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Par jugement du 11 décembre 1986 le tribunal de police de Falaise a posé à la Cour une question en interprétation du droit communautaire ainsi libellée: *
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Le droit issu des traités occupe comme nous l'avons dit une place centrale dans l'ordre juridique communautaire à laquelle la Cour de justice des Communautés
C'est quoi le droit communautaire ?
Le droit communautaire se définit comme la réglementation valable pour la totalité des pays membres de l'Union européenne, formée par les directives, les règlements européens et par la jurisprudence de la CJUE.Qu'est-ce qui caractérise le droit communautaire ?
Il convient de rappeler que le droit communautaire désigne le droit issu des traités institutifs des Communautés européennes et, dans une certaine mesure, du traité sur l'Union européenne en ce que ce traité contient des règles communes à l'Union et aux Communautés qu'il englobe, ainsi que toutes les règles imputablesQuels sont les grands principes du droit communautaire ?
les principes de base du droit communautaire (proportionnalité, non discrimination, liberté d'expression). Il se réunit deux fois par an et en cas de crise grave, et rassemble les chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres ainsi que le président de la Commission européenne.- L'objectif du droit communautaire est d'harmoniser les législations nationales ou de les coordonner. Selon les cas, il complète le droit propre à chaque état ou le remplace, dans le respect du principe de subsidiarité.
Département des Sciences juridiques
L'impact du droit communautaire sur les
services publics locaux en France et en Italie : le cas des transports publicsMagali Dreyfus
Thèse soumise au jury pour approbation en vue de l'obtention du grade de Docteur en Sciences juridiques de l'Institut universitaire européenFlorence, janvier 2010
INSTITUT UNIVERSITAIRE EUROPEEN
Département des Sciences juridiques
L"impact du droit communautaire sur les
services publics locaux en France et en Italie : le cas des transports publicsMagali DREYFUS
Thèse soumise au jury pour approbation en vue de l"obtention du grade de Docteur en Sciences juridiques de l"Institut universitaire européenMembres du jury :
Professeur Jacques Ziller, Institut universitaire européen (Directeur de thèse IUE / extérieur) Professeur Luis Miguel Poiares Maduro, Institut universitaire européen Professeur Gérard Marcou, Université Panthéon-Sorbonne Paris 1 Professeur Guido Corso,Università degli Studi, Roma Tre© 2009, Magali DREYFUS
Aucune partie de cette thèse ne peut être copiée, reproduite ou distribuée sans la permission préalable de l"auteur.
2 3REMERCIEME?TS
Mer remerciements vont tout d"abord au directeur de cette thèse, Monsieur le Professeur JacquesZiller, pour m"avoir fait confiance et pour m"avoir guidée, encouragée, conseillée, tout en me
laissant une grande liberté, dans ma recherche. Ses qualités scientifiques et humaines m"ont
permis d"affronter mon travail avec intérêt et sérénité. Mes remerciements vont également à Monsieur le Professeur Gérard Marcou pour sadisponibilité et la gentillesse qu"il a manifestées à mon égard durant cette thèse, pour tous ses
conseils et pour m"avoir accordé sa confiance en m"intégrant dans plusieurs activités et réseaux du
GRALE et de l"Université Paris 1. Je lui exprime également ma gratitude pour m"avoir fait
l"honneur de participer au Jury de soutenance. Monsieur le Professeur Guido Corso et Monsieur le Professeur Miguel Poiares Maduro me font le très grand honneur de participer au Jury de soutenance ; je les en remercie sincèrement.Je tiens aussi à mentionner le plaisir que j"ai eu à travailler au sein de la Direction-Générale
Transport et Energie à la Commission européenne et je remercie ici particulièrement Thomas Avanzata, Flor Diaz-Pulido et Michaela Strohschneider. Leur expérience de praticien et leurs conseils en général sont toujours très enrichissants. 4L"aboutissement de cette thèse a aussi été encouragé par des discussions avec des collègues et
Professeurs de disciplines variées notamment à travers des groupes de travail et conférences. Je
ne citerai pas de noms ici, pour ne pas en oublier certains, mais je les remercie. Je voudrais de plus louer le travail du personnel administratif de l"IUE, notamment du département de droit et je remercie en particulier Annick Bulckaen et Alison Tuck pour leur assistance et leur efficacité à toute épreuve. Merci infiniment et de tout mon coeur à mes parents et Enrico, pour leurs encouragements, leur amour et leur aide. Vos regards sur le monde m"enrichissent et me font aller de l"avant.Je remercie également tous les amis qui m"ont soutenue et apporté tant de joie pendant ces années
inoubliables de doctorat à l"IUE. Je tiens à saluer en particulier : Achim, Amélie, Arnaud,
Charles-Henry, Chiara, Claire, Eleni, Ernesto, Fausto, François, Giovanni, Gwen, Lidia,Michelle, Mouloud, Tobias, Sonia. Je pense aussi à mes fidèles amis demeurés " au pays » :
Emmanuelle, Nadia, Raphaël, Roméo et les Madrilènes, entre autres.Enfin je veux dire à mes trois petits frères qu"ils sont une source intarissable de joie et je les
