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    D'après Diodore de Sicile et Strabon, elle aurait été inventée au Ve si?le (av. J. -C) par Démocrite d'Abdère, mais les Étrusques en ont probablement eu l'idée avant.
  • Quand a été créé le premier pont ?

    Selon la tradition, le premier pont - au sens moderne du terme - aurait été édifié sur le fleuve Euphrate vers 800 av. J. -C. par Sémiramis, reine de Babylone.
  • Quel est l'évolution des ponts ?

    Les ponts se multiplient. Les ponts métalliques apparaissent, comme le Viaduc de Garabit de Gustave Eiffel. L'Iron Bridge en Angleterre est le premier pont métallique (fonte) d'Europe. Le pont Noir fut l'un des nombreux ponts construits par l'ingénieur Louis Harel de la Noé.
  • Qu est ce que un pont

    Il a fallu inventer des ponts pour développer le réseau routier, tisser une toile de voies de circulation desservant villes, villages, campagnes, vaincre les obstacles naturels comme les vallées et les cours d'eau.

LE CORPS DES PONTS ET CHAUSSÉESE

DE LA CONQUÊTE DE L'ESPACE NATIONAL À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Article paru en version allemande sous le titre "Die Ingenieure des Corps des Ponts et Chaussées Von der

Eroberung des nationalen Raumes zur Raumordnung", in A. Grelon, H. Stück (dir.), Ingenieure in Frankreich, 1747-

1990, Francfort, New-York, Campus, 1994, pp. 77-99.

Introduction

Depuis près de trois siècles, le corps des Ponts et Chaussées se trouve chargé de la construction et de l'entretien des grandes infrastructures de transport au sein de l'administration française. Les ingénieurs qui le composent et les

missions qu'ils assurent ont certes évolué depuis la création du corps au début du XVIII e siècle. La longue durée

permet néanmoins de repérer quelques uns des traits distinctifs de cette "noblesse d'Etat", pour reprendre

l'expression de Pierre Bourdieu [1], qui a joué un rôle déterminant dans les processus de modernisation. Plus

précisément, l'étude du corps des Ponts autorise un regard critique sur les forces et les faiblesses de l'action publique française, forces et faiblesses dont on mesure aujourd'hui encore la prégnance. Si les ingénieurs des Ponts

et Chaussées ont constamment témoigné d'un souci de l'intérêt public et d'une capacité à concevoir d'ambitieux

plans de développement qui ont présenté de nombreux avantages en des moments décisifs, ils se sont aussi

montrés en bien des occasions oublieux des contraintes économiques, indifférents aux mouvements d'opinion qui

n'étaient pas favorables à leur action. Comme leurs homologues des Mines ou des Télécommunications, les

ingénieurs des Ponts ont pu être qualifiés de "technocrate

s" faisant passer la recherche de la perfection technique avant celle de l'efficacité économique, rejettant la plupart des critiques qui leur étaient adressées au nom d'une vision

idéalisée de la société et du progrès qui devait l'animer.

Quoique jouissant d'un statut très particulier au sein de la communauté des ingénieurs, les membres du corps des

Ponts sont aussi représentatifs de certaines de ses tendances, tendance à se réclamer d'une formation abstraite

centrée sur l'apprentissage des mathématiques, revendication d'un statut social en rapport direct avec le caractère sélectif de cette formation, recherche de positions de pouvoir conduisant à délaisser la technique proprement dite

pour se consacrer à des tâches d'administration et de gestion. En France, à la différence de ce qui s'est passé par

exemple en Angleterre, la profession d'ingénieur s'est développée tout d'abord dans le cadre de l'Etat et elle en a

reçu une empreinte indélébile. Cette empreinte est d'autant plus forte que les corps des Ponts et Chaussées, des

Mines ou des Télécommunications, recrutent au sortir des écoles les plus prestigieuses, Polytechnique en tête, et qu'ils permettent souvent d'effectuer, après quelques années passées dans l'administration, de brillantes carrières

dans de grandes entreprises où leurs anciens membres ont tissé de véritables réseaux d'influence. L'histoire du

corps des Ponts se révèle du même coup des plus instructives pour qui cherche à comprendre certaines

caractéristiques des ingénieurs français et de leur rapport à la technique. Naissance et développement d'un corps technique de l'Etat : les Ponts et Chaussées au XVIII e siècle

La Monarchie française avait caressé de longue date le projet d'assurer la construction des voies de circulation qui relevaient ordinairement de la compétence des autorités locales, provinces, seigneurs ou communautés. Pour des

raisons essentiellement financières, le projet n'aboutit vraiment qu'en 1716 avec la création d'un corps hiérarchisé,

sur le modèle du corps du Génie militaire, responsable des fortifications, qui avait été organisé quelques vingt-cinq

ans auparavant [2]. Initialement, le corps des Ponts et Chaussées comprend un inspecteur général, un architecte premier ingénieur, trois inspecteurs généraux et vingt-et-un ingénieurs, qui doivent concevoir et réaliser des routes et

des ouvrages d'art avec de sous-ingénieurs recrutés par leurs soins. La tâche qui leur est confiée correspond à un

infléchissement notable des priorités de l'Etat.

