Aire de Baignade
L'aire de la zone de baignade est alors AD × AB = 25 × 110 soit une aire de 2750 m2. 2?) a) AD ? 0 car AD est une distance. De plus la longueur totale de
Correction du devoir maison
Un maître nageur dispose d'une corde de 160m de longueur pour délimiter un rectangle de baignade surveillée. Il doit placer les bouées A et B pour que le
Mathématiques Seconde
?haut du document. ?Suite du document. Page 3. Mathématiques Seconde. 2012. C. Algorithmique et Fonctions coursbriand.fr. cCoursbriand.fr. Page 3. Corrigés.
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EUGÈNE IONESCO EN SES RÉÉCRITURES : LE TRAVAIL DE LA
allègrement dès la troisième page en écrivant : « Madeleine quitta la pièce ; nous entendîmes Malibu
Edition Février 2021
3 feb. 2021 le troisième le 17 novembre 2019 à Pecq (région de Tournai). ... produits)
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14 okt. 2001 ceux qui ont fréquenté les troisième ... Le FBI avait lancé une alerte jeudi dans la crainte de nouveaux ... 16.25 Alerte à Malibu. Série.
N°1 DECEMBRE 2017
19 feb. 2018 5ème 4ème et 3ème italien ... Professeur : « Toto
Eugène Ionesco en ses réécritures: Le travail de la répétition
28 feb. 2020 allègrement dès la troisième page en écrivant : « Madeleine quitta la pièce ; nous entendîmes ... Malibu
[LE_MONDE - 1] LE_MONDE/PAGES 31/10/01
31 okt. 2001 La France championne d'Europe des fausses alertes à la poudre ... d'apprendre les mathématiques et le français. ».
UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE - PARIS 3
E.D. 120 LITTÉRATURE FRANCAISE ET COMPARÉE
UMR 7172 Thalim
Thèse de doctorat en Littérature et Linguistique Françaises et LatinesAudrey LEMESLE
EUGÈNE IONESCO EN SES RÉÉCRITURES :
LE TRAVAIL DE LA RÉPÉTITION
Thèse dirigée par
Monsieur Jeanyves Guérin
Soutenue le 10 Juin 2016
Jury M. Michel BERTRAND, Professeur à l"Université d"Aix-Marseille Mme. Catherine BRUN, Professeur à l"Université de Paris III M. Jeanyves GUÉRIN, Professeur émérite à l"Université de Paris III Mme Marie-Claude HUBERT, Professeur émérite à l"Université d"Aix-Marseille
2 3EUGÈNE IONESCO EN SES RÉÉCRITURES
LE TRAVAIL DE LA RÉPÉTITION
Après avoir créé La Cantatrice chauve en 1949, Ionesco n"a pas tardé à apparaître comme une force de
renouvellement du théâtre français. S"il se détache progressivement de sa posture agressivement avant-
gardiste, il ne renonce pas à faire de sa dramaturgie un objet d"exploration : de l"introduction du rêve
sur la scène, à la tentation de l"autobiographie dramatique. Le mouvement de la quête artistique a
cependant cohabité avec une immuabilité ontologique, souvent revendiquée par l"auteur lui-même. Les
pièces portent les empreintes d"un ressassement qui, dans l"ombre, travaille l"homme. Il se nourrit
d"obsessions telles que l"angoisse de la mort, l"effarement devant la violence de ses semblables, ladouleur de l"impuissance à ressusciter la lumière de l"enfance. Ionesco a trouvé dans la réécriture un
processus créateur susceptible d"embrasser et de dépasser ses contradictions. Depuis La Cantatrice
chauve - autoadaptation d"une première version roumaine- jusqu"à son dernier théâtre - conçu à partir
d"un récit autofictionnel et de récits de rêve, en passant par la transmodalisation de nouvelles et la reprise
de deux chefs-d"oeuvre allogènes, Journal de l"Année de la Peste de Daniel Defoe et Macbeth deShakespeare, Ionesco réécrit, les autres comme lui-même. La reprise textuelle, en ce qu"elle épouse le
double mouvement de la pause réflexive et de l"impulsion conquérante, lui a ainsi fourni un précieux
outil pour penser et repenser sa dramaturgie. Notre travail s"attache à étudier en diachonie les paradoxes
et les prouesses de l"oeuvre littéraire à la lumière de cette pratique scripturale. Nous avons cherché à
montrer l"influence décisive qu"a eue la réécriture sur l"évolution de la dramaturgie ionescienne. La
consultation de ses manuscrits a constitué un outil majeur pour appréhender le travail de répétition de
ses réécritures.Mots-clés :
Ionesco (1909-1994) - réécriture - théâtre - Defoe - Shakespeare - génétique.IONESCO : THE WORK OF REWRITING
After having created The Bald Soprano in 1949, Ionesco soon appears as a force of renewal in Frenchtheater. While he progressively moved away from his aggressively avant-gardist stance, he never
stopped to use his dramaturgy as an object of exploration, from the introduction of dreams on the stage
to the temptation of dramatic autobiography. This dynamics of artistic quest has always been coexistent
with an ontological immutability often reasserted by the author himself. His plays bear the imprints of
a resifting that constantly if implicitly shapes him, and which feeds on obsessions such as anxiety about
death, consternation at human violence, the pain provoked by his inability to resuscitate the light of
childhood. Ionesco found in the process of rewriting a creative way to embrace and go beyond hiscontradictions. From The Bald Soprano - a self-adaptation of a first Romanian version - to his last plays
- based on an autofictional story and dream narratives, and including the transmodalisation of short stories and the adaptation of two foreign masterpieces, Journal of a Plague Year by Daniel Defoe and Macbeth by Shakespeare, Ionesco rewrites others and himself. Thus textual repetition, which embraces the double motion of reflexive pause and of conquering impulsion, gave him a precious tool to thinkand rethink his dramaturgy. Our work diachronically studies the paradoxes and prowesses of his literary
work in light of this writing practice. We sought to demonstrate the decisive influence that the process
of rewriting had on the evolution of Ionesco"s dramaturgy. The study of his manuscripts has been a major tool for understanding the repetition at work in his rewriting.Keywords:
Ionesco (1909-1994) - rewriting - theater - Defoe - Shakespeare - genetics 4 5A ma mère.