encourage à croquer la vie à pleines dents. 5 " Victime d"une double infirmité, tout ce que j"aperçois me blesse, et je me reproche sans relâche de ne pas regarder assez. »Claude LEVI-STRAUSS, Tristes Tropiques
6 7ABREVIATIO?S
AO Autorité organisatrice
AOTU Autorité organisatrice de transports urbainsCDF Charte des droits fondamentaux
CF Constitution française
CI Constitution italienne
CJCE Cour de justice des communautés européennesCMP Code des marchés publics
CGCT Code général des collectivités territorialesDPR Decreto del Presidente della Repubblica
LCI Liberté du commerce et de l"industrie
PDU Plan de déplacements urbains
PMU Piano di mobilità urbana (plan de mobilité urbaine)PTU Périmètre des transports urbains
8SIG Service d"intérêt général
SIEG Service d"intérêt économique général SIGNE Service d"intérêt général non économiqueSPA Service public administratif
SPIC Service public industriel et commercial
SSIG Service social d"intérêt général TECE Traité établissant une constitution pour l"Europe TFUE Traité sur le fonctionnement de l"Union européenne Traité CE Traité instituant la Communauté européenneTUEL Testo unico sugli enti locali
I?TRODUCTIO? GE?ERALE
Le rapport entre services publics locaux et droit communautaire semble à première vue antagoniste. Tout d"abord, il confronte deux niveaux de gouvernement qui dans une approche institutionnelle multi-niveaux se trouvent aux deux extrêmes d"une pyramide. La Communauté européenne, une, au sommet de cette figure est la source du droit communautaire qui s"imposeaux autorités inférieures. Les collectivités locales et notamment les communes, multiples et
variées, dans le cadre de leur Etat, sont responsables des services publics locaux et règlent les
affaires de leur communauté dans la limite de leur territoire. La légitimité de la première se fonde
avant tout sur l"engagement des Etats membres à travers les Traités et sur son action dans ledomaine économique auprès des opérateurs et consommateurs. Les pouvoirs du Parlement
européen dont les membres sont élus au suffrage universel, sont limités ce qui réduit la portée de
sa représentativité. Les secondes sont beaucoup plus proches des citoyens qui élisent leurs
représentants. Elles ont un caractère démocratique fort et le spectre de leur action va des activités
économiques aux missions sociales essentielles. Les deux niveaux ont donc une vocationdifférente. C"est d"ailleurs cette divergence qui fait apparaître un deuxième élément de contrariété.
Les services publics locaux poursuivent des missions sociales (ce qui n"exclut pas qu"ils puissentêtre également d"ordre économique), qui tendent à établir une certaine solidarité entre les
éléments de la communauté locale à travers la poursuite de l"intérêt général. L"action
communautaire intervient avant tout dans le domaine économique et s"apprécie par le prisme dumarché. Par extension, ce sont schématiquement deux idéologies qui s"opposent : le socialisme et
le libéralisme, avec les valeurs qu"on leur associe (équité et cohésion pour la première, liberté
individuelle et propriété privée pour la seconde). Ce sont également deux disciplines : la
sociologie d"une part, l"économie d"autre part. Le droit leur permet de converger. En dépit de ces
apparentes contrariétés, pendant longtemps la question du rapport entre services publics locaux et
droit communautaire ne s"est pas posée. Ces deux sphères évoluaient indépendamment Les
situations locales n"étaient pas considérées par le Traité CE car leur impact sur le marché
commun semblait peu significatif. Mais avec la libéralisation des services initiée à la fin des
années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, la Cour de justice et la Commission
10 ont pu constater que la non-application des normes communautaires au niveau local pouvait enfait affecter le marché intérieur. En effet, les règles de libre circulation et de libre concurrence se
heurtaient à des marchés locaux de services fermés, caractéristiques d"un grand nombre de
communes. Dès lors, la nécessité d"assurer la bonne application des normes communautaires par
les collectivités locales et d"ouvrir à la concurrence ces activités s"est affirmée. Ainsi les services
publics locaux constituent à la fois le point de rencontre entre l"action des collectivités locales et
la Communauté européenne, mais aussi le syncrétisme entre les notions de service public et de
concurrence. Concurrence et service public relèvent donc d"une dialectique avec laquelle la Commission a dûcomposer : de son côté de par sa vocation, elle soutient avant tout, la première, mais pour
répondre aux inquiétudes des Etats par rapport à l"ouverture de leurs marchés et aux
transformations de leurs services publics, elle a introduit des mesures de garanties du servicepublic (période de transition, service universel, obligations de service public, contrats de service
public) à la disposition des autorités publiques.A cet égard, les transports publics offrent une bonne illustration de cette dialectique. Par
opposition aux transports privés, ils sont accessibles à tous. Ils ont un intérêt commercial certain
puisque les opérateurs peuvent espérer réaliser des bénéfices à travers l"exploitation du service.
