[PDF] Lécrivain et la société: le discours social dans la littérature française





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La modernité de Maupassant

écriture - Maupassant journaliste au Gaulois - Mobilité et profondes l'étendue de ses acquis culturels



ANALYSE DU PERSONNAGE GEORGES DUROY EN TANT QUE

Contexte littéraire et politique. 20. 6.2. Guy de Maupassant : naturaliste ou réaliste ? 27. 7. AUTEURS IMPORTANTS DU NATURALISME ET DU RÉALISME.



La problématique de lengagement politique de Léopold Sédar

francophone en Afrique noire: le doute sur l'engagement politique de la poésie du 28 Juillet 1885) Guy de Maupassant (Grand dictionnaire universel du ...



Galyna Dranenko Université de Tchernivtsi (Ukraine)

±uvres de Maupassant en raison de la situation politique particulière qui y tenait toujours hors de tout engagement politique et social



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25 janv. 2018 XXe siècle hérite de l'engagement politique et social de Zola ... 566 Guy de Maupassant



Le Mentir-vrai de lengagement chez Louis Aragon romancier des

d'abord une forme d'engagement ( un engagement politique peut-on encore dire)



Pour une littérature de linterdépendance. Littérature et

17 févr. 2014 politique estimant que l'engagement est consubstantiel à la littérature ... Le fameux français de Guy de Maupassant



Ömer Seyfettin: un précurseur francophone des lettres modernes

Ömer Seyfettin Maupassant'dan esinlenmi? kendi öykülerini Pour ce qui est de ses engagements politique



Strange Bedfellows. Culture littéraire et culture populaire dans la

adjoindre leurs jeunes disciples Guy de Maupassant et Joris Karl Huysmans) insistent sur leur indifférence sinon leur mépris



Tuer lidéal

Une Vie de Maupassant : histoire d'une éducation sentimentale l'engagement politique de Chateaubriand



L'apolitique de Maupassant - JSTOR

de Maupassant Les œuvres ont leur travail politique certes Mais dans les rapports entre «politique et littérature» tout ce qui compte dépend plus ou moins de l'escamotage d'un article «Politique» absolument mime déjà l'unité du concept dont rien ne nous assure que les textes la maintiennent Au

Qu'est-ce que la politique de Maupassant ?

Avec une intention critique, il s'agirait de construire une politique de Maupassant, telle que la transcriraient les courts récits, nouvelles et chroniques — et sans souci du «passage de l'acte», de l'action individuelle de l'auteur. Pareille mise au jour vise à faire entendre des significations effacées, imparfaites, voire refoulées.

Quelle est la première révélation d'une politique de Maupassant ?

Nous ferons avec Le Horla notre première incursion dans cette révélation d'une politique de Maupassant. Le texte, dans ses deux versions (1886 et 1887), est extrêmement connu et a donné l'occasion d'innombrables analyses. Nous partons de la fin, de l'angoisse d'une gigantesque épidémie annoncée par un article de la «Revue du monde

Quel est le rôle de Maupassant dans la Guerre patriotique ?

et ramène la guerre patriotique au niveau de la Maladie. Chez Maupassant, les récits d'élimination physique de Prussiens par des Français ne sont pas des exempta héroïques, mais juste des vengeances brutales accomplies par des êtres simples, comme «La Mère Sauvage», dont le nom dit déjà long.

Quel est le rôle de Guy de Maupassant dans la guerre franco-prussienne ?

Boule de Suif, nous voyons que Guy de Maupassant s'engage énormément pour la France dans la guerre franco-prussienne et contre la société bourgeoise de son époque.

Lécrivain et la société: le discours social dans la littérature française

Université Paris III - Sorbonne Nouvelle

École doctorale 120 - Littérature française et comparée

THÈSE

pour l"obtention du Doctorat de Littérature générale et comparée présentée et soutenue publiquement à l"Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris III le 23 novembre 2009 par

Julien MAGNIER

Pour une littérature de l"interdépendance

Littérature et renouvellements politiques en Afrique noire - à partir de Mongo Beti

Directeur de thèse : M. Jean BESSIÈRE

Membres du jury :

Bernard MOURALIS, Professeur émérite de Littérature française à l"Université de Cergy-

Pontoise.