En 1716, Louis XIV est mort depuis près d'un an, laissant la France épuisée par de longues années de guerre. Aux

préoccupations de grandeur militaire succède presque immédiatement la recherche de la puissance économique qui

doit être atteinte en facilitant le commerce au moyen d'infrastructures de transport plus nombreuses et plus sûres.

Offrant des possibilités de desserte plus ramifiée que les rivières et les canaux, les routes vont faire l'objet

d'investissements répétés de la part de l'Etat, permettant aux ingénieurs des Ponts d'apparaître comme les serviteurs

privilégiés de ses desseins économiques [3].

Jusqu'à la Révolution, leur compétence ne s'étend pas à l'ensemble du royaume. Dotées d'une plus grande

autonomie que d'autres provinces, la Bourgogne, la Bretagne, le Languedoc et la Provence, mènent leurs propres

politiques d'équipement, souvent au moyen de corps de fonctionnaires locaux. Cela n'empêche pas le corps des

Ponts de servir de référence commune à tous ceux qui s'occupent de routes et d'ouvrages d'art. Les Ponts et

Chaussées de Bourgogne et de Languedoc sont par exemple organisés sur le même modèle et selon les mêmes

principes que lui.

Recrutés au coup par coup, les ingénieurs des Ponts jouissent au départ d'une assez grande autonomie dans leurs

circonscription respectives, les généralités d'Ancien Régime, plus étendues que les départements qui seront institués

par la Révolution. Les inconvénients de cette situation ne tardent pas à se révéler. Menée par un personnel aux

compétences techniques très variables, la politique routière souffre d'un manque de coordination qui nuit à son

succès. C'est afin de renforcer la cohérence d'ensemble des aménagements décidés par l'administration qu'est créé

à Paris en 1744 un Bureau des dessinateurs qui doit examiner les plans des routes à ouvrir dans les différentes

généralités. Jeunes pour la plupart, les dessinateurs qui le composent sont placés sous la surveillance d'un ingénieur

plus âgé, lui-même coiffé par un inspecteur général du corps. La mise sur pied d'une tel établissement marque une

étape importante dans la prise en charge par l'Etat des infrastructures de transport. Pour la première fois en effet un

organisme central de contrôle et de coordination voit le jour dans un domaine où la diversité des pratiques l'emportait

jusque-là sur toutes les tentatives d'homogénéisation.

Le mouvement se poursuit avec la décision prise en 1747 de recruter désormais les sous-ingénieurs du corps parmi

les employés du Bureau. Reste à assurer à ces jeunes gens un minimum de formation et à déterminer quels sont les

plus capables pour le service des généralités. On fait appel pour cela à l'ingénieur de la généralité d'Alençon, Jean-

Rodolphe Perronet, qui s'était fait connaître pour ses qualités d'homme de l'art et d'administrateur. Avec l'arrivée de

Perronet, le Bureau des dessinateurs se voit assigner ainsi une double mission, professionnelle, mais aussi

pédagogique. En introduisant cette finalité pédagogique, l'arrêt peut être considéré comme l'acte fondateur de l'Ecole

des Ponts. Car le caractère scolaire de l'établissement se renforcera progressivement au détriment de sa vocation

professionnelle, de sorte que le Bureau sera déjà qualifié officieusement d'Ecole des Ponts et Chaussées vers 1760.

Sous la conduite de Perronet, l'établissement va jouer un rôle déterminant dans l'ascension du corps auquel il doit sa

naissance [4]. Première école d'ingénieurs créée en France, l'Ecole des Ponts et Chaussées rappelle pourtant à de

nombreux égards les formations traditionnelles ; elle s'inspire d'ailleurs des institutions qui existaient déjà dans le

domaine de l'architecture depuis la fin du XVII e siècle. Son recrutement tout d'abord n'est pas assuré par un concours

comme c'est le cas à l'Ecole du Génie de Mézières, fondée en 1748, dont les épreuves d'admission exigeantes

annoncent celles de l'Ecole Polytechnique. Les candidats doivent se présenter munis de lettres de recommandation

émanant d'ingénieurs ou à défaut de personnalités de la noblesse ou du clergé. Ils sont reçus par Perronet qui

décide souverainement de leur sort au terme d'un entretien plus ou moins long. Un tel système s'apparente encore

beaucoup aux procédures de patronage caractéristique des sociétés d'Ancien Régime, on le voit.

L'importance de l'apprentissage sur le tas constitue une seconde caractéristique archaïsante de l'établissement.

Jusqu'à la Révolution, il n'y a pas de cours magistraux, à la différence de ce qui se pratique à Mézières, mais un

étrange système d'enseignement mutuel qui voit les élèves les plus instruits professer à leurs camarades les

connaissances scientifiques indispensables à l'état d'ingénieur. Assez longue, de cinq à sept ans en moyenne, la

scolarité est d'autre part entrecoupée de stages sur le terrain qui permettent aux futurs ingénieurs de se familiariser

avec les détails concrets du métier. Le caractère assez rudimentaire de la formation en mathématiques et en

mécanique trouve sa contrepartie dans une initiation très poussée au projet sous toutes ses formes, projets de

routes, de ponts, de canaux, mais aussi d'architecture, travaux cartographiques et relevés de toutes sortes.