Cependant leur caractère de service public est également prégnant et de nombreuses obligations
de service public (sur la régularité, la fréquence, la capacité, les tarifs et la qualité) sont imposées
aux opérateurs par les collectivités responsables. Ces sujétions sont d"ailleurs si nombreuses
qu"elles engendrent de manière quasi systématique des pertes que les autorités publiques prennent
en charge. Or ces interventions locales ne sont pas toujours compatibles avec les règles de
concurrence et de libre circulation des services, développées par la Communauté européenne.
Au vu de cette intégration communautaire croissante qui se déploie jusqu"au niveau local, il nous
paraît intéressant d"étudier l"impact de ces développements sur les services publics locaux.
L"introduction des normes communautaires et notamment les principes d"égalité de traitement etde transparence semble en effet modifier la forme de l"action des collectivités locales. Les
services publics locaux paraissent évoluer de manière accélérée depuis précisément la réception
11 accrue des mesures européennes. Mais bien que ces normes portent essentiellement sur la formene modifient-elles pas également le fond de cette action c"est-à-dire les objectifs du service public
et le rôle des collectivités locales? Elles auraient ainsi un impact matériel et institutionnel sur les
services locaux.Il paraît donc pertinent au vu de cette évolution d"étudier comment se concilient la sphère locale,
faite de pratiques anciennes et répondant à des besoins et considérations sociales immédiats des
communautés, avec la sphère européenne qui tend à régler les activités économiques de
l"ensemble du marché commun.Avant d"aborder ces questions, il est utile de revenir sur le cadre communautaire relatif aux
services publics locaux (I) afin de mieux cerner les questions que soulèvent la relation entre droit
communautaire et service public local (II). La pertinence du choix des transports publics (III) etdes services publics locaux français et italiens (IV) pour répondre à ces interrogations, sera
ensuite expliquée. I - Le cadre communautaire des services publics locaux L"introduction du droit communautaire dans les services publics locaux s"est faite relativementrécemment. Elle correspond à la période de libéralisation des services qui a débuté avec les
directives sur les procédures de marchés publics dans les années 70 et qui s"est intensifiée à la fin
des années quatre-vingt dans les Etats membres de l"époque. Des raisons internes mais aussi la pression de la Communauté européenne ont motivé ce processus. Pour ce qui est des motifspropres aux Etats, il s"agit principalement de la volonté de contrôler les dépenses publiques dans
un contexte où nombre d"entre eux traversaient une crise des finances publiques qui suscitaient des réformes administratives1 afin de rendre les services plus efficaces et de mieux répondre aux
besoins des usagers. Du côté européen, en 1985 la Commission a publié le Livre blanc sur
l"achèvement du Marché Intérieur2 où elle proclame son objectif de " fusionner les dix, et bientôt
douze, marchés nationaux de la Communauté, pour les transformer en un immense marché
1 Ces réformes sont inspirées très fortement dans les pays anglo-saxon par les théories de ?ew Public Management
dont on retrouve la marque dans nombre de principes et mesures communautaires.2 COM(85) 310, Milan 28-29 juin 1985, " L"achèvement du Marché intérieur ».