Papa Samba, DIOP, Professeur de Littérature francophone, Paris XII

Xavier GARNIER, Professeur de Littérature Générale et Comparée à l"Université de la

Sorbonne-Nouvelle (Paris III).

Jean BESSIÈRE, Professeur de Littérature Générale et Comparée à l"Université de la

Sorbonne-Nouvelle (Paris III).

" Tout se passe comme si dans le système francophone le pouvoir pensait de l"activité

créatrice ce que tel homme d"État dont j"ai oublié le nom pensait de la guerre, à savoir que la

littérature est une affaire trop sérieuse pour être abandonnée aux écrivains. Elle est donc

confiée aux bons soins de la police »

Mongo Beti

" Écrire un livre ne veut pas dire devenir le porte-parole d"un pays, d"un continent »

Alain Mabanckou

" Il me semble que l"individu contemporain, indépendamment de l"angoisse d"avoir à construire tout seul son architecture intime de références et de valeurs, est potentiellement démultiplié »

Patrick Chamoiseau

Pour mon grand-père, Pierre.

Remerciements

Long chemin que celui d"une thèse... L"aventure est intellectuelle mais aussi, peut-être et avant tout, humaine. À l"heure de poser ces quelques mots, une vague d"émotion m"envahit :

plusieurs années d"une vie se sont écoulées et, pour reprendre des paroles entendues, une page

est en train de se tourner. L"exercice serait finalement si pauvre sans l"émulation, sans les

rencontres, sans les échanges. Et cela, je veux le retenir. C"est donc une pensée évidemment

spéciale que j"adresse aux personnes qui m"ont accompagné et à celles que j"ai croisées le

long de ce parcours. Mes remerciements s"adressent en premier lieu à mon directeur de recherches Jean Bessière.

C"est là pratique courante, proche du rituel, qui ne saurait toutefois masquer son rôle de

conseil et de sollicitude. Ses encouragements, ses pistes et réflexions, m"auront grandement aidé. En second lieu, mes pensées se tournent vers l"ancienne équipe professorale de l"Université de Cergy-Pontoise qui enseignait, autour de Bernard Mouralis, la passion pour une discipline

et la rigueur d"une méthode. Cette thèse est le fruit de cours, séminaires et de longs entretiens

avec Romuald Fonkoua. Pour ses précieux conseils, sa disponibilité et sa volonté de vouloir toujours me porter plus haut, j"adresse toute ma reconnaissance à Anthony Mangeon. Il aura fallu du temps, de la patience et du courage... Quelques mots jamais ne transcriront

ma gratitude pour ce dévouement. Merci à Annie, mon institutrice de mère ! Spécial ne peut

être que ce remerciement pour celle dont j"aime à partager la vie ; Sandrine, pour ses mots, ses regards, ses attentions si motivants. Votre indefectible soutien aura été ma plus grande force. Aimé Gomis, nous l"aurons fait ensemble. Avec Hervé Tchumkam et Aminata Keita, nous

aurons partagé cette même fierté et, finalement, ce même besoin de le faire. Qu"importe notre

lieu, un bout de nous, toujours, sera là-bas. Dignes représentants de l"intelligence africaine que vous êtes.

Des rencontres sont tout à fait spéciales, inattendues et tellement importantes. Kathleen en fait

partie. Qu"elle le sache. Ma famille (Pierre, mon enthousiaste soutien), mes amis, la famille Barrado, Jean-Baptiste, Elsa, Olivia, mes collègues de la production (m"avoir accordé tout ce

temps !), Dakarine, Nicolas, Frédéric notamment, du pôle commercial (RS, instit), Christophe

Chablat particulièrement... pour la bienveillance de chacun.

Introduction générale

H

ISTOIRE LTTÉRAIRE ET

POSTCOLONIALE

1 Dans l"histoire de la politique, un fait s"impose tout particulièrement : l"écart entre les

discours et les actes. Et ce d"autant plus lorsqu"il s"agit de l"Afrique. Jean-Marie Bockel, alors

secrétaire d"État chargé de la Coopération et de la Francophonie, s"exprimait en ces termes, le

28 février 2008 : " La relation franco-africaine est désormais placée sur un pied d"égalité ».

