[PDF] Du vieil Homme au nouveau: trans-humanisme? Défis pour penser l

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Author's personal copyÉthique et santé (2012) 9, 121-126

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

Du vieil Homme au nouveau : trans-humanisme ?

Défis

pour penser l"Homme de demain From the old man to the new one. Transhumanism as a challenge? A. de Broca a,?,b a UMICAP, service de soins palliatifs pédiatriques, hôpital Nord, CHRU d"Amiens, 80054

Amiens cedex 1, France

b UMR 8163 " STL » Lille III, université de Lille 3, bâtiment B4, rue du Barreau, BP 60149, 59653

Villeneuve d"Ascq cedex, France

MOTS CLÉS

NBIC ;

Biotechnologie

Cyborg

Nanotechnologies

Trans-humanisme

Eugénisme

Résumé L"idée d"un Homme nouveau, d"un Homme qui ne souffrirait pas ou plus, d"un Homme qui vivrait toujours plus longtemps, voire d"un Homme enfin créateur de sa propre existence n"est pas nouvelle. Les recherches d"un Graal, d"une liqueur de jouvence, d"une potion mira- culeuse hantent l"humain depuis la nuit des temps et ont fait l"objet de tant de mythes. Le temps des mythes semble résolu pour certains. Les promoteurs d"une révolution de l"humain se

réunissent dans des associations très actives qui disposent d"énormes fonds financiers, afin

de promouvoir leurs recherches en vue d"améliorer l"homme quitte à ce qu"il devienne autre, notion contenue dans le trans-humanisme. L"amélioration des compétences intellectuelles et des capacités physiques et biologiques, notion appelée méliorisme ou en anglais enhancement, est au cœur de leurs réflexions, de leurs recherches. Ces modifications des conditions de vie de l"homme sont possibles, grâce aux fantastiques progrès de la science et des biotechnologies. La mise en commun de toutes les sciences de l"informatique, de la biotechnologie, des nanotech- nologies et sur la cognition appelée "convergence NBIC » donne l"illusion de pouvoir dépasser la finitude humaine et d"entrer doucement dans une ère d"amortalité. Notre propos est d"aider à comprendre ces perspectives menant à des modifications de l"humain et de souligner certaines questions

éthiques qu"elles suscitent.

2012 Publié par Elsevier Masson SAS.

UMICAP, service de soins palliatifs pédiatriques, hôpital Nord, CHRU d"Amiens, 80054 Amiens cedex 1, France.

Adresse

e-mail : debroca.Alain@chu-amiens.fr

1765-4629/$

- see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.

Author's personal copy122 A. de Broca

KEYWORDS

NBIC;

Biotechnology;

Cyborg;

Nanotechnology;

Transhumanisme;

Eugenisme

Summary What"s about the ''new man"", a man who will not be suffering and enduring pain, a man who will live forever, and a man who will be his own creator? Since the beginning of the world, man searches the grail, the fountain of youth, which constitutes the base of myths. Since

1980s, searchers in many fields as nanotechnology, biotechnology, sciences in numerical

knowledge and science in cognition, called as NBIC convergence, have worked together to go always further. Convergence of these searchers makes possible the creation of a new man.

Enhancement

of the man asks humanity many ethical questions. The purpose of this article is to present ethical considerations induced by these different new prospects.

2012 Published by Elsevier Masson SAS.

De l"homme créé à l"homme créateur

L"Homme

1 d"hier était un homme bien vulnérable. Jusqu"à ce jour, durant tous les siècles précédents, la douleur, la maladie et la mort forment le trépied de la vie de cha- cun, qu"il soit riche, roi ou pauvre ou simple hère. Certes les funérailles pouvaient être faites avec plus ou moins d"emphase -- en grande pompe -- mais il faut reconnaître que cela n"était plus d"un grand secours pour celui qui était décédé.