12unique ». Pour cela les institutions européennes devaient travailler à l"élimination des barrières
physiques, techniques et fiscales. Dès lors, un processus de désagrégation des monopoles
nationaux a été entamé, qui selon les secteurs est aujourd"hui plus ou moins abouti. Ce sont
désormais les marchés locaux qui connaissent ce phénomène3 et cela provoque certaines
résistances de la part des élus 4. La production de normes européennes concernant les services publics locaux se fait par ailleursde plus en plus fréquemment. L"activité législative croissante et l"extension des compétences de la
Communauté européenne ont amené les collectivités locales à connaître toujours plus souvent du
droit communautaire dans leur action ; soit que ce droit soit transposé par l"Etat et donc appliqué
par l"intermédiaire d"une norme nationale, soit qu"il s"applique directement lorsqu"il s"agit de
certaines dispositions du Traité, d"un règlement ou d"une directive non transposée claire, précise
et inconditionnelle. En parallèle, les processus de décentralisation interne, tels que la réforme de
2003-2004 en France et celle de 2001 en Italie confèrent de nouvelles responsabilités aux
collectivités territoriales les amenant ainsi mettre en oeuvre de plus en plus souvent le droit
communautaire. Elles doivent ainsi mettent en oeuvre les règles européennes qui tendent à
éliminer les protectionnismes locaux, d"ouvrir à la concurrence ces marchés et d"assurer la libre
circulation des services. Cette relation apparaît cependant aux yeux de nombreux commentateurs inéquitable, du fait dumanque de droits associés aux devoirs que génère le droit communautaire. Il convient donc de
revenir sur le cadre juridique formel des relations entre la Communauté européenne et les
collectivités locales. Communauté européennes et collectivités territoriales Traditionnellement, les Etats membres sont les premiers destinataires du Traité puisqu"ils ont3 Du moins la question apparaît elle plus souvent sur le devant de la scène car en réalité dès 1992, le Conseil d"Etat
dans son rapport annuel avait pointé les " interférences importantes » entre le droit communautaire et celui des
collectivités locales, Conseil d"Etat, " Le droit communautaire », Rapport public 1992, Paris, La Documentation
française, 1993.4 Cf. Par exemple la déclaration de Penny CLARKE, cadre responsable des administrations locales et régionales à la
FSESP (Fédération syndicale européenne des services publics), " Défendre les services publics locaux en Europe -
Une directive-cadre pour les servcies publics », colloque PES, Paris, 15 décembre 2006. 13seuls la capacité d"engager la volonté de leurs populations et que leurs représentants sont les
uniques signataires des accords. L"article 10 du Traité CE rappelle que ce sont eux qui sont encharge d" " assurer l"exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes
des institutions de la Communauté. ». Dès lors ce sont également les seuls responsables en cas demanquement à leurs obligations, quand bien même la violation serait commise par une autorité
locale. La Cour de justice a ainsi statué qu" " Il incombe à chacun des États membres de
s"assurer que les particuliers obtiennent réparation du préjudice que leur cause le non-respect du
droit communautaire, quelle que soit l"autorité publique auteur de cette violation et quelle quesoit celle à laquelle incombe en principe, selon le droit de l"État membre concerné, la charge de
cette réparation. Un État membre ne saurait, dès lors, invoquer la répartition des compétences et
des responsabilités entre les collectivités qui existent dans son ordre juridique interne pour
s"exonérer de sa responsabilité à ce titre. »5. Ainsi dans le cadre d"un litige opposant la
Commission à la France pour non respect des procédures d"attribution des marchés publics par un
département, la Cour de justice a pu condamner cet Etat en manquement6. La notion d" " Etat
membre » dans les normes communautaires et la jurisprudence de la Cour de justice comprend donc, comme en droit international public, celle de collectivité locale.Ensuite, les normes de droit interne déterminent comment l"Etat obtient réparation du préjudice
provoqué par l"action ou la carence des collectivités locales (par exemple, action récursoire en
Autriche, inscription en dépenses obligatoires au budget des communes en France). Mais c"estsurtout au niveau de la prévention que les autorités centrales interviennent à travers divers
instruments qui vont du contrôle de légalité des actes locaux (France) au pouvoir de substitution
(Autriche, Allemagne). En tout cas, le droit communautaire prime et a effet direct dans l"ordre juridique interne des Etats membres7. Il s"impose donc immédiatement aux autorités locales.
Dans l"autre sens, la relation apparaît également déséquilibrée. En effet, les collectivités locales
5 CJCE, 1er juin 1999, Klaus Konle, C302/97, point 62, rec. p. I-3099.
6 CJCE, 5 octobre 2000, Commission c/France, C-16/98, rec. p. I-8315 : application des règles du traité CE relatives
aux marchés publics à propos de travaux d"électrification et d"éclairage public dans le département de la Vendée.
7 CJCE, 15 juillet 1964, Costa c. E.?.E.L., C-6/64, Rec., p. 1141 et s. : le droit communautaire s"impose aux Etats
membres comme aux individus. La primauté du droit communautaire est justifiée par la nécessité de l"appliquer de
manière uniforme (CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft / Einfuhr und Vorratsstelle für
Getreide und Futtermittel , C-11/70, Rec. P-1125) , ce qui a pour conséquence que les normes nationales contraires
sont inapplicables, CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, C-106/77, Rec. P 629. 14ne disposent pas d"une capacité égale à celle des Etats membres pour contester les actes
communautaires illégaux. Le recours en annulation est ouvert aux Etats membres, aux institutions communautaires et aux personnes physiques ou morales. Ces dernières doivent cependant, aucontraire des premières, démontrer un intérêt à agir pour introduire un recours. Pour les
collectivités locales, deux conditions s"imposent : démontrer la détention de la personnalité
morale en vertu de la législation nationale et être destinataire de l"acte ou être directement et
individuellement concerné. Ces deux éléments sont rarement réunis et les autorités locales se
trouvent donc très limitées dans leur possibilité de contestation de l"action communautaire.
