[PDF] Qualité et quantité dans la philosophie de Spinoza

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" PHILOSOPHIE D"AUJOURD"HUI» dirigée par Paul-Laurent Assoun

Cette collection

doit s"entendre comme la revendication d"une actualité de la fonction critique

du logos philosophique - et non comme l"idéologie d"une quelconque moder- nité lancée à l"assaut d"une philosophie qui serait " d"hier ». Contre un certain destin

éclectique de

la philosophie, dévoyant l"exi- gence de rationalité au gré des modes et des rumeurs, et au-delà du malentendu qui la réduirait aux sciences humaines, " Philoso-

phie

d"aujourd"hui » se propose de contri- buer à ramener la fonction critique de la philosophie là où elle a à dire en personne, au point aveugle de son extrême lucidité : point de disjonction du réel et du rationnel mais aussi désir de rationalité - ce qui scelle l"actualité

de l"objet et la pérennité du projet. Elle

regroupe donc d"une part des études de fond sur la généalogie des modèles dont se soutient l"exigence philosophique de ratio- nalité, afin d"en dégager le champ objectif des contradictions, livré ensuite à la foire

d"empoigne

des idéologies; d"autre part, les textes fondamentaux rendant possible l"ex- ploration historique des référents majeurs; enfin des études et des textes concernant les

sciences dites de l"homme, du savoir de l"inconscient

au savoir du politique, afin d"explorer les frontières du concept philo- sophique, requis de se penser jusque dans son altérité.

Philosophie d"aujourd"hui » se prévaut en ce sens d"un logos qui ne désarme pas d"exercer son pouvoir de pensée, tout en s"ouvrant aux brisures de sens que lui impose la crise de la réalité et des savoirs.

Que la

théorie soit de quelque conséquence, partout où du réel est donné à penser, c"est ce dont elle entend convaincre quiconque se fie à la forme philosophique du désir d"intel- ligibilité, qui cherche à s"éprouver ici et maintenant.

Ouvrages

disponibles : Amado

G., Fondements de la psychopathologie Arendt H., La vie de l"esprit, vol. 1 : La pensée (3 éd.), vol. 2 : Le vouloir (2 éd.) Assoun P.-L., Freud, la philosophie et les philosophes Assoun P.-L., Marx et la répétition historique Assoun P.-L., Freud et Nietzsche (2 éd.) Assoun P.-L., Freud et Wittgenstein Auroux S., Barbarie et philosophie Bailhache G., Le sujet chez Emmanuel Levinas Bertrand M., Spinoza et l"imaginaire Bloch O. (sous la dir. de), Spinoza au XXe siècle Blondel E., Nietzsche, le corps et la culture Bourke J. G., Les rites scatologiques (présenté par D. Laporte) Boutang P., Ontologie du secret Boutot A., Heidegger et Platon Retrouver ce titre sur Numilog.com

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Ethique III 6 - " chaque chose, selon sa puissance d"être (quan- tum in se est), s"efforce de persévérer dans son être » -, fait immédiatement, de cette détermination quantitative, " l"unique point de départ de toute la théorie des passions, de toute la Poli- tique et de toute la Morale de Spinoza » Les notions de qualité et de quantité ne seraient donc pas, de ce double point de vue, l"un des thèmes de la philosophie de Spinoza - Spinoza diffé- rant en cela d"Aristote, de Kant, de Hegel, de Bergson ou de

Sartre -,

mais sa question, son problème même. Telle est du moins la thèse que nous soutiendrons ici. Le refus de la " qualité occulte » conduit Spinoza à construire la notion d"une qualité non occulte, absolument objective et inté- gralement accessible à la raison : les " attributs », ou " qualités illi- mitées », pour reprendre la juste expression de Gilles Deleuze Dieu, " consistant en une infinité d"attributs » étant alors déter- miné essentiellement selon la qualité, on verra Spinoza faire effort pour repousser la quantité hors de la " nature naturante », allant pour cela jusqu"à dévaloriser à l"extrême, contrairement à la ten- dance de son siècle, le nombre et la mesure Cependant, par un spectaculaire renversement, Spinoza considérera la " nature naturée » du seul point de vue de la quantité. Les " choses singu- lières » seront alors définies par leur " puissance », et pourront se composer comme des forces ; les passions seront des " augmenta- tions » ou des " diminutions » de la " puissance d"agir » ; les droits de l"individu et ceux de l"Etat se compareront comme leurs puis- sances ; et le salut ne sera obtenu, selon le titre de la cinquième partie de l" Ethique, que par " la puissance de l"entendement », supérieure à celle des affections Le spinozisme développerait 1.

Matheron 1969 9 1-4.

2. Deleuze 1968 37 ; voir également 40 (" les attributs sont des formes d"être infinies, des raisons formelles illimitées, ultimes, irréductibles [...]. Les attributs sont des verbes exprimant des qualités illimitées »), 69 (" Spinoza semble être celui qui va le plus loin dans la voie de cette nouvelle logique : logique de l"affirmation pure, de la

qualité illimitée, et, par là, de la totalité inconditionnée qui possède toutes les qua-

lités, c"est-à-dire logique de l"absolu. Les attributs doivent être compris comme les

éléments de

cette composition dans l"absolu »), 173 (" on retrouve chez Spinoza l"identité classique de l"attribut et de la qualité. Les attributs sont des qualités éternelles et infinies : c"est en ce sens qu"ils sont indivisibles ») [nous soulignons dans tous les cas]. 3.

