne de séparation des eaux de la Vesdre et de l'Amblève. Il s'agit d'un " racloir moustérien » (Leclercq, 1966), trouvé en surface à proximité de l'auberge de jeunesse de Hockai (pl. I, n° 5) et d'un petit biface subcordiforme allongé, appelé " biface de Ster » (Ghilain, 1909), recueilli dans le lit du Chrisnir (pl. I, n° 6). En fait, (') Le calcaire carbonifère de Belgique, ou Dinantien. est subdivisé en deux étages : le Tournaisien et le Viséen qui le surmonte. (2) Plus anciens que les précédents, les calcaires givetiens appartiennent à l'étage supérieur du Dévonien moyen.

4 ce petit cours d'eau, affluent du ruisseau de Hockai, appartient déjà au bassin de l'Amblève. Bon nombre des vestiges archéologiques récoltés dans les grottes du bassin de la Vesdre ont actuellement disparus. Seules, les deux grottes des Fonds de Forêt, grâce à l'abondance des documents recueillis et conservés, permettent encore des conclusions suffisam-ment étayées en ce qui concerne l'occupation de la région au Paléo-lithique moyen. C'est pourquoi cette communication sera essen-tiellement axée sur l'étude de ce site important. DESCRIPTION DU SITE Les deux grottes des Fonds de Forêt, dont les entrées sont dis-tantes l'une de l'autre d'une dizaine de mètres, s'ouvrent sur une terrasse commune, formée par les déblais de nombreuses fouilles. Cette terrasse domine le fond du vallon de la Magne de près de vingt mètres et est précédée d'une prairie, assez fortement inclinée vers le ruisseau. La grotte amont, appelée " première grotte » est la plus grande des deux cavernes et la plus riche au point de vue archéologique. A proximité de l'entrée, orientée vers l'ouest, les parois rocheuses offrent un aspect poli; le bed-rock est également arrondi en "fond de bateau ». Il s'agit là des traces indiscutables du passage d'eaux courantes, ce qui prouve que la grotte amont a dû constituer, à une époque antérieure, l'exutoire d'une rivière souterraine. La grotte aval, appelée " deuxième grotte » s'ouvre vers le nord. Moins bien exposée et apparemment plus humide que la grotte amont, elle semble avoir été moins occupée que cette dernière, si l'on en juge d'après les résultats des fouilles. HISTORIQUE DES RECHERCHES Ph. Ch. Schmerling fut le premier à explorer les grottes des Fonds de Forêt (Schmerling, 1833-1834); il s'attacha particulièrement à l'exploration des fonds, là où les ossements fossiles étaient les plus complets. En 1895, le docteur F. Tihon entreprit de nouvelles recher-

5 ches dans les deux grottes (Tihon, 1898); c'est à lui que l'on doit la découverte, dans la grotte amont, d'un fémur humain dont il recon-nut l'appartenance à l'Homme de Neanderthal (cf. Twiesselmann, 1961). A partir de 1906, J. Hamal-Nandrin explora à nouveau les grottes (Hamal-Nandrin, 1908), puis A. Rutot y travailla pour le compte du Musée d'Histoire naturelle (Rutot, 1908, 1909). Les témoins laissés par Rutot sur les côtés de sa tranchée de fouilles furent ensuite exploités par M. Exteens (Exteens, 1907). En 1914, J. Hamal-Nandrin et J. Servais pratiquèrent un sondage profond " tout contre l'entrée de la grotte principale » et mirent à jour le rocher de base, fortement incliné dans la direction du ruis-seau. La configuration du terrain les porta à supposer que les couches archéologiques avaient glissé vers le bas de la pente et les incita a refaire, de 1931 à 1933, grâce à un subside du Patrimoine de l'Uni versité de Liège, des fouilles importantes dans la partie de la prairie-précédant l'entrée des grottes (Hamal-Nandrin et Servais, 1932 el 1934). Durant ces dernières décades, plusieurs chercheurs ont encore exploré les grottes des Fonds de Forêt, tant au point de vue archéo-logique, pour retrouver des lambeaux de terrain en place ou récolter des documents abandonnés dans les déblais, qu'au point de vue spéléologique, pour préciser la topographie des lieux. APERÇU STRATIGRAPHIQUE C'est Rutot qui semble avoir observé avec le plus de minutie la stratigraphie de la grotte principale si l'on en juge par la coupe qu'il a publiée et par les diverses remarques qui figurent dans ses rapports de fouilles. Dans la succession des couches qu'il a relevée, figurent trois " niveaux ossifères » : le niveau supérieur ou " premier niveau », qu'il est d'avis de synchroniser avec le niveau ahrensbourgien de Remouchamps, le " deuxième niveau », qu'il attribue au Madga-lénien et le " troisième niveau », d'où provient le matériel attribuable au Paléolithique moyen. Bien qu'atteignant un mètre d'épaisseur, ce troisième niveau ne présentait, selon Rutot, aucune subdivision stratigraphique. L'épaisseur de ce niveau l'incita cependant à le diviser arbitrairement, lors des fouilles, en trois tranches superpo-

6 sées. L'étude séparée, en laboratoire, des documents provenant de ces trois zones lui permit de noter, dans la tranche supérieure, une "tendance à l'Aurignacien moyen». La présence, dans le matériel conservé, de pièces typologiquement attribuables à l'Aurignacien typique montre bien que le " troisième niveau » ne correspondait pas uniquement à une occupation moustérienne. OUTILLAGE LITHIQUE L'outillage lithique conservé dans la plupart des collections pro-vient de séries mélangées. Non seulement la distinction n'a générale-ment pas été faite entre les divers niveaux archéologiques mais, dans certains cas, le matériel provenant des deux grottes a même été rassemblé en un stock unique. Il semble toutefois, si l'on se fonde sur les caractéristiques typologiques et techniques des divers ensem-bles conservés, que l'occupation moustérienne des deux grottes voisines fut identique. C'est pourquoi cette étude est fondée sur l'ensemble de la documentation archéologique attribuable au Paléo-lithique moyen, recueillie sur le site des Fonds de Forêt, aussi bien dans les deux grottes que dans la terrasse et la prairie qui la précède. Cet ensemble comporte près de 11 000 silex taillés. Ce total ne repré-sente cependant qu'une petite partie de la documentation recueillie, si l'on tient compte des chiffres fournis par les divers fouilleurs qui se sont succédé sur le site. Cet état de choses ne permet aucune observation statistique vala-ble; il est donc bien entendu que les précisions numériques éventuel-lement fournies dans cette étude ne reflètent que l'état actuel des collections. L'outillage des Fonds de Forêt est presque exclusivement réalisé en silex. Les préhistoriques ont surtout utilisé des blocs de silex éclatés et roulés provenant du lit de la Magne et du cailloutis des hauts plateaux qui la bordent. Ces blocs de silex sont revêtus d'une patine rousse, caractéristique, dont des traces subsistent sur de nombreux silex taillés et notamment sur la majorité des nucléus et des petits bifaces recueillis dans le gisement. Cet outillage présente d'autre part une particularité que A. Rutot (Rutot, 1909, pp. 942-945) et l'abbé Breuil (Breuil, 1912) sont les