Enfin, la participation des collectivités locales au processus législatif communautaire est
également réduite. Elles agissent principalement à travers deux organes : le Parlement européen
et le Comité des régions. Pour ce qui est du Parlement, les collectivités agissent en pratiquant le
lobbying auprès des députés. Cet activisme peut se révéler fructueux comme le montre l"exemple
du règlement n°1370/2007 relatif aux services publics de transports de voyageurs ; mais ce n"est
pas toujours le cas. De plus, cette institution ne représente pas les collectivités locales mais
rassemble plutôt la voix des différents acteurs de la société civile, des professionnels et de la vie
locale. Le Comité des régions est au contraire spécialement dévoué à la représentation des
intérêts de toutes les collectivités locales et régionales confondues, du Land au département, de la
région à la commune, etc. Cependant le Comité des régions n"a qu"une fonction consultative, sur
un nombre restreint de politiques : réseaux transeuropéens, cohésion économique et sociale,
santé, éducation, culture dans un premier temps, puis politique de l"emploi, politique sociale,
transports, environnement formation professionnelle, depuis le Traité d"Amsterdam. Enfin il fautmentionner le Conseil où se réunisse les représentants des Etats qui eux-mêmes suite aux débats
nationaux rapportent la position de leurs autorités décentralisées.Les collectivités locales sont donc tenues d"appliquer des normes qu"elles n"ont pas eu la
possibilité de négocier mais surtout qu"elles ne peuvent pas contester en cas de litige. De ce fait,
des commentateurs ont pu désigner les collectivités locales dans leurs rapports à la Communauté
européenne, comme des " sujets de second rang »8 ou des " quasi-sujets »9.
8 Albert MABILEAU, dir. A la recherche du local, Paris, L"Harmattan, 1993
9 Emmanuel AUBER, " Les collectivités locales, "quasi-sujets" de droit communautaire ? »,
Petites Affiches 2008, n°72, p.3-6.
15Cet état de la relation entre Communauté européenne et collectivités locales est en pleine
évolution. Le droit européen n"est pas sourd aux revendications des collectivités locales sur la
question du respect de leur autonomie et sur le poids de leurs obligations communautaires. Lacause des autorités locales se fait de plus en plus entendre au rythme des réformes. L"introduction
du principe de subsidiarité dans le Traité CE (jusqu"alors cantonné au domaine de
l"environnement suite à son introduction dans l"Acte unique européen de 1986) et la création du
Comité des régions, par le Traité de Maastricht de 1992 en sont une première illustration. Ensuite
le Traité établissant une constitution pour l"Europe de 2004 introduisit plusieurs mesures
favorables aux collectivités locales, qui ont été reprises par le Traité de Lisbonne. Ce dernier texte
de 2007 contient ainsi de nombreuses dispositions favorables aux collectivités locales. Il renforce
les pouvoirs du Comité des régions en lui conférant, comme en 2004, un recours contre les actes
communautaires violant le principe de subsidiarité devant la Cour de justice. Dans ce contexte les
parlements nationaux sont aussi impliqués dans la défense de la subsidiarité, au moyen d"un droit
de saisine de la Cour de justice, par l"intermédiaire de leur gouvernement. Le deuxième protocole
annexé au Traité de Lisbonne, est consacré aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, ce
qui leur confère une portée majeure. Dans cette perspective, la mesure la plus remarquable estque la subsidiarité n"est plus seulement envisagée pour les rapports entre les institutions
communautaires et les Etats nationaux mais elle est élargie et se réfère également aux
collectivités locales. Enfin, l"article 1 paragraphe 5 du nouveau texte reconnait pour la première
fois dans le droit primaire, l"autonomie locale et régionale : " L"Union respecte l"égalité des États
membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures
fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l"autonomie locale etrégionale ». Cependant si l"Union européenne reconnaît ici expressément les compétences
dévolues aux collectivités, la portée de cet article dépend largement de la valeur que chaque Etat
confère à ces principes.A cet égard, la France n"a ratifié que récemment la Charte européenne de l"autonomie locale
10,rédigée par le Conseil de l"Europe, qu"elle avait pourtant signé dès 1985. Un projet de loi déposé
en 2004 a été adopté par le Sénat le 17 janvier 2006 et a été adopté le 30 juin 2006 par les