L'ingénieur des Ponts et Chaussées du XVIII

e siècle est encore un "artiste" proche parent de l'architecte dans son

recours permanent au dessin, dans son souci d'une monumentalité très vitruvienne d'inspiration [5].

Origines familiales des élèves de l'Ecole des Ponts et Chaussées entrés de 1767 à 1788 *

Officiers et employés de l'administration supérieurs 113

28, 0 %

Officiers et employés de l'administration subalternes 57 14, 1 % Professions libérales supérieures 52 12, 9 %

Professions libérales subalternes 6 1, 5 %

Employés au service d'une personne privée

supérieurs 9 2, 2%

Employés au service d'une personne privée

subalternes 2

0, 5 %

Entrepreneurs 28 7, 0 %

Marchands 71 17, 6 %

Artisans 10 2, 5 %

Bourgeois, propriétaires, rentiers 44 10, 9 %

Laboureurs 3 0, 8 %

Divers 8 2, 0 %

Total 403 100, 0

* Source : Registres d'entrée de l'Ecole des Ponts et Chaussées, E.N.P.C.

Mais l'institution dirigée par Perronet présente aussi des traits plus novateurs. A la différence de l'Ecole du Génie de

Mézières, sa grande rivale, elle ne tient pas compte de l'appartenance à la noblesse de ceux qui se présentent à sa

porte. Si les milieux populaires sont exclus de son recrutement, elle est largement ouverte à tous ceux qui sont "nés

de famille honnêtes dans la bourgeoisie", comme l'exprime Perronet [6]. L'étude des registres d'entrée de l'Ecole

dans les années 1770-1780 confirme cette ouverture plus prononcée que dans le Génie. A côté des quelques 42%

de fils d'officiers et de membres de l'administration royale que compte l'établissement - un chiffre qui n'a rien de

surprenant dans la France des Lumières - , on remarque une forte proportion de fils d'entrepreneurs et de

marchands, près de 25% des effectifs. Ce poids des professions économiques contraste avec leur sous-

représentation dans le corps du Génie. L'Ecole des Ponts et Chaussées est bien bourgeoise par son recrutement qui

répond au désir d'ascension sociale d'une population urbaine aisée que la société d'Ordres d'Ancien Régime avait

longtemps tenue à l'écart des responsabilités publiques.

Les mécanismes qui président à l'évaluation des élèves au sein de l'établissement constituent un autre trait novateur.

Le problème posé est assez simple : tout au long du XVIII e siècle une vingtaine d'élèves sont admis chaque année à

l'Ecole, alors qu'il n'y a que sept à huit places offertes en moyenne dans le corps des Ponts et Chaussées. Comment

être sûr de retenir les plus méritants ? Pour y parvenir se met graduellement en place un système d'évaluation qui

repose sur l'organisation de toute une série de concours dont les lauréats reçoivent des "degrés d'instruction". Un

premier prix au concours annuel de pont en pierre rapporte par exemple 26 degrés d'instruction tandis qu'un prix de

dessin de la carte en vaut 10. Le total des degrés obtenus aux différents concours détermine le classement des

élèves et leur nomination éventuelle au grade de sous-ingénieur des Ponts. A la différence des modalités

d'admission employées par Perronet, un tel système présente un caractère indéniablement méritocratique. Par la

rigueur de ses critères de sélection, l'Ecole des Ponts et Chaussées va contribuer puissamment à asseoir la

réputation du corps de création récente dont elle constitue l'antichambre, un corps longtemps moins prestigieux que

le Génie militaire qui bénéficie du préjugé favorable attaché à la carrière des armes sous l'Ancien Régime.

Mais l'efficacité de l'établissement dirigé par Perronet n'est pas seulement due aux talents d'hommes de projet des

ingénieurs qui en sortent. Car l'Ecole des Ponts est aussi le lieu où se forge un esprit de corps tout à fait particulier

ainsi que le discours qui s'en fait l'écho. On peut se former une idée assez précise de cet esprit et de ce discours en

étudiant les "concours de style" proposés chaque année aux élèves à partir des années 1770. Destinés à évaluer les

capacités d'expression des futurs ingénieurs, ces concours consistent en une dissertation française sur un sujet

déterminé par Perronet et ses adjoints. Le choix des sujets ainsi que le contenu des copies remises par les élèves

reflète les convictions officielles du corps [7].

L'utilité des voies de communication constitue le thème dominant du discours que tiennent les futurs ingénieurs. Un

élève en souligne la portée en évoquant d'une manière dramatique à dessein l'époque où le corps des Ponts n'avait

pas encore entamé son action bienfaisante. Le lyrisme dont il fait preuve renvoie à la dimension morale dont se pare

à ses yeux la construction des routes et des ponts. Celle-ci procède de l'intérêt bien compris de la collectivité en

même temps de l'émotion ressentie devant la misère des hommes que séparent les obstacles naturels.