7 seuls à avoir mise en évidence. A côté d'une minorité d'instruments, dont la taille et la retouche conservent un aspect relativement frais, figurent en effet de nombreux silex aux faces plus ou moins lustrées, aux arêtes adoucies et aux retouches émoussées. Cet aspect roulé se rencontre indistinctement sur les divers types d'outils et sur les éclat* de débitage provenant tant de l'intérieur des grottes que de la ter rasse et de la prairie. Il ne peut donc être question de se fonder sur les différences d'aspect physique pour tenter un quelconque classe-ment du matériel. Le débitage Levallois est peu développé dans l'industrie des Fonds de Forêt. Non seulement les nucléus Levallois sont exceptionnels, ce qui pourrait s'expliquer, surtout dans un gisement de grotte, par un souci d'économie de la matière première mais la proportion d'éclats de technique Levallois est également assez faible. Il existe cependant quelques grands éclats Levallois typiques qui se distin-guent d'ailleurs du reste de l'outillage, non seulement par leurs dimensions mais aussi par la qualité du silex utilisé. La majorité des nucléus conservés sont de type moustérien. Cer-tains de ces nucléus ont été débités au maximum et se présentent sous forme de disques plus ou moins réguliers. De nombreux nucléus moustériens s'écartent toutefois du type discoïde classique par le caractère sommaire des enlèvements préparatoires au débitage ou par une taille peu méthodique et une silhouette irrégulière. Il est d'ailleurs possible de distinguer toute une série de types intermé-diaires entre les nucléus discoïdes typiques et les nucléus globuleux. Ces derniers devaient être relativement nombreux dans l'industrie des Fonds de Forêt, si l'on se réfère à l'outillage, apparemment non trié, qui provient des fouilles de Rutot et qui est conservé à l'Institut royal des Sciences naturelles, à Bruxelles. En effet, dans ce matériel, le pourcentage des nucléus globuleux correspond approxi-mativement au quait du total des nucléus mais, dans la plupart des séries conservées, la proportion des nucléus globuleux est beau-coup plus réduite. Au point de vue typologique, l'industrie moustérienne des Fonds de Forêt se caractérise par la présence de quelques petits bifaces, d'allure dégénérée, par une série d'instruments réalisés sur éclats, parmi lesquels dominent les racloirs, et par une abondance d'éclats à retouches abruptes, irrégulières et souvent alternantes.

13 Les bifaces sont au nombre d'une vingtaine. Ils sont de petite taille, sommairement taillés et d'aspect roulé. Le biface reproduit (pl. Il, lig. I) correspond à un des spécimens les mieux travaillés de cette série. La catégorie des racloirs, qui est représentée par 421 exemplaires, comporte une majorité de racloirs simples, convexes (*). Ils sont généralement pourvus d'un dos, souvent naturel ou atypique (pl. Il, fïg. 2, 4, 6); parfois, il s'agit d'un pan coupé, obtenu intentionnelle-ment par une taille perpendiculaire à la face ventrale de l'éclat (pl. Il, fig. 5). Sur quelques exemplaires, le bord agissant est accommodé par une seule rangée de retouches écailleuses (pl. Il, fig. 2) mais, le plus souvent, ces racloirs sont réalisés sur des éclats relativement épais et leur bord agissant se caractérise par une série de retouches disposées en escalier. Quelques racloirs, pourvus d'un dos partiel, ont leur extrémité distale régularisée par une série de retouches; l'angle que forment ces retouches avec la face ventrale de l'éclat ainsi que la présence d'esquilles d'utilisation incitent à considérer ces instruments comme des " racloirs-grattoirs » (pl. II, fig. 3). Plusieurs racloirs convexes ont leur extrémité distale aménagée par des retouches subparallèles qui dégagent une pointe amincie (pl. II, fig. 7). La catégorie des racloirs transversaux est moins bien représentée que celle des racloirs latéraux mais elle comporte cependant une (') Les racloirs se répartissent de la façon suivante I convexes : 215 spécimens; racloirs simples < concaves : 14 spécimens; droits 13 spécimens; l sinueux 15 spécimens; racloirs-grattoirs : 8; racloirs convexes à "pointe dégagée» : 14; racloirs transversaux : 31; racloirs doubles : 22; racloirs convergents : 74; racloirs à dos aminci : 11 ; racloirs bifaces : 4. PLANCHK 11. Industrie moustérienne des Fonds de Forêt : biface subcordiforme (fig. I), racloirs simples convexes, à dos (fig. 2, 4, 5 et 6), racloir-grattoir (fig. 3), racloir à "pointe dégagée» (fig. 7). Ech. 2/3.

série de pièces typiques. Ces racloirs transversaux sont de type convexe (pl. III, fig. 5); certains d'entre eux ont leur extrémité proxi-ma'e amincie par des retouches qui ont supprimé le bulbe et le talon de l'éclat (pl. III, fig. 1 ). Parmi les racloirs convergents figurent des spécimens très diffé-rents, tant au point de vue de la silhouette générale que de l'impor-tance des retouches d'accommodation. Le racloir convergent convexe, reproduit planche III, ligure 4, se caractérise par un bord droit dont la retouche est beaucoup plus développée que celle du bord gauche. Quant au spécimen représenté planche III, figure 2, il se rapproche, par sa forme générale, des limaces dont il diffère par la présence du talon et du bulbe, que la retouche a épargnés. Une quinzaine de racloirs à dos aminci (pl. III, fig. 6) et de racloirs bifaces (pl. III, fig. 3) figurent également dans les collections. Les limaces sont représentées par une douzaine de spécimens plus ou moins caractéristiques. L'exemplaire reproduit planche IV, figure 2 est exceptionnel par sa silhouette mince et allongée. En général, les limaces des Fonds de Forêt sont plus courtes, plus épaisses et moins symétriques (pl. IV, fig. 3). Par sa forme trapue et asymé-trique, la pièce reproduite planche IV, figure I s'écarte du type classique et peut être considérée comme une limace ventrue. Les pointes moustériennes, à extrémité distale mince et aiguë, sont inexistantes dans l'outillage des Fonds de Forêt. Une dizaine d'instruments seulement méritent le nom de " pointes » et encore s'agit-il de spécimens qui, par le peu d'acuité de leur extrémité dis-tale, se classent à la limite des racloirs convergents. Les deux pièces reproduites constituent des exemplaires choisis parmi les plus carac-téristiques (pl. IV. fig. 4 et 5). Ces divers types d'instruments bien retouchés ne constituent cependant qu'un pourcentage relativement faible de l'outillage pro-venant des Fonds de Forêt. Celui-ci comporte, en effet, une majorité de silex à retouches abruptes, fréquemment alternantes et irrégulières. Ce sont essentiellement des racloirs à retouches abruptes, des denticulés, des " raclettes », des pièces à encoches et des perçoirs grossiers ou atypiques (pl. V, fig. I à 6). En fait, il s'agit, dans une PLANCHE III. Fonds de Forêt : racloirs do types variés : transversaux (fig. I et 5). convergents (fig. 2 et 4), biface (fig. 3), à dos aminci (fig. 6). F.ch 2/3.

PLANCHE IV. Fonds de Forêt : limaces (fig. 1, 2 et 3), pointes moustériennes (fig. 4 et 5). Ech. 2/3.

mmiJh. --PLANCHE V. Fonds de Forêt : pièce à encoche (fig. 1). denticulé (fig. 3), perçoirs typique (fig. 2) et atypique (fig. 4), " raclettes » (fig. 5 et 6). Chantoire de la Falise, à Olne : fragment proximal d'éclat Levallois (fig. 7), denticulé sur racloir convergent (fig. 8), racloir à dos atypique (fig. 9). Ech. 2/3.