Les sommets de rencontre France-Afrique ont toujours véhiculé ce même impératif : fi de

l"assistance, les relations doivent être dorénavant basées sur le partenariat. À la question

" qu"est-ce qu"un partenariat ? », la présidence française répond : " C"est l"enrichissement

réciproque, c"est une relation d"égal à égal, que chaque partenaire construit en pleine

conscience de ses droits et de ses devoirs, en responsabilité, avec des obligations réciproques »

1. Assurément, la France serait entrée dans une ère nouvelle. Son but, en accord

avec les principes du président de l"Afrique du Sud, Thabo Mbeki

2, est d"accompagner le

continent sur le chemin de la démocratie. L"ancienne puissance coloniale " entend accompagner, encourager, renforcer ce mouvement »

3 du renouveau africain. L"Afrique, dans

les discours diplomatiques, est en effet en pleine effervescence. Elle porte en elle tous les

espoirs. " Continent de demain », " C"est là où ça se passe » entend-on fréquemment. Une

chose serait donc certaine : l"Afrique se développe et la France l"accompagne, voire la pousse. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Les relations françafricaines ne démentent pas Leibniz. Dans le même temps, prospèrent les associations dénonçant les manoeuvres politiques. Survie, ATTAC, le Secours catholique, Agir ici, Réseau Foi et Justice, Courrier Acat-France, Peuples Solidaires, Transparency International, Sherpa - cette liste reste non exhaustive tant elle serait longue - se liguent ensemble pour observer l"action de la France en Afrique : ses interventions militaires, ses soutiens aux amis dictateurs, ses " opérations de

déstabilisation »... D"un côté donc, l"optimisme et de l"autre, le réalisme. L"histoire des

cinquante dernières années en Afrique noire nous montre que la situation entre la France et le

continent n"a guère changé, ou si peu. Toujours cette même volonté occidentale de contrôler

politiquement l"Afrique. Toujours ces liens qui unissent les potentats aux hommes politiques de l"hexagone. Omar Bongo a ainsi rappelé à Jean-Marie Bockel " les avantages que tirent la

1 Extraits de la conférence de presse du Président de la République, M. Jacques Chirac, lors du 22e sommet

France-Afrique à Paris, les 20 et 21 février 2003, site www.diplomatie.gouv.fr

2 Sous les pressions de son parti, l"ANC, Thabo Mbeki a été contraint de démissionner de son mandat

présidentiel le 21 septembre 2008. Kgalema Motlanthe a été désigné pour assurer la fonction suprême par

intérim, jusqu"à la tenue des prochaines élections. Le 22 avril 2009, Jacob Zuma remportait le scrutin.

3 Ibidem

2 France et les autres pays occidentaux de leurs rapports économiques avec [le Gabon] »

1. Le

secrétaire d"État français avait en effet exhorté la France à ne plus " céder à un certain nombre

de caprices, un certain nombre de demandes incohérentes de certains pays qui ont d"un côté une rente pétrolière qu"ils ne consacrent pas aux investissements qu"ils nous demandent de financer »

2. À l"affront, le président gabonais répond par la menace. Omar Bongo, Idriss Déby

et Denis Sassou N"Guesso auront finalement eu raison de la politique intérieure française : Jean-Marie Bockel n"aura pas signé une rupture diplomatique mais son propre déclassement,

il occupera désormais le poste de secrétaire d"État aux anciens combattants (rappelons qu"au

début des années 80, le président gabonais déjà avait obtenu le remplacement du secrétaire

d"État à la Coopération, Jean-Pierre Cot, de la part de François Mitterrand). La Françafrique -

selon le terme de François-Xavier Verschave - perdure. Les relations entre la France et le

Tchad en sont un exemple tout à fait probant.