"Avant que l'on eût vaincu les obstacles que la nature avait placés entre les hommes, en coupant des montagnes

pour établir des chemins, en rendant les rivières navigables à l'aide des chaussées, en ouvrant des communications

utiles par le moyen des ponts, chaque pays était réduit à ses productions. L'abondance les mettait à vil prix; une

année de disette faisait périr des milliers d'hommes. L'agriculture découragée languissait [8]."

Le travail de l'ingénieur n'est en réalité qu'un des volets d'une lutte beaucoup plus générale contre les barrières de

toute nature qui s'interposent entre les hommes, barrières physiques bien sûr, mais aussi économiques et sociales. Il

est significatif que l'on demande aux élèves de disserter en 1780 sur "les inconvénients causés par les droits et

autres charges imposés sur la navigation intérieure du royaume, relativement aux Ponts et Chaussées et au bien

général de l'Etat." L'influence des physiocrates et de leur "laisser faire-laisser passer" sur les conceptions de

l'administration des Ponts est ici évidente. Un univers de fluidité et d'échanges incessants doit se substituer au

monde cloisonné de l'âge classique. La société d'Ordres elle-même n'est-elle pas appelée à céder la place à une

société qui ignorerait la distinction entre noblesse et roture ? Telle est en tout cas la perspective qu'adoptent la

plupart des élèves lorsqu'ils doivent traiter en 1784 "des avantages et des inconvénients de l'égalité des conditions

d'une grande société telle qu'une nation entière." Le discours que tiennent les futurs ingénieurs correspond

parfaitement, on le voit, à la structure de leur recrutement.

Pour accomplir à la satisfaction de tous sa mission éminente, l'ingénieur des Ponts ne doit pas posséder que des

qualités scientifiques et techniques ; comme le philosophe dont il constitue l'équivalent dans le domaine de la

transformation matérielle du monde, comme le magistrat chargé de statuer sur le bonheur de ses semblables, il lui

faut posséder des qualités morales, "l'esprit éclairé et le cúur bon", ainsi que le précise le sujet du concours de style

de 1783. La bonté est en particulier indispensable ; les élèves reviennent fréquemment sur ce point dans leurs

copies. "Tout ce qui est du ressort de l'esprit ne suffit point encore à la perfection d'un sous-ingénieur ; les qualités de

coeur, le désintéressement, la bienfaisance et l'amour du bien, il doit les posséder comme étant de sa nature

d'homme, il doit les faire aimer par leur union avec les arts [9]", déclare par exemple le lauréat du concours de style

de 1779.

Un tel accent mis sur les valeurs morales est bien sûr contemporain des écrits de Rousseau. Même si les élèves de

Perronet n'ont pas tous lu, loin s'en faut, le philosophe de Genève, certains éléments de sa pensée se sont diffusés

bien au-delà des cercles philosophiques et littéraires. Sous la plume des futurs ingénieurs des Ponts, la bonté remplit

cependant une fonction justificatrice beaucoup plus immédiate. C'est parce qu'il est bon, c'est parce qu'il concentre

les vertus de l'homme générique, que l'ingénieur peut exercer légitimement son autorité. Cette légitimité lui est

d'autant plus nécessaire qu'il doit recourir le cas échéant à la contrainte. Il lui faut tantôt lutter contre les propriétaires

qui voient d'un mauvais úil une route nouvelle traverser leurs terres, tantôt contre les paysans mobilisés pour la

construire au moyen du système impopulaire de la corvée, l'administration d'Ancien Régime ne disposant pas de

ressources financières suffisantes pour faire appel à un main d'úuvre salariée. L'utilité dont il se réclame fait un peu

songer à la volonté générale de Rousseau dont l'accomplissement peut réclamer l'exercice d'une certaine violence

sur la minorité en proie à l'erreur. Une certaine idée du bien public et de sa supériorité sur les intérêts individuels

s'impose du même coup au travers de ce discours aux aspects moralisants, discours appris à l'Ecole des Ponts et

Chaussées pour être ensuite répété par les ingénieurs sur le terrain.

En même temps qu'il préfigure certains thèmes de la technocratie contemporaine, comme l'ambition d'incarner le

bien public en transcendant les égoïsmes individuels et en ayant recours s'il en en est besoin à la contrainte, le

discours des ingénieurs des Ponts des Lumières les soutient dans les déconvenues qu'ils essuient fréquemment

dans l'exercice de leur profession. Confinés dans des tâches essentiellement techniques, ils sont loin d'exercer en

effet une influence aussi décisive qu'ils le souhaiteraient. Leurs appointements sont plutôt maigres, l'avancement lent

et incertain [10]. De ce point de vue, la scolarité longue et éprouvante des futurs ingénieurs, scandée qu'elle est par

de multiples épreuves, constitue une excellente préparation aux pesanteurs auxquelles ils sont confrontés par la

suite. Au système de degrés en usage à l'Ecole des Ponts et Chaussées répond par ailleurs le suivi non moins

minutieux des carrières par Perronet qui jouit d'une autorité incontestée sur le corps en même temps qu'il dirige

l'Ecole qui y prépare. A la veille de la Révolution, le caractère méritocratique qu'il a su imprimer à l'administration des

Ponts et Chaussées tout entière constitue l'un de ses atouts majeurs, l'une des réponses les plus efficaces aux

attaques de ses détracteurs.