6 7Mes plus profonds et sincères remerciements vont à Jeanyves Guérin qui a porté ce travail :
pour ses précieux conseils et son extraordinaire disponibilité. A Catherine Brun, qui était présente à mes côtés pour mes premiers essais d"analyse théâtrale, est encore là aujourd"hui. Je lui dois énormément. A Marie-Claude Hubert et Michel Bertrand, qui m"ont si chaleureusement accueillie lors des colloques aixois. Les échanges partagés ont nourri ce travail. A Marie-France Ionesco, qui m"a accordé sa confiance en m"autorisant à consulter et à reproduire les manuscrits de son père.A Jean-Baptiste Raze, qui a été d"une efficacité incomparable et d"une très grande
disponibilité pour la consultation du fonds. A Barbara Servant et Marguerite Chotard, mes inestimables amies, pour leur soutienindéfectible tout au long de cette thèse, ce qu"elles lui ont apporté, et ce que depuis des années
elles m"apportent à moi. A ma famille, qui m"a accompagnée, encouragée et aidée de cent manières différentes. Je remercie également mes amis, qui m"ont entourée avec toute la bienveillance qui lescaractérise. En particulier merci à Sophie Gaillard, Alexandra Vasic et Clément Duyck,
collecteurs de références, pourvoyeurs de conseils, transmetteurs d"un savoir sur la fin de thèse.
Et merci à Anne-Cécile Moheng qui a traversé l"Atlantique pour célèbrer celle-ci avec moi !
Merci à Inès Ben Slama, pour son amitié réitérée au fil des années. Enfin, je n"aurai jamais assez de mots pour remercier mon mari, Thomas, qui m"a soutenuesur tous les plans, a été sur tous les fronts. Cette thèse lui doit d"exister et moi d"être heureuse
tous les jours. 8 9Voilà... excusez-moi si je me répète, ... je crois qu"il faut pour vous donner tous les détails,
plus il y en a, plus cela précise les choses que j"ai à vous confesser. Eugène Ionesco, brouillon de Tueur sans gages, réplique de Bérenger à l"Architecte 10 11INTRODUCTION
12 13 L"ovation triomphale qui salue la remise à Ionesco de son " Molière d"honneur1 », décerné
par Jacques Mauclair en 1989, l"émotion perceptible dans la salle au moment de cetteconsécration ultime, témoignent d"une réalité incontestable : à l"heure des bilans, Ionesco est
un auteur qui a compté. L"affirmation semble relever de l"évidence. Elle n"est pourtant toujours
heurtée à de violentes résistances et a cristallisé un virulent débat dont le dramaturge a été
l"objet, de création en création, jusqu"à la fin de sa carrière. La reconnaissance que lui a valu,
avec quelques années de retard, son chef-d"oeuvre inaugural La Cantatrice chauve, l"a érigé en
icône du Nouveau Théâtre mais a paradoxalement provoqué, essentiellement parmi les critiques
journalistiques, un déplacement des enjeux dans l"analyse de ses pièces. Ainsi, l"appréciation
de la valeur intrinsèque de celles-ci s"est souvent vue subordonnée par ses détracteurs à celle
de leur degré d"influence. " Je ne crois pas que M. Ionesco soit un auteur important2 », tranchait
déjà Jean-Jacques Gautier en 1955. Au fil du temps, la polémique s"est étoffée d"un jeu de
périodisations. Au génie " des débuts » a été comparé le " classique » engoncé dans ses
habitudes d"écriture, puis l"académicien repu de notoriété, figures jugées illégitimes pour
incarner l"avant-garde théâtrale. Après avoir été suspecté de ne pas être un grand auteur, Ionesco
s"est vu signifier qu"il n"était tout simplement plus Ionesco3. Bertrand Poirot-Delpech n"a sans
doute pas tort en constatant en 1966 : " On lui fait payer le succès qu"il a eu4 ». En s"inscrivant
parmi les figures qui ont su mener à la consécration les renouvellements dramaturgiques
amorcés par leurs prédécesseurs dadaïstes et surréalistes, l"auteur semble du même coup avoir
associé son nom au devenir du théâtre en France. L"acharnement d"un Gilles Sandier à fouler
aux pieds ses pièces pourrait bien être une tentative de conjurer son pouvoir de rayonnement,comme si refuser les idées et les propositions esthétiques ionesciennes nécessitait au préalable
une destitution symbolique de leur concepteur 5.1 Hommage de Jacques Mauclair à Eugène Ionesco et réponse de l"auteur, Antenne 2, 7 mai 1989, fonds INA.