14 -large mesure, d'éclats de débitage accidentellement retouchés en pseudo-outils, comme semblent d'ailleurs l'attester l'allure des retouches et l'aspect roulé de bon nombre de ces documents. Cons-tatons toutefois que la distinction entre ces pseudo-outils, dus à des actions naturelles, et des pièces à retouches abruptes intention-nelles, n'est pas toujours facile à établir. OUTILLAGE OSSEUX L'outillage osseux attribuable au Paléolithique moyen comporte essentiellement des " retouchoirs » ou compresseurs. Ces retou-choirs sont réalisés sur fragments de diaphyse. La plupart sont du type classique, à deux zones d'utilisation distinctes, localisées aux deux extrémités de l'os. Dans les collections figurent également quatre fragments de dia-physe, du type " marques de chasse » portant, sur la partie convexe de l'os, de deux à quatre incisions transversales, parallèles et de longueurs sensiblement égales. Si ces documents, qui se rencontrent surtout dans des industries du Paléolithique supérieur, sont signalés dans cette étude c'est parce que des pièces similaires ont parfois été recueillies dans des niveaux moustériens évolués, notamment au gisement de la Quina (Martin, 1907-1910, pp. 212-213). INTERPRÉTATION DU MATÉRIEL L'industrie des Fonds de Forêt, où dominent les éclats à retouches abruptes (denticulés, encoches, etc.) et où les pièces classiques du Moustérien sont relativement rares, pourrait à première vue être interprétée comme un Moustérien à denticulés. En fait, l'essentiel de ce matériel à retouches abruptes et d'aspect souvent roulé, résulte très probablement de phénomènes naturels. L'hypothèse du rema-niement de l'industrie, par des courants d'eau qui ont dû parcourir la grotte à l'occasion d'une reprise d'activité du Karst environnant, pourrait être avancée pour expliquer l'aspect de bon nombre de silex aux arêtes émoussées et aux surfaces lustrées et aussi pour jus-tifier le mode de gisement de certaines pièces qui portaient des " traces

- 15 -d'usure manifeste » et qui, lors des fouilles, furent retrouvées grou-pées par "paquets» (Rutot, 1908, p. 153). Quant aux retouches abruptes et d'aspect écrasé qui figurent sur plusieurs de ces silex, elles pourraient peut-être s'expliquer par l'action du gel. En elTet, en se congelant, l'eau contenue dans la couche superficielle d'un sol de grotte se dilate et engendre des pressions entre les débris rocheux et les éclats de silex, qui peuvent ainsi être retouchés (Chmie-lewski, 1967, p. 63). Si l'on fait abstraction de ce matériel grossier à retouches abruptes et irrégulières, il reste un outillage caractérisé, non seulement, par une proportion écrasante de racloirs, parmi lesquels dominent les spécimens convexes et épais, mais aussi par la présence de formes particulières, comme les limaces, les racloirs bifaces et les racloirs à dos aminci. Ces caractéristiques typologiques, jointes au fait que le débitage Levallois est peu développé, justifient l'attribution de l'industrie des Fonds de Forêt au " Charentien de type Quina ». La présence pléthorique de pseudo-outils masque toutefois les traits caractéristiques de ce faciès charentien et c'est ce qui explique les difficultés d'interprétation auxquelles se sont heurtés la plupart des préhistoriens qui se sont intéressés au Moustérien de cet important gisement du bassin de la Vesdre (1). * * * Le matériel recueilli au " Chantoire de la Falise » à Olne est resté jusqu'à présent inédit. J'ai pu l'étudier grâce à la complaisance de M. Winand, l'un des jeunes spéléologues qui participa à l'explo-ration de cette cavité. Lors de sa découverte, celle-ci était obstruée par des dépôts alluviaux et caillouteux. L'allure et la composition de ces dépôts ainsi que l'aspect du matériel lithique indiquaient nettement qu'il s'agissait d'une industrie remaniée, amenée dans la grotte par des courants d'eau. L'emplacement primitif du site n'a cependant pu être déterminé. (M A. RUTOT, qui a malheureusement émis des théories fantaisistes pour expli-quer certaines particularités de l'industrie des Fonds de Forêt, est le seul à avoir souligné la présence, dans le matériel recueilli, d'" un groupe d'instruments de type perfectionné, semblable à celui de La Quina» (RUTOT, 1908, p. 152).

16 La documentation qui m'a été soumise comportait une centaine de silex taillés attribuables au Paléolithique moyen. Parmi ceux-ci figuraient huit nucléus et une vingtaine de pièces retouchées. C'est bien entendu insuffisant pour établir une diagnose précise de l'in-dustrie. Dans celle-ci, la technique Levallois semble peu développée, bien qu'on y trouve cependant de rares éclats Levallois (pl. V, fig. 7). L'outillage provient essentiellement du débitage de nucléus mous-térien?, plus ou moins typiques. Cet outillage comporte des racloirs, quelques couteaux et une série d'éclats à retouches abruptes, irré-gulières et très probablement accidentelles (pl. V, fig. 8 et 9). Par ses caractéristiques de débitage et de retouches, ce matériel présente des analogies avec celui du gisement des Fonds de Forêt, qui se trouve d'ailleurs à moins de quatre kilomètres à vol d'oiseau du " Chantoire de la Falise ». * * * Le " Trou des Sottais » à Andrimont, fouillé à la fin du 19e siècle par L. F. De Pauw et J. S. Renier (Renier, 1895), a livré un matériel archéologique qui est actuellement en grande partie disparu. Pour tenter de préciser les caractéristiques de l'industrie moustérienne qui y fut recueillie, on ne possède plus, à l'heure actuelle, qu'un petit nombre de documents peu caractéristiques ainsi que les quelques illustrations qui figurent dans la publication de J. S. Renier. L'analyse de cette pauvre documentation permet uniquement de conclure à la possibilité de certaines analogies typologiques et tech-niques avec l'industrie des Fonds de Forêt. * * * La grotte de Drolenval, fouillée par Angenot (Angenot, 1939), a livré des vestiges de faune et seulement deux silex taillés, dont un petit "coup de poing». Ce matériel fut recueilli dans un limon de remplissage qui avait pénétré dans l'abri par un couloir com-muniquant avec le plateau. Le petit biface signalé par Angenot constitue peut-être un vestige d'une industrie moustérienne mais les conditions de gisement du matériel et le fait qu'il est impossible, par suite de sa disparition.

- 17 - de préciser les caractéristiques typologiques de ce biface, réduisent de beaucoup l'intérêt archéologique du site. CONCLUSION Ce rapide tour d'horizon des gisements du Paléolithique moyen du bassin de la Vesdre montre que, seule, l'industrie moustérienne provenant des Fonds de Forêt permet des conclusions précises. Son attribution au Charentien de type Quina me paraît démontrée. 11 s'agit d'ailleurs là d'un type d'industrie qui se rencontre dans bon nombre de gisements de grottes du bassin mosan. J'ai pu l'iden-tifier au Trou du Sureau à Montaigle. dans la vallée du Flavion, affluent de la Molignée (Ulrix-Closset, 1968), au Trou Magrite, dans la vallée de la Lesse, à Spy, où toute une partie de l'outillage recueilli dans le " troisième niveau » de la grotte doit lui être attri-buée, dans les grottes de Goyet, au Trou Al'Wesse, à Petit Modave et dans le troisième niveau archéologique du gisement paléolithique d'Engihoul (Ulrix-Closset, 1973). Les caractéristiques des industries de ces divers gisements sont toutefois difficiles à mettre en évidence car les outillages recueillis sont généralement défigurés par des retouches accidentelles et par la présence, parfois pléthorique, de pseudo-outils d'aspect plus ou moins roulé. Dans le bassin mosan, le Charentien de type Quina semble corres-pondre à une phase avancée du Moustérien. Dans les collections, ces industries sont en effet souvent contaminées par des apports aurignaciens ce qui semble indiquer que les niveaux attribuables au Charentien de type Quina étaient directement surmontés par des couches du Paléolithique supérieur. A Rutot a d'ailleurs fait observer que, dans la plupart des grottes mosanes qu'il avait fouil-lées, il n'existait pas de couche stérile entre les niveaux moustériens et ceux de l'Aurignacien typique ('). Pris dans son ensemble, le Charentien mosan présente diverses analogies avec l'industrie des couches moyenne et supérieure du (') Note inédite datée de décembre 1920 et conservée dans les collections de l'Institut royal des Sciences naturelles, à Bruxelles, avec le matériel provenant du Trou Magrite.