En 1990, Idriss Déby renverse le président Hissène Habré avec l"aide des troupes

françaises. Immédiatement, un nouveau régime de terreur est instauré. Bien qu"il soit contesté

par plusieurs factions rebelles et par la société civile, Déby a vu sa réélection en 2006. Depuis

ce scrutin, le soutien français envers le régime fut décisif :

" Entre avril 2006 et février 2008, la France, sous couvert de son accord de coopération

technique et militaire, a fortement armé le régime de Déby : livraison de véhicules blindés belges

(AML) et d"avion suisse (Pilatus PC-7), contrat de missiles, en contradiction avec le code de Conduite

de l"Union européenne » 3. Des mises en garde furent même lancées contre les rebelles sur une possible intervention

militaire française. Trois des principaux opposants furent ainsi arrêtés et des journalistes

indépendants ont reçu des menaces. Le 28 février 2008, Nicolas Sarkozy prononçait un discours au Cap (Afrique du Sud).

Après ses paroles formulées à Dakar le 26 juillet 2007, le président français amorçait un

changement. Le point le plus symbolique concernait l"annonce de la révision des accords

militaires. Mais plutôt que de rupture, cette allocution peut s"interpréter comme un

désintéressement certain envers l"Afrique dans la politique étrangère française. Les intérêts de

1 Cf. site www.generationafrique.skyrock.com

2 Ibidem

3 " 11 mars 2008. Demande de création d"une Commission d"enquête parlementaire sur le rôle de la France au

Tchad. Courrier Acat-France, Survie, Secours catholique, Réseau Foi et Justice, groupe Afrique d"ATTAC,

Cédétim/Ipam, Peuples solidaires, Mouvement de la paix », sur le site www.survie-france.org

3 la France sur le continent demeurent toutefois importants. La critique semble facile : Jacques

Chirac s"est attiré, durant son mandat, toutes les foudres. Mais force est de constater le

changement d"attitude une fois aux manettes du pouvoir. Ainsi d"Hervé Morin. En

décembre 2004, le Député-maire d"Epaignes et Conseiller régional de Haute-Normandie

adressait une lettre à François-Xavier Verschave. L"homme exprimait sa " conviction que la politique africaine de la France a, depuis les années Foccart, mené un cours particulier, peu lisible, manquant de transparence et empreint de clientélisme »

1. Désireux de développer la

démocratie sur le continent noir, M. Morin assurait le président de Survie de son soutien.

Trois années ont passé et Hervé Morin hérita du portefeuille de Ministre de la Défense. Et le

changement de ton fut abrupt. Idriss Déby devint un président " légitime ». Quant aux

opposants tchadiens enlevés, silence. Autre ami, Paul Biya. Le Cameroun reste le seul pays

africain théâtre de guerres pour la libération nationale. Le leader de l"Union des Populations

du Cameroun, Ruben Um Nyobé, fut ainsi tué dans le maquis en 1958. Après l"indépendance, Ahmadou Ahidjo fut placé à la tête du pays avec l"aide de la France. En 1982, son premier ministre le remplace. Paul Biya s"est depuis maintenu au pouvoir par de multiples réformes

constitutionnelles supprimant la limitation des mandats présidentiels, assorties d"élections

douteuses. Depuis le mois de janvier 2008

2, les manifestations se sont multipliées pour

empêcher Biya d"être président à vie. Le chef d"État s"en est alors directement pris à

l"opposition qu"il accuse d"avoir organisé cette contestation violente : " Ceux-là sont aussi accusés d"avoir manipulé des jeunes afin d"installer le chaos et profiter du désordre pour s"emparer du pouvoir »

3. Yaoundé s"embrase, une vingtaine de victimes officielles subissent

les foudres du régime. Probablement d"ailleurs que le bilan réel dépasse la centaine. La

dictature use de tous ses réseaux : la radio Magic FM est interdite d"émission pour avoir

donné la parole aux auditeurs, les grandes villes sont quadrillées par l"armée... Mais la France

ne daigne pas s"indigner. Pis, elle s"assure de la " stabilité » du régime, riche en matières

premières (bois, pétrole, minerais) exploitées notamment par... Total et Bolloré. Paris

détourne également son regard du Burkina Faso. La Françafrique n"est donc point aux arrêts.