En revanche, comment vivre au quotidien la souf-

france et la vulnérabilité si ce n"est en pactisant avec la douleur, avec la maladie et avec la mort. Face à la réa- lité, l"homme donne et produit du sens à la vie. Il s"agit même de sa spécificité. Trois mille cinq cent ans de textes en témoignent. Ils décrivent l"effort de l"homme à faire face à cette vie donnée et rec¸ue du cosmos, de la nature ou des dieux, et à assumer sa condition mortelle obligée. travers la mythologie (égyptienne, inca, grecque, asia- tique) qui renvoie à des êtres surnaturels appelés dieux ou celle du judaïsme naissant, invoquant un Dieu unique et créateur, la souffrance, la peine, les désordres, la mort sont le plus souvent interprétés comme sentences face à la folie, l"orgueil de l"Homme. De l"appropriation progressive de sa propre liberté à travers le christianisme à la conquête de l"autonomie au siècle des lumières jusqu"à la revendica- tion assumée de sa propre indépendance, l"histoire s"écrit en partie grâce aux progrès techniques, et à connaissance en matière biologique, physiologique anatomique, physique.

Certains,

J. Bentham, Descartes, E. Kant et d"autres ont

tenté d"apporter une réponse à ce désir qu"à l"homme de se sentir capable de trouver en lui la raison et la capacité morale. L"homme peu à peu s"expérimente co-créateur. De dominé, il se pense progressivement comme l"égal de Dieu d"autant plus qu"il médite depuis 20 siècles l"affirmation judéo-chrétienne que la création lui est confié. Les grandes découvertes et progrès du xix e siècle en matière de traitements curatifs de certaines maladies, l"amélioration des connaissances avec l"utilisation de nou- veaux outils tel le microscope notamment du monde viral, bactériologique ou parasitaire, les avancées en matière de génétique animale et végétale permettent à l"Homme de dominer la vie biologique elle-même ou tout au moins d"accroître considérablement son contrôle. Si la mort est toujours présente, elle n"est plus si immédiatement domi- 1 LHomme avec un " H » renvoie à l"humain universel. natrice. La création de la vie est elle-même canalisée par les avancées en matière de procréation. La mort semblant

être

repoussée, à défaut d"être vaincue, le sens de la vie se distancie de la référence à un Dieu créateur. Le xx e siècle fait craquer les dernières certitudes sur ce lien de la nature d"un homme mortel, fini et en lien. Les découvertes des thérapeutiques curatives (antibiotiques, chimiothérapies, etc.) dès les années 1940, le refus d"un Dieu absent inca- pable d"empêcher la barbarie des deux guerres mondiales, le trouble apporté par les sciences modernes sur la connais- sance des rapports que l"homme entretient avec la société, ou sur la pleine conscience de soi à partir de la probléma- tique de l"inconscient ont modifié le rapport que l"homme entretient à lui-même. La mort est devenue une difficulté, non acceptée, réfutée ou déniée. E. Morin, dès les années 1960,
parle d"amortalité, notion qui exprime le sentiment de pouvoir vaincre la mort et la finitude de l"homme avec l"aide de la science qui saura trouver les techniques suffi- santes pour contrecarrer les maladies et les gènes de la mort cellulaire. Nous passons donc doucement d"une posture d"un homme qui se sait et doit s"assumer comme être créé, grâce au don de la vie par des êtres eux-mêmes vulnérables dans leurs différences, à celle d"un être qui se pense, se veut et désire

être

son propre créateur, Le souci de soi se perd en par- tie dans une obsession de soi. La vie devient l"enjeu d"un projet de création de soi. [1] De cette posture encore uto- pique, intellectuellement et pratiquement, l"homme pense pouvoir s"améliorer (= enhancement) et court derrière un méliorisme et un longévisme en utilisant les outils qu"ils se donnent jours après jours.

Le xxi

e siècle. De l"homo faber à l"homoTechnicus

Le xxi

e siècle semble est le siècle des bouleversements.