10 Décret-loi n°2007-679 du 3 mai 2007, J.O. 5 mai 2007 p 7932.
16députés. Mais l"Italie a été plus rapide et l"a ratifiée dès 199111. L"autonomie y est définie comme
le " droit et [...] la capacité effective des collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre
de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importantedes affaires publiques ». Toutefois, bien avant la Charte, les constitutions nationales de ces deux
Etats comprenaient des mesures permettant de protéger l"autonomie locale 12.Le Traité de Lisbonne introduit également la cohésion territoriale au rang des principes de la
Communauté. Enfin, indirectement, les mesures élargissant les pouvoirs du Parlement européen
dans le cadre de la procédure de codécision sur des domaines où les collectivités locales ont de
nombreuses responsabilités et la reconnaissance du rôle essentiel des autorités régionales et
locales dans la fourniture des SIEG, contribuent à la revalorisation des pouvoirs locaux dans l"Union européenne. Communauté européenne et service publicL"actualité constitutionnelle récente de l"Union européenne est donc plutôt positive pour les
collectivités locales et leur place dans la pyramide institutionnelle communautaire est en pleine transformation.Cette revalorisation des collectivités locales peut d"ailleurs être mise en parallèle avec
l"émergence et le développement d"une conception positive des services publics. La prise en
compte des situations locales signifie une considération plus poussée des intérêts des services
publics et vice-versa. Comme nous le verrons, le droit communautaire a longtemps été indifférent
aux services publics, abordés seulement sous leur aspect de service. C"est seulement dans les années quatre-vingt-dix que la Cour de justice et la Commission se sont penchées sur les SIEG,notion présente à l"article 86 § 2 du Traité et qui dans une certaine mesure correspond aux
services publics dans leur acception générale.11 La Charte a été ratifiée par l"Italie le 11mai 1990 et est entrée en vigueur le 1er septembre suivant.
12 Art. 72 CF et art. 5 CI. La valeur juridique de la Charte est cependant discutée. Bien qu"il existe une procédure de
traitement des requêtes de violation de l"autonomie locale, ce système est essentiellement politique et en limite la
portée. Cf. Corneliu-Livu POPESCU, " Les requêtes devant le Conseil de l"Europe alléguant des violations de la
Charte européenne de l"autonomie locale », AJDA, 29 décembre 2008, p2429. 17En encadrant l"intervention des Etats dans l"économie, le droit communautaire affecte les services
publics à plusieurs titres. Le droit communautaire tend à l"établissement d"un marché commun
organisé autour de quatre libertés : la libre circulation des personnes, des marchandises, des
capitaux et des services. Cette quatrième liberté est celle qui concerne au premier chef les
services publics. La bonne application de ces normes a amené la jurisprudence à dégager
plusieurs principes fondamentaux qui s"imposent aux autorités publiques : la transparence, la non-
discrimination et l"égalité de traitement. Ces principes sont par ailleurs repris et développés en
droit dérivé. Ainsi les directives européennes sur les marchés publics prévoient une série de
mécanismes procéduraux pour les achats publics qui assurent leur respect. La publication desoffres et la mise en concurrence en sont les principaux instruments. L"égalité de traitement et
l"ouverture des marchés légitiment aussi la règle de l"incompatibilité des aides d"Etat avec la
Marché commun, tel que l"article 88 Traité CE la formule. A travers toutes ces normes, le régime
des services publics se trouve encadré par la Communauté européenne. Les décisions des
autorités nationales, régionales et locales en matière de subventions aux entreprises locales, de
délégation des services, de définition des obligations des opérateurs locaux doivent en conséquent
respecter les principes communautaires. Or cet encadrement tend à modifier les pratiques locales. Pourtant le droit communautaire est en principe neutre pour ce qui est du caractère privé oupublic des entreprises à travers lesquelles les Etats membres interviennent dans le secteur
économique. L"article 295 du Traité CE dispose que " le présent traité ne préjuge en rien le
régime de la propriété dans les États membres » . Cela signifie donc en matière de service publicque l"opérateur à qui est déléguée la gestion du service peut être public ou privé.