2 Jean-Jacques Gautier, Le Figaro, 16 octobre 1955, cité par Pascale Alexandre-Bergues (" Tradition et modernité :
les écrivains lecteurs de Ionesco » in Marie-Claude Hubert et Michel Bertrand (dir), Eugène Ionesco, Classicisme
et modernité, p. 98.3 Jeanyves Guérin résume les interrogations de la critique à partir du tournant amorcé avec Tueur sans gages vers
une dramaturgie plus classique : " L"auteur d"avant-garde qu"il a été se serait-il rangé ou renié ? » (" Préface » in
Dictionnaire Eugène Ionesco, Honoré Champion, coll. " Dictionnaires et Référence », p. 11.
4 Bertrand Poirot-Delpech, " Le masque et la plume », 13 mars 1966, présenté par Michel Polac et François Régis
Bastide, fonds INA.
5 Les propos du critique s"enveniment au fil de la carrière de l"écrivain. Au sujet de La Soif et le Faim, il évoque
un " néant verbeux » (Gilles Sandier, Théâtre et combat, Stock, 1970, cité par Raymond Laubreaux, Les critiques
de notre temps et Ionesco, Garnier 1973, p. 158). Lors d"une émission consacrée à Jeux de massacre, il ne
reconnaît une valeur à la pièce que pour mieux s"étonner que cette dernière ait parvenu à surgir dans " le naufrage
de l"homme et de l"oeuvre » (Le masque et la plume, émission présentée par François Régis Bastide, 18 octobre
14La notoriété du dramaturge s"était bâtie sur le caractère novateur de son oeuvre. Il n"est
donc pas surprenant que sa constante réévaluation ait souvent été opérée en fonction de ce
même critère6. Ionesco s"était révélé sur la scène littéraire comme le pourfendeur des clichés
des Smith et des Martin : on ne lui pardonnera pas, par la suite, la représentation du moindre lieu commun7. Sans qu"il en ait eu conscience à l"époque, sa première pièce pourrait avoir scellé
avec son public un pacte exigeant, elle lui a imposé la gageure de devoir sans cesse renouvelerce qui constituait déjà, à l"origine, un renouvellement. Or s"il est bien une caractéristique par
laquelle Ionesco se définit lui-même, c"est la permanence de sa pensée. Il affirme en 1966 :
Je crois avoir été d"une fidélité parfaite à moi-même. Je n"ai pas changé depuis que je me connais,
mes sentiments, mes pensées, mon être, présentent une espèce d"invariabilité que les événements, la vie
n"ont pu altérer 8. Comment innover en demeurant égal à soi-même ? Le parcours dramaturgique de l"auteur semble en partie bâti autour de cette tension. Il conçoit son oeuvre comme l"approfondissement d"une perception du monde immuable, fondée sur un étonnement d"être :J"écris du théâtre pour exprimer ce sentiment d"étonnement, de stupéfaction. Pourquoi et que sommes-
nous ? Qu"est-ce que cela veut dire 9 ?1970). En 1975, il raconte avoir quitté la salle au milieu de la représentation de L"Homme aux valises avant de
conclure: " La carrière de Ionesco me paraît rigoureusement être une pièce de Ionesco et on ne peut pas dire chose
pire que ça » (Le masque et la plume, émission présentée par François Régis Bastide et Bernard Deutsch, 14
décembre 1975, fonds de l"INA).6 Retraçant le parcours de l"auteur en 1963, Dominique Nores salue la capacité du dramaturge à avoir su se
renouveler : " Il est beau qu"une oeuvre dramatique se développe ainsi, sans qu"on sache d"abord où elle mène, il
est beau qu"elle se développe en se riant des formes que ses admirateurs voudraient lui imposer, qu"elle se refuse
à se laisser emprisonner, fût-ce par elle-même » (" Itinéraire de Ionesco», Les Lettres nouvelles, n°39, octobre
1963, p. 232). Etablissant un bilan similaire en 1975, après la création de L"Homme aux valises montée par Jacques
Mauclair, Caroline Alexander regrette pour sa part un figement de l"esthétique du spectacle due aux habitudes de
compagnonnage : " Ionesco est un auteur qui a énormément apporté au théâtre il y a vingt ans et il y a dix ans et
il y a cinq ans, c"est-à-dire, il ne s"est jamais arrêté. Il a toujours répété ses mêmes angoisses, ça on le sait. Il s"est
donné beaucoup de mal pour trouver des formes différentes. Il a eu le tort de s"adresser cette fois-ci, encore une
fois, à un vieux compagnon de route qui finalement n"a plus aucune imagination autour de son auteur » (Le masque
et la plume, émission présentée par François Régis Bastide et Bernard Deutsch, 14 décembre 1975, fonds de
l"INA).7 A propos de Tueur sans gages, Robert Kemp déplore : " Symbolisme, voilà tes coups, tu enlèves à un dramaturge
original, pétulant, une partie de sa verve et de sa séduction. Tueur sans gages est une pièce lourde, très lourde pour
les vérités dont elle s"encombre, et qui sont légères » (Le Monde, mars 1959, cité dans Eugène Ionesco, Entre la
vie et le rêve. Entretiens avec Claude Bonnefoy, Gallimard, 1996 [1977], p. 216). Guy Dumur évoque au sujet de
La Soif et la Faim : " un langage de lieux communs », constatant : " on retrouve des thèmes que nous connaissons
par coeur [...] et qui ne sont plus théâtralement exploités » (" Le masque et la plume », 13 mars 1966, présenté par
Michel Polac et François Régis Bastide).
8 Eugène Ionesco, " Journal intime », Arts et Loisirs, n°23, 2-8 mars 1966, p. 67. L"extrait est repris dans Journal
en miettes [1967], Gallimard, coll. " Folio Essais », 1992 [1973], p. 154.9 Eugène Ionesco, op. cit., p. 63.