- 18 - gisement éponynie de La Quina (Martin, 1923). Il apparaît cepen-dant comme moins riche et moins varié au point de vue typologique. C'est ainsi, par exemple, que les grands hachoirs à retouches bifaces de La Quina sont inexistants dans les grottes du bassin mosan; de même, les pointes moustériennes y sont plus rares et surtout moins typiques. Au point de vue technique, le Charentien de type Quina, tel qu'il a été défini par Fr. Bordes (Bordes, 1957), se caractérise essentiellement par des éclats courts et épais, à talon ordinairement lisse; dans le Charentien mosan de type Quina, le débitage Levallois est également peu développé et les instruments sont souvent réalisés sur des éclats relativement épais mais la tendance à l'allongement de ces éclats est, dans l'ensemble, plus accusée. Le Charentien de type Quina s'est largement répandu en Europe. Aussi les possibilités de comparaison avec l'industrie charentienne des Fonds de Forêt et des autres grottes mosanes sont-elles nom-breuses. Dans cette étude, nous nous contenterons de souligner la parenté qui existe notamment entre l'industrie des Fonds de Forêt et celle du niveau dit " Moustérien II » de la Grotte de Kartstein dans l'Eifel (Rademacher, 1911; Bosinski, 1967). Or, la grotte de Kartstein est proche du bassin mosan. La ligne de crête, qui sépare la vallée de l'Erft, affluent du Rhin, dont dépend la Kartsteinhôhle et la vallée de l'Urf, qui appartient au bassin mosan, passe non loin de la grotte. Cette ligne de crête, qui est orientée sud-est-nord-ouest, s'infléchit ensuite en direction de Rôtgen et de Henri-Chapelle et constitue ainsi une voie de communication naturelle entre la grotte de Kartstein et les grottes des Fonds de Forêt. Si l'hypothèse de rapports entre la vallée de la Vesdre et la région de l'Eifel paraît justifiée, il n'est cependant pas possible, sur la base des données dont on dispose actuellement, de préciser dans quel sens les influences se sont exercées et d'où provenaient les porteurs de l'industrie charentienne des Fonds de Forêt. BIBLIOGRAPHIE ANGENOT, H., Grotte de Drolenval, Bull. Cherch. Wallonie, t. 13, 1939, pp. 84-86. BORDES, Fr., La classification du Moustérien : état actuel dans Lexique stratigra-phique international, vol. I, Europe, fasc. 4b, Paris [1957], pp. 73-77. BOSINSKI, G" Die mittelpalàolithischen Funde im west lichen Mitteleuropa, Cologne-Graz, 1967, pp. 120-122 et pl. 133-136 ( = Fundamenta, série A, vol. 4).

- 19 - BREUIL, H.. Remarques sur les divers niveaux archéologiques du gisement de Spy (Belgique), Revue anthrop., t. 22, 1913, p. 127. CHMIELFWSKI, W. e. a., Studies on the Deposits of Koziarnia Cave ar Saspow in the Olkusz District, Folia Quaternaria, t. 26, 1967, pp. 49-50 el 63. EXTEENS, M.. Nouvelles fouilles du Fond-de-Forêt, Bull. Soc. d'Anthrop. de Bruxelles, t. XXVI, 1907, pp. CXIX-CLVII. GHILAIN, G.. Hache acheuléenne de Ster, Chronique arch. du Pays de Liège, t. IV. 1909, pp. 42-43. HAMAL-NANDRIN, J., Pendeloque en os de la période du Renne, trouvée dans une grotte de Fond-de-Forêt (Province de Liège), Chronique arch. du Pays de Liège, t. 3, 1908, pp. 109-110. HAMAL-NANDRIN, J. et SERVAIS, J., Quelques constatations faites au cours des fouilles commencées en juin 1931, dans la terrasse des deux grottes de Fond-de-Forêt, Annales Féd. arch. et hist. de Belgique, XXIXe session. Liège, 1932, fasc. IV, pp. 104-105. HAMAL-NANDRIN, J., SERVAIS, J. et Louis, Maria, Fouilles dans la terrasse des deux grottes de Fond-de-Forêt (Province de Liège), Bull. Soc. Préh. Française, t. XXXI, 1934, pp. 484-505. LECLERCQ, J., Découvertes préhistoriques dans l'arrondissement de Verviers, Revue verviét. d'Hist. nat., t. 23, 1966, pp. 84-103. MARTIN, Henri. Recherches sur l'évolution du Moustérien dans le gisement de la Quina (Charente), t. I, Industrie osseuse, Paris, 1907-1910; t. II, Industrie lithique, Angoulème, 1923. RADEMACHER, C., Der Kartstein hei Eiserfey in der Eif'el, Prâhist. Zeitschrift, t. III. 1911, pp. 201-232. RENIER, J. S., La grotte de la Cliantoire, dite Trou des Sortais. Commune d'Andri-mont-lez-Verviers, Bruxelles, 1895. RUTOT, A., Une industrie éolithique contemporaine d'une industrie du Paléolithique supérieur. Congrès préh. de France, 4e session. Chambéry, 1908, pp. 150-160. RUTOT, A., Résultats des fouilles effectuées dans la caverne de Fond-de-Forêt (Province de Liège), Annales Féd. arch. et hist. de Belgique, XXI'' session, Liège, 1909,t. II. pp. 937-946 (Le même articlea paru dans Bull. Inst. arch. liégeois, t. XXXIX, 1909, pp. 151-160). SCHMERLING. Ph. Ch., Recherches sur les ossements fossiles découverts dans les cavernes de la province de Liège, 2 t., Liège, 1833 et 1834. TIHON, F., Les cavernes préhistoriques de la Vesdre. Fouilles à Fond-de-Forêt, Annales Soc. roy. d'Areh. de Bruxelles, t. XII, 1898, pp. 145-173. TWIESSELMANN, F., Le fémur néanderthalien de Fond-de-Forêt (Province de Liège), Inst. roy. des Se. nat. de Belgique, Mémoire n° 148, 1961. ULRIX-CLOSSET, Marguerite, Le site préhistorique de Montaigle (Province de Namur) et l'industrie moustérienne du Trou du Sureau, Bull. Soc. roy. belge d'Anthr. et de Préhistoire, t. 29, 1968, pp. 67-90. ULRIX-CLOSSET, Marguerite, Le Paléolithique moyen dans le bassin mosan (à l'impression dans Bull. Soc. roy. belge d'Anthr. et de Préhist., 1973).