Une autre réponse réside dans l'ampleur du travail accompli. Les ingénieurs des Ponts des Lumières contribuent en

effet à jeter les bases d'un véritable réseau routier national. En 1776 Perronet estime à près de 3135 lieues (13 932

kilomètres environ) la longueur des nouvelles chaussées construites par son administration dans les pays qui

relèvent directement de son autorité [11]. En matière d'ouvrages de franchissement, le bilan est tout aussi

impressionnant. Au début du XVIII e siècle, le royaume compte par exemple un peu moins de 600 ponts en pierre d'un

débouché supérieur à 20 mètres; près de 400 vont être construits des années 1700 à la Révolution. Le nombre de

ponts en bois double quant à lui au cours de la même période [12].

Ces succès permettent aux ingénieurs des Ponts d'accroître progressivement le champ de leurs compétences.

Longtemps cantonnés aux routes et aux ponts, ils sont de plus en plus souvent sollicités pour régulariser des rivières

et construire des canaux dans les dernières décennies de l'Ancien Régime. Prenant l'avantage sur le Génie militaire,

ils arrachent surtout à ce dernier dans les années 1760-1770 les travaux portuaires qui étaient traditionnellement de

son ressort. A cette occasion, on assiste à une véritable "bataille des ports" qui voit les ingénieurs militaires s'incliner

l'amertume au cúur devant des rivaux qu'ils avaient longtemps tenu pour négligeables.

Certes, tout n'est pas positif dans ce bilan. Tracées dans bien des cas en fonction d'impératifs plus politiques

qu'économiques, les routes des ingénieurs des Ponts et Chaussées ne desservent guère que les grandes villes du

royaume. Réalisées au moyen de la corvée, on l'a dit, elles sont surtout très mal entretenues, faute de moyens

financiers permettant d'embaucher des cantonniers. Les ouvrages d'art dessinés par Perronet et ses élèves

présentent quant à eux un caractère exagérément monumental qui contraste avec le souci d'économie dont font

preuve au même moment les premiers ingénieurs civils anglais. Les projets de navigation qu'ils conçoivent souffrent

des mêmes pesanteurs et des mêmes défauts. Mais s'il faut attendre le XIX e siècle pour que ces hypothèques soient

enfin levées et que l'on assiste à un véritable désenclavement des campagnes françaises, c'est bien à un début de

conquête du territoire que l'on assiste. L'abaissement de la durée des transports terrestres dans les dernières

décennies de l'Ancien Régime en témoigne. Il faut par exemple six jours pour se rendre en voiture publique de Paris

à Angers en 1765, trois seulement en 1780. Huit jours sont nécessaires pour couvrir la distance de Paris à Rennes

en 1765, trois 20 ans plus tard [13].

A la veille de la Révolution, le corps des Ponts est devenu le principal responsable des travaux publics. S'il ne

compte pas de figures de savants et d'intellectuels de premier plan, comme les Dubuat, Coulomb, Meusnier ou

Carnot dont peut s'enorgueillir le Génie, les quelques 200 membres qu'il comprend désormais, inspecteurs généraux,

ingénieurs et sous-ingénieurs, possèdent une compétence administrative et technique que chacun s'accorde à

reconnaître. L'épisode révolutionnaire et la création de l'Ecole Polytechnique

La Révolution va pourtant ébranler dans un premier temps l'administration des Ponts et Chaussées à laquelle on

reproche de ressembler aux corporations de métiers dont la suppression sera votée par l'Assemblée Constituante en

1791. "Toute corporation d'artistes qui limite l'exercice des talents, est un obstacle à leur développement", déclare

par exemple un député à la séance du 4 novembre 1790 de l'Assemblée, en ajoutant que "la maçonnerie et le

charpentage sont des arts libres, qui n'exigent point une administration des Ponts et Chaussées [14]". En dépit de

telles attaques, le corps des Ponts se voit finalement maintenu ; il sort même renforcé de la crise dans la mesure où

ses prérogatives s'étendent désormais à l'ensemble du territoire national à la suite de la suppression des privilèges

dont jouissaient des provinces comme la Bourgogne ou le Languedoc. Augmentant le nombre de places d'ingénieurs

par rapport aux anciennes généralités, permettant un maillage plus fin du territoire, la création des départements joue

également en sa faveur.