15Il ne dérogera jamais tout à fait à cet objectif, s"élevant par là-même contre le théâtre engagé
qu"il perçoit comme conjoncturel, inessentiel10. Aussi construit-t-il sa persona en opposition à
celle de Brecht, choix idéologique qui lui aliène une frange de la critique prompte à lui renvoyer,
en retour, l"image d"un auteur solipsiste, limité dans ses ambitions par le ressassement
d"angoisses et d"obsessions ne regardant que lui11. Si la politique est malgré tout présente dans
l"oeuvre du dramaturge, ce n"est " pas sur le mode alors dominant de l"engagement militant12 »,
comme le formule Jeanyves Guérin. Certes, dès Tueur sans gages et Rhinocéros, pièces
montées en 1959 et 1960 pour les créations françaises, il dénonce les errements de l"humanité
à travers une représentation de la société totalitaire. Certes, une animosité grandissante à
l"encontre du communisme, renforcée à mesure qu"il se constate isolé dans sa dénonciation,
envahit son théâtre et introduit dans son projet esthétique d"indéniables contradictions.
Cependant, de telles considérations lui servent surtout à renvoyer en creux une image de lui-même, saisi dans son effarement face à la folie meurtrière du monde. L"angoisse et la révolte
suscitées chez lui par les dictatures totalitaires s"ajoutent bien plus qu"elles ne se substituent à
ses préoccupations existentielles de toujours : la peur de la mort, le sentiment de la culpabilité,
la douleur devant son impuissance à ressusciter la lumière de l"enfance 13. La focalisation de l"auteur sur ces sujets d"inquiétudes s"exorcise dans une répétitiondiscursive qui déborde rapidement le champ de l"oeuvre littéraire. Dans les pages de ses
journaux, qu"il publie, dans les colonnes des quotidiens, dans d"innombrables entretiens,radiophoniques ou télévisés, en France comme à l"étranger, Ionesco constate qu"il n"y a rien à
dire sur les sujets qui le hantent, et cela il le redit, et le redit encore14. Cette tendance au
ressassement de pensées métaphysiques et politiques a sans nul doute contribué à nourrir les
agacements à son encontre. Elle a cependant été avant tout, comme il l"a souvent affirmé, une
10 Ionesco l"affirme avec véhémence dès 1955, le théâtre selon lui : " n"est pas " engagement », pour employer
cette effrayante expression à la mode, mais bien " dégagement ». Pourtant ce dégagement, ce dépaysement, cet
oubli de soi, cet arrachement au monde utilitaire, - est un inutile indispensable, si je puis m"exprimer ainsi, une
purge, une restitution » (" Théâtre et anti-théâtre », Cahiers des saisons, n°2, octobre 1955, p. 151).
11 Dans Notes et contre-notes, Ionesco expose la controverse londonienne qui l"a opposé à Kenneth Tynan (Notes
et contre-notes, Gallimard, coll. " Idées », 1966 [1962], p. 135-161.12 Jeanyves Guérin, " Préface » in Dictionnaire Eugène Ionesco, op. cit., p. 12.
13 Ionesco expose, par exemple, cette impuissance et cette nostalgie douloureuses dans Journal en miettes, op. cit.,
p. 99-100.14 Jeanyves Guérin le constate sans détour : " L"écrivain dont l"inspiration s"essouffle cède peu à peu la place à
l"écrivant. Au Figaro et au Giornale nuovo, il est un chroniqueur occasionnel, non un éditorialiste. Ses textes,
dictés à la hâte, libres opinions, chroniques et souvenirs, sont souvent bâclés. Nombre d"entre eux sont inutiles et
n"apportent rien à sa gloire. Ionesco se répète, il se contredit. Il ressasse ses humeurs » (" Préface » in Dictionnaire
Eugène Ionesco, op. cit., p. 14).
16source de souffrance pour lui-même. Le constat du psychanalyste André Green : " la répétition
n"est pas négative ou positive en soi [...] Ce qui est terrible, c"est quand la répétition se répète,
quand s"installe un cycle infernal qui entrave la vie15 » formule le drame de Ionesco. L"aporie
à laquelle se heurte ce dernier est double. Les angoisses et les impasses de l"existence ne laissent
l"homme en paix que pour confronter l"écrivain à leur impossible résolution dans l"art. Si l"auteur trouve en l"écriture un apaisement et un outil de recherche, le premier est toujoursprovisoire, le second toujours jugé insuffisant. Ionesco ne recourra pas sans raison à l"image du
mur, régulièrement vu en rêve selon ses dires, pour traduire le sentiment d"échec que lui inspire
son inépuisable quête de sens :Intégrer l"ombre ; élucider. Quel travail pénible ! Je me demande s"il est possible, ce travail qui demande
un effort constant pour arriver à quoi ? La masse noire, épaisse, le mur sera toujours derrière chaque mur
que l"on aura abattu 16.En définitive, la critique ne semble pas poser à son endroit une question différente de celle qui
le taraude lui-même : est-il l"auteur de l" " exploration17 » victorieuse ou celui de la
répétition décevante?On ne s"étonnera pas, dès lors, que Ionesco se soit livré avec constance à la réécriture tout
au long de sa carrière dramatique, que le mouvement de la reprise, de La Cantatrice chauve,auto-adaptation d"une première version roumaine longtemps ignorée du public, jusqu"à
Voyages chez les morts, composée à partir de pages de journaux intimes et de récits de rêves,
ait littéralement constitué l"alpha et l"oméga de son théâtre. La réécriture trahit à part égale le
sentiment d"insatisfaction et l"espoir de renouvellement qui, ensemble, sont à l"origine de son art poétique et reflètent sa personnalité inquiète. S"interrogeant sur le geste de la traduction, Jacques Marcelo de Moraes relève que " touteidentité dérive paradoxalement d"une opération d"éloignement de soi, de la construction d"un
lieu-entre18». C"est précisément grâce à la traduction d"un écrit premier, dans la distance
réflexive qu"elle a établie par rapport à celui-ci, que Ionesco a forgé une esthétique vouée à le
caractériser in aeternum. L"auteur, en réécrivant La Cantatrice chauve à partir de sa mouture