LA MÉTALLURGIE WALLONNE AU XVIe ET DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XVILSIÈCLE ESSAI DE SYNTHÈSE par Georges HANSOTTE I. - LOCALISATION ET TERMINOLOGIE En Belgique, la révolution industrielle du XIXE siècle entraîne la concentration géographique étroite des usines sidérurgiques autour de deux centres, Liège et Charleroi. Cette concentration s'opère entre 1815 et 1845. Auparavant, sur le territoire belge actuel, on dénombre cinq grandes régions métallurgiques plus largement dispersées. La première comprend ce que les géographes appellent " l'Entre Sambre et Meuse », mais s'étend aussi aux rivages de plusieurs ruis-seaux affluents de la Meuse entre Namur et Huv : c'est le bassin de Namur. La deuxième pourrait à la rigueur se confondre avec la première, n'était-ce qu'elle nous est beaucoup mieux connue dans l'état actuel de la recherche; elle correspond à la vallée du Hoyoux : c'est le bassin de Huv. La troisième coïncide avec le bassin hydrographique de l'Ourthe inférieure et de ses affluents, la Vesdre et la Hoègne : c'est le bassin de Liège. La quatrième est formée par la vallée de l'Ourthe supérieure et de plusieurs rivières tributaires, notamment l'Amblève et l'Aisne : c'est le bassin de Durbuy. La cinquième enfin éparpille ses établissements au long des cours d'eau qui se jettent dans la Lesse, la Semois et la Chiers; mais à l'épo-que qui nous intéresse, ces usines sont groupées assez étroitement autour d'un centre, Habay-la-Neuve : c'est le bassin de Habay. Ces cinq régions métallurgiques ont connu une incontestable communauté de destinée : l'histoire de chacune d'entre elles est liée à celle des autres, comme le montrera le présent exposé. Mais com-ment appeler cet ensemble que forme leur réunion ?

- 22 - Ces régions appartiennent en effet à des formations politiques différentes. Le duché de Luxembourg comprend le bassin de Durbuy (sauf la vallée de l'Amblève) et le bassin de Habay. Les bassins de Liège et de Huy font partie de la principauté de Liège. Le bassin de Namur est partagé entre le comté de Hainaut, le comté de Namur et la principauté de Liège. Hainaut, Namur et Luxembourg font partie intégrante des Pays-Bas espagnols. Mais Liège et Stavelot (la vallée de l'Amblève) sont entièrement autonomes. En dépit du lien féodal qui les unit au Saint Empire Germanique, ces Etats res-tent indépendants l'un de l'autre. Cette situation politique aura des répercussions sur le plan de la métallurgie à l'époque du mer-cantilisme et des conflits douaniers, c'est-à-dire à partir de la seconde moitié du xvne siècle seulement. Il n'en reste pas moins qu'on ne saurait parler sans anachronisme d'une " métallurgie belge » des xvie et xvne siècles. Tributaires des cours d'eau qui leur fournissent l'énergie motrice, les usines des cinq régions envisagées sont fixées dans le bassin hydro-graphique de la Meuse, à l'exception de quelques unes qui utilisent des ruisseaux appartenant aux bassins de l'Oise et de la Moselle. Mais d'autres centres métallurgiques sont établis aussi dans le bassin mosan ('). On ne saurait donc réserver à la nôtre la qualification de "métallurgie mosane ». Par contre, notre industrie du fer est entièrement concentrée sur le territoire de l'actuelle Belgique romane, c'est-à-dire, selon la ter-minologie courante, en Wallonie; il est légitime de parler à son pro-pos de "métallurgie wallonne». C'est donc ce dernier vocable qui nous servira à désigner l'ensemble des régions industrielles dont nous allons nous occuper. II. - LES SOURCES, LA LITTÉRATURE, LA MÉTHODE L'histoire de la métallurgie wallonne des xvi'1 et xvne siècles est loin encore d'être connue d'une manière satisfaisante. Ce n'est pas que les études fassent défaut; elles sont au contraire assez nombreuses. (') Voir P. GROSDIDIER, La sidérurgie dans le déparlement de la Meuse du XVI'' siècle à 1870. (Annales de l'Est. Mémoire n° 16, pp. 161-174).

- 23 Mais beaucoup de ces travaux sont fondés sur une documentation trop fragmentaire, trop imprécise et parfois même trop peu sûre pour autoriser des conclusions nuancées. C'est qu'aux xvie et xvu'' siècles, dans les Pays-Bas comme dans les principautés de Liège et de Stavelot, le contrôle des usines métal-lurgiques échappe complètement au souverain et à ses agents. Seule, l'exploitation des mines de fer, au Luxembourg et dans le comté de Namur, est frappée d'une redevance au profit du Roi et fait l'objet d'une législation f1). Les archives des grands organismes de gouver-nement sont donc à peu près muettes quant à la sidérurgie. Point de mémoires, de statistiques, de rapports qui nous fourniraient des vues d'ensemble : le recours à la monographie est inévitable. La création d'une usine mue par la force hydraulique est subor-donnée à l'octroi d'un "coup d'eau», c'est-à-dire à la permission d'aménager un bief de dérivation. Mais en dépit des jurisconsultes qui rangent les " coups d'eau » parmi les régaux des princes (2), ce sont les seigneurs fonciers et justiciers qui détiennent le droit d'en consentir la jouissance aux industriels moyennant redevance à leur profit. Quant aux actes de mutation.de possession ou d'hypo-thèque relatifs aux usines, parfois rédigés par des notaires, ils sont en tout état de cause enregistrés par les justices seigneuriales. Selon que les établissements sont réputés censives ou liefs, ils relèvent des cours censales ou féodales. C'est donc dans les archives des seigneuries et dans celles des justices seigneuriales qu'il faut chercher la trace des usines sidérurgiques. Toutefois, il est fréquent que le souverain lui-même exerce les droits seigneuriaux; dans ce cas, il convient de se référer aux archives des organismes domaniaux, par exemple les chambres des comptes des Pays-Bas. Parfois encore, la seigneurie est aux mains d'une institution ecclésiastique, dont on utilisera alors les papiers, généralement avec grand profit. Mais les archives des seigneurs laïques sont le plus souvent très pauvres, quand elles existent encore. Restent alors, avec les quelques proto-coles notariaux qui subsistent pour l'époque qui nous intéresse, les registres des cours de justice seigneuriale, où les usines sont men-tionnées, pêle-mêle avec toutes les autres catégories de biens fonciers, (') SoHfcT, Instituts de droit, livre II, titre LUI (1 vol., in-4°. Bouillon, 1772). (a) Ibid., livre II, titre XLVII, article 2.

- 24 - à l'occasion des ventes, des partages, des constitutions d'hypo-thèque. A l'aide d'une documentation de cette nature, comment retracer les avatars de toute une industrie au cours d'un siècle et demi ? A ce jour, une seule méthode a fait la preuve de son efficacité; c'est l'étude rigoureusement monographique, celle qui consacre une notice à chaque usine en particulier. Mais cette prospection patiente et longue n'a été systématiquement pratiquée jusqu'ici que pour les bassins de Liège, de Durbuy et de Huy, dont toutes les forges et tous les fourneaux (sous réserve d'éventuelles omissions certaine-ment peu nombreuses) ont fait l'objet d'un historique. En ce qui concerne le bassin de Habay, le travail n'a pas été poussé aussi loin, mais le passé de très nombreuses usines est bien connu. Par contre, les établissements du bassin de Namur n'ont guère retenu l'attention des chercheurs, qui se sont cantonnés trop fréquemment, en ce qui concerne cette région, dans des généralités fatalement contestables. Cette inégalité dans l'avancement des études monographiques pré-paratoires à la synthèse rend forcément cette dernière tout à fait provisoire f1). III. - L'ÉVOLUTION DES STRUCTURES Au cours du siècle et demi qui s'écoule de 1500 à 1650, la métal-lurgie wallonne connaît d'abord une période d'expansion; puis vient une époque de crise et de mutation au cours de laquelle ses structures se modifient profondément; enfin s'amorce une seconde période de développement. La première période correspond environ aux trois premiers quarts du xvie siècle : entre 1500 et 1570 environ, l'industrie prospère et les usines se multiplient à un rythme croissant. La phase du déclin et des transformations s'étend de 1570 à 1610 (') Il faut faire une place à part à l'étude de A. GILLARD, L'industrie du fer dans les localités du comté de Namur et de l'Entre-Sambre-et-Meuse de 1345 à 1600 (1vol. in-8", Bruxelles, Pro Civitate, Collection Histoire, n° 29, 1971); ce travail méritoire est cependant trop incomplet, et les informations relatives à chaque établissement y sont trop dispersées pour autoriser une synthèse telle que nous la tentons dans le présent travail.