Les troubles révolutionnaires et les besoins croissants en ingénieurs liés à la guerre désorganisent cependant l'Ecole

des Ponts et Chaussées. La situation des autres établissements d'enseignement technique supérieur légués par

l'Ancien Régime n'est guère plus brillante en 1792-1793, si bien qu'il devient urgent de reconstruire un dispositif de

formation menacé de ruine complète. C'est dans ce contexte qu'intervient un groupe qui n'avait pas joué jusque là de

rôle déterminant dans le domaine de l'éducation technique. Il s'agit des savants, le géomètre Gaspard Monge en

tête, que le Comité de Salut Public mobilise dans le dessein d'assurer à la République naissante une supériorité à la

fois scientifique et technique qui lui permette de triompher de ses adversaires. Leur intervention, qui témoigne de la

confiance que placent les élites révolutionnaires dans les vertus régénératrices de la science, va conduire à la

création d'un établissement d'un genre entièrement nouveau : l'Ecole Polytechnique [15].

Novatrice, l'Ecole Polytechnique fondée en 1794 l'est par ses effectifs imposants, plusieurs centaines d'élèves

recrutés sur concours au lieu des quelques dizaines que recevaient les anciennes écoles d'ingénieurs. La durée de

la scolarité se voit réduite en revanche à deux ans qui doivent suffire à former des techniciens pour les mines, les

ponts et chaussées, le génie et l'artillerie, mais aussi pour la cartographie, la construction des vaisseaux et plus

généralement pour tous les secteurs de l'activité économique. La principale originalité de l'établissement tient

toutefois à la place incomparablement plus importante qu'à l'Ecole des Ponts ou à Mézières qu'occupent les

sciences, mathématiques, mécanique, physique et chimie en tête. Monge et ses collaborateurs immédiats tablent sur

le caractère généraliste des sciences pour produire au sein d'un même moule toutes sortes d'ingénieurs destinés à

se spécialiser par la suite avec succès. Ainsi conçue, Polytechnique publics participe clairement de l'idéal

encyclopédiste des Lumières. Diderot ne voyait-il pas déjà dans les sciences l'un des moyens les plus sûrs de hâter

le progrès des arts [16] ? Leur introduction massive dans le cursus des futurs ingénieurs marque en même temps

une rupture profonde par rapport à ce qui se pratiquait dans les anciennes écoles centrées sur l'apprentissage du

projet. Dans l'esprit de Monge, ces écoles sont d'ailleurs vouées à une disparition rapide au profit de la nouvelle

institution.

Il y a quelque chose d'utopique dans la confiance placée dans les sciences dont procède la création de l'Ecole

polytechnique. En partie conjoncturelle, cette utopie ne survivra pas à la Révolution. Dans les toutes premières

années du XIX e

siècle, le reflux est déjà sensible parmi les élites cultivées, comme en témoigne le succès des tirades

hostiles aux mathématiques et à la physique dont un Chateaubriand parsème son Génie du christianisme [17]. Cela

n'empêche pas Polytechnique de voir son prestige et son influence s'accroître continûment sous l'Empire, en dépit du

caractère exceptionnel dont elle se pare au sein des établissements d'enseignement supérieur français. Ce succès

s'accompagne toutefois d'un infléchissement notable des conceptions qui avaient présidé à sa naissance.

On se rend tout d'abord très vite compte de l'impossibilité de former au moyen d'un simple tronc tronc commun de

deux ans des ingénieurs destinés à assurer des missions extrêmement différentes. Conçue en marge des corps

techniques de l'Etat qui ne devaient constituer qu'un de ses débouchés parmi d'autres, l'Ecole fait en outre l'objet de

stratégies de récupération qui conduisent à en faire une sorte d'antichambre des carrières des Mines, des Ponts et

Chaussées, du Génie et de l'Artillerie. Les anciennes écoles préparant aux fonctions d'ingénieur et d'officier sont du

même coup maintenues au titre d'établissements d'application de Polytechnique. Ainsi se met en place un dispositif

qui sera pour l'essentiel conservé jusqu'à nos jours. Ce dispositif se structure en fonction de mécanismes de

sélection encore plus rigoureux que ce qui existait auparavant. L'importance prise par la sélection scolaire conduit à

renforcer le poids des mathématiques et de la mécanique qui se prêtent particulièrement bien aux concours et aux

examens, si bien que le cursus polytechnicien se transforme très vite en un apprentissage presque exclusif de ces

deux disciplines. En aval de Polytechnique, les écoles d'application comme l'Ecole des Ponts demeurent centrées

quant à elles sur les détails concrets de l'art de l'ingénieur. Entre Polytechnique et ses établissements d'application

se font ainsi jour de vives tensions révélatrices de l'écart qui subsiste entre les sciences mathématisées et leurs

applications supposées. Le système français de formation des ingénieurs va porter durablement l'empreinte de ces

tensions entre théorie et pratique en même temps que le caractère hautement sélectif de Polytechnique lui imprime

une marque indélébile. Des routes aux chemins de fer, la conquête de l'espace national

Au cours du XIX

e

siècle, à partir des années 1830-1840 pour être plus précis, la France commence à s'industrialiser.