La politique étrangère actuelle de la France est l"héritière directe de la Chiraquie. Et les

propos de François-Xavier restent tristement d"actualité :

1 Cf. site rue89.com

2 Le 31 décembre 2007, le président camerounais annonçait son projet de révision de la constitution. Paul Biya

cherchait en fait à modifier l"article 6 du texte qui limite le renouvellement de son mandat présidentiel à une fois.

Le leader de l"opposition, John Fru Ndi, a appelé ses concitoyens à manifester, par crainte d"une dérive

" autoritaire » des institutions.

3 Alexandre T. Djimeli, " Les émeutes, le gouvernement et le Sdf » in Le Messager, le 19/03/08.

4

" Quand la cupidité s"allie au mépris, installé depuis plusieurs siècles chez les représentants

des "civilisations supérieures", le pire finit toujours par advenir. C"est encore vrai aujourd"hui de

quelques chefs d"État ou de gouvernements occidentaux, trop "intéressés" par l"Afrique. Certes, ils ne

manient pas eux-mêmes la kalachnikov ou la machette, ils n"ordonnent pas directement les exactions

commises par les mercenaires ou les miliciens. Mais elles sont l"aboutissement d"une logique continuée

de partage "géopolitique" du monde, de captation du pétrole et autres matières premières »

1. L"Afrique demeure un continent convoité. L"envolée des prix du baril de pétrole

témoigne de l"importance stratégique d"une présence forte sur le continent. Pour assurer ses

importations, la France se fournit à bon prix. Cela en imposant ses tarifs ou en troquant du

pétrole contre des armes. Les États-Unis investissent pareillement le continent. Dans le but de

réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis des pays du Moyen-Orient, la première puissance

économique mondiale entretient de sombres relations avec les pays du Golfe de Guinée. Il

n"est, dans ces conditions, plus guère question de " bonne gouvernance » ni même d"impératif

démocratique. L"historien Elikia M"Bokolo le rappelle : " Dire que l"Afrique représente 5 % du commerce mondial, cela signifie seulement que les prix payés pour les produits africains sont très bas »

2. Toute opposition en Afrique fut systématiquement cassée. Les grandes

puissances occidentales, pour conserver leurs intérêts, ont empêché toute union au sein du

continent noir. L"économie fut, de facto, fondamentalement extravertie. Peu de grandes figures ont émergé, à l"image de Nelson Mandela. La voix de l"Afrique s"est perdue dans le

dédale de la mondialisation. Mais la société civile semble s"unir. La diaspora aidant, les

artistes et intellectuels tendent à porter haut et fort leurs messages. Ceux-ci ont à " produire un

autre discours sur la mondialisation », à bâtir un monde autour du vivre-ensemble. Ce projet

pose la question de l"identité africaine : " Comment va-t-on aménager toutes les cultures

locales pour les intégrer ? Que va-t-on faire des valeurs françaises ? Comment tout cela va-t-il

s"articuler avec une économie mondialisée [...] ? »

3 De cette rapide présentation de la

politique africaine actuelle, nous retenons particulièrement les liens qui unissent l"Afrique et les puissances occidentales. Et de ces liens, nous tirons le premier principe qui sous-tendra nos travaux : l"interdépendance politique des États modernes. L"étude des relations françafricaines exige un rétour sur l"histoire, notamment avec l"impact de la Seconde Guerre mondiale.

1 François-Xavier Verschave, Noir Chirac, Éditions des Arènes, Paris, 2002, p.203

2 Ayoko Mensah, " L"Afrique doit produire sa propre vision de la mondialisation. Entretien avec le Docteur

Elikia M"Bokolo » in Africultures, publié le 1/05/08.

3 Ibidem

5 Le 8 mai 1945, le III

e Reich capitulait sans condition. Le 2 septembre, le Japon, à son

tour, abdiquait. La Seconde Guerre mondiale s"achève pour promouvoir les États-Unis et

l"URSS en superpuissances, désormais à même de diriger le monde. La conférence de Yalta, qui se tient du 4 au 11 février 1945, consacre la rencontre de deux idéologies opposées ; l"histoire donnera à ce nouvel affrontement Est-Ouest le nom de " Guerre froide ». La place et

le rôle de l"Afrique post-coloniale dans l"arène politique internationale se jouent directement

durant cette période. Le continent est devenu une place stratégique pour la propagation des

idéologies et, ce faisant, le développement de la domination soviétique ou étasunienne.