- 25 - environ; l'industrie périclite dans certaines régions et se reconvertit dans d'autres. Le retour à la prospérité survient ensuite : après 1610, on assiste au progrès de la sidérurgie du bassin de Habay et de la métallurgie du pays de Liège, suivi d'une reprise assez lente des activités dans les bassins plus durement touchés par la crise. Pour la clarté de l'exposé, nous décrirons successivement l'évolu-tion de chacun des bassins wallons; puis nous nous efforcerons d'expli-quer, de synthétiser et de mettre en concordance les phénomènes que nous aurons d'abord observés séparément. a) Le bassin de Liège est, en 1500, déjà fortement industrialisé. On y dénombre 17 fourneaux et 5 forges isolées. Mais ces usines ne sont pas également répandues dans toute la région envisagée. La plupart est localisée sur la Hoègne et son affluent le Wayai (14 fourneaux et 4 forges); les autres usines jalonnent la Vesdre à proxi-mité du confluent de la Hoègne et de cette rivière. Les établissements sont donc fixés en Ardenne ou sur le pourtour de cette région natu-relle. Cette localisation s'explique : l'Ardenne est riche en minerais de fer; c'est une région abondamment boisée; les ruisseaux, peu importants, au débit rapide, peuvent être détournés vers les roues hydrauliques sans le secours d'importants travaux d'art. Jusqu'en 1545 environ, l'industrie de la Hoègne et de la Vesdre progresse; en 1545, on y découvre 19 fourneaux et 5 forges isolées. L'expansion est donc réelle, mais médiocre. A partir de 1550, le progrès s'accélère; en vingt années, le rythme de croissance se précipite : en 1566, le bassin de Liège groupe 30 fourneaux et 8 forges isolées; calculé sur le nombre des fourneaux, le taux d'accroissement est donc de 76 % par rapport à 1500 et de 57 °/" par rapport à 1545. Mais ce qui est remarquable, c'est que cette progression est due presque entièrement à l'industrialisation de la Basse Ourthe et du bief inférieur de la Vesdre, c'est-à-dire de la proche banlieue de Liège : 10 fourneaux ont été construits dans une région qui jusqu'alors n'en possédaient pas. Sans doute faut-il attribuer ce phénomène au pouvoir d'attraction de la métro-pole économique qu'est devenue la ville de Liège : Liège comporte désormais une classe de marchands adonnés au grand commerce international; les métallurgistes y trouvent aisément des bailleurs

- 26 de fonds prêts à financer leurs entreprises nouvelles; au surplus, le débit plus abondant des rivières qui fournissent l'énergie à ces nouvelles usines permet d'accroître la puissance des souffleries, donc la température des fourneaux et de produire de la fonte de moulage de meilleure qualité. Quant à l'Ardenne liégeoise, elle reste un centre sidérurgique important; l'industrie continue à y prospérer : le nombre des appa-reils réducteurs y passe de 16 à 20 entre 1545 et 1566. C'est l'année 1566 qui marque l'apogée de la prospérité dans le bassin liégeois. Dans la proche banlieue de Liège, le nombre des fourneaux reste constant pendant une quarantaine d'années encore, puis, à partir de 1615, il se réduit rapidement. En 1650, cette partie du bassin n'est plus équipée que de 6 appareils réducteurs. Quant à l'Ardenne, son déclin a été plus rapide encore, et plus complet. En 1650, on n'y rencontre plus que 4 fourneaux. Les forges isolées, qui n'ont jamais été très nombreuses dans ce bassin, ont toutes dis-paru avant 1640. Il serait faux de conclure, pourtant, à la décadence de la métal-lurgie liégeoise. Les fourneaux s'éteignent, mais les établissements ne disparaissent pas : ils se reconvertissent. Le bassin de Liège avait été jusqu'alors une région d'industrie sidérurgique; elle produisait du fer, mais aussi et surtout des fontes de moulage; c'est du moins ce que semble indiquer l'importance du nombre des fourneaux par rapport à celui des forges d'affinage. Désormais, le pays de Liège sera une région d'industrie métallurgique, spécialisée dans les fabri-cations métalliques à partir d'une matière première importée. De nouvelles usines y sont aménagées : fenderies, platineries et usines à canons de fusil. Le pays de Liège devient un centre d'industrie cloutière, armurière et de quincaillerie. Cette évolution, à vrai dire, s'est amorcée dès le début du xvie siècle; entre 1499 et 1566, 10 platineries ont été aménagées dans la vallée de la Hoègne; ces établissements se multiplient dans la suite pour atteindre le chiffre de 17 en 1630. D'autres platineries appa-raissent dans la vallée de la Vesdre entre 1572 et 1625; dans ce terroir, on en compte 10 à cette dernière date. Autour de ces 27 usines qui fabriquent de la tôle martelée, prolifèrent les forges manuelles où cette tôle est transformée en ustensiles de ménage ou en outils. Sur la Vesdre encore, et sur ses affluents, 8 usines à canons de

- 27 - fusil sont installées entre 1612 et 1650. On y alèse des canons de fusil qu'utilisent pour leur fabrications les armuriers de Liège et de la banlieue. Toutefois, la technique qui contribue le plus largement à la recon-version industrielle de la région, c'est celle de la fenderie. Formée de deux cylindres, l'un lisse, l'autre cannelé, la fenderie est une sorte de laminoir qui transforme en verges les baumes de fer sortant des affineries. Les fenderies sont des usines bien modestes, mais leur importance économique dépasse celle des fourneaux eux-mêmes. C'est que ces derniers, connaissant de longues périodes de chômage, ne produisent guère à cette époque plus de 100 tonnes de fonte par an; la fenderie par contre, traite annuellement plus de 200 tonnes de fer. Les verges qu'elle fabrique sont fournies à bien meilleur compte que les barres façonnées au marteau. Au début du xvne siècle, l'existence des fenderies est donc une des conditions du pro-grès de l'industrie cloutière, grande utilisatrice de verges. Or, dans le bassin de Liège, il existe une clouterie considérable dès l'époque médiévale. La fenderie y fait son apparition en 1583 sur la Vesdre et en 1625 sur l'Ourthe. En 1650, 8 fenderies alimentent ainsi des centaines de forges cloutières. La clouterie devient la plus importante des industries métallurgiques du pays de Liège et le restera jusqu'au xixe siècle. b) Le bassin de Durbuy. - De 1500 à 1570, la région métallur-gique de Durbuy connaît une évolution comparable à celle du bassin de Liège. En 1500, 2 fourneaux sont attestés sur l'Amblève; 2 autres sont en activité en terre luxembourgeoise; au pays de Stavelot, on dénombre 5 forges isolées; le total des forges luxembourgeoises n'est pas connu avec précision. L'année 1566 marque, ici aussi, l'apogée de l'expansion : cette année là, 16 fourneaux rougeoient au bord de l'Amblève, de l'Ourthe supérieure et de leurs affluents; le nombre des appareils a donc quadruplé en soixante-six ans; sur l'Amblève, on compte 9 forges, près du double de l'effectif enregistré au début du siècle. Toutefois l'expansion la plus forte correspond à la première moitié de ce siècle : en 1545, le bassin de Durbuy pos-sède 15 fourneaux, et le val de l'Amblève 6 forges isolées; dans le comté de Durbuy, c'est en 1537 que la production atteint sa cote la plus élevée : 136 journées de " fondage ». En aucun moment donc,