Comme en Angleterre, le démarrage de l'industrialisation se trouve précédé d'une "révolution des transports" dans

laquelle les ingénieurs des Ponts et Chaussées sont très présents. Trois types d'infrastructures jouent un rôle dans

cette révolution : les routes, les ouvrages hydrauliques et les chemins de fer. Leur développement à une échelle

inconnue jusque là marque une étape décisive de la conquête de l'espace que les Lumières n'avaient fait

qu'esquisser. Leur maillage vient unifier le territoire, créant les conditions d'un véritable marché économique national.

En matière de routes, le XIX

e siècle achève le réseau des routes nationales et départementales qui avait été

commencé sous Louis XV et Louis XVI. Ce réseau passe surtout à l'état d'entretien grâce à des mesures

administratives comme l'introduction du système Mac Adam ou la création de cantonniers de station à partir de la

Restauration. Aux quelques dizaines de milliers de kilomètres de routes nationales et départementales vont surtout

se rajouter près de 500 000 kilomètres de chemins d'intérêt local desservant les communes même les plus

modestes. Grâce à cet effort, le réseau routier français sera le plus dense du monde vers la fin du siècle [18].

Sans être aussi impressionnantes, les réalisations hydrauliques contribuent également au développement

économique. Tandis que l'Ancien Régime n'avait guère construit qu'un millier de kilomètres de canaux, la

Restauration et la Monarchie de Juillet en réalisent près de 3 000 [19]. A partir des années 1840, les ports font aussi

l'objet de travaux de modernisation de grande ampleur, à commencer par celui de Marseille dont l'aménagement

commencé sous la Monarchie de Juillet se poursuivra sous le Second Empire et la Troisième République pour faire

pièce au dynamisme commercial de Londres et Liverpool [20].

Les chemins de fer constituent enfin la principale innovation du siècle. Avec un réseau de 5 500 kilomètres

seulement en 1855, leur développement se révèle toutefois plus lent en France qu'en Angleterre ou en Belgique [21].

L'une des raisons de cette lenteur tient aux réticences qu'éprouvent assez longtemps les membres du corps des

Ponts devant un moyen de transport qui se situe à l'articulation du génie civil et des nouvelles logiques industrielles,

en faisant éclater du même coup leurs cadres traditionnels de pensée et d'action. Dans son Traité élémentaire des

chemins de fer paru pour la première fois en 1855-1856, un Perdonnet évoque à ce propos "la déplorable opposition

faite pendant dix ans par l'administration supérieure à l'établissement des chemins de fer en France [22]". L'ingénieur

chargé d'un projet de chemin de fer ne peut plus se contenter d'un travail de projet essentiellement spatial. Il doit

conjuguer les problèmes de tracé, de définition de la voie et de ses principaux ouvrages, avec une connaissance,

même sommaire, de la production sidérurgique et de la construction mécanique. A l'ingénieur artiste caractéristique

de l'art classique doit succéder une figure de technologue capable de maîtriser des données complexes et surtout

hétérogènes. C'est cette cette hétérogénéité qui rebute l'administration des Ponts et Chaussées.

S'ils contribuent à freiner dans un premier temps la réalisation des voies ferrées, les ingénieurs des Ponts vont par la

suite contribuer à leur développement en concevant notamment la structure d'ensemble des grandes lignes

françaises. Calquée sur celle des routes, la célèbre "étoile Legrand", du nom de l'ingénieur Alexis Legrand qui

l'impose en 1837, privilégie la région parisienne qui devient la plaque tournante des transports ferroviaires. Plus

généralement, l'administration des Ponts et Chaussées fait figure d'architecte en chef d'un territoire conçu en termes

de flux, de réseaux et de núuds, un territoire de la mobilité et des échanges auquel concourent les différents

aménagements dont elle se voit chargée. Son action s'exerce de plus en plus souvent dans le cadre d'un système

d'économie mixte qui soulage les finances de la puissance publique tout en favorisant l'essor industriel et

commercial. Construit sous le contrôle de l'Etat grâce aux capitaux de grandes compagnies privées chargées par la

suite de son exploitation, le chemin de fer constitue le meilleur exemple de ce système d'économie mixte dont la

France contemporaine porte aujourd'hui encore la marque.

Le rôle de plus en plus stratégique des ingénieurs des Ponts conduit à augmenter leur nombre. Tandis qu'ils n'étaient

guère que 200 à la fin de l'Ancien Régime, on en recensera près de 600 sous le Second Empire. Leurs multiples

responsabilités en font la cible de tous ceux qui refusent le monopole exercé par l'Etat sur certaines carrières. Tout

au long du XIX e

siècle, le corps des Ponts et Chaussées doit ainsi faire face aux attaques des ingénieurs civils,

travaillant dans un cadre privé sur le modèle anglais des civil engineers, qui se dotent progressivement

d'établissements de formation et d'institutions destinées à faire entendre leur voix. L'Ecole Centrale des Arts et

Manufactures créée en 1829 et la Société des Ingénieurs Civils de France qui voit le jour en 1848 figurent au premier

rang de ces établissements et de ces institutions très critiques à l'égard des ingénieurs d'Etat auxquels ils reprochent

une orientation plus théorique que pratique, plus soucieuse de monumentalité que d'économie [23]. Aux yeux de

leurs anciens élèves et de leurs membres, il ne fait aucun doute que "les développements de l'art de l'ingénieur ont

été profondément retardés en France par l'absence de stimulant résultant de l'organisation même du corps des Ponts

et Chaussées [24]."