L"Afrique ne pouvait échapper aux affaires internationales ; pour assurer son décollage

économique, elle a accepté les aides extérieures tout en sacrifiant son autonomie. Accords militaires et relations commerciales inégales furent alors conclus. Contre l"influence soviétique, les États-Unis apportèrent leur soutien aux pays dits pro-occidentaux (face aux

régimes socialistes), tels que le Zaïre, le Liberia ou le Kenya. L"Union soviétique, quant à

elle, aida financièrement des pays comme le Bénin, le Mozambique ou l"Angola : " En 1986,

34 805 étudiants avaient bénéficié de cet arrangement »

1. L"influence de l"Afrique sur la

politique internationale reste cependant très faible et les relations marquées par leur inégalité.

Dans ce contexte, les pays du continent noir tentent de réagir. En 1979 est mise en place la

Stratégie de Monrovia pour le développement de l"économie ; on insistait alors sur

l"autosuffisance. Une année plus tard, le Plan de Lagos convoque cette dernière tactique :

" par la régionalisation, une meilleure gestion des ressources et un désengagement vis-à-vis

de l"assistance étrangère »

2. Ces bonnes volontés n"ont toutefois pas permis d"améliorations

substantielles. À la fin de la Guerre froide, la situation apparaissait même chaotique : vingt-

quatre des trente-six pays parmi les plus pauvres sont en Afrique. En 1995, la dette s"élève à

300 milliards de dollars. Les dictatures sont monnaie courante et la pauvreté croît de manière

exponentielle.

1989 marque un tournant dans l"histoire de l"Afrique. Le monde, tout autant que

l"Afrique, rentre dans une nouvelle ère. Les demandes de changements politiques se font plus

pressantes. Avec l"effondrement du bloc soviétique, le rôle du continent sur le plan

international devenait incertain : " En cessant d"être un enjeu de la rivalité entre les

1 Stephen Ellis (dir.), L"Afrique maintenant, Éditions Karthala, Paris, 1995, p.46

2 Ibid., p.47

6 superpuissances, l"Afrique a vu décliner son importance stratégique et, partant, son intérêt

diplomatique aux yeux des grandes puissances » 1. La fin de la Guerre froide a permis la mise en marche d"un processus de démocratisation mais aussi la multiplication des conflits en Afrique. Le génocide du Rwanda

marquera ainsi un point de non-retour. Le silence de la communauté internationale, les

soupçons d"un soutien passif de la France et la folie meurtrière des Africains ont conduit le continent noir droit vers le chaos. De ce terrible conflit, les écrivains africains auront retenu au moins une leçon : celle de la responsabilité interne. L"Afrique ne peut plus seulement se définir comme la victime de l"Occident. Les hommes se recoupent dans leur barbarie. Paradoxalement, avec Patrice Nganang, le chaos devient un principe de vie. Pour scruter cette mémoire, ces non-dits, les auteurs ont donc décidé de s"unir. Autour de Nocky Djedanoum, se retrouveront dix écrivains

2. Et leur volonté d"écrire " par devoir de mémoire ». Une lutte

contre l"oubli, clament-ils. De cette histoire, les créateurs conserveront la volonté de

comprendre, d"expliquer et d"écrire sur l"Afrique. La question de l"Autre sera inévitable, voire

incontournable. Comment une guerre d"une telle ampleur a-t-elle pu imploser au sein d"une même patrie ? Patrice Nganang articulera son analyse autour de cette question. Forgeant le

concept de " littérature préemptive », l"auteur scrute les politiques d"une écriture qui rend

impossible la réalisation d"une tragédie interne comme le génocide

3. Affrontements et

antagonismes marqueront de leur empreinte indélébile l"histoire du Rwanda. Les écrivains

africains auront à coeur de construire une nouvelle nation, de scruter ces problèmes pour

dépasser les questions ethniques et unir, de nouveau, victimes et bourreaux. S"il faut être

optimiste sur l"avenir ? Eugène Ebodé et Jean-Luc Raharimanana répondent que là n"est pas

la question fondamentale

4. S"interroger sur l"Histoire, c"est montrer les réseaux complexes qui

unissent les hommes et les nations, c"est insister sur la nécessaire introversion du continent et son devoir de penser un mode de vie original, non asservi aux attentes occidentales. L"Afrique

doit " redevenir elle-même », tout en intégrant les divers héritages qui la composent. Tel sera

l"un des messages de la littérature africaine.