E I déf 6 : constantem infinitis attributis.

4.

Voir infra I II, sur l"infini.

5. EV titre : " De la puissance de l"entendement ou de la liberté de l"homme » . Retrouver ce titre sur Numilog.com ainsi l"expression d"une nature naturante qualitative en une nature naturée quantitative, reflets symétriques, inverses et lumi- neux d"un monde sans " qualité occulte ». La

lecture des ouvrages de Spinoza dans l"ordre historique de leur rédaction confirmerait ces vues. Dans tous les cas en

effet, l" Ethique marque un progrès sensible, par rapport aux trai- tes antérieurs, dans la double direction d"une détermination qualitative de la nature naturante, et d"une détermination quantitative de la nature naturée. Et cependant, cet effort ne semble pas avoir pleinement abouti, certains éléments incon- testablement quantitatifs demeurant présents dans le monde qualitatif de la nature naturante, et quelques traits qualitatifs, inversement, dans le monde quantifié de la nature naturée. La mort précoce de Spinoza explique sans doute, pour une part, cet état de fait. Nous savons qu"il confiait à Tschirnhaus, en juillet 1676, les graves difficultés qu"il rencontrait encore dans ses tentatives pour expliquer la " variété des choses singu- lières » à partir de l"étendue considérée comme " attribut »

Comment

concevoir, en effet, sans les plus grandes difficultés, une " grandeur » non quantitative Nous en sommes donc venu à l"idée que la permanence simultanée d"un aspect quantitatif en

Dieu, et d"un aspect qualitatif dans les

choses singulières », ne tenait pas seulement aux circonstances historiques de la composition de l" Ethique, mais trouvait son fon- dement dans la détermination spinozienne des notions de qua- lité et de quantité, et de leurs relations. Et, si nous avons dit plus haut ce que nous devions à Gueroult et à Matheron, il nous faut maintenant préciser ce que nous devons à Bergson et à Alquié. A Bergson, l"idée générale que les rapports entre la qualité et la quantité sont souvent, secrètement, au cœur des difficultés que peut rencontrer l"élucidation d"une question philosophique en 1.

L 83 : " Pour ce que vous demandez, à savoir si la variété des choses peut être établie a priori en partant de la seule idée de l"étendue, je crois avoir déjà assez clairement montré que c"est impossible. C"est pourquoi je pense que la définition donnée par Descartes de la matière qu"il ramène à l"étendue est mauvaise, et que l"explication doit être nécessairement cherchée dans un attribut qui exprime une essence éternelle et infinie. Mais je vous parlerai de cela plus clairement peut-être un jour, si assez de vie m"est donné, car jusqu"ici il m"a été impossible de rien disposer avec ordre sur ce sujet < Nam huc usque nihil de his ordine disponere mihi licuit>. 2. Voir aussi L 12, A IV 158-159; G IV 56 5-15. Retrouver ce titre sur Numilog.com

apparence très éloignée ; et, plus précisément, l"analyse critique de certaines notions par lesquelles nous essayons spontanément de jeter un pont entre la qualité et la quantité : par exemple, la notion d" " intensité », mise par Deleuze au centre de son inter- prétation de Spinoza A Alquié, l"idée que les difficultés de compréhension et d"interprétation du spinozisme proviennent de la superposition, dans le système, de différents points de vue ; et par conséquent, notre méthode générale d"analyse, qui ne consistera pas à établir à nouveaux frais, après les travaux de

Gueroult

et de Matheron, la cohérence de la philosophie de Spi- noza, mais au contraire à essayer de dégager les raisons et les leçons philosophiques des difficultés persistant dans le système. C"est en cet endroit, d"ailleurs, que nous nous séparerons d"Alquié. Pour Alquié, le spinozisme est parcouru par de nom- breuses fractures, artificiellement réduites : le Dieu de Spinoza serait ainsi " à la fois un Dieu Nature, mathématiquement défi- nissable », et " un Dieu personnel et aimant » ; la raison, telle que la conçoit Spinoza, serait " à la fois une raison connaissante et une raison salvatrice », " une raison discursive et une raison intuitive » ; et l"homme enfin serait pourvu, par Spinoza, d"une double nature », selon que notre âme est conçue dans son lien indissoluble avec notre corps, ou que ce lien est dissout dans l"éternité Or Alquié tire de ces analyses une conclusion simple- ment subjective, personnelle (quand bien même la clarté et la force de ses arguments ont pour fonction d"entraîner l"adhésion de son lecteur), " avouant » finalement " ne pas comprendre l" », faute d"avoir pu toujours faire répondre " une véri- table expérience de pensée

» aux concepts spinozistes Mais

peut-on faire reposer entièrement la lecture d"un philosophe surquotesdbs_dbs33.pdfusesText_39

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