Cette neutralité
permet au droit communautaire de dépasser la diversité des situations et de s"imposer partout. De
plus, le principe de neutralité semble avoir développé récemment un avatar à travers le principe
de respect de la diversité. Ainsi, le Protocole n°9 du Traité de Lisbonne dispose que cette
diversité des SIEG fait partie des valeurs communes de l"Union européenne13. En tout cas,
l"article 295 Traité CE vise à proclamer la neutralité idéologique des institutions communautaires
quant aux modes de gestion des activités économiques. L"article 86 Traité CE établit clairement
13 Art. 1 Protocole n°9 du Traité de Lisbonne : " Les valeurs communes de l"Union concernant les services d"intérêt
économique général au sens de l"article 16 du traité sur le fonctionnement de l"Union européenne comprennent
notamment:[...] - la diversité des services d"intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au
niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles
différentes » 18que les entreprises publiques et privées font l"objet du même traitement14. Les articles 295 et 86
du Traité signifient donc que le droit communautaire encadre uniquement les modalités
d"exécution du service public et non le statut du gestionnaire.Le droit communautaire semble donc à l"aube d"une nouvelle époque où autonomie locale,
service public et diversité de gestion sont des valeurs promues par les institutions. Le rapportentre droit communautaire et service public local s"intensifie et se transforme. Il est nécessaire
pour apprécier ce phénomène d"observer comment jusqu"à présent ces deux éléments se sont
confrontés et influencés.II - Problématique
Nous nous interrogerons sur l"impact que le droit communautaire a effectivement sur les servicespublics locaux. Une première problématique porte sur les conséquences de l"intervention
communautaire dans le domaine économique au niveau local. Les principes de transparence, denon-discrimination et d"égalité de traitement que la Communauté européenne promeut et les
règles qui les mettent en oeuvre (publicité, appel d"offres, aides d"Etat) harmonisent les
procédures de délégation des services publics. Se dégage-t-il alors un modèle uniforme privilégié
de gestion des activités d"intérêt général ? Dans quelle mesure un tel modèle, s"il existe,
correspond et est compatible avec les pratiques locales dont la diversité des modes d"intervention
est à la mesure du nombre de collectivités locales en Europe15? Les collectivités locales
adaptent-elles leur gestion des services publics aux règles européennes ? De quelle marge de liberté disposent-elles pour s"en écarter ?De ces questions découle une autre problématique, plus politique que la première. Elle reprend
l"interrogation classique, " la forme détermine-t-elle le fond ? ». A travers l"ensemble des normes
de procédure imposées par le droit communautaire pour mettre en oeuvre les principes de
14 Art. 86 Traité CE : " 1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises
auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n"édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux
règles du présent traité, notamment à celles prévues à l"article 12 et aux articles 81 à 89 inclus. »
15 On comptabilise près de 92 000 collectivités locales en Europe en incluant les régions. Chiffres 2008 Dexia et
CCRE (Conseil des communes et régions d"Europe). 19transparence, de non-discrimination et d"égalité de traitement, la substance des activités ne se
trouve-t-elle pas prédéterminée ôtant ainsi tout pouvoir aux collectivités pour définir des
politiques propres et motivées par les circonstances et l"intérêt locaux ? Ainsi par exemple en
matière de transports, le droit communautaire tend en effet à réguler de façon de plus en plus
détaillée les contrats ainsi que leurs modes et critères d"attribution. Dès lors, quelle marge de
manoeuvre laisse l"encadrement communautaire aux autorités politiques pour agir et définir despolitiques propres en la matière? Comment garantir l"intérêt général et l"adapter aux
circonstances locales dans un cadre formel? Les procédures imposées n"affectent-elles pas
institutionnellement et matériellement les services publics locaux ?La crainte et la plainte de nombre de collectivités locales est justement que ces normes
communautaires laissent peu d"espace pour la politique et l"appréciation des circonstances,
privant ainsi les collectivités locales de leur autonomie, pourtant garantie dans un certain nombre
d"Etats membres par la Constitution. Le droit communautaire reconnaît toute liberté aux Etats au
niveau des procédures et institutions pour satisfaire les buts qu"il impose. Tant que l"effet utile des
règles communautaires est garanti, la Communauté s"en tient au principe de l"autonomie
institutionnelle et procédurale des Etats membres16. Cependant il apparaît qu"à travers
l"application des règles communautaires, les collectivités locales perdent la capacité effective de
gérer leurs affaires propres. La menace de sanctions par les juges pour le non respect de leursobligations ou l"extrême détail des règles applicables, les contraignent en pratique à suivre
certaines pratiques plutôt que d"autres. Le développement du concept de SIEG et de la
réglementation communautaire dans ce domaine accroît ce phénomène. A travers les conditions
d"exercice du service imposées aux opérateurs, la Communauté européenne peut se substituer
dans une certaine mesure aux élus locaux.Il existe donc ici un problème de conciliation entre le principe de l"autonomie locale inscrit dans
la constitution de plusieurs Etats membres et le droit communautaire, neutre en principe mais qui16 " Sous cette réserve, le droit communautaire n"impose aux États membres aucune modification de la répartition
des compétences et des responsabilités entre les collectivités publiques qui existent sur leur territoire. Dès lors que
les modalités procédurales existant dans l"ordre interne permettent une protection effective des droits que les
particuliers tirent de l"ordre communautaire sans qu"il soit plus difficile de faire valoir ces droits que ceux qu"ils
tiennent de l"ordre juridique interne, les exigences communautaires se trouvent satisfaites. » CJCE, 1er juin 1999,
Klaus Konle, C302/97, point 63, rec. p. I-3099.