- 28 - la région n'a pu supplanter le pays de Liège quant au nombre des usines; il semble même que la concurrence liégeoise ait freiné l'ex-pansion après 1545. Mais dès 1567, c'est le marasme : brusquement, l'activité métallurgique s'interrompt en terre de Durbuy; les four-neaux s'éteignent tous ensemble; ils se rallumeront un à un au début du xvne siècle, mais vers 1630, un seul était encore en activité. Dans la partie stavelotaine du bassin, la crise est moins profonde; vers 1630, on y trouvait encore 4 fourneaux et 5 forges. c) Le bassin de Huy. - L'évolution du bassin du Hoyoux entre 1500 et 1570 rappelle celle des deux régions que nous venons d'étu-dier : cette période est marquée par l'accroissement continu du nombre des établissements; on y compte 9 usines au maximum en 1500, 15 en 1530, 19 en 1550 et 23 en 1570. Calculé sur l'ensemble des usines par rapport à 1500, le taux de croissance est ici de 255 % en 1570. Mais dans les structures de la métallurgie du Hoyoux appa-raît un caractère qui l'oppose en tout cas à la région de Liège : en 1570, cette industrie comporte 3 fourneaux isolés, 4 fourneaux pour-vus d'une ou deux affineries, 6 ou 7 platineries et 9 ou 10 forges d'affinage. La région de Huy se spécialise donc dans l'affinage de la fonte. Elle se distingue ainsi des pays de Liège et de Durbuy, où l'on trouve peu de forges isolées. Dans ces régions, ou bien les four-neaux possèdent leurs propres affmeries, ou bien ils fonctionnent en allure de moulage et produisent des fontes à poterie. A signaler encore dans la région de Huy la multiplication des platineries : un important effort est consenti au xvie siècle pour faire de la vallée du Hoyoux un centre producteur de tôle au marteau. Mais dès 1569, le déclin survient; il entraîne la disparition totale des fourneaux entre 1569 et 1648. La platinerie périclite plus rapide-ment encore; elle est complètement abandonnée en 1612. Seules, 6 forges d'affinage subsistent dans la vallée en 1650; contraintes d'importer la fonte qu'elles affinent, elles s'éteindront à leur tour, une à une. d) Le bassin de Namur. - Le plus vaste des bassins wallons est aussi le plus mal connu. Que savons nous de son histoire ? Tout d'abord, ce bassin est sans aucun doute le plus important de toute la Wallonie, plus important à lui seul que les quatre autres bassins wallons réunis.

- 29 - Ses structures rappellent celles du bassin de Huy tout proche : à chaque fourneau correspondent deux ou trois forges d'affinage. Ce bassin est donc producteur de fer affiné plutôt que de fonte de moulage. C'est ainsi que, des quelque 102 usines dont l'existence est attestée par A. Gillard en 1550, 70 environ sont des affineries et 32 seulement sont équipées d'un fourneau, parfois couplé avec une forge d'affinage. Enfin, tout paraît indiquer que l'évolution du bassin de Namur est semblable à celle des bassins que nous venons de passer en revue. A défaut d'un nombre suffisant de notices consacrées aux diverses usines de ce terroir, nous possédons en effet les analyses des actes d'octroi de "coups d'eau» concédés en vue de la création d'éta-blissements métallurgiques sur le domaine du comte de Namur. Ces actes d'octroi sont conservés dans les archives de la Chambre des Comptes de Lille, qui gère ce domaine. Ces actes ne concernent, soulignons-le, qu'une partie de la région envisagée, la partie sur laquelle le comte de Namur (c'est-à-dire le roi d'Espagne) exerce les droits seigneuriaux: mais pour cette partie, ces documents nous fournissent un tableau certainement assez complet des créations d'usines métallurgiques au cours des xvi<- et xvii0 siècles. Or, rien ne permet de supposer que le domaine comtal a pu connaître une évolution différente de celle des terroirs qui l'entourent et auxquels il est inextricablement entremêlé. Nous constatons ainsi qu'aucune autorisation d'établir une usine métallurgique n'est sollicitée dans la contrée avant 1545. Par contre, la Chambre des Comptes délivre des autorisations pour 10 fourneaux et 13 forges pour la seule période qui va de 1545 à 1566, et pour 7 fourneaux et 5 forges pendant les années 1567 à 1588. Il faut ensuite attendre l'année 1619 pour trouver à nouveau dans cette série documentaire un acte relatif à l'érection d'un établissement métallurgique. Le relevé que nous avons ainsi établi suggère donc une période de grande expansion entre 1545 et 1566, puis de progrès plus modéré entre 1567 et 1588 (*). Quant au déclin qui marque la fin du siècle, il a été décrit pour la partie occidentale du bassin de Namur, par l'historien de la métal-lurgie chimacienne, E. Dony. Pour cet auteur, les difficultés assail-lent la métallurgie du pays de Chimay dès 1595. Un indice de cette (') Les conclusions d'A. GILLARD, O. C., p. 188 rejoignent ici les nôtres.

- 30 - décadence nous est fourni par l'émigration des maîtres de forges et des ouvriers du pays de Namur. Que cet exode ait été important, nous en trouvons la preuve dans l'inquiétude des autorités qui s'ef-forcent de l'interdire à plusieurs reprises. Nous savons par ailleurs que le Luxembourg accueille à ce moment des colonies importantes de métallurgistes namurois; il en est de même pour des régions plus éloignées, telles que la Suède et l'Allemagne. Vers 1635, la ruine de la métallurgie chimacienne est consommée. Son redressement se fera attendre jusqu'à la fin du xvne siècle. A vrai dire, la région de Chimay semble avoir été la partie du bassin de Namur que la crise a touchée le plus durement: dans les autres parties de ce bassin, cette crise fut moins profonde et plus rapidement surmontée. e) Le bassin de Habay. - Pour le xvie siècle au moins, l'évolution de la métallurgie du bassin de Habay est dans l'ensemble conforme au schéma que nous avons rencontré dans les quatre bassins étudiés jusqu'ici. Vers 1500, on y découvre une demi douzaine d'usines, fourneaux ou forges. La première moitié du siècle est marquée par la création de nouveaux établissements. Ils sont une dizaine en 1542. quand les troupes de François I en détruisent la majorité. Commence alors une période d'expansion plus rapide, caractérisée par la reconstruc-tion des usines ruinées par la guerre et par la création de plusieurs établissements nouveaux (une demi douzaine au total). Cette période s'étend de 1545 à 1585 environ. A partir de cette date, le bassin de Habay connaît une destinée particulière. On n'y constate ni déclin, comme dans les bassins de Namur, Huy et Durbuy, ni reconversion comme dans le pays de Liège. Au contraire, la sidérurgie continue à y progresser, et le rythme de cette croissance se précipite. Une vingtaine d'établisse-ments apparaissent ainsi entre 1600 et 1650. Cette prospérité est freinée un moment par les événements de 1636-1637 : la peste et la guerre désolent le Luxembourg; la catastrophe n'épargne pas les zones métallurgiques dont toutes les usines sont détruites. Mais très vite, un redressement s'opère. Les établissements sont restaurés; l'expansion du bassin de Habay se poursuit tout au long du xvne siècle.