15 André Green, La Lettre et la mort, Denoël, 2004, p. 94.
16 Eugène Ionesco, Journal en miettes, op. cit., p. 168.
17 C"est par ce terme que, déjà en 1955, Jacques Lemarchand définit le théâtre d"avant-garde tel que l"incarnent
selon lui les pièces de Ionesco (Jacques Lemarchand, " Spectacles Ionesco », », La Nouvelle NRF n°36, décembre
1955, p. 1148.
18 Marcelo Jacques de Moraes, " Le traducteur et ses affects » in Traduire le même, l"autre et le soi, Francesca
Manzari et Fridrun Rinner (dir.), Presses Universitaires de Provence, coll. " Textuelles », 2011, p. 37.
17roumaine, Englezește fӑrӑ profesor, elle-même née d"un dialogue plus profond qu"il ne l"a
laissé entendre avec la méthode Assimil d"Alphonse Chérel - a opéré bien davantage qu"une
conversion mécanique d"un idiome en un autre. Alexandra Hamdan, qui a analysé les jeuxd"écart et de continuité entre les deux traductions, a révélé l"apport de la langue et de la culture
originelles dans l"esthétique de l"oeuvre seconde. Comme on tentera de le montrer, lechangement contextuel a sans doute également permis à l"auteur de soustraire son hypotexte à
son ancrage conjoncturel et de mettre au jour la portée véritable de sa pièce.Rapidement après la création de La Cantatrice chauve, révérée par un Collège de
Pataphysique qui sacra aussitôt son auteur Transcendant Satrape, Ionesco a sans doute pressentique le point d"origine de son théâtre était voué à constituer également son aboutissement. De
manière révélatrice, il fera régulièrement allusion au chef-d"oeuvre dans ses pièces ultérieures,
par des évocations directes ou par la remobilisation de ses procédés créateurs de non-sens. Plus
qu"un accomplissement passé, la pièce - sa puissance de renouvellement formel, l"originalité
de sa transcription de l"étrangeté quotidienne, son démantèlement comique des automatismes
langagiers - s"est vite révélée à lui comme la source d"une gageure. Il lui fallait reproduire ses
réussites par des moyens nouveaux 19. Si l"on peut qualifier La Cantatrice chauve d"oeuvre fondatrice dans le parcours dramatique de Ionesco, ce n"est peut-être pas seulement parce qu"elle a servi de pierre de toucheà sa vision profondément originale de l"existence mais aussi parce qu"elle a initié une pratique
de la réécriture à laquelle il ne cessera jamais de revenir. L"auteur s"est montré plus que discret
sur la double genèse de sa première pièce, probablement pour conserver intacte son aura demystère. Il n"en a visiblement pas moins retiré la conviction d"une immense fertilité de la reprise
textuelle pour sa dramaturgie. Il cherchera en maintes occasions à récréer les conditions
d"émergence du même " lieu-entre » grâce auquel sa première pièce avait été écrite, cet écart
susceptible de favoriser le renouvellement de son théâtre et l"approfondissement de sa pensée.
A partir de l"essai liminaire, plusieurs périodes de réécritures se succèderont ainsi au fil de
la carrière de l"écrivain. Ce sont bien de périodes qu"il s"agit en effet, dans la mesure où la
reprise littéraire n"a désormais plus constitué un acte isolé. Ionesco inscrit ses adaptations dans
des cycles, plus ou moins étendus dans le temps. Sur une période de dix ans, de 1952 à 1962, il
19 Il est révélateur à cet égard qu"en 1973 encore, Ionesco affirme au sujet de son roman à coloration
autobiographique : " Le Solitaire je crois, ressemble beaucoup à La Cantatrice chauve. Cela peut paraître
étonnant ».
18 adapte ainsi une série de nouvelles oniriques au théâtre : Une victime du devoir en 1952,Oriflamme (devenue Amédée ou comment s"en débarrasser) en 1953, La Photo du colonel créée
en 1955 et rebaptisée Tueur sans gages dans sa version dramatique en 1957, Rhinocéros, écrite
en 1957 et transmodalisée en 1958, Le piéton de l"air enfin en 196220. À cette période d"auto-
adaptation succède un geste de conversion vers les chefs d"oeuvre du passé. La réécriture
parodique de Macbeth, qui devient Macbett en 1972, mise en scène la même année par JacquesMauclair, est célèbre. Cette reprise d"une oeuvre étrangère n"est cependant pas l"hapax qu"on
aurait pu imaginer dans la carrière de l"auteur. Jeux de massacre, créée deux ans auparavant
par Jorge Lavelli était déjà la réécriture d"une oeuvre allogène, le roman de Daniel Defoe,
Journal of the Plague Year. La première réappropriation est passée beaucoup plus inaperçue
que la seconde du public comme de la critique. Hormis un article fondateur de Michel Bertrand sur la question21, la relation intertextuelle entre les deux oeuvres n"a quasiment pas été étudiée.