1 Ibid., p.342

2 Boubacar Boris Diop, Abdourhaman Waberi, Tierno Monénembo, Koulsy Lamko, Véronique Tadjo, Monique

Ilboudo, Meja Mwangi, Jean-Marie Vianney Rurangwa, Kalissa Rugano, Venuste Kayimabe.

3 Patrice Nganang, Manifeste d"une nouvelle littérature africaine : pour une écriture préemptive, Éditions

Homnisphères, Paris, 2007.

4 Cf. " Pour une Afrique désirable » in Africultures, publié le 01/09/2000.

7 Les transformations mondiales, à l"aune de cette fin de millénaire, ont ouvert une

double voie, celle d"une démocratisation des régimes d"Europe de l"Est et d"Afrique, mais

aussi une plus grande uniformisation des systèmes politiques et économiques, suivant le

modèle occidental libéral. Le terme " globalisation » fut ainsi employé pour rendre compte de

cette uniformisation structurelle, marquant là une certaine victoire de l"hégémonisme

occidental. Dans les faits, cela s"est traduit par la mise en oeuvre d"une idéologie de l"" État

minimum », imposée par les Plans d"ajustement structurel (PAS) selon les économistes du Fond Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale. Démocratie et participation collective furent ainsi promues pour atteindre le dessein final de la " bonne gouvernance ». Aux systèmes centralisateurs des partis uniques, l"on substitua une réforme de

décentralisation. L"idée de démocratisation sur le continent africain s"est répandue avec la

tenue de Conférences nationales. Les changements politiques internationaux de 1989 ont renforcé les mouvements de contestations internes. Les pressions pour la fin des régimes à

partis uniques se sont durcies, convoquant la tenue d"états généraux populaires afin de mettre

en place un ordre politique nouveau. L"articulation entre le global et le local fut

particulièrement complexe. Pour répondre à la fois aux attentes extérieures et intérieures, le

président camerounais, Paul Biya, a tâché de créer et développer des structures démocratiques

à l"échelle nationale. Mais, dans le même temps, il vidait ces instruments de leurs pouvoirs au

niveau local, pérennisant et renforçant ainsi son mode de gouvernance. Les chercheurs

africanistes ont ironiquement baptisé ce mouvement à double vitesse de " comme-si-cisme ».

Reste toutefois cette volonté de changement politique à laquelle sont confrontés les dirigeants

africains. La résurgence de la société civile sur le devant de la scène politique appelle

quelques précisions. La décentralisation du pouvoir rend compte d"un positionnement accru

des associations locales, mais elle ne saurait cacher une certaine méfiance populaire. À partir

du cas d"un village béninois, Kpovidji, le chercheur Adolphe Kpatchavi a analysé les

perceptions des populations face aux grands bouleversements politiques nationaux :

" [...] L"indépendance (ablode) a amené la division et les conflits ethniques, la révolution

(ehuzu) a amené la répression et la délation tandis que la démocratie (demoklasi), elle, a apporté le

mensonge, la dévaluation du franc CFA et l"inflation. Cette vision quelque peu pessimiste des

différentes phases de l"histoire politique du pays depuis 1960 augure selon l"auteur d"une représentation

analogue par rapport à la décentralisation, qui d"ores et déjà est perçue à la suite d"une série de

quiproquos, à l"inverse de ses objectifs réels : éloignement de l"administration des administrés (parce

que la nouvelle commune ne sera plus celle qu"on connaît mais l"ancienne sous-préfecture),

l"autonomie de gestion des affaires locales est perçue comme un retour au système du "comptons

8

d"abord sur nos propres forces" du régime révolutionnaire avec son corollaire de répression et à l"impôt

de capitation (takwe) supprimé en 1992, etc. » 1. Les dynamiques collectives et la prégnance des ONG sur le terrain - intervenant pour la promotion des droits de l"homme, la place des femmes, la protection des ressources naturelles ou la mise en place de projets économiques particuliers (comme les micro-crédits) -

montrent l"ambiguïté qui peut exister entre les intérêts locaux et les cadres politiques

nationaux. Le poids des acteurs de la politique par le bas, dont les romans africains se feront

largement écho, s"il est aujourd"hui réel, reste toutefois à être analysé et circonscrit avec

davantage de clarté. La chute du mur de Berlin a signé l"abandon, tout relatif, de l"Afrique par la France.