- 31 -f) L'évolution d'ensemble de la métallurgie wallonne et ses causes. - Pour retracer l'histoire de la métallurgie wallonne entre 1500 et 1650, nous nous sommes fondés - on l'a vu - sur des relevés aussi exacts que possible du nombre et du type des usines, il eût été évidemment préférable d'utiliser des évaluations du tonnage et de la nature de la production. Mais ces évaluations nous font défaut. Nous ne possé-dons d'informations de ce genre que pour les régions où l'exploita-tion des forges et des fourneaux donne matière à une redevance proportionnelle aux produits, soit au profit du seigneur, soit au profit du domaine royal, là où le Roi détient les droits seigneuriaux. Mais même à travers la documentation que nous avons utilisée, les grandes phases du développement de la métallurgie wallonne apparaissent fort nettement. 1) Dans les cinq bassins wallons, les trois premiers quarts du xvie siècle sont marqués par un progrès fort sensible des activités industrielles. Ce progrès est particulièrement net après 1545. En gros, il reflète le mouvement général des prix. Or, ceux-ci haussent rapidement, surtout dans la seconde moitié du siècle. Le progrès de la métallurgie est aussi en rapport avec l'efflorescence commer-ciale : dans les Pays-Bas, le commerce maritime se développe; Anvers en devient le centre principal. Cette métropole de l'occident procure au fer wallon un débouché de première importance. A Liège et à Namur, le négoce et le prêt à intérêt entiaînent l'accumulation de capitaux qui sont parfois investis dans la création d'usines métallur-giques; c'est le cas, très certainement, des fourneaux établis dans la banlieue de Liège à partir de 1548. Il arrive aussi que les adminis-trateurs du domaine royal, dans les Pays-Bas, provoquent l'installa-tion d'usines dans les régions forestières afin de créer des débouchés supplémentaires pour le charbon de bois qu'on y fabrique. C'est le cas dans le Luxembourg : ainsi, en 1546, un conseiller de la Cham-bre des Comptes, Odot Viron, négocie la construction d'une usine dans la forêt d'Anlier. Enfin, l'amélioration de la qualité des fontes conduit à l'usage généralisé des poteries de fer. La fonte moulée tend à supplanter le laiton dans la fabrication d'ustensiles divers. Le boulet de fonte se généralise; le canon de même matière devient d'un usage courant. 2) Pourtant, si brillante soit-elle, cette prospérité est d'assez courte durée. Pour quatre au moins des cinq bassins wallons, une période

- 32 - de difficultés commence à partir de 1566. Cette date est symptoma-tique : c'est l'année même qui marque le début de la guerre de religion et de la révolution dans les Pays-Bas, celle des premiers troubles révolutionnaires, connus sous le nom de " soulèvement des Icono-clastes ». Les régions métallurgiques wallonnes resteront en général à l'écart des émeutes et des hostilités, mais elles en subissent le contre-coup. En 1579, Maastricht est assiégée et le commerce vers les pro-vinces du nord est interrompu. Dès 1585, la ville d'Anvers est ruinée. En 1595, le roi de France Henri IV envahit les Pays-Bas, traverse le Luxembourg, détruit les usines du pays de Chimay et s'empare de Huy pourtant située en territoire neutre. Ces désastres ne compen-sent manifestement pas les avantages que la guerte eût pu valoir aux métallurgistes : fabrication accrue de boulets et de canons de fonte, élimination de la concurrence basque après la défaite de la Grande Armada et la perturbation de la navigation espagnole en mer du Nord, refus d'Elisabeth d'Angleterre d'équiper les arsenaux militaires espagnols des Pays-Bas. Au contraire, l'accroissement des exportations de fer suédois en direction de nos régions a dû contri-buer aux difficultés de la métallurgie wallonne. 3) Pourtant, deux régions métallurgiques échappent en fin de compte aux conséquences de la Révolution des Pays-Bas. Il ne faut pas oublier que le bassin liégeois appartient à la princi-pauté de Liège, Etat distinct des Pays-Bas. Ce bassin est donc, moins que les autres,sujet aux contrecoups des hostilités. Alors que la guerre civile sévit à ses frontières, le pays de Liège jouit d'une paix relative qui lui permet de réorganiser son industrie. Il s'oriente désormais vers les fabrications métalliques et surtout vers la clouterie. Son essor dépend de la prospérité des Provinces-Unies. Celles-ci vont connaître, à peine sorties de la guerre religieuse et nationale, une ère d'efflorescence unique dans leur histoire; pour elles commence le " siècle d'or » (de gouden eeuw). Promues grande puissance navale et coloniale, elles construisent une flotte imposante, et dans leurs chantiers navals, c'est avec des clous liégeois qu'elles assemblent les charpentes de leurs navires. C'est qu'au Pays de Liège, les clous sont d'excellente qualité en raison de l'habilité de la main d'oeuvre locale. Ces clous sont aussi bon marché : les fenderies fournissent aux clouteries des verges à prix modique; le charbon de terre, exploité à faible profondeur, procure aux petites forges des cloutiers

- 33 - un combustible peu coûteux. Enfin les relations commerciales se sont intensifiées entre Liège et les ports hollandais; la Meuse établit entre ces villes une liaison commode, même si la multiplication des tonlieux grève exagérément la navigation mosane. Surtout, des mar-chands liégeois se sont établis à Dordrecht et à Amsterdam; le plus célèbre d'entre eux se nomme Louis de Geei. Ce sont ces marchands, sans doute, qui introduisent et qui imposent les clous liégeois sur le marché hollandais. Quant au bassin de Habay, il profite tout à la fois de ce nouvel essor de la métallurgie liégeoise et des difficultés que rencontrent les maîtres de forges du pays de Namur. De cette contrée, en dépit des interdictions fulminées par les autorités, les métallurgistes ont commencé à émigrer au cours des premières années du xvne siècle. Beaucoup se sont réfugiés dans le bassin de Habay où ils apportent leur dynamisme et leur compétence et où ils acquièrent et construi-sent des forges et des fourneaux. Au même moment, la clouterie liégeoise dont l'expansion commence, recherche une qualité de fer le fer " tendre » - qu'elle ne trouve que dans le bassin de Habay, au moins en quantité suffisante. Ce bassin se spécialise donc dans la fabrication de ce fer, " le fer Habay », qu'elle livre en barres aux marchands liégeois. Mais en même temps, elle appauvrit ses forêts et ses minières sans tirer du produit peu élaboré qu'elle expoite tout le profit qu'elle pourrait attendre d'une fabrication plus évo-luée. Mais elle manque d'une main d'oeuvre suffisamment formée et d'une classe de marchands introduits sur les marchés interna-tionaux; elle n'arrive pas à créei une clouterie indigène et toutes les tentatives faites pour aménager des fenderies échouent rapidement. IV. - LES ENTREPRISES ET LES ENTREPRENEURS Il n'a été question jusqu'ici que d'établissements. Ceux-ci, isolés ou en groupe, constituent aussi des entreprises. Dans les bassins métallurgiques wallons, quatre types d'entre-prises sont observés aux xvie et xvne siècles : 1) Le type le plus ancien est constitué par un établissement détenu collectivement par un groupe de co-possesseurs. Chacun de ceux-ci possède le droit de disposer de l'usine chaque mois pendant un

34 -nombre de jours ou de semaines variable selon les personnes. Les maîtres de forges sont donc des " industriels à temps partiel ». Ils combinent le travail du fer et l'exploitation de leurs champs ou de leurs bois. Plus tard, certains de ces co-détenteurs sont des marchands ; ils n'exploitent plus eux-mêmes, se bornant à recueillir leur quote part dans la production assurée par un salarié. Ils acquièrent souvent des participations dans plusieurs usines simultanément. Ce type est le plus généralement répandu à la fin du xve siècle; dans la vallée de la Hoègne, il se maintient même bien avant dans le xvne siècle dans les fourneaux, et jusqu'au xvme dans les platineries. 2) Au xvie siècle, notamment dans la banlieue de Liège, on trouve des usines possédées en commun par plusieurs associés, dont certains au moins sont manifestement, non des industriels, mais des com-manditaires. Ils confient l'exploitation à l'un d'entre eux, oquotesdbs_dbs42.pdfusesText_42

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