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Université de Rennes 2 U.F.R Sciences sociales Département Histoire Année universitaire

Master 2 Histoire Moderne 2011-2012

Un cheval pour mon royaume !

La place du cheval

dans la représentation équestre du roi XVI e- XVIIIe siècles

Bleuenn Ricordel

Sous la direction de Jean-Pierre Lethuillier

1

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier en premier lieu mon directeur de mémoire : Jean-Pierre

Lethuillier

suivie. référence pour le XVI e siècle et pour Marie de Médicis plus particulièrement, mon camarade qui progresse en même temps que moi, mon ami.

Je souhaite également remercier ma famille :

pour leurs relectures attentives ; mon père, pour ses conseils ; ma cadette et mon mari pour leur patience et leur confiance en moi. pensé à moi en lisant, en travaillant : Charlotte Favennec, Ariane Boltanski, Elie

Durousseau-

-Bernon et Carnavalet pour leur amabilité. 2

PRESENTATION

I/ " Un cheval pour mon royaume ! »

Un de mes oncles a coutume de dire omme, la plus noble conquête du cheval », résumant dans cette malicieuse inversion

1 la profondeur du respect et de la

A la des travaux étudiant la monture du monarque absolu, trouvant ainsi, directeur de mémoire, une brèche historiographique dans laquelle je me suis engouffrée. La

phrase que je prends à rebours dans mon titre est tirée du Richard III de William

Shakespeare, où le protagoniste éponyme crie : " A horse ! A horse ! My kingdom for a horse ! »

2 lorsque sa monture est tuée sous lui au cours de la bataille finale. Pour sa survie,

Richard III est prêt à troquer son royaume contr ire ils sont en quelque sorte interchangeables. de ce travail est par sa monture afin de ou complémentaires. maltraitées pendant la Révolution. Et si, en peignant le roi cavalier, que ce soit en portrait ste dévoilait la manière " officielle » le royaume de France et son gouvernement ? Par quels moyens le peintre établit-il les aspects comparables ? Comment peut-on déceler dans la façon de représenter le monarque à cheval une évolution dans les rapports du prince avec ses sujets, les institutions, les arts, les techniques, en un mot avec son temps ? Telles sont les interrogations qui sous-tendent cette étude. -ce que le pouvoir ?

1 Histoire naturelle du cheval (1753) de Georges-Louis

Leclerc de BUFFON, publiée dans le tome IV : " ». 2 " Un cheval ! Un cheval ! Mon royaume pour un cheval ! », Acte V, scène 7.

3

II/ La représentation du pouvoir

Le pouvoir est définit dans le Larousse comme étant " » mais aussi " toute autorité constituée ». Ainsi, pendant notre période (1540-1789) qui incarne ce pouvoir. Depuis les premiers souverains francs, la compétence militaire est roi de guerre » dans la plupart des représentations du prince. Ces images ne sont, mais faut-il le préciser, jamais neutres, facile à diffuser. En travaillant sur les tableaux, nous a " En termes actuels, ce qui vendu packaging du monarque,

»3 Peter Burke

remarque, dans son introduction que puisque le duc de Saint-Simon, qui connaissait personnellement le roi, a écrit un jour que " ses regards ».4 La notion de pouvoir est riche et polysémique : elle est une possibilité de force, une puissance. " instituer comme loi la puissance elle-même conçue comme la possibilité et capacité de force. »

5 Plusieurs enjeux se bousculent donc dans la mise en

-ce que la représentation ? "

sens principaux était " » ».6 Représenter signifie également " présenter à

nouveau -à-dire " remettre en idée un objet absent ». La représentation est aussi une forme de remplacement. En effet, Les ambassadeurs, les gouverneurs de provinces et les magistrats représentaient tous Louis aussi le cas, en un sens un peu différent du terme " représentation », des secrétaires royaux, qui étaient autorisés à imiter non seulement la signature du monarque, mais 7

3 BURKE, Peter, Louis XIV, les stratégies de la gloire, Paris, Ed. du

Seuil, 2007, page 12.

4 Ibidem, page 13.

5 MARIN, Louis, Le portrait du roi, Paris, Éd. de Minuit, 1981, page 11.

6 BURKE, Peter, op. cit., page 18.

7 Ibidem, page 18.

4

Des objets représentaient aussi le roi : les pièces de monnaie à son effigie (ce qui explique que les faussaires soient jugés pour lèse-majesté), ses armoiries, son emblème, son lit, la

la salle où se trouvait ladite table) et parfois ses portraits. Le fameux portrait du roi [Louis XIV] par Rigaud, par exemple, occupait sa place dans la salle du Trône à Versailles quand le monarque était ailleurs. Tourner le dos au portrait était un délit, au même titre que tourner le dos au roi r du roi dans les provinces. On pouvait même les 8