Enfin, dans le sillage de l"adaptation à la scène du récit autofictionnel Le Solitaire, écrit en 1973
et transmodalisé la même année en Ce formidable bordel !, Ionesco conçoit deux pièces à
vocation autobiographique, L"Homme aux valises en 1975 et Voyages chez les morts en 1980, utilisant comme matériau de départ certains écrits intimes publiés au préalable 22.Si de nombreux ouvrages et articles ont abordé la question de l"adaptation ionescienne en s"intéressant à une oeuvre voire à un cycle spécifique
23, aucun travail n"a encore été consacré
20 Oriflamme paraît pour la première fois dans La Nouvelle NRF, n°14, 1er février 1954, p. 203-213., Une victime
du devoir dans Médium, n°4, janvier 1955, p. 38-40, La photo du colonel dans La Nouvelle NRF, n°35, 1
ernovembre 1955, p. 890-904, Rhinocéros dans Les Lettres nouvelles, n°52, septembre 1957, p. 219-235, Le piéton
de l"air dans La Nouvelle Revue française, n°110, 1 er février 1962, p. 230-249. L"ensemble des nouvelles est publié dans le recueil La Photo du colonel, Gallimard, 1962.21 Michel Bertrand, " Jeux de massacre, jeux intertextuels de massacres en série » in Marie-Claude Hubert et
Michel Bertrand (dir.), Eugène Ionesco. Classicisme et modernité, op. cit., p. 153-166.22 Les pièces s"appuient sur des extraits de Journal en miettes (op. cit.) et de Passé présent. Présent passé (op.
cit.). Ionesco a également puisé dans ses récits de rêve publiés dans des périodiques et des revues, qui étaient
parfois accompagnés d"une première tentative de transmodalisation au théâtre: " Journal intime », Arts et Loisirs,
n°23, 2-8 mars 1966, p.68, " Premier rêve », Cahiers Renaud-Barrault n°97, 1978, p. 5-7, " Transposition
scénique du premier rêve », Cahiers Renaud-Barrault n°97, 1978, p. 9-24, " Deuxième rêve », Cahiers Renaud-
Barrault n°97, 1978, p. 27-29, " Transposition scénique du deuxième rêve », Cahiers Renaud-Barrault n°97,
1978, p. 29-39, " Monologues et mise en scène de certains rêves », La Nouvelle Revue française, n°314, 1
er mars1979, p. 1-12. Il confie également un rêve qui sera partiellement réutilisé dans Voyages chez les morts dans " Il
m"est de plus en plus difficile... », La Nouvelle Revue française, n°300, janvier 1978, p. 77.
23 Outre l"article de Michel Bertrand précédemment mentionné, on citera, de manière non exhaustive, sur la
réécriture de La Cantatrice Chauve l"ouvrage pionnier d"Alexandra Hamdan, Ionescu avant Ionesco. Portrait de
l"artiste en jeune homme, Peter Lang, Berne, 1993 et celui de Mariano Martin Rodriguez Eugène Ionesco :
Destellos y teatro, Madrid, Espiral, 2008. Sur l"adaptation des nouvelles, le travail synthétique d"Elena Maria
Morogan, Du texte narratif au texte dramatique : quatre couples symbiotiques dans l"oeuvre d"Eugène Ionesco,
Edsbruk, Akademitryck, 2000, la contribution de Michael Issacharov, L"espace et la nouvelle, Flaubert,
Huysmans, Ionesco, Sartre, Camus, José Corti, 1970, l"article de Florence Bernard " Oriflamme à la scène » in
19aux réécritures envisagées comme une totalité organique. Or une vision synoptique de celles-ci
révèle le rôle fondamental qu"ont eu la reprise et la répétition dans la recherche dramaturgique
de l"auteur.Ionesco a indéniablement élu la réécriture comme un outil privilégié pour le seconder dans
une quête artistique toujours recommencée. Il l"a investie d"une double fonction d"objectivation
et d"exploration, perçu en elle la promesse d"un éternel retour susceptible de le guider versl"avant. L"auteur, en effet, bien qu"il se soit situé d"emblée à la proue de la création artistique,
n"a jamais pensé l"avenir comme le terreau fertile des révélations. Le choix de la réécriture
épouse sa conviction profonde : si vérité il y a, sur lui comme sur le monde, celle-ci se trouve
enclose dans une origine insondable. Il publie en 1977 un article intitulé " Je fut un autre » dans
lequel il livre d"anciennes pages prélevées dans Nu, son premier recueil d"essais écrits en Roumanie en 1934. Dans sa jeunesse il s"était demandé : " Comment puis-je me retrouver puisque dès le départ l"expression me trahit24 ? » La réédition du propos originel joue sur une
mise en abyme : l"homme de 1977 se guette dans les écrits de l"homme de 1934, qui précisément
déplorait déjà l"impossibilité d"une saisie de lui-même. Pour l"individu comme pour l"auteur,
tout est déjà là et tout est voué pourtant à se dérober dans le travail même de la quête. Dans
chaque cycle de réécritures, Ionesco tentera cependant de parvenir à une saillie de l"inouï grâce
au creusement du déjà-dit. Ses reprises sont invariablement orientées vers une recherche del"antériorité. Ayant puisé dans ses rêves le matériau pour bâtir ses nouvelles, il poursuit au
théâtre l"exploration du préconscient; il se tourne ensuite vers deux chefs d"oeuvre porteurs
d"enjeux immémoriaux, cherche à isoler dans leur reprise les données immuables de l"homme et de sa condition ; dans son théâtre autobiographique, enfin, il remonte aux sources d"unMarie-Claude Hubert (dir.), Les formes de la réécriture au théâtre, Publications de l"Université de Provence, 2006,