20à travers son activité réglementaire affecte les structures et pratiques traditionnelles d"organisation
des services publics locaux. Le conflit est a priori simple à résoudre puisque le droit
communautaire sous toutes ses formes prime sur le droit national17, y compris sur les normes
constitutionnelles18. Cependant cela pose certainement un problème de légitimité politique et
d"efficacité. Il s"agit de reconnaître le rôle d"exécutant mais aussi le caractère éminemment
démocratique des collectivités locales. L"efficacité de l"action communautaire est d"ailleurs
conditionnée par cette reconnaissance puisque les collectivités sont des acteurs fondamentauxdans la bonne mise en oeuvre des normes adoptées par les institutions. La coopération des Etats
apparaît également essentielle puisqu"elle permet le contrôle de la bonne application de ces
normes au niveau local. Il est donc nécessaire de définir un système de gouvernance multiniveaux
qui permettrait de concilier deux principes a priori antagonistes : la neutralité communautaire et
l"autonomie locale. Une telle définition permettrait de neutraliser les critiques sur le potentiel
impact du droit communautaire au niveau local et sur les transformations qu"il entraîne.Une première option est d"associer plus amplement les collectivités locales au processus législatif
donnant ainsi un caractère plus légitime aux règles adoptées et favorisant leur bonne application.
Une seconde option est de prendre en compte le rôle des autorités décentralisées et de renforcer la
subsidiarité. Or ce mouvement, comme nous l"avons vu, a déjà débuté. La nouvelle mission des
institutions européennes sera donc de trouver le juste équilibre entre le principe de subsidiarité et
les principes de libre circulation des services et libre concurrence, sur lesquels sont fondés la plupart des obligations imposées aux collectivités locales. Il paraît alors d"autant plus utile de mesurer le réel impact du droit communautaire au niveaulocal. Les services publics sont l"une des meilleures expressions de l"autonomie des collectivités
locales, ce qui justifie de se concentrer sur leur cas19. Dans le cadre des responsabilités que leur
attribue la loi ou la constitution, elles peuvent prendre les décisions qui leur paraissent les plus
adaptées aux besoins locaux. Les services publics locaux peuvent aussi être le fait d"un droit17 CJCE, 15 juillet 1964, Costa c. E.?.E.L., C-6/64, Rec., p. 1141 et s.
18 CJCE, 22 juin 1965, Ordonnance San Michele/Haute Autorité, n° 9/65, Rec. 1967 p1125.
19 Cf. Recommandation N° R (97) 7 sur les services publics locaux du Conseil de l"Europe : " Les services publics
locaux sont une des dimensions essentielles de l"autonomie locale, dont ils permettent l"affirmation concrète et
mesurent le développement réel ». 21général à agir sur les affaires locales telle que l"autorise en France la clause générale de
compétence20 ou de compétences en partie énumérées par le législateur comme en Italie. Les
collectivités locales peuvent déterminer comment sera organisé le service, qui le mettra en oeuvre
(elle-même, un organisme qui lui est attaché, un tiers) et dans quel cadre contractuel. L"impact du droit communautaire sur les services publics locaux peut dès lors s"apprécier auniveau du service, dans les transformations de son organisation, au niveau de la collectivité elle-
même dans l"exercice de ses compétences et l"influence dont elle dispose, mais aussi dans lesrapports entre collectivités. La réorganisation des services passent parfois par la nécessité de
confier à des entités plus grandes la gestion du service, ce qui favorise ainsi la délégation à des
groupements de communes voire à la collectivité supérieure. La question de la coordination des
compétences se pose aussi. Ainsi par exemple en Italie la compétence législative de l"Etat en
matière de concurrence se heurte parfois à la compétence législative de la région et l"activité de
cette dernière ôte quelquefois des moyens d"action aux collectivités inférieures.Ainsi pour résumer, l"impact consiste en l"effet produit par l"intégration du droit communautaire
dans les Etats sur les services publics locaux. Trois catégories d"impact peuvent être distinguées :20 L"existence de cette clause est néanmoins discutée en doctrine. Pour un article en contestant la pertinence : J.-P.
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