Le souverain aussi se représente lui-même, ce qui a été mis en avant pour Louis XIV (mais

ne concerne pas que lui) : " au sens où il jouait délibérément le r ».9 Enfin, il

Les images du prince sont

variées et participent à la constitution de son pouvoir. -il du pouvoir et de ses représentations -la représentation et de ses pouvoirs roprie la représentation comme sienne. Il se donne des représentations, il ? Deuxième relation : la représentation, le dispositif de la représentation produit son pouvoir, il se produit comme pouvoir. Quels sont les pouvoirs de la représentation ? 10 Louis Marin exun absent, de créer un " effet de présence

aussi un effet de sujet, parvenant parfois à se substituer à son référent. La figuration du

" », dit Lamartine.11 Et si cette

Dans ce cas, peut-être changerait-elle au fil du temps et constituerait alors un objet

historique. Or, la représentation équestre du souverain suit des évolutions. Donc, nous

étapes progressives.

8 Ibidem, page 19.

9 Ibidem, page 19.

10 MARIN, Louis, op. cit., page 9.

11 CHAUDUN, Nicolas, La majesté des centaures, le portrait équestre dans la peinture occidentale, Actes Sud,

Arles, 2006, page 17.

5

III/ Plan de progression

Le pouvoir et ses images évoluent au fil des siècles. La monarchie tend progressivement vers une affirma pour la fixation des pigments

format. Le mécénat royal se développe également, prenant en charge de plus en plus

En un mot, il y a du XVIe au XVIIIe siècle trois temps forts qui scandent la période et qui constitueront les trois parties de mon travail. Un premier des années 1540 aux années 1660, où le portrait équestre domine

souverain à cheval, la peinture de bataille fait ses premières armes, et très peu de chasses

moments de troubles ou de régence. Un second, qui dure tout le règne personnel de

Louis XIV (1661-1715), où le portrait équestre reste important mais est submergé par une vague de batailles, de " conquêtes » comme disent les contemporains. La chasse y reste tr quelques portraits sont exécutés, la part des batailles chute brutalement et celle des chasses en tant que cavalière. du savoir constitué autour de no 6

Historiographie

I/ Les fondements

Quoi de plus et

techniques ? Pourtant, malgré une omniprésence constante sur une période allant de la domestication de la bête à sa relégation au domaine des loisirs, le monde du cheval est un étaient empreints de considérations pratiques, empiriques puisque de la main de juristes ou " hommes de cheval » : éleveurs comme

académiciens tels Antoine de Pluvinel, écuyers (souvent militaires) à la tête desquels on

trouve François-Robichon de La Guérinière, maréchaux parmi lesquels figure Jacques de

Solleyssel, vétérinaires, etc.

équestres et à leurs évolutions (Paul Vigneron) : Pellier), le harnachement et la ferrure (Pierre Megnin, Germain Carnat

Lefebvre des Noëttes

12). : René Musset, Daniel Roche13.

12 PELLIER, Jules, Paris, J.-M. Place, 1987 (1897). MEGNIN, Pierre, Histoire

du harnachement et de la ferrure du cheval, Vincennes, Bureaux de l"Éleveur, 1904. NOËTTES LEFEBVRE

DES, Richard,

Paris, A. Picard, 1931. CARNAT, Germain, , Lausanne,

Spès, 1951. VIGNERON, Paul, ,

contribution à techniques, Nancy, Faculté des lettres et des sciences humaines de l"Université,

1968.

13 MUSSET, René, nce, Paris, Librairie agricole de la Maison rustique, 1917.

ROCHE, Daniel, Le cheval et ses élevages, perspectives de recherches, , XLII, 3-4, 1957. 7

II/ Le cheval comme sujet de recherche

A leurs travaux de recherche, soit de manière implicite (Dominique Margairaz

14), soit de

manière plus explicite. Ainsi, Robert Delort

15 répond à la question de savoir si une histoire

du cheval est possible par : Les animaux ont une histoire. Effectivement, la connaissance

certaines espèces. Depuis le paléolithique et les peintures pariétales (la plus ancienne grotte

ornée connue en Europe est celle de Chauvet, peinte il y a 32 000 ans) morale, une prescription ou une interprétation religieuse 16

également une histoire.

Avec lui : Bretagne (Marie-Madeleine

Muracciole), Alsace (Georges Livet), Morvan (Bernadette Lizet

17) etc. Bernadette Lizet

e siècle sur la population équine locale. Elle observe ainsi un modelage de la race pour répondre à la demande en chevaux de trait et une domination de cette nouvelle race " lourde » sur est e siècle et une région spécifique.