p. 69-79. Sur Macbett : Pierre Gobin, " Macbête à la foire : de quelques traitements de Shakespeare en français »,
Etudes littéraires n°19, n°1, printemps-été 1986, p. 67-79, Jeanyves Guérin, " Les jeux du temps et le procès de
l"histoire dans Macbett d"Eugène Ionesco » in Les Formes du temps : rythme, histoire, temporalité, Paule Petitier
et Gisèle Séginger (dir.), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2007, p. 307-318, Marie-Claude Hubert,
Préface à l"édition d"Eugène Ionesco, Macbett, Gallimard, coll. " Folio théâtre», 2009 [1972], p. 7-26, Edith Kern,
"Ionesco and Shakespeare: "Macbeth" on the Modern Stage», Atlantic Bulletin, vol. 39, no. 1, janvier 1974, p. 3-
16, Rosette C. Lamont, " From Macbeth to Macbett», Modern Drama, vol. 15, n°3, Fall 1972, University of
Toronto Press, p. 231-253, Daniel Sangsue, "Parodie et satire. L"exemple de Macbett d"Eugène Ionesco » in
Sophie Duval et Jean-Pierre Saïdah (dir.), Mauvais genre. La satire littéraire moderne, Modernité 27, Presses
Universitaires de Bordeaux, 2008, p. 349-364, Jacqueline Sessa, " Deux avatars dérisoires de Macbeth : L"Ubu
Roi de Jarry et le Macbett de Ionesco » in Lucette Desvignes (éd.), Travaux comparatistes, Saint-Etienne,
Université de Saint-Etienne, 1978, p.135-153. Sur la réécriture du Solitaire : Marie-Claude Hubert, " Ce
Formidable Bordel, ou comment narrer une vie à la scène » in Marie-Claude Hubert (dir.), Les formes de la
réécriture au théâtre, Publications de l"Université de Provence, 2006, p. 81-86.24 Eugène Ionesco, " Je fut un autre », La Nouvelle Revue française, n°294, juin 1977, p. 47.
20" moi » pensé lui-même à travers l"antériorité absolue du mythe. Aux yeux de Ionesco, la
singularité n"est pas à inventer, elle est à retrouver. La réécriture ne saurait fournir meilleur
auxiliaire pour un tel projet.Quelque originale que soit cette vision, elle s"inscrit dans le contexte d"une époque.
Christopher Innes a analysé de manière très pertinente le lien entre le mouvement artistique
d"avant-garde et l"utopie d"un retour aux origines :Peut-être que, paradoxalement, ce qui définit le mouvement d"avant-garde ne réside pas dans ses
qualités ouvertement modernes, comme c"était le cas dans les années 1920 [...] mais dans le primitivisme.
Ce dernier revêt deux facettes complémentaires : d"une part, l"exploration des états du rêve, ou les niveaux
instinctifs et subconscients de la psyché, et, d"autre part, la focalisation quasi religieuse sur le mythe et la
magie [...]. Les deux éléments sont synthétisés non seulement par le concept jungien selon lequel tous
les aspects du mythe sont contenus dans l"inconscient, exprimant des archétypes psychiques, mais
également par l"idée selon laquelle la pensée symbolique et mytho-poétique précède le langage et la raison
discursive, révélant une dimension de la réalité insaisissable par d"autres moyens 25.L"impulsion vers un tel primitivisme s"accompagne dans la pensée de la modernité d"une
revalorisation de la notion de répétition. Comme l"a montré Anne Tomiche dans l"article où
elle retrace l"évolution de la notion26, un tournant s"opère dans le premier tiers du vingtième
siècle, grâce à l"apport de l"essai de Freud, " Au-delà du principe de plaisir », qui érige la
répétition en principe fondateur dans le développement psychique. Vers la fin des années 1960,
la répétition s"inscrira au coeur de la réflexion sur la littérature. Les études sur l"intertextualité
se développent alors en France. Elles établissent le discours littéraire comme une répétition
ouvrant sur un renouvellement. Roland Barthes envisage le texte comme un tissage de textesantérieurs. Julia Kristeva, poursuivant les travaux de Bakhtine, théorise la temporalité complexe
de la production littéraire " doublement orientée : vers l"acte de la réminiscence (évocation
d"une autre écriture) et vers l"acte de la sommation (la transformation de cette écriture27 )». La
critique se fait l"écho d"un siècle qui aura été celui de la réflexivité, du retour pensif sur l"autre
et sur soi 28.25 Christopher Innes, Avant Garde Theatre: 1892-1992, New-York, Routledge, 1993, p. 2-3 [Perhaps
paradoxically, what defines this avant garde movement is not overtly modern qualities [...] but primitivism. This
has two complementary facets: the exploration of dream states or the instinctive and subconscious levels of the
psyche; and the quasi-religious focus on myth and magic [...]. These are integrated not only by the Jungian
concept that all figures of myth are contained in the unconscious as expressions of psychological archetypes, but
also by the idea that symbolic or mythopoeic thinking precedes language and discursive reason, revealing
fundamental aspects of reality that are unknowable by any other means].26 Anne Tomiche, " Histoire de la répétition » in Jean-Paul Engelibert et Yen-Maï Tran-Gervat (dir.), La
Littérature dépliée. Reprise, répétition, réécriture, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 19-31.