Origines familiales des élèves entrés à l'Ecole des Ponts et Chaussées entre 1804 et 1851 *

Fonctionnaires et officiers supérieurs et généraux

166 15,9 %

Fonctionnaires moyens, officiers subalternes 179 17,2 %

Employés, sous-officiers 44 4,2 %

Professions libérales supérieures 59 5,7 %

Professions libérales subalternes 18 1,7 %

Professions économiques supérieures 129 12,4 %

Professions économiques subalternes 65 6,2 %

Propriétaires, rentiers 208 20 %

Ouvriers, paysans, classes populaires 8 0,8 %

Divers 27 2,6 %

Inconus 138 13,3 %

Total 1041 100 %

* Source : Registre d'entrée de l'Ecole des Ponts et Chaussées, E.N.P.C.

De telles critiques ne sont pas sans fondements. L'éloignement de la vie économique dont souffrent souvent les

ingénieurs des Ponts pourrait bien provenir pour partie d'un recrutement et d'une formation moins ouverts qu'au

XVIII e

siècle. L'étude de leurs origines sociales révèle par exemple une moindre représentation des professions

économiques tandis que se renforce la fraction issue de la fonction publique et de l'armée. Les quelques 19 % de fils

de banquiers, d'industriels, d'entrepreneurs et de commerçants que compte l'Ecole des Ponts et Chaussées dans ses

rangs au cours de la première moitié du XIX e siècle contraste avec les 45 % d'élèves issus de ces milieux

qu'accueille vers la même époque l'Ecole Centrale. Rien d'étonnant dans ces conditions à ce que les ingénieurs

d'Etat se montrent moins sensibles que les civils au logiques nouvelles induites par l'industrialisation.

Il faut aussi tenir compte du caractère très abstrait de la formation qu'ils reçoivent à Polytechnique, même si ce

caractère abstrait se trouve par la suite tempéré par les enseignements qui leurs sont dispensés dans les écoles

d'application. Les ingénieurs civils ne sont d'ailleurs pas les seuls à critiquer ce penchant des études

polytechniciennes. Tout au long du XIX e siècle, de nombreux anciens élèves de l'Ecole partagent leur opinion. A la

veille de la Première guerre mondiale, le général de division Chapel soulignera encore les faiblesses structurelles de

la formation des ingénieurs d'Etat en des termes dont la dureté n'a rien à envier aux philippiques de la Société des

Ingénieurs Civils.

"Vers quelque branche de la science ou de ses applications que l'on se tourne, on y trouve le polytechnicien

apportant une contribution abondante, toujours utile et féconde, souvent brillante, au progrès acquis ; moins souvent

on le rencontre à l'origine même de ce progrès.

Pourquoi ? Alors que cependant notre Ecole est recrutée dans l'élite intelligente, laborieuse, et le plus solidement

documentée de la jeunesse du pays ?

Je n'en vois d'autre explication que dans l'orientation de nos études en général un peu trop propres à faire prévaloir

l'abstraction sur la réalisation ; la formule sur le fait ; la trituration de l'X sur la vision géométrique ; le travail de

mémoire sur l'effort de conception et d'imagination ; plus préoccupé de mettre le passé en équation que de dégager

l'inconnue de l'avenir ; enfin favorisant la méthode déductive au dépens de l'intuitive, au nom d'une prétendue

infaillibilité de la première que l'histoire des sciences pourtant est loin de ratifier [25]."

De tels handicaps n'empêchent pas les ingénieurs d'Etat de se tailler une place de choix dans la France industrielle

qui voit progressivement le jour à partir des années 1830-1840. Loin de rester confinés dans des emplois de

fonctionnaires souvent mal rémunérés, les ingénieurs des Ponts, comme leurs homologues des Mines, vont par

exemple bénéficier des opportunités de carrière offertes par les grandes compagnies de chemin de fer. Dès 1846, 31

ingénieurs des Ponts et Chaussées sont employés par les compagnies ; ils seront plus d'une centaine en 1855,

comme on peut le constater grâce au tableau ci-après. Leur arrivée coïncide avec la prise de pouvoir des grands

groupes financiers après la période héroïque des petits entrepreneurs et des ingénieurs civils qui avaient réalisés les

premières lignes avec un esprit pionnier bien différent de celui de l'administration. Hommes d'appareil, les ingénieurs

des Ponts passés au service des compagnies travailleront dans un cadre rappelant à bien des égards le service

public, avec sa hiérarchie et sa division des tâches entre décideurs, concepteurs et exécutants.

Effectifs des ingénieurs des Mines et des ingénieurs des Ponts et Chaussées au service des compagnies de chemin de fer*quotesdbs_dbs35.pdfusesText_40
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