Chaque champ de la recherche s l-cheval :

Lagoutte18), les sciences politiques (Yves Grange19), les historiens-

14 MARGAIRAZ, Dominique, Foires et marchés dans la France préindustrielle, Paris, Éd. de l"Ecole des

hautes études en sciences sociales, 1988.

15 DELORT, Robert, Les animaux ont une histoire, collection points histoire, Paris, Seuil, 1984.

16 Ibidem, page 82.

17 MURACCIOLE, Marie-Madeleine, " e siècle »,

, n°50, 1982. LIVET Georges, transport en Alsace

Anne-Marie Piuz, Genève, 1989. LIZET, Bernadette, La bête noire : à la recherche du cheval parfait, Paris,

18 LAGOUTTE, Jean,

XVII

e siècle; leurs relations avec les classes sociales et les groupes, thèse de troisième cycle, sociologie,

Tours, 1974.

19 GRANGE, Yves, Le cheval oublié. Essai ,

thèse de troisième cycle, IEP, Grenoble, 1981. 8

économistes (Michel Bruguière

20) non plus. Les chercheurs approfondissent la ou plutôt les

Gérard Guillotel, Jacques Mulliez21) et progressivement, des différents usages faits des équidés (Bernadette Lizet, Jean-Pierre Digard, Nicole de

Blomac

22) ou de leur ancrage géographique (Guislaine Bouchet, Olivier Faure, Olivier

Zeller

23).
jours. Olivier Faure remarque que la présence multiséculaire du bétail dans les villes est prétendent, pour la moralité au XIX e siècle. On met alors en place une politique urbain qui consiste à maintenir cette présence tout en la rendant co dans ce type .

20 BRUGUIERE, Michel, Le budget du cheval au XIXe siècle

économistes, n°16, 1984.

21 GUILLOTEL, Gérard, Les Haras nationaux, Paris, Lavauzelle, 1985. MULLIEZ, Jacques, Les chevaux du

e-XVIIIe siècle, Paris, Montalba, 1983.

22 LIZET, Bernadette, La relation homme-cheval, dans L"homme et l"animal, 1er colloque d"ethnozoologie,

Paris, Institut international d"ethnosciences, pp. 341-350, 1975. DIGARD, Jean-Pierre, Cheval mon amour.

Sports équestres et sensibilités animalitaires en France, Terrain, ISSN 0760-5668, no25, pp. 49-60, 1995.

BLOMAC, Nicole de, La Gloire et le jeu, des hommes et des chevaux 1766-1866, Paris, Fayard, 1991.

23 BOUCHET, Guislaine, Le cheval à Paris de 1850 à 1914, Genève, Droz, 1993. FAURE, Olivier, Le bétail

dans la ville au XIX e siècle, exclusion ou enfermement, Cahiers d"histoire en ligne, 42-3/4, 1997, Consulté le

31 mars 2011. URL : http://ch.revues.org/index309.html. ZELLER, Olivier,

Régime : quelques réflexions, Cahiers d"histoire en ligne, 42-3/4, 1997, Consulté le 31 mars 2011. URL :

http://ch.revues.org/index308.html. 9

III/ Un sujet de plus en plus étudié

Depuis le milieu des années 1990, il ne fait plus aucun doute que le monde du cheval constitue un véritable travaux sur le sujet. Effectivement, on publie désormais des histoires du cheval (Grasset

Claude de Sosthène, Jean-Pierre Digard24).

A/ La culture matérielle autour du cheval

On étudie beaucoup les techniques, les savoir-faire, les objets du monde du cheval.

1998 à 2005 surtout (Roland Jussiau, Louis Montméas et Jean-Claude Parot, Jean-Marc.

Moriceau, Daniel Roche et Daniel Reytier, Pascal Liévaux

25) et celui des techniques

-et-unième siècle (Daniel Roche et Daniel Reytier, L. Kishida, Guy de la Boisselière, Patrick Marchand 26).
(Guillotel Gérard, Daniel Roche, Nicole de Blomac

27). On montre aussi une grande

curiosité pour le rôle du cheval dans les armées (Denis Bogros, Michael Pétard, Daniel Roche et Daniel Reytier, Gilles Aubagnac et Philippe Richardot

28). A ce sujet, on ne peut

Le cheval et la guerre, qui se veut un aperçu des

24 ORCET, SOSTHENE, Claude de, Histoire du cheval à travers les âges, Paris, E-dite, 2005.

DIGARD, Jean-Pierre, Une histoire du cheval, Art, techniques, société, Arles, Actes sud, 2007.

25 JUSSIAU, Roland, MONTMEAS, Louis, PAROT, Jean-Claude, ,

Dijon, Educagri, 1999. MORICEAU, Jean-Marc, e-XVIIIe siècles, Paris,

Sedes, 1999. ROCHE, Daniel, REYTIER, Daniel, Les écuries royales du XVIe au XVIIIe siècle, Paris,

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