En dix ans, l"aide a diminué de 40 %. La chute des cours des matières premières et la

déliquescence des États, désormais incapables de répondre aux demandes sociales, auront

abouti à des famines, guerres civiles et même un génocide sur le continent. Avec plus de huit

millions de victimes de guerre, l"Afrique voit ses pertes humaines s"accroître comme jamais

en l"espace de quarante ans. Au cours de cette même période, le nombre d"Africains en

France a doublé, passant à 400 000 personnes. Désormais, la question de l"immigration

devient un point névralgique de la politique européenne. En France, le débat sur l"Afrique est quasiment inexistant. Seule une question semble réellement intéresser nos hommes politiques : celle de l"immigration. Les politiques menées

en ce sens tendent toutes vers la " diabolisation de l"immigration », fût-elle légale ou non. En

période de crise, le débat ressurgit immanquablement " pour donner libre cours à des

fantasmes divers : exagération du nombre de "clandestins", crainte de l"invasion par des

"personnes inassimilables", etc. »

2. La sociologue Mahamet Timera distingue quatre grandes

filières migratoires vers la France : • la filière scolaire, la plus ancienne ; • la filière militaire, avec les tirailleurs des deux guerres mondiales ;

1 Nassirou Bako-Arifari, " Décentralisation et rapport global-local : formes du politiques. Intermédiation et mode

de représentation locale (Atelier 1) » in Le bulletin de l"APAD (Association euro-africaine pour l"anthropologie

du changement social et du développement), " Décentralisation, pouvoirs sociaux et réseaux sociaux », n°16,

décembre 1998, http://apad.revues.org/document541.html

2 Mahamet Timera, " L"immigration africaine en France : regard des autres et repli sur soi » in Politique

africaine, " La France et les migrants africains », n°167, Octobre 1997, p.42

9 • les migrations de travail ;

• les migrations des épouses.

Le regroupement familial des immigrés a favorisé l"émergence d"une seconde génération

d"individus d"origine africaine. L"on assiste parallèlement à une modification du projet initial.

Au rebours des années 70, le mouvement migratoire se sédentarise puis devient définitif. Pour

la sociologue, une grande différence caractérise ainsi ces deux générations d"immigrés :

" À la différence des migrations précédentes, celles du Maghreb et d"Afrique subsaharienne

sont le fait des ressortissants des anciennes colonies dont les pays d"origine entretiennent encore avec la

France des relations complexes de domination, de subordination, mais aussi de "coopération". Si ces

migrants font montre d"un nationalisme modéré, ils sont cependant porteurs d"une exigence de

reconnaissance de la part de la France pour tous les services rendus par les leurs à la "patrie"

(engagement des tirailleurs sénégalais dans les deux guerres) et comme compensation du pillage

colonial qu"ils ont subi. Ils exigent enfin du respect de la part des Français, car c"est la France elle-

même qui "est allée les chercher chez eux quand elle en avait besoin" » 1. La crise du travail, dans les années 1990, marque une rupture entre les ressortissants

français et les migrants africains. Le conflit est exacerbé dans les banlieues ; les Africains sont

accusés de polygamie, d"excision, d"assistanat et de laxisme dans l"éducation de leurs

enfants : " À l"instar des Beurs, les Blacks connaissent de plus en plus une marginalisation

produite par un "double handicap" : la non-insertion professionnelle et l"origine étrangère qui

les rendent, aux yeux de certains, réfractaires aux normes locales de comportement »

2. L"exclusion se fait de plus en plus active. La paupérisation du continent noir est signe d"unequotesdbs_dbs33.pdfusesText_39
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