27 Julia, Semeiotike : Recherches pour une Sémanalyse, Seuil, 1969, p. 120.
28 Linda Hutcheon a très bien théorisé cette tendance dans son ouvrage The Politics of Postmodernism, Londres
& New York, Routledge, 1989. 21Comme l"intertextualité dont elle semble être le prolongement, la réécriture est un
" soulignement du déjà-écrit, écriture de l"écriture, et par-delà une réflexion sur l"écriture
29 ».
Distincte du fait intertextuel par le volume de l"emprunt opéré comme la valeur de certitude attribuable à celui-ci30, elle engage aussi semble-t-il la notion d"intention. Si l"intertextualité
relève d"une reprise consciente ou inconsciente d"un déjà-dit, la réécriture affirme avec
détermination la nécessité de cette redite. Il n"est pas surprenant que le genre dramatique se soit
tout particulièrement prêté aux jeux de la réécriture31. En ce qu"il est lui-même conçu pour se
dédoubler entre un état premier et un avatar second, en ce qu"il a vocation à demeurer texte et
à se transmuer en une représentation, le théâtre offre une scène à la répétition. Si, précisément,
la répétition théâtrale a pu servir de métaphore pour penser les phénomènes de réécriture, c"est
parce que celle-ci restitue le mouvement temporel d"un acte suspendu entre une antériorité immuable et un devenir utopique. Jean-Luc Bailly qui résume la tension inscrite au coeur de la notion de répétition :Le paradoxe de la répétition, c"est en fait de combiner un travail de finition formelle avec une
exigence infinie. Le verbe inexistant que nous tend la répétition depuis sa sphère obstinée, c"est le verbe
infinir : la répétition infinit le texte, ouvre l"écoute à l"infinition du sens qui se donne pourtant dans une
forme finie : mais non pas une fois pour toutes, il faudrait plutôt dire une fois, une seule fois comme cela,
chaque forme n"étant qu"un état de forme au sein d"un procès infini et chaque soir une chute, un rush, au
sein d"un film qui continue de se tourner alors même qu"on le croit terminé 3229Anne-Claire Gignoux, La Récriture : Formes, enjeux, valeurs, Presses de l"Université de Paris-Sorbonne, 2003,
p. 730 Marie-Claude Hubert opère ainsi une distinction entre " la création à partir d"une oeuvre entière dont les éléments
sont remaniés dans une combinatoire nouvelle » par laquelle elle définit la réécriture et " la simple reprise de brefs
fragments » qu"elle associe à l"intertextualité (Marie-Claude Hubert, " Avant-propos » in Les formes de la
réécriture au théâtre, op. cit., p. 5). Anne-Claire Gignoux met l"accent sur le degré de certitude que le destinataire
peut avoir de l"existence d"un emprunt direct dans la réécriture : " On conviendra de ne nommer " récriture » que
des faisceaux suffisamment importants de marques concrètes et probantes » (La récriture : Formes, enjeux,
valeurs, op. cit., p. 17). Elle ajoute, pour caractériser la réécriture, que : " même si elle n"est pas affichée, une fois
démontrée, elle est incontestable et sans appel » (Ibid., p. 18).31 Les deux ouvrages collectifs dirigés par Marie-Claude Hubert, La Plume du phénix. Réécritures au théâtre,
Publications de l"Université de Provence, coll. " Textuelles », 2003 et Les Formes de la réécriture au théâtre, op.
cit., ainsi que les travaux de Muriel Plana (La relation roman-théâtre des lumières à nos jours, théorie, étude de
textes, thèse à l"Institut d"études théâtrales de l"Université Paris III, Sorbonne nouvelle, sous la direction de Jean-
Pierre Sarrazac, 1999 et Roman, théâtre, cinéma : adaptations, hybridations et dialogue des arts, Bréal, coll.
" Amphi Lettres », 2004) témoignent, par la multiplicité des exemples qu"ils proposent à la réflexion, d"une
propension toute particulière du théâtre à se nourrir de la réécriture. Envisageant cette question, Frédéric Maurin
avance avec prudence : " Y aurait-il dans ce modelage, cette modulation, cette malléabilité d"une matière
préexistante, une spécificité théâtrale ? Rien n"est moins certain, mais rien, en tout cas, n"est inadapté au théâtre »
(" Adapter ad lib », in L"adaptation théâtrale, entre obsolescence et résistance, Gérard Denis Farcy (dir.), Les
documents de la maison de la recherche en sciences humaines de Caen n°12, Caen, Presses universitaires de Caen,
2000, p. 89).
32 Jean-Luc Bailly, " Reprise, répétition, réécriture » in La littérature dépliée. Reprise, répétition, réécriture, op.
cit., p. 17. 22relève en quoi l"image de la répétition théâtrale est éclairante pour s"en saisir :
Et le travail en propre de la répétition, c"est justement de réunir peu à peu, par insistance, les
conditions d"une performance techniquement pure, telle que la totalité du sens imaginé au commencement
soit délivrée à la fin 33Ionesco, lorsqu"il se réécrit, semble justement en quête de cette " totalité du sens imaginé
au commencement ». En effet, ce n"est visiblement pas d"abord pour rectifier ou pour améliorerle contenu originel de ses textes qu"il les retravaille mais parce qu"il les pense détenteurs d"une
vérité demeurée à l"état d"intuition, vérité appelée à se révéler à l"issue d"un procès réflexif,
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