L"homo

faber [2], celui qui a pu apprivoiser la technique afin de mieux vivre, semble devenir un simple instrument de la technique qui elle devient autonome et autocréa- trice.

Ne passe-t-on pas doucement de l"homo faber (cet

Homme qui s"humanise avec les outils qu"il a pu se forger) un homoTechnicus (un homme qui semble perdre même sa nature sous le joug des Techniques qui deviennent si indispensables et incontrôlables), peut-on se demander ? De quels changements parle-t-on pour que certains semblent si effrayés et parlent de nouveaux paradigmes en nommant

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lhumanité de demain comme post-humanité. Ces modifica- tions sont nombreuses. Elles s"accélèrent et peuvent être regroupées sous les notions de convergence et de " NBIC », acronyme de Nanotechnologie -Biotechnologie - sciences de l"Information -sciences Cognitives. L"humanité au sens où on la connaît aujourd"hui est-elle en voie de disparition ?

Faut-il

craindre ces évolutions fantastiques (au sens propre et figuré du terme) actuelles ? Nous tenterons ici de rappeler certains des enjeux majeurs que nous devons affronter et de poser les défis éthiques qu"ils ne manquent pas de soulever.

Nanotechnologie - Biotechnologie - sciences

de l"Information - sciences Cognitives (NBIC) et convergence Grâce à ses nouvelles connaissances et aux nouvelles techno- logies, l"Homme prétend sortir des affres et des souffrances que lui auraient infligé son Créateur. L"Homme aspire à compter uniquement sur lui-même et sur ses technologies pour transformer l"humain trop vulnérable et défaillant.

Depuis

40 ans, les progrès en génétique, en physique, en bio-

logie, en sciences de l"information et du numérique ont fait effectivement passer l"Homme d"une sorte d"âge de pierre un autre univers. L"explosion de l"utilisation des systèmes d"informations numériques (Internet et tous les réseaux sociaux ou d"informations) sont au cœur de ces transfor- mations [3]. Depuis les années 1980, les nanotechnologies envahissent silencieusement et insidieusement notre monde et notre quotidien. Leur utilisation modifie radicalement la fac¸on dont on pourra envisager les outils numériques eux- mêmes, tout autant que les outils de soins, les aliments pour nourrir une planète de plus de sept milliards d"habitants ou les traitements à insérer au sein même des cellules de tout le corps humain ou de tout élément de la nature (organismes génétiquement modifiés). Tous ces progrès sont d"autant plus attendus que se profilent à l"orée de ce siècle des catastrophes majeures, comme l"insuffisance des ressources

énergétiques

ou en eau potable, les désordres climatiques, la vie politique sous le joug d"une financiarisation sans limites. . .. Face à la difficulté de comprendre la comple- xité, d"évaluer et de trouver des solutions à ces nouveaux défis, nombre de personnes et notamment d"universitaires, de chercheurs, des ingénieurs de la Côte-Ouest des États- Unis se sont réunis dès les années 1990 pour faire converger toutes les connaissances des nouvelles technologies afin de trouver des solutions. Cette convergence nommée NBIC est d"ailleurs encouragée par des plans politiques et finan- ciers majeurs dès les années 2000 [4]. Certains de ces scientifiques prétendent alors que l"humanité est révolue et qu"il faut tendre vers une nouvelle humanité, appelée trans-humanisme.

La finalité de la convergence disent-ils

est d"améliorer (en anglais : enhancement) l"homme afin de lui éviter toute souffrance, toute défaillance, voire lui évi- ter sa mort. L"Homme peut enfin se croire invulnérable et donc immortel répondant ainsi à la question archaïque de l"humain dans sa toute puissance infantile : vouloir devenir créateur de sa propre espèce et surtout autosuffisant. Le courant trans-humaniste fait passer l"homme d"une visionquotesdbs_dbs15.pdfusesText_21

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